26.5.17

UNE PERTE CRUELLE

Je viens d'apprendre la mort de Sergeï Loktev, le 25 mai2017, à Moscou.
Il luttait contre un cancer depuis plusieurs années.
Je reviendrai la semaine prochaine sur cette disparition qui me touche profondément.
R.I.P.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

En revenant de Vincennes 

Brève visite au concours FRANCIRIS 2017. Un jardin toujours impeccablement soigné, un environnement agréable. Mais, par rapport à ce que j'avais vu en 2015, les iris m'ont paru plus chétif, moins riches en fleurs, beaucoup de plantes peu ou mal poussées et, selon moi, pas vraiment de variété qui se situe au-dessus du panier.



Le vainqueur de la compétition s'appelle 'Chachar' (Seidl, 2013).

La semaine prochaine, pour parodier Jules César, "Commentarii de concursu gallico" ! (1)

(1) en français : "Commentaires sur le concours français".

LES TROPHÉES

Emprunter le titre de ce feuilleton à José-Maria de Hérédia me paraît tout à fait adapté pour mettre en valeur les variétés d'iris considérées comme les meilleures de ces vingt dernières années. Ce sont des iris qui méritent bien les trophées qu'ils ont remportés. Nous en verrons quatre par semaine. 

XIX – 2015 

Médaille de Dykes = 'Gypsy Lord' (Keppel, 2005) 


Wister Medal (TB) = 'Temporal Anomaly' (Tasco, 2007) 


British Dykes Medal = 'Iceni Sunset' (Emmerson, 2008) 


FRANCIRIS = 'Barbe Noire' (R. Cayeux, 2013)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Elle ira loin 

 Sur Facebook on découvre les images des obtentions signées « Lisa Hemera ». Les descriptions qui vont avec laissent à penser que ces nouveautés sont tout à fait remarquables. Pour confirmer ces espoirs il faudrait que ces iris soient mis en culture dans d'autres jardins que celui où ils sont nés. Mais je pense sincèrement que cette obtentrice française ira loin.

MON JARDIN EST MA RAISON

Cela va faire deux ans que j'ai fait don de ma collection d'iris. La plus grande partie a été cédée à la commune de Champigny sur Veude, village tourangeau au riche patrimoine historique, qui en a fait son ornement principal et le sujet d'un projet de développement touristique. Le reste (essentiellement des doublons de la collection principale) a été pris par la commune où j'habite, Beaumont en Véron, autre village tourangeau, plus important que le précédent et donc doté de moyens financiers et humains plus étendus, qui le soigne et l'utilise dans un but pédagogique puisqu'une partie de l'entretien est effectuée par les enfants de l'école primaire. Dans les deux cas c'est une destinée intéressante et utile, dont je me réjouis. J'espère que cette collection, qui ne concerne qu'environ trois cents variétés, sera ainsi pérennisée. Mais des difficultés sont apparues. Surtout à Champigny qui en a confié l'entretien et l'extension à une association de bénévoles. Dès la première année le désherbage à donné bien du souci car si la plantation et les soins en période de floraison attirent des bonnes volontés, il n'en est pas de même pour l'ingrate tâche de l'entretien de fond... Cette année l'engagement des bénévoles a été plus soutenu et le désherbage de printemps a été presque parfait. Qu'en sera-t-il dans le futur ?

 En dehors de cela, je constate que mes iris me manquent ! J'en ai fait l'abandon pour une bonne raison : le travail devenait au-dessus de mes forces ! Je n'avais plus le courage de passer des journées entières accroupi à retirer les plantes adventices et ma colonne vertébrale ne supportait plus cet exercice. De plus mon jardin est relativement petit et l'espace pour déplacer régulièrement les touffes parvenues à la limite de vieillissement manquait véritablement. Mais quand même...

Voici le printemps revenu et mes visites à l'ancienne iriseraie sont sources de réflexions nostalgiques. Je connaissais l'emplacement de chaque variété ; je veillais sur chacune comme on surveille l'évolution et l'éducation d'un enfant. Les plantations nouvelles suscitaient chaque année une vive excitation, la surveillance des éventuelles maladies provoquait des angoisses certaines, la multiplication des variétés en place était examinée minutieusement et même les travaux ingrats étaient source d'une certaine forme de satisfaction. J'en viens à rêver de l'iriseraie d'un collectionneur fortuné, où je n'aurais qu'à surveiller l'exécution des travaux et à jouir de la splendeur printanière de la floraison...

