21.10.16

FRAGILE ÉTERNITÉ

Depuis 1925, l'année où la famille Schreiner a commencé son activité, elle a enregistré plus de mille variétés d'iris. Essentiellement des grands TB, mais aussi quelques iris médians et nains. Au tout début, les enregistrements ne concernaient que très peu de nouvelles variétés chaque année. C'est ainsi qu'il n'y eut que quarante-quatre enregistrements officiels entre 1934 et1950 ! Une quantité qui, maintenant, est atteinte en trois ans ! Cette rareté pourrait laisser à penser que les iris de cette époque avaient une grande chance d'exister pour l'éternité puisqu'ils n'étaient pas vraiment menacés par la multitude environnante. Mais il n'en est rien. Carlos Ayento, l'administrateur du Brighton Park Iris Garden de Chicago, a consacré un site à un hommage à la Maison Schreiner où il s'efforce de rassembler images et commentaires sur tous les enregistrements Schreiner qui ont eu lieu. Il y précise, entre autres, si les variétés en question sont ou non considérées comme disparues, en danger de disparition ou plus ou moins encore largement cultivées. C'est là que j'ai pris les renseignements nécessaire à la présente chronique.

Pour les années 1925/1933, le site de BPI est vide. Ni noms, ni photos, ni renseignements. Le premier enregistrement répertorié est celui de 'Autumn Frost', de 1934, et cet iris semble avoir disparu. La même mésaventure doit être advenue à 'Lucrezia Bori' (1935). Qu'en est-il des trois variétés suivantes ? 'Constance Schreiner', 'Marco Polo', 'Nana'. La base de donnée « Iris Register » en fait mention mais elle seraient antérieures à la tenue du premier registre numérisé. On ne sait donc pas si elles existent encore. Pour la période considérée, il y aurait quatorze autres variétés disparues. Certaines, surtout chez les iris nains et arilbreds, n'ont jamais du être largement commercialisées, de ce fait leur disparition n'est pas étonnantes, d'autres semblent n'avoir eu qu'une distribution limitée et un intérêt horticole restreint : leur nom n'est pas resté dans l'histoire. D'autres, restés peu connus, ont eu parfois une certaine descendance. C'est le cas notamment de 'Lamplight' (1944) pour lequel on découvre trois descendants enregistrés. 'Boris' (1942), 'Vestal Beauty' (1942), 'Janice' (1943), 'Russet Mantle' (1944) n'en ont eu qu'un seul. La disparition de 'Ethiop Queen' (1938) est plus surprenante. C'est en effet une variété qui a été plusieurs fois utilisée en hybridation et « The World of Irises » lui consacre quelques lignes : « Les Schreiner ont croisé 'The Black Douglas' avec un semis noir issu d'une lignée de rouges(1), et ce croisement a donné 'Ethiop Queen', introduit la même année que 'Sable' de P. Cook. 'Ethiop Queen' croisé avec 'Dymia', a donné 'Black Forest', de courte stature mais avec une profondeur de noir encore inconnue chez les eupogons. » Avec ce 'Black Forest', 'Ethiop Queen' s'est ouvert une descendance innombrable et, s'il est véritablement éteint, c'est une perte profonde pour le monde des iris.

A côté de tous ces « morts au champ d'honneur » il existe de nombreuses variétés considérées comme en danger de disparition. Comme dans le chapitre précédent on trouve dans ce cas des iris qui manquaient de caractère ou de charme et qui, de ce fait n'ont pas dû connaître un taux de diffusion sensationnel : elles menacent de s'éteindre faute de représentation dans les jardins. Mais il en est aussi dont l'extinction prochaine est moins justifiable. C'est le cas de 'Winter Carnival' (1941) un blanc très pur qui a eu une descendance relativement importante grâce à des croisements avec les plus grandes variétés de son temps, comme 'Great Lakes' ou 'Blue Sapphire'. Une trentaine de semis issus de 'Danube Wave' (1947), un autre « en danger », figurent à la Check-List. Les couples (Chivalry X Danube Wave) ou (Pierre Menard x Danube Wave) ont donné naissance à plusieurs beaux iris bleus. Sont également placés dans cette liste de variétés menacées 'Flying Saucer' (1950) et 'Quicksilver' (1950) deux noms qu'on découvre au pedigree de variétés prestigieuses comme 'Rococo' ou 'Harbor Blue' ou encore 'Big League'.

 L'alarme est moins sévère mais néanmoins présente pour quelques variétés comme 'Golden Treasure' (1936), 'Gypsy Baron' (1942) ou 'Velvet Dusk' (1948) ; ce dernier est à l'origine du sombre 'Licorice Stick (1960) et figure également, dans un bourgeonnement de croisements, au pedigree de 'Fashion Queen' (2004).

Enfin quelques uns ont bien supporté les injures du temps, comme l'inusable 'Mulberry Rose' (1941) ou le plicata 'Confetti' (1949), mais ils sont peu nombreux.

Pour conclure, il me semble que provenir d'une grande maison ne soit pas synonyme de pérennité. Même quand on est, comme 'Ethiop Queen' au départ d'une famille nombreuse et illustre, on n'est pas à l'abri d'un désamour inexplicable conduisant vers le triste cercle des iris disparus...

(1) Grace Sturtevant X Indian Chief 

 Illustrations : 


'Ethiop Queen' 


'Lamplight' 


'Black Forest' 


'Danube Wave'

Aucun commentaire: