8.12.17

DU CASSIS DANS L'ALIGOTÉ

Le chanoine Kir, qui fut maire de Dijon, député, bien qu'homme d'église était aussi un joyeux personnage et un bon vivant. Il a laissé son nom à un apéritif composé d'une larme de cassis (de Dijon, évidemment) dans un verre d'aligoté (de Bourgogne, bien sûr). L'aligoté a une couleur jaune clair, légèrement teinté de vert. Le cassis, point n'est besoin de préciser son coloris. Aujourd'hui notre propos concernera les fleurs d'iris à base de jaune un peu vert, dans lequel viennent se mêler des traces de mauve ou de violet. Cela n'a rien d'exceptionnel : la teinte verte, telle que l’œil la perçoit provient d'une superposition de pigments caroténoïdes (jaunes), dominants, et de pigments anthocyaniques (mauves), en faible quantité. Lorsque les pigments anthocyaniques deviennent plus concentrés, ils donnent une teinte violâtre, fumée, qui s'installe essentiellement dans le cœur de la fleur ou sur le verso des pétales. Lorsque les pigments caroténoïdes s'effacent, notamment sous les barbes, le blanc prend leur place et les pigments violacés s'y mêlent formant une pointe mauve à cet emplacement. On comprend qu'il existe deux modèles de fleurs qui correspondent à la description ci-dessus. Dans l'un le mauve se limite à une petite goutte sous les barbes, dans l'autre le violet fumé s'est installé d'une part à la base des pétales et des sépales, d'autre part sur le revers des pétales, dans les deux emplacements, le violet s'atténue en allant vers les bords. Ce sont deux modèles qui sont apparus il y a longtemps. Le premier n'est-il pas à peu près celui qui correspond à la variété « Mme Boullet » (Denis, 1907) ? « S. deep colonial buff, minutely dotted and veined brown; F. greyish yellow, minutely dotted and veined mauve, beard yellow, tipped brown. » Autrement dit : « Pétales d'un profond beige gazelle, très légèrement piqueté et veiné de brun ; sépales d'un jaune grisé, très légèrement piqueté et veiné de mauve, barbe jaune, pointée brun ». Joe Ghio était entré dans ce jeu avec son 'Pistachio' (1973), plus moutarde que pistache, avec des marques brun-violet aux épaules. De nos jours, c'est plus exactement ce que l'on trouve chez « Kir, Ruaud, 2003) que j'ai décrit ainsi : « Standards golden chartreuse yellow; style arms mustard and mauve; falls golden chartreuse yellow, mauve flush below orange beard » soit « pétales jaune chartreuse doré ; bras des styles moutarde et mauve ; sépales chatreuse doré, infusion de mauve sous la barbe orange ». Le jaune verdâtre est celui de 'Sky Hooks' (Osborne, 1979) « père » de 'Kir'. Dans la même teinte on trouve également 'County Cork' (Schreiner, 2006), plus franchement jaune, mais avec les épaules marquées de brun violacé et avec des barbes moutarde. 'Free Will' (Lauer, 2014) est de la même veine. Les pétales sont plus dorés, mais la pointe de mauve sur les sépales est nettement apparente. Quant à 'Auckland' (T. Johnson, 2013) il tient à la fois des deux modèles et se situe ainsi à la croisée des chemins car bien souvent les côtes des pétales se teintent de violacé, mais pas dans tous les cas. Quoiqu'il en soit ce modèle reste plutôt rare ; il est beaucoup plus fréquent sous sa forme plus foncée : couleur de base brun, trace mauve sous les barbes.

En revanche on rencontre beaucoup plus régulièrement le second modèle, qui fait partie des « reverse bicolor » tels que les définit le grand maître Keppel, dont on peut dire qu'il en est le champion. Il en a enregistré toute une brochette, à commencer par 'Trade Secret' (2002), qui fut suivi de 'Mysterious Ways' (2003) puis de 'Secret Rites' (2004). La description que Keppel donne de ce dernier est très précise et explicite : « Strange reverse bitone, with greenish gold falls topped by light grey green standards strongly overlaid aster violet on base and center. » En français : « Etrange bitone inversé, avec des sépales jaune doré teinté de vert surmontés de pétales jaune grisé clair largement couverts de violet aster à la base et au centre ». C'est l'exemple parfait du modèle. Keppel a poursuivi avec 'Nouveau Riche' (2007) et 'Monsoon Moon' (2007), puis 'Overview' (2011), 'Desert Moth' (2011), jusqu'à 'Idle Rich' (2015). Dans ce panel volumineux 'Mysterious Ways' tient une place majeure puisqu'on le rencontre au pedigree de presque tout le monde, en compagnie bien souvent de 'Opposing Forces' (Keppel 2002), autre forme de bicolore inversé, ou de son descendant 'Trade Secret' dont le pedigree, délicat à interpréter, fait aussi appel à 'Suspicion' (Keppel, 1998), qui recèle déjà les germes du modèle mais arbore des couleurs plus pâles, plus ternes, que Keppel à su habilement renforcer.

Keppel n'est pas le seul à avoir recherché cet assemblage de jaune éteint et de violet. Déjà, en 1987, Monty Byers avait ouvert la voie avec un descendant de 'Sky Hooks', 'Curtain Up', une variété que son obtenteur appréciait particulièrement. Vingt ans plus tard Barry Blyth a repris le modèle avec 'Colourable' (2008) qui manque un peu de profondeur. La même année Terry Aitken a proposé le très joli 'Copper Fusion', pas assez ondulé à mon goût. Il a été suivi par Gerald Richardson et son 'Golden Legacy' (2013), issu de la lignée Keppel, puis par les australiens J.C. Taylor (le beau-frère de G. Grosvenor) et Barry Blyth. Le premier avec 'Mountains and Plains' (2016), le second avec Lost World' (2016). Enfin, avant de clore cette chronique, parlons de 'Impulsion', une obtention réussie en tous points de notre breton Jean-Claude Jacob en 2016, exactement dans la note. Ces dernières variétés démontrent qu'il n'y a pas qu'en Amérique que l'on sait faire des variétés modernes et originales.

Iconographie : 


'Kir' 


'Auckland' 


'Mysterious Ways' 


'Golden Legacy' 


'Mountains and Plains' 


'Impulsion'

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je n'aime pas ces mélanges de couleurs...

Paola d'Italie

Seb a dit…

'Kir' est chez moi une variété qui pousse beaucoup et qui me gratifie chaque année d'une très belle floraison. C'est largement moins le cas pour 'Mysterious Way'.

Amitiés

Seb