30.12.16

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne finit aujourd'hui de dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et d'offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XXX – Tom Craig 

 Quand on parle de Tom Craig, on doit aussi évoquer tout le reste de la famille Craig. Tous ont largement contribué à l'évolution de l'iridophilie. Ils ont travaillé avec toutes les catégories d'iris et le nombre de variétés qu'ils ont enregistré est impressionnant. Citons donc aussi Frances Craig, la mère, et ses autres enfants Patricia, Tim, Ken et Ivan.Retenir seulement quatre de leurs obtentions est un choix difficile.


'Almond Blossom' (1953) 


'Bang' (1955) 


'Patricia Craig' (1962) 


'Tabasco' (1951)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Debbie Reynolds 

 L'actrice américaine Debbie Reynolds est décédée cette semaine. Elle faisait partie de ces artistes à qui un iris a été dédié. Voici une photo de cette fleur à la gloire de celle qui fut l'héroïne de « Chantons sous la pluie ».


- 'Debbie Reynolds' (Oscar Schick, 1995)

ENTRE DEUX GUERRES (1919/1938)

La période dite « de l'entre deux guerres » fut fondamentale pour le monde des iris. La conversation ci-dessous explique pourquoi.

Q. - En quoi les années qui se situent entre les deux conflits mondiaux ont-elles été importantes pour le monde des iris ?

R. - Dans le monde en général ce ne fut pas la meilleure des périodes. A peine une guerre terrible s'était-elle terminée que l'on s'est engagé vers un autre conflit encore plus meurtrier, et que des soubresauts économiques et sociaux énormes sont apparus de toutes parts. Mais à côté de cela notre petit monde des iris, lui, a connu l'une de ses périodes les plus fastueuses. Lorsque s'est achevée la première guerre mondiale, l'iridophilie était encore une science balbutiante, lorsque s'est déclenchée la seconde, elle avait atteint un niveau considérable, et les développements qui sont intervenus plus tard, après la fin du conflit, n'ont jamais été aussi rapides.

Q. - Que s'est-il donc passé qui ait ainsi provoqué une révolution ?

R. - Ce n'est pas une révolution qui a eu lieu, mais plusieurs, à côté desquelles d'autres événements majeurs, d'autres découvertes, ont transformé les fleurs d'iris et leur ont donné la plupart des traits qu'elles ont encore.

Q. - Puisque révolutions il y a eu, en quoi ont-elles consisté ?

R. - Commençons par la première. On l'appelle la révolution tétraploïde. Lorsqu'on a commencé à hybrider des iris – c'était au milieu du XIXe siècle – on n'en connaissait qu'une sorte, les grands iris présents dans tous les jardins qu'on appelait les Iris x germanica. Au tout début du XXe siècle l'hybridation des iris connut un engouement particulier mais très vite on s'aperçut que, si les obtentions étaient magnifiques, les améliorations marquaient le pas et les horticulteurs se sont accordés pour considérer qu'un seuil était atteint et qu'on n'arriverait plus à améliorer ni les formes ni les couleurs. L'hybridation menaçait ainsi de s'éteindre. Mais des botanistes voyageurs, parcourant le Moyen-Orient, ont rapporté d'autres iris, assez semblables aux anciens, mais plus grands, plus spectaculaires. Certains hybrideurs de l'époque ont eu l'idée de les croiser avec les iris autochtones, dans le but de relancer leur activité. Les iris d'Asie Mineure en effet avaient un défaut : ils étaient uniformément d'un bleu violacé et il aurait été intéressant de leur faire prendre les couleurs superbes et variées des anciens iris. C'était au tout début du XXe siècle. L'opération ne fut ni simple ni facile, mais le miracle finit par se produire et à force de persévérance les qualités des uns et des autres se trouvèrent réunies. Ce que l'on ne savait pas au début des années 1920 c'est qu'il y avait une incompatibilité biologique entre les deux espèces d'iris et que ce n'est qu'un accident génétique qui pouvait les faire s'accorder. Ce sont les travaux du Français Marc Simonnet, dix ans plus tard, sur le décompte des chromosomes qui ont fait comprendre le phénomène : les iris européens (les « anciens ») disposaient de deux paires de chromosomes, les « nouveaux » en avaient quatre. Pour que leur union puisse être féconde il faut qu'une anomalie se produise au moment de la réduction du nombre de chromosomes et que les nouvelles cellules en possèdent à leur tour quatre paires au lieu des trois – stériles – qui résultent normalement du croisement. Ces accidents se sont produit de temps en temps et c'est ce qui a donné naissance aux grands iris modernes que l'ont dit « tétraploïdes ».

