9.10.16

CARTE D'IDENTITÉ

S'il y a quelque chose qui n'est pas bien compris par les amateurs d'iris, c'est bien la notion d'enregistrement des variétés nouvelles. Sur “Facebook”, il y a quelques semaines, une discussion s'est élevée à ce sujet qui démontre cette incompréhension. Elle est partie de la présentation par le letton Laimonis Zakis de la photo d'une de ses réalisations, un iris apparemment superbe qu'il a baptisé 'Zelta Gredzens'. Comme je demandais à son obtenteur quand cette variété serait enregistrée, un autre amateur balte m'a répondu en me faisant remarquer qu'enregistrer un iris était une formalité coûteuse et sans intérêt. Ce sera le point de départ de la chronique d’aujourd’hui.

Écartons tout d'abord l'argument financier. La somme reversée à l'AIS est bien modeste et doit tout juste couvrir les frais matériels de l'inscription. Ce n'est pas cela qui peut dissuader un obtenteur.

Affirmer que cette inscription est inutile, en revanche, mérite quelques mises au point.

Une plante sauvage est identifiée internationalement par un nom latinisant composé de deux éléments, un nom de genre et un nom d'espèce. Ces deux éléments et les descriptions officielles qui vont avec rendent compréhensible par tous ce dont on veut parler. Quand il est question de pervenche on dit Vinca pour le “genre” et pour préciser de quelle espèce de pervenche il s'agit, on dit Vinca major, par exemple. Il n'existe pas une procédure identique pour les créations horticoles, mais néanmoins des règles ont été établies, pas spécialement contraignantes, et les obtenteurs de nouvelles variétés devraient s'y soumettre scrupuleusement. En effet une création horticole représente le fruit d'un travail conséquent pour une plante qui peut exister pour l'éternité et qui peut se répandre très facilement à travers le monde et être utilisée pour créer d'autres plantes. Celui qui hybride, cultive et sélectionne ce qui va devenir une nouvelle variété doit se rendre compte de cela et faire en sorte que le doute ne s'installe pas chez les professionnels comme chez les amateurs. Il est de sa responsabilité de ne pas prendre le risque de susciter une ambiguïté dans le monde végétal. On peut objecter, comme l'a fait mon contradicteur letton, que tant qu'un iris non officiellement identifié ne sort pas des limites du jardin de son créateur, il n'y a pas lieu de lui donner autre chose qu'une identité de commodité. Cela peut être admis, en effet, mais est-on certain que l'iris en question ne sera pas vendu ou donné à un autre amateur qui, forcément, pourra en disposer comme il l'entend, ouvrant ainsi ce que l'on pourrait appeler une boîte de Pandore. N'exagérons rien, le risque pris n'est pas dramatique. Il est simplement gênant et plutôt perturbateur. Prenons l'exemple d'une variété en principe non susceptible de connaître une diffusion internationale mais qui néanmoins s'est répandue bien au-delà de son jardin natal. Il s'agit de 'Beghina', une plante que j'ai moi-même beaucoup appréciée. Son obtentrice, Gina Sgaravitti, grande bourgeoise romaine, qui pratiquait l'hybridation comme un violon d'Ingres, n'a pas jugé bon de l'enregistrer. C'est bien dommage et cela peut être à l'origine de confusions. Si un doute s'établit quant à la dénomination d'un iris, la description qui accompagne la demande d'enregistrement, inscrite dans la check-list de l'AIS, sera là pour faire office de juge de paix. Sans cela, le doute subsistera. Ce sera la même chose pour le pedigree dont chaque hybrideur sait, pourtant, l'importance qu'il peut avoir au moment de choisir un géniteur. Il y a quelques semaines, une discussion a eu lieu sur Facebook à propos d'une variété appelée 'Antiquity' (Blyth, 2000). Une personne a présenté sous ce nom, en provenance d'une grande pépinière, la photo d'un iris aux pétales jaunes et aux sépales blancs largement tachés de jaune aux épaules. Aussitôt un hybrideur chevronné a émis des doutes car selon lui l'iris portant ce nom était un jaune bronzé, marqué d'une zone bleutée sous les barbes. Vérification faite dans la check-list, il s'est avéré que la première fleur présentée ne pouvait pas être la bonne. Si cet 'Antiquity' n'avait pas été enregistré, la vérité n'aurait jamais pu être établie.

Une des raisons invoquées pour justifier l'absence d’enregistrement est, venant d'un obtenteur également pépiniériste, que ses clients ne se souciaient nullement du nom et de l'origine des produits mis à son catalogue. Doit-on à ce point tenir compte de l'avis de simples amis des fleurs, au détriment de celui de ceux qui ont besoin, ou tout au moins apprécient, une identification complète ?

Enfin il est fréquent d'entendre dire : « Mes iris ne peuvent pas rivaliser avec ceux des obtenteurs professionnels, il n'y a pas lieu de les enregistrer au même titre que les leurs ». C'est ce qu'aurait pu soutenir Mme Kuntz à propos de son 'Debby Rairdon' (1965). C'était son premier iris, elle n'avait même pas retenu le nom des deux variétés utilisées pour réaliser le croisement. Il a pourtant triomphé partout où il a été présenté et a obtenu la Médaille de Dykes en 1971 ! Sans enregistrement il serait resté totalement inconnu...

A vrai dire je ne vois aucun argument sérieux pour étayé la thèse des « négationnistes » de l'enregistrement. Je suis même persuadé qu'il est préférable d'enregistrer une variété qui n'a pas d'avenir commercial, plutôt que de laisser se répandre une plante anonyme. Et puis quand on reçoit le petit carton qui tient lieu de certificat d’enregistrement, je puis dire que cela fait vraiment plaisir à l'amateur-hybrideur : une petite fierté bien innocente que cette carte d'identité pour un iris ! Et un document bien utile pour tout le monde de l'hybridation.

Iconographie : 


 'Zelta Gredzens' 


'Beghina' 


'Antiquity' 


'Debby Rairdon'

2 commentaires:

Tiziano a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Tiziano a dit…

Bonjour, le nom correct est Gina Sgaravatti