Les iris sont terriblement addictifs. Tous ceux qui se passionnent pour eux n'ont qu'un mot pour exprimer l'attraction qu'ils ont subie : « J'ai été accroché (en anglais : I was hooked) ». Ils pourraient dire aussi « J'ai été ensorcelé », c'est pourquoi le nom de 'Mesmerizer' est spécialement adéquat. En ce qui me concerne l'ensorcèlement est venu d'un catalogue en couleur, avec plein de photos splendides, mais aussi, plus humblement, de quelques touffes d'iris sauvages, fleurissant dès le mois de février, sur le coteau exposé au midi qui contribue au pittoresque de ma petite ville de Chinon. Un peu comme le Petit Chaperon Rouge du conte, j'allais régulièrement rendre visite et porter quelque gâterie à ma grand-mère qui demeurait dans une habitation troglodytique sur ce coteau. Je passais de préférence par un petit sentier qui grimpait en pente raide en tortillant autour des jardins où les touffes d'iris s'étalaient à foison dès les premiers ensoleillements de la fin de l'hiver. A cette époque, nous allions chaque printemps, aux alentours de la Pentecôte, rendre visite à mon autre grand-mère, en Limousin. Il y avait là-bas une énorme maison de village, agrémentée côté sud d'un vaste jardin prolongé par un parc arboré dessiné et planté par mon grand père. C'était une propriété idyllique, où j'étais heureux de me retrouver, d'autant plus qu'au printemps le jardin regorgeait d'iris pallida, bleu tendre, si délicieusement parfumés (et à côté de ces fleurs charmantes on trouvait en abondance des fraises des bois, autre parfum inoubliable).

Les iris « germanica » du coteau de Chinon et les iris pallida du jardin de Nantiat m'avaient en quelque sorte prédisposé à l'addiction qui devait m'atteindre bien des années plus tard, et dont je ne suis toujours pas guéri. Dès que le climat s'adoucit et que les jours s'allongent, le besoin d'iris se fait de plus en plus prégnant. Il me saisit le jour et me poursuit la nuit. Maintenant ce besoin est devenu plus immatériel, mais il est bien là. Je réserve aux quelques variétés que j'ai conservées toute mon attention et tous mes soins et quand, comme l'an dernier où le premier semestre a été l'un des plus exécrables que j'ai connu, un rhizome vient à périr de la terrible pourriture bactérienne, j'en suis profondément navré. J'aurais tendance, si je ne me retenais pas, à reconstituer une nouvelle collection. Mais non, il ne faut pas. Même si mon jardin est ma raison d'être, ma raison tout court me retient.

Iconographie : 


'Mesmerizer' 


'Wizard of Odds' 


semis Boris – disparu chez moi pour cause de pourriture 


semis Zeh – disparu chez moi pour cause de pourriture

19.5.17

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Concorso Firenze

 Cette année c'est une nouvelle fois la maison Schreiner qui a remporté le Fiorino d'Oro grâce à son plicata 'Spirit Rider' (2013) (('Rain Man' x 'I Feel Good') X 'Take Five').

Le second prix revient à 'Schloss Herrenhausen' de Harald Moos (Allemagne), le 3eme à 'Canto del Cherubino' de Stefano Paolin (Italie), le quatrième à 'Rosso di Sera' d'Augusto Bianco (Italie) (2011) et le 5eme à 'Delizia Tropicale' (2017), autre obtention d'Augusto Bianco qui remporte également le Prix du meilleur iris de bordure avec 'Campo di Marte' (2017).

Michèle Bersillon est distinguée pour deux semis non encore enregistrés (voir les photos).

 Félicitations aux lauréats.
Merci à Florence Darthenay pour la promptitude de ses informations et la qualité de ses clichés.

Iconographie : 


'Spirit Rider' 


'Schloss Herrenhausen' 


'Canto del Cherubino' 


'Rosso di Serra' 


'Delizia Tropicale' 


'Campo di Marte' (BB) 


semis Bersillon 09 44A 


semis Bersillon 11 38O

LES TROPHÉES

Emprunter le titre de ce feuilleton à José-Maria de Hérédia me paraît tout à fait adapté pour mettre en valeur les variétés d'iris considérées comme les meilleures de ces vingt dernières années. Ce sont des iris qui méritent bien les trophées qu'ils ont remportés. Nous en verrons quatre par semaine. 

