28.7.17

TROIS PETITS TOURS ET PUIS S'EN VONT

Faut-il s'étonner que le petit monde des iris soit soumis, comme le reste, aux phénomènes de mode ? Cela semble évident, tant il est vrai que certaines choses plaisent à un moment puis provoquent un mouvement de lassitude qui aboutit, si ce n'est à leur rejet, du moins à leur éloignement de l'actualité. On peut faire ce constat sur deux points exemplaires : les iris à éperons (autrement dit « spage-age » ou rostrata) et les iris aux couleurs brouillées (qu'on appelle aussi « broken color »).

Le temps des éperons 

On peut dire que c’est à Lloyd Austin, obtenteur installé dès 1925 en Californie, que l’on doit le démarrage de l’intérêt pour les iris à éperons. C’est d'ailleurs lui qui a inventé l’expression « Space Age » pour désigner ces nouveaux iris, leur attribuant du même coup une identité synonyme de modernité. Mais Manley Osborne, Henry Rowlan et quelques autres ont été parmi ceux qui ont repris le flambeau. Ensuite vint Monty Byers, qui a hissé le modèle au sommet de la hiérarchie mondiale, puis de nombreux autres comme George et Michaël Sutton, Tom Burseen, Jim Hedgecock, Larry Lauer, Paul Black, et Richard Tasco, aux USA de même que Graeme Grosvenor en Australie et Gérard Madoré, Bernard Laporte ou Richard Cayeux en France et aussi Ladislaw Muska en Slovaquie qui en a fait son principal thème de recherche. Tous ces hybrideurs, parmi les meilleurs, se sont engouffrés dans une voie qui leur a semblé prometteuse et susceptible de mettre en avant leurs aptitudes.

Au début les éperons n'étaient que de petites excroissances prolongeant timidement les barbes de certaines variétés, qui n'apparaissaient pas toujours sur toutes les fleurs, mais qui attisaient la curiosité des professionnels comme des amateurs. Peu à peu ces excroissances ont pris de la régularité et de l'importance : elles se sont allongées, grossies, diversifiées, se transformant pour certains en pétaloïdes extravagants. L'espoir était qu'elles transforment les fleurs d'iris comme se sont transformées certaines autres (roses, pivoines, œillets...) jusqu'à la situation de « flore pleno » comme on dit en latin botanique. Comme c'est généralement le cas, on est arrivé à des situations extrêmes, où l'originalité avait pris le pas sur l'élégance. Et l'on s'est aperçu aussi que ces énormes appendices provoquaient des tensions dans le tissu floral qui déformaient les sépales. Les clients se sont détournés de ces fleurs monstrueuses et les obtenteurs les ont délaissées. Aujourd'hui les outrances sont terminées, mais la recherche d'améliorations aussi et rares sont ceux qui mettent sur le marché des variétés nouvelles de ce qui fut un must pendant un temps. L'espoir de parvenir à des fleurs doubles s'est évanoui et si on voit apparaître souvent encore des « Space Age », c'est surtout en vue d'obtenir des fleurs à pompons, curieuses, mais encore pas au point. 

Voilà la bousculade 

Avec les iris aux couleurs brouillées, qui sont connus sous la dénomination américaine de « Broken Color » à moins que ce ne soit « Novelty », assiste-t-on à la même évolution ?

Ce n'est qu'aux confins des années 1970 qu'on a commencé à s'intéresser sérieusement à ces iris dont on ne sait toujours pas bien comment les appeler. Le premier de l'espèce réellement intéressant qui ait été enregistré se nomme ‘Doodle Strudel’ (Ensminger 1977), un iris bleu ciel, taché de bleu marine, descendant perturbé de ‘Stepping Out’. Son obtenteur avait longuement hésité avant de baptiser une variété de cet acabit : pendant des années il en a mis à son catalogue, sans les considérer comme des plantes sérieuses, les vendant comme des fantaisies tout juste bonnes à constituer des bouquets surprenants. Mais le succès commercial est venu et il s'est lancé pour de bon ! Vint ensuite le règne de Brad Kasperek. Ce dernier n’est pas parti du néant. Il a tout simplement utilisé les variétés d’Ensminger, notamment ‘Maria Tormena’ et ‘Painted Plic’, pour commencer sa nouvelle lignée. Dès le début, ses iris ont été remarqués, non seulement pour leurs noms qui allient assonances, calembours et évocations animalières, mais surtout pour leurs qualités et l’originalité de leurs coloris. Ces iris ne peuvent pas passer inaperçus. Ils ont incité quelques autres obtenteurs à se lancer dans l'aventure. Les plus chevronnés s'y sont mis et, à côté des BC façon Kasperek, un peu canaille, on trouve ceux façon Paul Black ou Keith Keppel, beaucoup plus raffinés. Cependant tous ceux qui se sont lancés dans l'aventure ont vite remarqué que, si l'on fait abstraction du mauvais goût qui guette dans cette production, la tâche n'est pas facile. Il y a beaucoup de déchet : plantes malingres, rabougries, fragiles… C’est d’ailleurs pourquoi il y a de très nombreux iris de petite taille (BB) dans la catégorie. Et certains hybrideurs font état de leurs scrupules quant à l'intérêt de banaliser des anomalies génétiques. Bref l'engouement est passé. Ce qui ne veut pas dire que l'on ne produit plus ce genre de fleurs, mais seulement qu'on se limite le plus souvent à des associations modérées des couleurs, ou à de nouveaux mélanges. Après le retrait de la famille Kasperek, deux ou trois jeunes hybrideurs se font connaître, tandis que quelques anciens continuent sur leur lancée, comme Donald Spoon ou Michael Sutton. Néanmoins on sent que l'enthousiasme n'y est plus...

 D'autres anomalies 

D'autres anomalies ont été exploitées au titre de la recherche de nouveautés, mais il n'y en a pas qui aient atteint un certain succès. Ce sont, entre autres, les « flatties », ces iris sans pétales. Ils sont peu nombreux et n'ont jamais eu de succès commercial. On peut aussi évoquer les iris dont la feuillage est coloré, soit de violet, à la base, soit de jaune ou de crème. D'accord, mais cultive-t-on les iris pour leurs feuilles ?

 En fait il semble que quel que soit l'accident génétique, l'exploitation qui en est faite n'a pas abouti à un succès populaire prolongé. Peut-être un jour en découvrira-t-on un qui, sans se presser, prendra rang parmi les formes normales. En attendant, ceux que l'on connaît n'ont guère fait plus que trois petits tours avant de s'éloigner.

Iconographie : 


 'Flounced Frivolity' (Austin, 1963) 


'Offa Chart' (Burseen, 2015) 


'Oghab' (Muska, 2006) 


'Isnt' This Something' (Ensminger,1992) 


semis Sutton 2017 


'Die Laughing' (P. Black, 2014)

1 commentaire:

Loïc a dit…

Et bien moi je bosse comme un fou pour créer des petits iris avec des éperons, il y en a très peu sur le marché, je trouve cela insuffisant!

Le seul MDB est 'Punk', en SDB il y a 'Provocation', 'Outrage' et 'Satyre', tous les 4 créés par Lawrence Ransom, et un SDB a grosses fleurs, 'Pop Up', de Miller. Les IB sont 'Concertina', 'Abbey Chant', 'Viper', 'Hula Hands' et 'October Storm' de Sutton, et finalement 'Winged Angel' de Rick Tasco.

j'en oublie peut-être, mais pour l'instant c'est trop peu.