Q. - Mais en dehors de la taille, quel avantage a-t-on retiré de cette « révolution » ?

R. - Voici ce qu'a écrit à ce sujet l'obtenteur américain Ben Hager : « En augmentant de deux à quatre le nombre de paires de chromosomes dans une cellule, on porte à plusieurs millions le nombre de combinaisons possibles de gènes. (…) et l'on multiplie encore, de façon inimaginable, les possibilités de combinaison de couleurs et de motifs. »

Q. - Et quelles ont été les autres révolutions ? 

R. La suivante a été la révolution rose. C'est une conséquence de la précédente. Alors que les hybrideurs essayaient vainement depuis des années d'obtenir des iris rose pur à partir d'iris rose orchidée ou rougeâtres, brusquement le rose est apparu en plusieurs endroits et au même moment ! A ce sujet Ben Hager écrit ceci : « Il existait une bonne raison à l'apparition soudaine d'iris roses. Le rose est une couleur récessive. En d'autres termes, les quatre chromosomes de l'hybride tétraploïde (…) doivent tous porter le gène responsable de la couleur rose pour que puissent être produits des plantes à fleurs roses. » Cette addition a été – c'est normal - longue à obtenir, et n'a été vraiment intéressante qu' à la fin des années 1920, mais à partir de ce moment les iris roses se sont multipliés à l'envi.

Q. - Et ensuite ? 

R. - Au cours de ces vingts années sont apparues d'autres améliorations, plus ou moins conséquences de la tétraploïdie. A commencer par l'apparition d'ondulations sur les pétales. Ce phénomène est lié à un nom de variété : 'Snow Flurry'. Tous ceux qui s'intéressent aux iris connaissent, au moins de nom, celui qui s'appelle 'Snow Flurry'. C'est Clara Rees, une dame californienne, qui a croisé 'Purissima', un tétraploïde blanc, avec le rose (et français) 'Thais', et a obtenu seulement deux graines. Il n’y a qu’une de ces deux graines qui a germé, mais le produit a dépassé toutes les espérances : un iris blanc, tétraploïde, impeccablement coiffé, mais surtout joliment ondulé. On était en 1939. 'Snow Flurry' est à l’origine d’une foule de descendants, dans un grand nombre de coloris, et on peut dire qu'à partir de cet iris rien n'a plus été comme avant.

Q. - Et il y a eu encore d'autres modifications ? 

R. - Bien sûr ! Par exemple les bords dentelés des pièces florales. C'était une « anomalie » constatée dès le début des années 1930 parmi les semis des frères Sass, dans le Nebraska. Mais cela ne fut exploité comme une fantaisie décorative qu'un peu plus tard car les amateurs qui rendaient visite à leur pépinière trouvaient cela joli et ils finirent par se décider à enregistrer deux variétés frisées, 'Midwest Gem', en 1937, puis, en 1939, 'Matula'. Depuis cet ornement est devenu fort courant.

Q. - Ça continue ? 

R. - On peut encore parler de l'apparition de la couleur jaune pure. Ce n’est qu’en 1926 qu’un jaune tétraploïde valable est apparu. Il s’agit de 'W. R. Dykes', du nom de célèbre obtenteur et exégète des iris. Cependant il faut remercier le grand obtenteur Sydney Mitchell, toujours dans les années 1930, parce qu'il a tenté d’améliorer la pureté de cette couleur et alliant une variété d’un ton de bronze et une variété blanche ou vice-versa. Il a essayé et après une grande quantité de semis plus ou moins intéressants il a obtenu ce qu’il cherchait : du jaune vraiment jaune. C’est le cas de 'California Gold' (1933) et de 'Happy Days' (38), ce dernier étant considéré comme l’aboutissement de la recherche entreprise. A partir de là, la ligne jaune était tracée. Ainsi les vingt ans qui ont séparé les deux guerres mondiales ont-ils été primordiaux dans le monde des iris. Ce qui nous paraît aujourd'hui comme parfaitement banal est en général un caractère apparu pendant cette période dont on peut dire qu'elle est la plus riche que nous ayons connu depuis le début de l'hybridation des iris.

Iconographie : 


'Purissima' 


'Thaïs' 


'Midwest Gem' 


'California Gold'

22.12.16

UN PEU D'AVANCE

Un peu d'avance cette semaine.

Pour ne pas être pris dans les embouteillages !!

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Le plus grand du monde 

Avec une collection de plus de 10,000 touffes d'iris , 6 espèces et 3000 variétés d'iris hybrides enregistrés, les «  Presby Memorial Iris Gardens » sont le plus grand jardin public d'iris du monde. Cette incomparable collection est visitée chaque année par plus de 10,000 personnes. Tout amateur en visite aux Etats-Unis – côte Est – aux alentours de la fin de mai -  se doit de s'y rendre. C'est à quelques kilomètres de New-York, dans le New-Jersey, dans la petite ville de Montclair.

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne  dresse, encore pour deux semaines un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offre à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

 XXIX – Agnes Whiting 

C'est une grande dame des iris, de la même génération que Grace Sturtevant, et tout aussi talentueuse. Son 'Blue Rhythm' (1945) a obtenu la Médaille de Dykes en 1950. Ses 'Cloth of Gold', 'Garden Glory', 'Golden Spike', 'Gold Sovereign', 'Lilac Lane', 'Maytime', 'Rocket', 'Priscilla' et 'Three Oaks' ont tous obtenu un Award of Merit. Plusieurs de ses obtentions ont été largement utilisées en hybridation et ont de cette façon contribué largement à l'évolution des iris. A ce titre elle doit être classée parmi les fondateurs de l'hybridation moderne.


'Arab Chief' (1942) 


'Blue Zenith' (1941) 


'Maytime' (1947) 


'Pathfinder' (1948)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Anciens et Modernes 

L'hybrideur canadien Chuck Chapman vient d'entreprendre une campagne pour tenter d'obtenir une modification du réglement concernant l'attribution de la Médaille de Dykes. Il estime en effet que les Régions (au sens où on l'entend à l'AIS) ne sont pas équitablement dotées de juges et que certaines sont surreprésentées alors que d'autres au contraire n'ont qu'une représentation restreinte. Il se trouve que ces Régions “sous-représentées” sont celles dont le climat est plutôt ingrat et où les iris obtenus sous des cieux plus cléments peuvent avoir du mal à pousser. Chapman estime que les variétés du Nord, peu présentes dans les autres secteurs, se trouvent de ce fait en état d'infériorité devant les juges alors que ce sont celles qui sont les plus résistantes et les plus aptes à pousser n'importe où. Il prêche évidemment pour son saint.

Certains de ses contradicteurs font remarquer que la répartition actuelle des juges (qui opèrent, évidemment, à proximité de chez eux) est proportionnelle à la présence des iris dans les jardins et qu'un avantage accordé aux Régions « pauvres » irait à l'encontre de la majorité. D'autres observent que c'est grâce à la répartition actuelle qu'un iris de Sibérie a pu recevoir cette année la Médaille...

Une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, en quelque sorte...

OÙ SONT LES ROSES D'ANTAN (A la manière de François Villon)

Dites-moi : où en quel pays
Est 'Flora Zenor' la plus saine,
'Chérie', 'Coralie' et 'Thaïs',
Qui furent de la même graine ?
Pour les trouver on se démène
Dans les jardins, chaque printemps
Car leur beauté tient en haleine ?
Mais où sont les roses d'antan ?

Où sont le très sage 'Alexis',
'Beverly Sills', 'Vanity' même
Ou bien le tendre 'Prissy Miss' 
Qui font partie de ceux qu'on aime ?
Où peut se cacher 'Haviland' ?
Le trouver serait une aubaine.
Mais où sont les roses d'antan ?

 Qui se souvient de 'Paris Kiss'
Qui pourtant en valait la peine ?
Où voir le vieil 'Haughty Miss'
Qui tant plut à sa souveraine ?
Aussi rare que 'Roselene'
Que les Angloys aimèrent tant.
Je cours après de mont en plaine.
Mais où sont les roses d'antan ?

Prince, aidez-moi, je suis en peine,
Je les cherche depuis cet an,
Et ce refrain devient rengaine :
Mais où sont les roses d'antan ?

Iconographie : 


'Coralie' (Ayres, 1932) 


'Alexis' (R. Nelson, 1985) 


'Roselene' (Schreiner, 1981) 


'Paris Kiss' (Blyth, 1983)

16.12.16

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Tempo Two for ever. 

 La nouvelle a pris de court le monde des iris : Tempo Two, la fameuse pépinière de l'Australen Barry Blyth va fermer à la fin de la saison 2016/2017. C'est un coup de tonnerre dans l'irisdom car Barry Blyth, c'est soixante ans d'hybridation et de commerce d'iris. Soixante ans d'enchantement, soixante ans de couleurs et de formes. C'est plus de mille enregistrements de toutes classes, essentiellement des grands iris, et de très nombreuses variétés qui resteront inoubliables.

Le nom de Blyth ne va cependant pas disparaître de notre petite sphère du jour au lendemain, car les semis en cours d'évaluation vont partir pour l'Oregon où ils seront hébergés dans la nouvelle propriété de Thomas Johnson, et les meilleurs y seront commercialisés. Et il y en a pour au moins six ans !

Souhaitons une longue et agréable retraite à ce monument de l'hybridation qu'est Barry Blyth.

Iconographie : 


 'About Town' 


'Zillionaire'

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne  dresse désormais un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offre à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XXVIII – Jean Ségui

Dans les années 1970/1980, les obtenteurs français n'étaient pas bien nombreux ! Jean Ségui s'est amusé à créer d nouvelles variétés, et il a parfaitement réussi dans cette entreprise. Ses iris sont tous excellents, tant au plan esthétique qu'au plan horticole. Ce fut un précurseur et les nombreux nouveaux hybrideurs de France, aujourd'hui, ont suivi la route qu'il avait tracée. Voici quatre exemples de son talent :

'Trapel'(1982/98)

'La Belle Aude' (1982/98)

'Doctor Gold' (1983/98)

'Corbières' (1982/98

DES RHIZOMES ET DES AILES

L'adjectif qui convient le mieux pour décrire les iris de Sibérie, c'est  « gracieux ». Et il s'applique particulièrement bien à 'Swans in Flight' (Hollingworth, 2006), le dernier lauréat de la Médaille de Dykes, et premier iris de Sibérie à remporter ce trophée.