XVIII – 2014 

Médaille de Dykes = 'Dividing Line' (MTB, Bunnell, 2004) 


Fiorino d'Oro = 'Drifting' (Schreiner, 2011) 


Wister Medal (TB) = 'Magical' (Ghio, 2007) 


Williamson-White Medal (MTB) = 'Rayos Adentro' (C. Morgan, 2004)

LES NOMBREUSES VIES DE JESSE WILLS

Il est bien des gens qui se lèvent le matin en bâillant à la pensée d'aller au travail, et qui se dépêchent de rentrer chez eux le plus tôt possible, pour se vautrer sur leur canapé devant la télévision. Ce n'est pas sur ce ton désabusé qu'il faut parler de Jesse Wills, celui que l'on peut qualifier sans exagérer d'homme le plus extraordinaire du monde des iris. J'ai rédigé à son sujet une page biographique publiée dans Irisenligne il y a trois ans, mais les recherches que j'ai faites à propos de cet homme m'ont tellement marquées que j'éprouve aujourd'hui le besoin de revenir sur son histoire.

La seule chose que Jesse Wills n'ait pas totalement réussie dans son existence, c'est de vivre vieux. Mais est-ce un échec ? La vieillesse est-elle un moment tellement souhaitable ? On peut avoir des doutes là-dessus. En tout cas Jesse Wills s'est éteint à l'âge de 78 ans, sans avoir eu le temps de perdre la plus grande partie de ses aptitudes. Jusqu'à ce triste mais inévitable instant la vie de ce personnage avait été absolument exceptionnelle.

Ce fils d'une vieille famille de Nashville (Tennessee) était doué pour tout ! Après de brillantes études secondaires, il entra à l'Université Vanderbilt, établissement de grand renom qui fait la gloire de Nashville, pour y poursuivre des études littéraires. Il y acquiert vite une notoriété particulière en raison de ses dons pour la poésie. Il fait partie d'un petit groupe d'étudiants d'élite qui s'était baptisé « les Fugitifs » où l'on rencontre plusieurs noms d'écrivains et de poètes qui sont très connus aux États-Unis, comme Robert Penn-Warren ou Allen Tate. C'est en quelque sorte l'un des piliers du « cercle des peètes disparus » ! Selon ses condisciples il aurait pu devenir un des meilleurs poètes de son pays, mais il fut contraint de choisir un travail pour subvenir aux besoins de sa famille à cause de la maladie de son père et il décida de ne conserver la poésie qu'à titre de loisir et d'entrer dans une compagnie d'assurance, National Life. Parti du bas de l'échelle, il en gravit tous les barreaux jusqu'à en devenir, en 1965, le Président Directeur Général et en faire l'une des premières compagnies d'assurance des Etats-Unis. Bien des hommes, et des plus doués, auraient pu se contenter de cette activité, mais pas lui. Il créa une station locale de radio et de télévision, c'était dans le vent à cette époque. Entre les mains de Jesse Wills une affaire pareille ne pouvait pas se limiter à de petites émissions provinciales. Sa chaîne devint le foyer principal de la musique « country », spécialité du Tennessee, et atteignit avec ça une renommée nationale. On parlait de Dysneyland et des parcs d'attraction ? Il fut à l'origine du premier parc de ce genre dans l’État, du Tennessee, Opryland. Il prit des responsabilités dans la direction de l'Université Vanderbilt dont il fit l'une des plus réputées des USA, ouvrit un hôpital pour enfants, fut l'initiateur du plus grand musée du Tennessee, anima la Société locale de Cardiologie et la section locale de la Croix-Rouge, fit de la vieille église presbytérienne de Nashville la plus importante de la ville, développa la bibliothèque de l'Université et dirigea son club de football !!

Mais tout ceci n'était pas suffisant ! Dès son plus jeune âge il s'était pris d'intérêt pour l'histoire des Indiens et il devint un des spécialistes de cette question, publiant plusieurs ouvrages dont une somme essentielle, « Meditations on the American Indian » . L'ornithologie était aussi parmi ses pôles d'intérêt. Dans ce domaine comme dans le reste il acquit une connaissance du sujet qui faisait référence.

