3.3.18

L'EUROPE DES IRIS

Dans le portrait qu'il fait de lui pour le dernier Bulletin « Iris & Bulbeuses », Zdenek Seidl le sympathique et actif hybrideur tchèque, évoque la question d'une société européenne des iris : « En 1995 (…) nous avons envisagé la possibilité de créer une Association Européenne des Iris. Mais cette idée resta sans suite. Nous avons repris ce sujet plus tard avec Roland Dejoux, mais en Europe il semblerait qu'il y ait bien trop de leaders et pas assez de coopération. Nous n'eûmes aucune réponse positive des diverses Sociétés d'iris, si tant est qu'il y ait eu des réponses... » On sent une évidente désillusion dans ces propos, mais il est vrai qu'un projet de cette sorte se heurte à bien des difficultés.

Difficulté fondamentale : Une Société Européenne, pour quoi faire ? Si c'est pour créer un petit groupe de notables qui se réunirait de temps en temps pour échanger d'agréables propos, ce n'est pas la peine d'en parler. Mais que faire d'autre ? Quel besoin cela pourrait-il satisfaire ? La Société Américaine, qui pourrait servir d'exemple, d'une part fédère un grand nombre de sociétés régionales ou locales, qui sont très actives et organisent de nombreuses compétitions très en vogue là-bas, mais aussi, et surtout, organise et gère la course aux honneurs pour laquelle les Américains manifestent un intérêt évident tant dans le domaine horticole que dans le domaine matériel (une récompense, c'est important commercialement). Elle gère également tout ce qui concerne l'enregistrement des nouvelles variétés apparaissant dans le monde entier. Rien que pour cela l'AIS est indispensable. La Société Européenne n'aurait pas ces rôles. Alors, resterait à définir quels seraient les domaines d'actions européennes et les services attendus d'une structure fédérale. Je n'en vois pas pour l'instant...

En admettant que cette Société se soit trouvé un but, d'autres difficultés apparaissent.

La question des distances en est une. Imaginer par exemple une Convention européenne, annuelle, organisée ici ou là par l'une des associations membres, fait apparaître la question des déplacements et le coût qu'elle génère pour les participants. Pour un adhérent français, il faudrait bien de l'enthousiasme et de la conviction pour aller voir des iris à Lublin, en Pologne, ou à York en Grande Bretagne, à moins que cela ne soit à Llublijana, en Slovénie ou à Vilnius en Lithuanie... On constate à l'heure actuelle, là où se déroulent en Europe des compétitions d'iris, que les visiteurs autres que ceux du pays organisateur, se limitent à quelques fanatiques se rendant de concours en concours, et à un ou deux groupes venus en autocar. Fort peu de monde en vérité.

Un autre obstacle va se dresser aussitôt sur la route du projet : celui de la langue ! Car aux Etats-Unis tout le monde parle la même langue et les participants à la Convention (pour ne citer que ce point) se comprennent et discutent sans problèmes. En Europe, on n'en est pas là ! C'est même une des raisons pour lesquelles l'Union Européenne a du mal à progresser. On voit bien le côté laborieux et emprunté des conversations entre membres du jury d'un concours comme celui de Florence ou de Vincennes, où l'on n'est qu'une demi-douzaine, et où toutes les discussions s'effectuent en anglais, ce qui attribue un avantage déterminant aux anglophones et handicape les autres participants. Lors d'une Convention européenne, je crois qu'on verrait se constituer de petits groupes de locuteurs parlant une même langue, sans qu'il y ait de réels échanges entre les différentes nationalités présentes, ce qui serait le contraire de ce qu'on aurait pu espérer d'un tel rassemblement. Et au sein même des animateurs de la Société, quelle langue choisir pour s'exprimer ? L'anglais ? La perspective n'est pas enthousiasmante !

On pourrait trouver un terrain d'action internationale sous la forme d'une compétition florale où se mesureraient des variétés en provenance de tous les pays membres, un Grand Prix d'Europe, en quelque sorte. Mais apparaîtrait alors la question des ressources ! Où trouver l'argent pour une telle compétition ? L'organisation actuelle des concours de Vincennes ou de Florence, les seuls à faire appel à des juges agréés, est, matériellement, sur le fil du rasoir... La majorité des associations nationales actuelles ne dispose que de budgets limités en raison du faible nombre d'adhérents. Elles joignent difficilement les deux bouts et toutes ne disposent même pas des moyens nécessaires pour éditer un bulletin annuel ! Leurs actions sont limitées aux bonnes volontés d'animateurs bénévoles qui s'activent avec enthousiasme mais qui ne peuvent presque rien dépenser. Alors, de quoi vivrait la Société Européenne ?

Voici quelques points de réflexion qui me laissent à penser qu'une Société Européenne n'a guère de chance de voir le jour...

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