Tout est parfait dans cette fleur, à commencer par le nom qui lui a été donné, qui lui va comme un gant puisque évoquer le vol des cygnes à propos d'un iris de Sibérie vaporeux et immaculé ne peut pas être plus approprié. On peut continuer par la forme de la fleur : une corolle typique des SIB modernes, avec des sépales larges et arrondis qui s'étalent avec distinction au milieu du feuillage. On peut aussi parler de la couleur : un blanc très pur, sans trace de quelque autre teinte que ce soit. Toutes ces qualités ne pouvaient que retenir l'attention des juges qui ont exprimé leur admiration dès l'entrée de cette plante dans la course aux médailles. HM en 2009, AM en 2011, Morgan-Wood Medal en 2013 et, récompense suprême, Dykes Medal en 2016. Cette dernière distinction est d'autant plus méritoire que, chacun le sait, les juges ont à apprécier sans doute deux fois plus de grands iris que d'iris de Sibérie !

Ce bel iris est du au talent de Robert Hollingworth, hybrideur du Michigan, qui fait partie des spécialistes – peu nombreux – des iris de Sibérie, dont il a enregistré une soixantaine de variétés en presque une trentaine d'années. Huit de ses iris ont obtenu la Morgan-Wood Medal, la plus haute distinction pour un SIB : 'Lady Vanessa',1992 ; 'Jewelled Crown',1993 ; 'Sultan's Ruby',1994 ; 'Coronation Anthem', 1997 ; 'Over in Gloryland', 2000 ; 'Strawberry Fair', 2001 ; 'Blueberry Fair', 2004 ; 'Ruffles and Flourishes', 2009 et 'Swans in Flight' en 2013. Cela en dit long sur sa maîtrise et sur l'opinion favorable des juges.

Pour obtenir 'Swans in Flight', il a réalisé le croisement suivant : (((Pink Haze x Fairy Dawn) x Über den Wolken) x Silver Illusion) X Springs Brook. Dans ce cocktail il y a une dominante de variétés blanches, accompagnées de rose ('Pink Haze'), de bleu ('Über den Wolken') et d'amoena bleu ('Springs Brook'). Mais la variété dominante, puisqu'elle intervient à plusieurs reprises dans les pedigrees des parents en présence, c'est 'White Swirl' (Cassebeer, 1957). Il est évident que cette ancienne variété a apporté l'essentiel pour un iris blanc : la couleur. Mais son apparence est très datée et c'est d'un autre côté qu'il faut chercher la forme ample et étoffée de 'Swans in Flight'. Ce n'est certainement pas du côté du « vieux » 'Fairy Dawn'. Celui-ci est d'un blanc intéressant, mais, de l'avis même de son obtentrice il y a du « old white "sibirica type" » ce qui veut dire « iris blanc du type sibirica ancien » dans son pedigree. Les autres parents, en revanche, se présentent sous une forme moderne, plus agréable aux yeux d'aujourd'hui. En particulier la branche allemande constituée par 'Über den Wolken' (Tamberg, 1994), dont on se fait une bonne idée avec la photo de Brock Heilman ci-jointe. Mais aussi grâce à 'Ruffled Velvet' (McEwen, 1973), une variété maintes fois utilisées justement pour la perfection de ses fleurs.

Nous voici donc en présence d'un savant mélanges de variétés choisies d'une part pour la pureté de leur coloris et leur aptitude à en assurer la force, d'autre part pour leur perfection formelle. Du vrai travail de pro.

A l'heure qu'il est, malgré ses qualités, 'Swans in Flight' n'a pas encore de descendance enregistrée. Cela signifie simplement qu'aucune des tentatives pour en obtenir des descendants valables n'a abouti. Mais rien n'est perdu car sa nouvelle notoriété va sans doute inciter certains à tenter de nouveaux croisements. En tout cas il ne faudra pas s'attendre à une amélioration quelconque car on n'est pas loin de la perfection. Cependant, dans d'autres coloris par exemple, on peut espérer un transfert des qualités acquises.

Les iris de Sibérie, avec leurs vertus spécifiques comme la rusticité, la facilité de culture, l'adaptabilité à presque toutes les conditions de sols, secs comme humides, la richesse du feuillage et ce que l'on a appelé la grâce de leurs fleurs, avec en plus maintenant un grand choix de couleurs et de modèles, justifient pleinement l'intérêt qu'on leur porte désormais. Ce ne sont plus ces iris du bord des pièces d'eau, presque uniformément bleus. Ils ont atteint le même niveau de développement que les iris barbus, grands et petits, et peuvent trouver leur place dans tous les jardins.