Tout ceci dépasse déjà tout ce qu'un homme normal peut accumuler comme activité et comme succès. Mais il faut y ajouter la belle et heureuse famille qui fut la sienne, …et la coquette fortune qu'il s'est arrondie. Enfin n'oublions pas – et c'est la raison pour laquelle on parle de lui ici - que comme pour les oiseaux, il s'est passionné pendant plus de 45 ans pour les iris et, bien entendu, a pris une place prépondérante parmi les animateurs de l'AIS, jusqu'à en devenir le Président dans les années 1940. A ce titre il décida de mener une réflexion sur les iris amoenas et les difficultés rencontrées pour leur hybridation et leur culture, réflexion qui aboutit à l'apparition de 'Bright Hour' (G. Douglas, 1948). Il faut encore ajouter que, mettant régulièrement son tablier de jardinier, il trouvait le temps de pratiquer l'hybridation, allant jusqu'à obtenir des iris aussi superbes et célèbres que 'Chivalry' (1943) – qui triompha dans la course aux honneurs en 1947 – 'Glacier Gold' (1964), ou 'Natchez Trace' (1969).

 Il ne doit pas y avoir grand monde pour imaginer de connaître une existence aussi remplie, riche et réussie que celle de cet homme. Elle fut à ce point foisonnante qu'il est préférable de ne pas en conclure qu'il n'en a connu qu'une seule, et de parler plutôt des nombreuses vies de Jesse Wills.

Iconographie : 


Couverture de « Fugitives », anthologie réalisée par J. Wills en 1928 


'Chivalry' 


'Glacier Gold' 


'Natchez Trace'

ECHOS DE LA CITÉ DES IRIS

Coup d'oeil sur le jardin du presbytère de Champigny sur Veude, au sommet de la floraison 2017.

12.5.17

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Des nouvelles de la « cité des iris » 

Champigny sur Veude, qui aspire à devenir la cité des iris, poursuit la montée en puissance de sa collection. Mais les problèmes ne manquent pas ! Disponibilités financières pour l'acquisition de nouvelles variétés, main d'oeuvre pour l'entretien des bordures, et aussi aléas climatiques ! Le gros de la collection est installé dans l'ancien jardin du presbytère, exposé au vent d'ouest. Cette année le gel tardif, qui a également saccagé les vignes et les vergersde Touraine, s'en est pris aux fragiles tiges des iris et aux fleurs en développement. Les variétés hâtives ont souffert... Ailleurs dans le village, à l'abri des constructions, le reste de la collection s'en est bien sorti et la floraison est superbe, essentiellement en jaune et bleu, couleurs des armoiries de la famille de Bourbon-Montpensier qui avait ici son domaine.

Iconographie : deux jolies variétés qui ornent les rues du village :


'Star of the Morn' (Grosvenor, 2005) 


'Sunshine Lady' (Moores, 2004)

LA FLEUR DU MOIS

‘CROWD PLEASER’

 (Hamner, 1983)

(( 'Touché' x 'Misty Dawn') x 'Touch of Envy') X 'Heather Blush'

 'Crowd Pleaser' a intégré ma collection en 1991, une époque où les nouveaux iris arrivaient par dizaines chaque année. Je cherchais, à ce moment quelque chose qui s'approche au plus près de 'Color Carnival' (F. DeForest, 1949), un iris « historique » pour lequel j'avais craqué et qui me donnait vraiment du bonheur, tant par l'originalité de son coloris que par la robustesse et la fidèlité de la plante. Avec 'Crowd Pleaser' je n'ai pas obtenu autant de satisfaction : vigueur insuffisante, floraison irrégulière...(Ce que je dis là vaut pour mon jardin et il ne faut pas en tirer des conclusions générales). En fait, la ressemblance – côté coloris - avec 'Color Carnival' n'est pas évidente non plus...

