23.6.17

OREAL

Les iris plicatas existent depuis l'origine de l'hybridation. Celui que l'on considère comme le premier iris hybride, l'iris « buriensis », était un plicata ; au début du XXe siècle 'Ma Mie' (Cayeux, 1903) était un plicata ; la première Médaille de Dykes a été attribuée à un plicata : 'San Francisco'. Autant dire que le modèle plicata est consubstantiel de l'iris. C'est sans doute pourquoi ce modèle a pris autant de formes. Et, bien entendu, il a évolué comme le reste du monde des iris. Quelle différence, par comparaison, entre 'Damozel' (Morrison, 1922), plicata exemplaire de ce qui se faisait à la belle époque de l'iris, les années 1920/1930, et 'Oreo' (Keppel, 2003), chef d’œuvre d'élégance et de contraste !

Tous les hybrideurs ont cherché à obtenir des plicatas, non seulement parce qu'un catalogue digne de ce nom se doit de comporter des variétés de ce modèle, mais aussi parce qu'apporter quelque chose de neuf dans un domaine aussi controuvé est une preuve de l'habileté de l'obtenteur ! Rappelons ce qui pourrait être la définition du modèle plicata, avec les mots mêmes de Keith Keppel : « Une fleur dont le fond est blanc ou de couleur claire, piqueté, pointillé ou lavé d’une couleur plus sombre et contrastante. (…) La couleur du fond peut être blanche, jaune, rose ou orange – avec toutes les teintes intermédiaires et tous les niveaux de saturation. Les dessins sont en bleu, violet, pourpre, orchidée (des couleurs froides), mais peuvent paraître rouges, bruns, ou même verdâtre quand ils recouvrent un fond coloré. Ces dessins partent des épaules et, de là, peuvent (mais pas obligatoirement) gagner les bords de tous les tépales, à moins que des bords ils ne gagnent l’intérieur des tépales. Ils peuvent être très denses ou si discrets qu’ils vous faillent aller à la chasse pour les trouver ». Les plicatas mettent en jeu les deux catégories de pigments qu’on trouve dans les iris, les pigments caroténoïdes, qui, en l’occurrence, tapissent le fond des pièces florales, et les pigments anthocyaniques qui constituent les dessins. La couleur de fond peut être appliquée uniformément, mais cela n’est pas toujours le cas, par exemple la plupart des plicatas roses auront des épaules teintées de saumon en raison de la présence de plusieurs pigments. Le fond est ensuite plus ou moins recouvert par le motif plicata. Celui-ci est constitué par des pigments anthocyaniques violacés (lavande, bleu, violet, pourpre ou rose orchidée) qui ne se mélangent pas avec les pigments du fond. C’est un gène spécifique qui, inhibant plus ou moins le développement des pigments anthocyaniques, fait que l’on trouve une infinité de nuances dans les plicatas. Il arrive que le gène inhibiteur se montre d’une activité très restreinte, dans ce cas le dessin plicata sera très peu apparent, et le fond sera presque totalement recouvert par les pigments. Mais plus le gène inhibiteur manifestera son activité, plus la couleur de fond deviendra apparente et plus le dessin plicata deviendra net.

Il existe aussi une autre façon de rendre apparent le modèle plicata, c'est de jouer sur la saturation des pigments anthocyaniques. Parmi toutes les pistes qu'il a explorées, Keith Keppel s'est arrêté à cette solution pour son 'Oreo', cité plus haut. Le début de son travail ne date pas d'aujourd'hui et, à mon avis, remonte à une vedette de la production de Keppel, 'Charmed Circle' (1968). Il s'agit d'un plicata classique dont le coloris bleu vif est remarquable. Sans rentrer dans le détail on peut dire que le processus est passé par 'Emphasis' (Keppel, 1976), où les couleurs sont déjà nettement contrastées, puis par une autre variété, moins connue et sans doute rare aujourd'hui, 'Charmed Life' (Keppel, 1983). Mais pour accroître le contraste, il faut que la couleur bleue (ou violette) soit assombrie, et pour cela Keppel a fait appel à un iris « noir » très connu : 'Blackout' (Luihn, 1985). Cela a donné naissance à 'Storm Track' (Keppel, 2000) : on n'est plus loin du but !

Le pedigree de 'Oreo' est le suivant : Seedling #90-82A: (seedling #87-91A: ((('Villain' x 'Swazi Princess' x 'Blackout') x ('Titan's Glory' x 'Blackout')) x seedling #88-40A, 'Storm Track' pollen parent) X seedling #88-40A. On peut voir que les variétés sombres ont été largement mises à contribution puisque le semis 88-40A est également issu de 'Blackout'. Cependant le côté plicata n'est pas perdu de vue.

Comme l'explique l'encyclopédie Internet Wikipedia, « Oreo est la marque déposée d'un biscuit en sandwich américain (...). La forme courante se compose d'une garniture blanche dite « crème » (sans lait), coincée entre deux biscuits ronds au chocolat ». Le nom donné à l'iris est fort bien choisi. Le cultivar qui le porte est très spectaculaire et devrait avoir un vrai succès auprès des amateurs et des jardiniers. A l'heure actuelle cette variété n'a pas encore de longue descendance. Keith Keppel a tout de même poursuivi dans la direction et cela a donné 'Black Lipstick' (2015). Mais dans ce cas, point trace de plicata ! C'est le coté unicolore noir qui a pris le dessus... Néanmoins il est possible que quelques hybrideurs tentent de renouveler l'expérience et d'obtenir quelque chose d'approchant. Si c'est le cas on pourra peut-être alors parler d'un nouveau modèle d'iris à qui il sera possible d'attribuer le nom de « oréal » !

 Iconographie : 


 'Damozel' 


'Charmed Circle' 


'Storm Track' 

'Oreo' 


'Black Lipstick'

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