Ainsi, avec 'Swans in Flight' Robert Hollingworth est parvenu semble-t-il au nirvana des obtenteurs d'iris de Sibérie. Cela ne veut pas dire que quelqu'un ne fera jamais mieux, mais le fait d'atteindre le paradis n'empêche pas d'autres prétendants d'aboutir au même point !

 Iconographie :

'Swans in Flight' 

'White Swirl' 

'Über den Wolken'

'Ruffled Velvet'

9.12.16

LES PRIVILÉGIÉS (complément)

Après la lecture de la chronique de la semaine dernière, Loïc Tasquier a fait l'observation suivante : « Dès qu'une nouvelle variété entre sur le marché, et qu'elle est distribuée dans un maximum de jardins de démonstration officiels disséminés sur le territoire des États Unis où les juges peuvent les voir, elle entame la course aux honneurs … 

 C'est ainsi que seuls les hybrideurs qui ont à la fois suffisamment de stock et le courage d'envoyer leurs iris à des douzaines de jardins ont une chance, car les juges restent près de chez eux, ils ne vont pas juger des iris à 500km. 

 Si ton iris n'est pas là, pas de chance de médaille. » 

 C'est bien vrai ! Pour faire partie des privilégiés, il faut donc disposer d'une entreprise d'une certaine importance. Les « petits » partent avec un lourd handicap.

Mais avoir une grosse pépinière n'est pas suffisant. Les cas de Joë Ghio, qui n'a plus atteint le sommet depuis 1980, en dépit d'iris remarquables et certainement bien distribués, ou de Richard Ernst, jamais couronné malgré qu'il ait disposé de la plus grande affaire d'iris du pays, montrent bien qu'il faut aussi autre chose que des moyens importants pour entrer dans le cénacle des médaillés.

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XXVII – Luzon Crosby 

Dans le monde des iris la fameuse parité qui veut que les femmes tiennent autant de place que les hommes, et qui a tant de peine à s'imposer, doit être une réalité. Elles n'y ont pas toujours tenu une place de premier plan mais elles ont aussi souvent été richement récompensées pour leurs obtentions qui ont réussi à créer la surpris dans les grandes compétitions. A ce titre les obtentrices originaires de l'Utah ont été spécialement remarquées. Ne parlons pas de Melba Hamblen, qui se tenaient tout à fait dans la cour des grands, mais d'Esther Tams, par exemple qui a vu son 'Dream Lover' (1970) enlever la Médaille de Dykes en1977, et de Luzon Crosby, amie de Melba Hamblen qui commercialisait ses
iris, et qui s'est offert le Florin d'Or en 1959 avec 'La Negra Flor' (1956).

Voici quelques-unes de ses obtentions :

 'La Negra Flor' (1956) 


'Lilac Bouquet' (1957) 

'Marilyn C' (1957) qui se trouve au pedigree de nombreuses variétés dont 'Piroska' et 'Roger Renard' (J. Cayeux, 1976) 


'Negrura' (1957)

FOSTER MEMORIAL PLAQUE (II)

Il y a quelque temps, j'ai publié ici une chronique sur la « Foster Memorial Plaque ». Je reviens sur ce sujet aujourd'hui car la chronique initiale comportait quelques erreurs. Voici un extrait de ce texte :
« Le plus souvent les bénéficiaires de cette décoration sont des hybrideurs de renommée mondiale, mais on trouve dans la liste des récipiendaires de nombreux scientifiques ayant contribué à la progression des connaissances dans le domaine des iris et iridacées, ainsi que quelques personnalités ayant apporté leur soutien à la cause des iris.

Comme on peut s’y attendre les Anglo-saxons sont majoritaires, qu’ils viennent de Grande-Bretagne (ils sont plus de quarante), des Etats-Unis (25) ou d’Australie (3) et de Nouvelle Zélande (2). Mais on trouve aussi quelques Français, comme le bras droit des Vilmorin, Séraphin Mottet, distingué dès 1927, Ferdinand Denis (1933), et Maurice Boussard (1977). (...) Comme toujours également des grands noms, qui auraient largement mérité d’être récompensés, se sont trouvés oubliés. On peut citer par exemple Marc Simonnet ou Ferdinand Cayeux pour ne parler que de nos compatriotes."

"Hic jacet lupus", comme on dit en latin ! En effet Ferdinand Cayeux a reçu la plaque en 1935, et son arrière-petit-fils Richard en 2012. Mais Marc Simonnet , malheureusement, a bien été oublié. Parmi les bénéficiaires hybrideurs contemporains on trouve :
Robert Schreiner en 1963
Bee Warburton en 1975
Currier McEwen en 1978
Melba Hamblen en 1980
Ben Hager en 1981
Bryan Dodsworth en 1988
Nora Scopes en 1992
Keith Keppel en 1993
Tomas Tamberg en 1994
Bennett Jones en 1995
Graeme Grosvenor en 1999
Dave Niswonger en 2000
John Taylor en 2003
Terry Aitken en 2008...