On ne peut qu'imaginer l'apparence du parent féminin de 'Crowd Pleaser'puisqu'il s'agit d'un semis non dénommé et non enregistré, mais ses ancêtres directs sont bien connus et toujours appréciés. 'Touché' (Hamblen, 1966) est une variété bicolore rose/bleu à l'origine d'une multitude de variétés bicolores, 'Misty Dawn' (Hamblen, 1972) fait également partie des bicolores rose/bleu de Melba Hamblen. Quand on voit 'Touch of Envy' (Hamner, 1973) on constate que son descendant 'Crowd Pleaser' en est une version plus contrastée. Enfin avec 'Heather Blush' (Hamner, 1976), qui réunit dans sa parenté 'Touch of Envy ', 'Touché' et 'Misty Dawn' on est en présence d'un bicolore rose/bleu, pur produit de la technique de l' « inbreeding ». La ligne générale qui a guidé Bernard Hamner est bien celle de la famille bicolore. Peut-être s'attendait-il a une version améliorée de 'Heather Blush'. Il s'est trouvé devant une version différente, où les deux couleurs sont bien présentes, mais ont été associée de façon différente et plus originale, ce qui a sûrement été un élément pris en considération au moment de la sélection.

'Crowd Pleaser', si l'on en croit son nom, était chargé de séduire les foules. Il n'a pourtant pas eu un succès fou auprès de hybrideurs, et en dehors de Hamner lui-même qui en a obtenu le rose corail 'Jaime Lynn' (1984), c'est notre compatriote (et ami) Bernard Laporte qui en a fait le plus large usage. Il a réalisé un premier croisement, (Crowd Pleaser X Jitterbug) dont il a retenu deux variétés de la même inspiration : 'Nevado del Ruiz' (2006) et 'Noumea' (2006). Ces deux variétés sont des iris de grande qualité, vigoureux et florifère. Je sais ce dont je parle, Bernard me les a offert ! L'autre croisement est (Sound of Gold X Crowd Pleaser), et le produit 'Féria de Nimes' (2006) est un éclatant iris jaune finement veiné de brun-rouge, un vrai coloris de corrida !. Parmi ses autres descendants il en est un dont il faut parler parce qu'il est particulièrement nouveau et original. Il s'agit de 'Sunset Storm' (G. Richardson, 2009), une variété aux pétales mauve pâle, au-dessus de sépales jaune clair. Il y a dix ans c'était un coloris révolutionnaire ; maintenant il s'est largement démocratisé et on le rencontre même chez les obtenteurs parmi les plus mesurés comme Richard Cayeux ('Infusion Tilleul', 2013). Le reste de la famille est dans les tons de rose, veiné de pourpre parfois, ou d'orange.

'Crowd Pleaser' n'est certainement pas le plus grande réussite de Bernard Hamner, mais tel qu'il est il peut être intéressant pour le jardin en raison de son coloris peu courant.

Iconographie : 



'Crowd Pleaser' 


'Heather Blush' 


'Féria de Nîmes' 


'Sunset Storm' 


'Infusion Tilleul'

LES TROPHÉES

Emprunter le titre de ce feuilleton à José-Maria de Hérédia me paraît tout à fait adapté pour mettre en valeur les variétés d'iris considérées comme les meilleures de ces vingt dernières années. Ce sont des iris qui méritent bien les trophées qu'ils ont remportés. Nous en verrons quatre par semaine.

XVII – 2013


Médaille de Dykes = 'That's All Folks' (Maryott, 2004)


Fiorino d'Oro = 'Vento di Maggio' (Bianco, 2012) 


Wister Medal (TB) = 'Elizabethan Age' (Baumunk, 2005)


Knowlton Medal (BB) = 'Bundle of Love' (P. Black, 2007)

NEANDERTAL

Tout le monde connaît aujourd'hui l'extraordinaire destin qui fut celui des hommes de Neandertal. Voilà des être humains robustes, intelligents, largement (pour l'époque) répandus à travers le monde européen, qui en quelques temps ont disparu. Les spécialistes hésitent encore sur les causes de cette disparition, et ils semblent admettre qu'ils n'ont pas été en capacité de s'adapter aux transformations de leur environnement et, nettement moins nombreux que les autres hommes avec qui ils partageaient le territoire, ils ont été génétiquement absorbés par ces derniers. Adieu donc àux hommes de Neandertal... C'est un peu la même mésaventure qui est survenue dans le monde des iris avec les amoenas des premiers temps. A cette époque – c'est avant les années 1940 - , obtenir un amoena n’était pas chose aisée car non seulement les croisements à partir d’autres amoenas n’étaient pas très fertiles, mais encore les graines germaient mal et les jeunes plantes avaient du mal à se développer. C’est Jesse Wills, hybrideur de Nashville dans le Tennessee et véritable génie, qui a fait cette remarque. Il a écrit :  « Les croisements entre amoenas, et même entre amoenas et les autres bicolores sont difficiles à réussir ; de plus le taux de germination des graines ainsi obtenues est inférieur à la moyenne. Quant au développement des plantules, il est lent, surtout la première année, ce qui retarde encore la floraison, de sorte que l’on doit souvent attendre la seconde, voire la troisième année, pour porter un jugement sur les iris provenant de ces hybridations. » Il ajoute, d’après ses constatations, que le blanc des pétales est un caractère récessif, et que « si les chances d’obtenir un amoena sont d’une sur trente-cinq, combien petite sont-elles quand seulement cinq ou six semis provenant d’un croisement peuvent pousser et fleurir »(1). Il a convaincu d’autres hybrideurs, dont son voisin Geddes Douglas, de Brentwood (Tennessee) et le Docteur L. F. Randolph, d’Ithaca (New York), d’entreprendre une recherche sur le sujet. Un grand nombre d’hybrideurs, tant aux Etats Unis qu’ailleurs dans le monde, ont participé à cette expérience. Pour la Convention de l’AIS qui s'est tenue à Nashville, en 1948, de très nombreux semis expérimentaux étaient en fleur. Le semis le plus remarqué était issu du croisement d’un semis de Paul Cook par le produit de 'Wabash' et d’'Extravaganza'. Il a été baptisé par Geddes Douglas, son obtenteur, 'Bright Hour'.

 'Bright Hour' a été enregistré en 1949. Il a été aussitôt commercialisé et a reçu un accueil formidable des amateurs d’amoenas comme du public en général. Par rapport à son « grand-père » 'Wabash', il présente l’intérêt de ne plus être strié sous les barbes, et le ton de violet des sépales est plus vif. Par ailleurs, comme il se doit, la fleur est mieux proportionnée, avec des sépales plus ronds et plus dressés. 'Bright Hour' n’a cependant jamais obtenu la récompense suprême, c'est certainement une injustice, mais il faut bien reconnaître que, malgré son succès commercial, les problèmes de fertilité et de germination constatés avant son apparition n'ont pas été résolus et il n'a pas eu de véritable descendance : à peine deux variétés enregistrées dont une seule a laissé une trace dans l'univers des collectionneurs. Ce descendant remarquable, c'est 'Repartee' (C. & K. Smith, 1966), curieux amoena blanc crémeux et rouge sang de bœuf que l'on trouve toujours dans nos jardins pour son coloris exceptionnel. Ainsi la lignée des amoenas issus de 'Wabash' et de 'Bright Hour' s'est-elle éteinte, comme ce fut le cas pour celle des premiers hommes des cavernes.

 Mais on sait que le modèle amoena n'a pas subi le même sort. Et ce sauvetage a eu pour cause les travaux de Paul Cook et de ce qui s'est passé à partir de l’apparition de ‘Progenitor’. De cette plante insignifiante sont venus ‘Melodrama’ (Cook, 1956), ‘Whole Cloth’ (Cook, 1957), ‘Emma Cook’ (Cook, 1957), ‘Miss Indiana’ (Cook, 1961) et d'autres d'immense valeur qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores, qui ne présentent aucune difficulté à s'hybrider et à se développer. Ce n'est cependant pas à Paul Cook lui-même que l'on doit la brillante multiplication du modèle amoena. Pour une raison qui n'appartient qu'à lui il a laissé à d'autres la mission qu'il avait initiée.

Le travail de ces heureux successeurs est parti essentiellement de ‘Whole Cloth’, celui des trois principaux descendants de ‘Progenitor’ qui est le plus franchement proche du modèle. On peut donc dire que la succession dans le développement du modèle amoena s'établit à partir de 'Wabash', a atteint une apogée avec 'Bright Hour', puis s'est éteinte malgré les efforts de certains comme Catherine et Kenneth Smith, jusqu'à renaître grâce à Paul Cook et son 'Whole Cloth', pui, à partir de là, s'est considérablement étendue, jusqu'à ce que les amoenas deviennent l'un des modèles les plus courants et les plus jolis, comme le délicat 'Sea Cruise' (Keppel, 2012).