Curieusement, des gens comme Monty Byers, Barry Blyth, Joseph Ghio, Paul Black ou Rick Tasco entre autres n'ont toujours pas été récompensés. Mais il ne faut pas désespérer !

DOROTHY PALMER

Une dame qui nous veut du bien 

 Le monde des iris est rempli de ces hybrideurs ou hybrideuses qui, sans prétendre au génie, se sont fait connaître sur la terre entière. C'est le cas de Dorothy Palmer. La longue et paisible existence de cette dame du Middle West (région de St Louis, Missouri, à l'endroit où le Missouri rejoint le Mississipi) a été largement consacrée à l'hybridation et la culture des iris, et il faut bien dire que cela lui a plutôt bien réussi.

 L'intérêt pour le jardinage lui a été insufflé par son grand père qui cultivait lui-même toutes sortes de plantes dont quelques iris. Avec son mari Ray, elle a acquis une maison avec beaucoup d'espace tout autour. Dorothy y planta des rosiers et des iris. Elle avait appris qu'une de ses voisines en avait une grande collection et elle lui en acheta un certain nombre pour un prix dérisoire. Les deux dames devinrent amies et firent la connaissance d'un autre citoyen de la banlieue de St Louis, Cliff Benson, qui pratiquait l'hybridation. Dorothy lui acheta un certain nombre de ses semis dont un qui devait prendre le nom de 'Tosca' (Benson, 1947) – de nombreuses variétés obtenues par Cliff Benson portent des noms en rapport avec la musique classique car Benson était lui-même musicien d'orchestre – lequel devait devenir l'une des bases du programme d'hybridation de Mme Palmer. Encouragée par son nouvel ami Benson, Dorothy Palmer se décida à s'essayer elle-même au croisement d'iris. Peu à peu elle prit de l'assurance dans cette activité et des responsabilités au sein de l'AIS et de sa formation régionale. A l'occasion de la Convention de 1952 qui se déroula à St Louis, elle enrichit ses relations dans le monde des iris en rencontrant des gens comme Georgia Hinkle, David Hall, Orville Fay ou Nathan Rudolph. Et ses relations s'étendirent quand elle suivit son époux sur la côte Est où son travail l'avait appelé. A ce point de son existence, elle avait acquis une somme de relations bien utiles et, parallèlement, des connaissances étendues en génétique et en horticulture. Elle était armée pour une carrière d'obtentrice.

Après quelques années sur la côte Est, et leur retour au pays natal, les Palmer disposaient d'une propriété de 28000 m² où ils avaient la possibilité de mettre en culture environ 4000 semis chaque année. C'était une exploitation importante. Dorothy avait à ce moment acquis une certaine réputation dans le métier.

Parmi ses premiers enregistrements figurent 'Her Ladyship' (1955) et 'Muted Music' (1955) deux iris bleu clair issus de 'Tosca'. Le violet 'Sophisticate' (1961) (qui porte, à mon avis, bien mal son nom) descend de 'Her Ladyship' et fait partie du programme de recherche amorcé par Dorothy en vue d'obtenir des iris blancs à barbes bleues. En fait elle a essentiellement obtenu des iris bleus clair ou bleu glacier à barbes bleues ou blanches, mais de vrais blancs à barbes bleues, point, ou plutôt rien de vraiment valable ; 'Winter Pageant', (1965), 'Soft Music' (1971) sont les meilleurs de cette série. Elle a eu plus de chance avec les amoenas roses, comme 'New Venture' (1973) ou jaunes et, au passage, des blancs à cœur jaune de grande qualité comme 'Buttered Popcorn' (1966), 'Gold Burst' (1979) ou 'Sunkist Frills' (1986). Néanmoins c'est dans des domaines bien différents qu'elle a eu le plus de réussite. Les producteurs français ne s'y sont pas trompés et c'est ceux-là qu'ils ont mis à leurs catalogues. 'Conversation Piece' (1971), 'Fashion Trend' (1971), 'Sheer Poetry' (1978), 'Starring Role' (1971) font partie de ces variétés qui ont franchi l'Atlantique. Comme on le voit, l'année 1971 a été particulièrement fortunée et elle se situe à l'apogée de la carrière de Dorothy Palmer.

A la mort de son mari, en 1981, Dorothy Palmer s'est retirée et a quitté l'activité horticole directe. C'est là qu'elle a vécu les derniers moments d'une existence bien remplie. Elle pouvait être heureuse de la façon dont ses iris avaient été accueillis dans le monde où on les trouve encore dans bien des jardins.

Iconographie : 


 'Gold Burst' 


'Sheer Poetry' 


'Starring Role' 


'Winter Pageant'

3.12.16

LA FLEUR DU MOIS

'Apropos' ( Sanford Babson, 1963) 

Commentary X Melodrama 

 Ne me demandez pas pourquoi je me suis fait envie de ce cultivar. C'était au début des années 1980, alors que je commençais à m'intéresser aux iris. Peut-être la fraîcheur du coloris mauve de cette fleur, proche de celle des iris traditionnels si présents dans nos jardins, a-telle joué un rôle dans ma décision... Pendant de longues années 'Apropos' a fleuri dans mon jardin (je devrais dire « mes jardins » car il y en a eu trois, entre 1981 et1989 !), sans problème, mais aussi sans cette touche de je ne sais quoi qui fait qu'on prête attention à une fleur plus qu'à une autre. Un beau jour, il a laissé la place à une variété plus récente. Comme on dit en latin : « Sic transit gloria mundi »... Aujourd'hui, alors que je m'intéresse de plus en plus aux variétés historiques et surtout à celles qui constituent les bases de l'iridophilie moderne, je n'agirais plus de la même façon : 'Apropos' serait toujours là.

Parce que 'Apropos' n'est pas une variété banale. Elle a la discrétion des choses importantes, mais elle représente beaucoup dans le monde des iris. Pour commencer, elle est la fille d'un couple mémorable : (Commentary X Melodrama). 'Commentary' (Babson 1963) est un membre fondateur de la famille des « blends », ces iris à propos desquels il faut dire « couleurs » et non « couleur ». Celui-ci décrit comme : « S buff; F light lavender-violet, red-brown on haft; lavender beard tipped bronze », soit « Pétales chamois ; Sépales violet-lavande clair, brun-rouge aux épaules ; barbe lavande pointée bronze ». C'est un pilier de l'hybridation des années 1970 : il a plus de cent descendants au premier échelon. 'Melodrama' est une autre variété fondamentale. Elle, ce n'est pas plus de cent descendants, mais plus de deux cents ! C'est un iris néglecta, mauve bleuté ou bleu jacinthe pour les pétales, indigo clair pour les sépales, un peu plus clair sous les barbes mauve pâle, qui fait partie de trio essentiel dont les membres se nomment 'Melodrama' (Cook 1956), 'Emma Cook' (Cook 1957) et 'Whole Cloth' (Cook 58). Avec des parents comme ceux-là, 'Apropos' ne pouvait qu'intéresser les hybrideurs à la recherche de sujets originaux.

Grâce à la base de données « Irisregister » on peut se lancer parmi les descendants de 'Apropos' à la recherche d'un de ses modernes rejetons, c'est un jeu facile et amusant.

 Parmi les descendants du premier rang figure 'Merry Madrigal' (Babson, 1982) qui a pour pedigree (Touché X ((Tambourine x Sterling Silver) x (Apropos x Stepping Out))). C'est un variegata aux pétales jaune clair, et ce trait de caractère nous invite à rechercher un nouveau venu du modèle variegata. Prenons-en un, des plus célèbres : 'Edith Wolford' (Hager, 1984). On peut être sûr que celui-là possède une kyrielle d'enfants et petits enfants. Bingo ! Voici une autre célébrité : 'Slovak Prince' (Mego, 2002), et si l'on continue la recherche on va trouver un tout nouvel iris, bien français, 'Filigrane' (Jacob, 2012), un superbe amoena qui tient de son autre ascendance, 'Starring' (Ghio, 1999) des couleurs vivement contrastées, proches du blanc/noir très recherché actuellement.

Notre jeu de piste nous a emporté vers des horizons différents, mais l'origine 'Apropos' n'est tout de même qu'à six générations. On aurait pu faire bien d'autres recherches, tout aussi passionnantes, qui nous auraient conduits vers des variétés d'aujourd'hui qui seront les vedettes de demain et qui apporteraient la preuve que 'Apropos' n'était pas une variété anodine. Je dois donc être reconnaissant de sa valeur, et déplorer de l'avoir abandonné au bord de la route des iris dans un geste éminemment regrettable.

Illustrations :


  • 'Apropos'


  • 'Merry Madrigal'


  • 'Edith Wolford'


  • 'Filigrane'

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne est en train de dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XXVI – Loleta Powell 

 Je ne sais pas pourquoi cette dame, originaire de Caroline du Nord, assez prolifique et qui possédait sa propre pépinière, a réussi à se faire connaître en France et a y distribuer plusieurs de ses obtentions. Ces iris sont de bonnes plantes de jardin, qui n'ont rien de particulièrement remarquables mais qui représentent bien ce qui se faisait en Amérique au cours des années 1970/80.