La comparaison avec ce qu'il est advenu des hommes de Neandertal puis des « homo sapiens » me parait tout à fait judicieuse.

(1) traduction de Richard Cayeux in "L'Iris, une fleur royale".

 Iconographie : 


 'Bright Hour' 


'Repartee' 


'Whole Cloth' 


'Sea Cruise'

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Centennial Celebration

 'Centennial Celebration' sera le nom donné à une variété d'iris barbu à l'issue d'une compétition qui se déroulera à l'occasion de la Convention américaine de 2019, et qui sera solennellement attribué en 2020, pour fêter le centenaire de l'AIS. Tous les hybrideurs américains sont sollicités pour participer à cette compétition et ils pourront envoyer à la Convention autant de variétés et autant de rhizomes qu'ils voudront à la condition qu'il s'agisse de variétés nouvelles non encore enregistrées. Une médaille spéciale récompensera l'obtenteur de la variété primée, mais, en plus, la communication que se fera autour de l'événement garantira à l'heureux bénéficiaire une lucrative opération commerciale.

Une récompense similaire, 'Centennial Anniversary', sera attribuée à un iris sans barbe.

5.5.17

LES TROPHÉES

Emprunter le titre de ce feuilleton à José-Maria de Hérédia me paraît tout à fait adapté pour mettre en valeur les variétés d'iris considérées comme les meilleures de ces vingt dernières années. Ce sont des iris qui méritent bien les trophées qu'ils ont remportés. Nous en verrons quatre par semaine.

XVI – 2012 


 Médaille de Dykes = 'Florentine Silk' (Keppel, 2004) 


Fiorino d'Oro = 'Cheyenne my Dog' (Marucchi, 2012) 


Wister Medal (TB) = 'Kathy Chilton' (Kerr, 2005) 


Iris Bewertung München = 'Miltitzer Tanzparty' (M. Herrn, 2011)

RENDEZ-VOUS AU 'MAJESTIC'

On ne se rend pas forcément compte des changements intervenus dans l'aspect des iris depuis les années 1980. Il faut feuilleter un ancien catalogue et le comparer à un catalogue d'aujourd'hui pour comprendre combien les iris ont évolué. Ils ont changé dans la forme : on est passé des discrètes ondulations comme celles qui ornaient 'Titan's Glory' ou 'Edith Wolford' aux bouillonnés de 'Sea Power' ou 'Décadence' ; ils ont aussi changé dans les couleurs et les modèles : les indémodables étaient présents : plicatas divers et variegatas ; ils sont toujours là, mais aucun « dark top » dans le catalogue Cayeux de 1988, aucun luminata, aucun « space ager », aucun « broken color » et il n'était pas encore question d'ombrata ou de distallata ! Le monde des iris se transforme au même rythme que le monde tout court...

Parmi les modèles ou associations de couleurs qui sont d'apparition récente, nous allons évoquer ces fleurs, dont on ne sait pas encore comment les appeler, ou se juxtaposent différentes couleurs dans des associations audacieuses et des dégradés originaux. Tout le monde se souvient de 'Burnt Toffee' (Schreiner, 1977) décrit comme :  « Pétales couleur chocolat clair, balayé de bleu lavande du centre vers les côtes ; sépales d'un cholocat plus soutenu, avec du chocolat sombre sur les épaules et une tache bleue au centre ; barbes allant du doré éteint au bleu. » C'était quelque chose d'étrange au moment de sa mise sur le marché. C'est longtemps resté une exception. Pour trouver une fleur qui s'en rapproche il a fallu attendre le début des années 2000. Peut-être d'ailleurs peut-on situer le point de départ du nouveau modèle à 'Berry Scarry' (Black P., 2005) qui est décrit comme : « Pétales gris-orchidée pastel, plus sombre aux bords (…) ; sépales violet pourpré au centre devenant rouge violacé, large bords gris perle translucide, poudrage blanc autour des barbes orange (...) ». Le pedigree est (Off Color Joke X (Skyblaze x Tom Johnson)), et dans ce couple on devine une amorce du modèle chez 'Off Color Joke' (Black P., 1997) avec ses pétales gris lavés de mauve et ses sépales parcourus de traces violettes. On trouve à peu près la même chose chez 'Comic Opera' (Sutton G., 2005), mais avec une toute autre origine. Cette fois le panel de couleurs s'enrichit aux sépales avec du brun tavelé de violet, comme la peau de certains serpents. A partir de ce moment on peut dire, en langage actuel, que l'affaire était dans les tuyaux.