'Attention Carolina' (1980) 


'Carolina Gold' (1970) 


'Flyby' (1984) 


'Stawberry Sensation' (1980)

L'AUTRE CHARME DES IRIS

SIMPLICITÉ ET FÉMINITÉ

 Le jeune parfumeur Olivier Polge, nez chez Chanel, a donné une interview à la journaliste du Figaro Hélène Guillaume. Il y décrit son attirance pour le parfum d'iris et les raisons pour lesquelles il utilise cette senteur dans la plupart de ses créations. Il explique ce qui l'a séduit dans le parfum d'iris, et c'est très joliment dit : « Il y a une certaine complexité dans l'iris, (…) bien sûr, la rose est tout à fait complexe, chimiquement parlant, avec ses 400 composants. L'iris est intrinsèquement plus simple, mais son odeur se manifeste moins facilement... Elle est très sophistiquée, associée quoi qu'on en dise à une idée puissante de la féminité. » Était-ce pour ces raisons que les aristocrates de la Renaissance, qu'ils soient florentins, milanais, vénitiens ou romains, raffolaient de cette senteur proche de la violette qui pouvait à la fois ajouter à l'attrait des gentes dames et masquer les senteurs obscures des cités italiennes ?

Longtemps délaissé, pour cause de prix prohibitif et de fabrication laborieuse, le parfum d'iris est revenu à la mode. Les initiateurs de ce retour en force s'appellent Henri Robert (Chanel n° 19), Jean-Claude Ellena (Déclaration, de Cartier) et, bien sûr, Olivier Polge. Aujourd'hui la culture a repris, non seulement sur la Côte d'Azur, du côté de Pégomas, mais aussi dans la région traditionnelle du Chianti, près de Florence, sans compter que la Chine s'est mise aussi à cette culture, en vue de produire une essence peut-être moins raffinée mais bien moins coûteuse. Ce que l'on voit aujourd'hui dans les champs n'est plus I. florentina, moins riche en principes actifs, mais I. dalmatica, reconnaissable à sa délicieuse couleur bleu pâle, qui possède deux caractéristiques très originales. D’abord sa multiplication qui ne s’obtient pas de façon sexuelle, mais uniquement de façon végétative, ce qui garantit la pérennité des caractères (et démontre par conséquent que la multiplication végétative n’entraîne aucune dégénérescence de la plante). Ensuite ses rhizomes qui contiennent beaucoup d’irone, substance extraite pour obtenir ce parfum très spécifique que l'on appelle aussi « essence de violette ». Cependant on conserve encore quelques plantations de I. florentina, moins riche et moins subtil, mais dont la puissance peut s'avérer utile en parfumerie.

Certes la fleur de I. pallida a un parfum inoubliable et prononcé, des plus délicieux. Ce qui fait que beaucoup s'imaginent que c'est cette fleur qui est utilisée en parfumerie, mais il n'en est rien. Ce qui compte, c'est le rhizome ! O. Polge constate avec amusement qu'il a fallu soit beaucoup d'imagination soit un coup de chance miraculeux pour découvrir que le parfum se cachait dans le rhizome et non dans la fleur. Et combien d'essais avortés, combien de récoltes gâchées a-t-il fallu pour parvenir au procédé maintenant utilisé ! Les iris restent en place dans les champs pendant au moins trois ans. Les rhizomes sont alors déterrés, sélectionnés, nettoyés épluchés avec une espèce de rasoir, puis coupés en rondelles qui sont mises à sécher sur des clayettes dans une pièce ventilée et chauffée à 30 °C, pour que les rhizomes perdent 60 % de leur eau et puissent se conserver en concentrant leur fameux irone. Il va falloir trois ans de séchage avant que les rondelles de rhizomes, devenues grises et dures, ne soient broyées et envoyées à la distillation. Celle-ci s'effectue après macération dans l'eau froide. On obtient alors une substance de couleur et de consistance crémeuse. Ce «beurre d'iris» appelé aussi «concrète» sera à son tour distillé pour donner l'absolu, qui est la base des parfums. Il ne faut pas moins de 13 tonnes de rhizomes frais pour obtenir un seul kilo de l'extraordinaire produit, ce qui explique son prix exorbitant (près de 100 000 euros le kilo).

 A ce propos Olivier Polge imagine que le fait « de savoir que ce produit est l'un des plus chers le rend peut-être aux yeux du débutant encore plus aristocratique ». En tout cas, dès son apprentissage, il en est tombé amoureux, et il avoue : « J'aime l'iris et toutes les odeurs qu'on lui associe traditionnellement. » Cela nous vaut « Dior Homme », qui est la senteur de ses débuts, puis « Balenciaga Paris », « Valentino Uomo » et « Misia » pour Chanel. Autant de parfums où l'iris est présent et constitue, en quelque sorte, la signature de leur créateur.

Aujourd'hui, des parfums à base d'iris, il y en a de plus en plus. A côté des créations d'Olivier Polge, on trouve « Infusion d'Iris » de Prada, « Iris Noir » d'Yves Rocher, « Chanel n° 19 », déjà évoqué, « Bois d'Iris » de Van Cleef et Arpels, « Songe d'Iris » de Rochas, « Iris Ukioyé » de Hermès et le rare « Terre d'Iris » de Miller Harris. Autant de parfums qui nous rappellent que nos chers iris ne sont pas que les fleurs splendides qui nous ensorcellent.