Quelqu'un qui a repéré le bon filon, c'est le texan Tom Burseen. Toujours à la recherche de la nouveauté et de la surprise, cet obtenteur original a fabriqué quelque chose de proche de ce qu'avaient fait ses deux prédécesseurs, mais y a ajouté une couleur supplémentaire, à partir du quasi-distallata 'Ring Around Rosie', c'est à dire une coloration poudrée brune au centre des sépales.

Il a attribué à ses nouveautés des noms improbables : 'Swearin Ima Blarin' (2010) et 'Dewuc Whatic' (2010). Dans ces deux iris on aperçoit des ascendances broken color qui surgissent aléatoirement sur certaines fleurs. Le côté broken color, d'ailleurs, est exploité pour quelques autres variétés richement colorées, mais victimes aussi, d'une certaine instabilité chromatique. C'est le cas de 'Cranfil's Gap' (2010) qui descend de 'Gnu Again' (Kasperek, 1993), tout comme 'Maggie Beth' (2012).

L'idée de fleurs dont les couleurs s’entremêlent comme chez les broken color, mais de façon plus harmonieuse, a fait son chemin parmi les hybrideurs. En Slovaquie, Anton Mego, a obtenu 'Bratislavan' (2010) qui répond exactement au but recherché, avec des pétales jaune caramel fumé, et des sépales bleu lavande clair liserés de jaune, même si le pedigree ne fait pas appel à des Broken colors. Conscient sans doute de l'intérêt de ce nouveau modèle, Mego a poursuivi ses recherches et sur six variétés enregistrées en 2015, cinq en font partie. Par une autre voie, Robert Piatek, en Pologne, a obtenu 'Etsitu' (2013), mélange de plicata ('Spacelight Sketch') et de dark top ('Andrus' : une lignée exclusivement centre-européenne. Ceci démontre l'originalité et l'inventivité des hybrideurs tchèques, slovaques et polonais auxquels nos catalogues français ne font pas assez de place pour l'instant.

Aux Etats-Unis aussi on se lance dans cette direction. C'est le cas de Paul Black, comme on l'a vu avec 'Berry Scary'. Il a récidivé avec 'I'm All Shook Up' (2013) et encore plus vigoureusement avec 'Big Band' (2016), ces deux derniers ayant une parenté commune : (Meritage X Pharaoh's Spirit). De la part d'un génie comme Paul Black cette nouvelle lignée n'est pas étonnante. Ce qui l'est, en revanche, c'est que la vénérable institution Schreiner s'est elle-même lancée dans l'aventure. Son catalogue 2017 fait état de deux variétés de cet acabit. Il s'agit de 'Express Yourself' (Great Smokey Dawn X Dakota Smoke) qui présente des « pétales or embrumés d'héliotrope, s'assombrissant vers l'extérieur », et des sépales dont « les stries violet clair s'étalent sur le fond blanc, et complètent joliment le marquage brun doré des épaules ». Encore plus contrasté, 'Rum is the Reason' montre des pétales bleu lavande vif et des sépales d'une sorte de rouge bourgogne qui se transforme en brun ocre en allant vers les bords. L'effet est saisissant. Le résultat commercial sera-t-il à la hauteur ?

Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que ce nouveau modèle va se répandre rapidement, car les autres hybrideurs ne voudront pas être en reste. La mode ne fait que commencer. D'ailleurs Anton Mego a poursuivi sa trajectoire et sa dernière réalisation dans la série, baptisée 'The Majestic' (2017), est tout à fait pleine de promesses. Il est certain que des iris comme celui-ci donneront des envies, non seulement aux collectionneurs, mais aussi aux hybrideurs eux-même qui vont chercher à faire aussi bien.

Iconographie : 


'Berry Scarry' 


'Comic Opera' 


'Big Band' 

'The Majestic'