30.9.16

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XVII – William Bledsoe 

L'histoire retiendra plutôt de William Bledsoe son rôle au sein de l'AIS que son activité d'hybrideur. Cet homme du Sud, du Tennessee exactement, a été pendant un mandat de trois ans (1969/1971) Président de l'AIS, après avoir exercé différentes fonctions au sein de cette honorable société. Il a aussi créé un certain nombre de variétés qui, parce qu'il ne les a pas fait distribuer par une grande pépinière, n'ont pas eu la place qu'elles méritaient. En voici quatre :


 'About Time' (1978) 


'Captain's Table' (1976) 


'Olivella' (1981) 


'Sugar Tree' (1974)

BRUNO

En Grande-Bretagne, l'iridophilie n'est plus ce qu'elle était.Les hybrideurs y sont peu nombreux, et la BIS, la fameuse BIS, peine à renouveler ses cadres dirigeants. Ce fut pourtant une grande nation de monde des iris, notamment au début du XXe siècle.

 Parmi ceux qui ont fait sa grandeur et sa gloire, il y a Arthur J. Bliss, un fils de bonne famille qui a bourlingué comme savaient les faire les anglais à cette époque, puis est revenu au pays et s'est intéressé à la génétique et l'a appliquée aux iris. C'est lui (en 1917) le créateur du fameux 'Dominion', et chacun sait que l'apparition de cette variété a été, comme l'écrit Clarence Mahan (1), « un événement révolutionnaire dans l'histoire des iris de jardin ». C'est ce que l'on a appelé « la révolution tétraploïde ». Arthur Bliss n'a jamais été certain des origines de son 'Dominion'. Il a longtemps cru que le parent femelle était un certain 'Cordelia', obtention de Robert Parker, mais il s'est aperçu que la variété qu'il avait utilisée comme s'appelant 'Cordelia' n'était sans doute pas la vraie. Le cas du parent mâle, 'Asiatica' est tout aussi sujet à caution. L'iris que Michael Foster avait baptisé 'Asiatica' avait été récolté en Turquie (un peu comme le fameux 'Amas') mais plusieurs iris cultivés comme étant 'Asiatica' se sont révélés comme étant en fait des variétés baptisées 'Kharput' ou 'Fontarabie', voire même 'Amas' en personne ! C'est sans doute dommage que le doute se soit ainsi installé, mais cela ne change rien aux incontestables qualité de 'Dominion'. Bliss en a fait un usage intensif dans son programme d'hybridation. C'est ainsi que sont apparues des variétés aussi célèbres que 'Cardinal' (1919), 'Bruno' (1922), 'Romola' (1923) et 'Grace Sturtevant' (1926). C'est à 'Bruno' et à sa descendance que nous allons nous intéresser maintenant.

Si l'on est certain que 'Bruno' est bien un descendant de 'Dominion', on n'a aucune certitude quant au nom de son autre parent. A l'époque on n'était pas très exigeant dans l'enregistrement des pedigrees. On sait que c'est une sorte de miraculé puisque seulement deux graines se trouvaient dans le capsule dont il est issu (ce qui laisse à penser qu'il provient d'un croisement entre un tétraploïde – 'Dominion' – et un diploïde car ce type de croisement à la particularité d'être très peu fertile). C'est un iris très joli. Des couleurs douces, veloutées, comme on en obtenait à l'époque, une forme parfaite et une plante robuste et élégante. Les pétales beige teinté de mauve, jaune tendre au cœur, tranchent sans jurer avec les sépales d'un riche pourpre, plus clair au bord. C'est sans doute ces couleurs, puisque le pedigree n'est pas éloquent, qui ont incité ceux qui l'ont choisi a en faire usage en hybridation. Celui qui en a fait le plus grand usage est Ferdinand Cayeux. Parmi les variétés que ce grand maître en a obtenu, il y a notamment 'Député Nomblot' (1929), mais cet iris qui fut peut-être le plus réussi de son époque, n'a pas eu de descendance notable. En revanche 'Jean Cayeux' (1922), l'une des variétés les plus originales qu'on puisse encore trouver, est à l'origine d'un grand choix de variétés excellentes, de sorte qu'il figure dans le pedigree d'un très grand nombre des iris d'aujourd'hui. Pour en faire la démonstration, nous pouvons examiner une cascade variétale complète, qui s'arrête pour l'instant sur un cultivar bien moderne :'Dragon King' (Tasco, 2012).

De 'Jean Cayeux', arrivé très tôt aux Etats-Unis, on passe à un morceau de résistance, le fameux 'Tobacco Road' (Kleinsorge, 1941). C'est l'ancêtre de presque tous les iris bruns ou mordorés. De là on s'oriente vers 'Pantomime' (Babson, 1968). Un iris pour le moins original, d'un coloris un peu terne, mais qui a été très apprécié par de nombreux hybrideurs des années 1970. Un trait particulier de la lignée que l'on examine, c'est que les éléments qui s'y succèdent n'apparaissent qu'environ tous les dix ans. C'est plutôt rare, mais en l’occurrence, cela donne plus de limpidité. Le suivant, dans ces conditions, est 'Art of Raphael' (Zurbrigg, 1979). Comme on dit aujourd'hui, on est sur un iris qui ne paie pas vraiment de mine, qui n'a pas connu de succès commercial, mais qui a acquis la célébrité en étant choisi par Monty Byers pour être l'un des géniteurs du célébrissime 'Thornbird' (Byers, 1988), Wister Medal 1996, Dykes Medal 1997. 'Solar Fire' (Tasco, 2003) vient ensuite. Celui-là, produit de deux Dykes Medal ('Thornbird' et 'Golden Panther') a fait un tabac commercial à défaut de parvenir à la première place dans le course aux honneurs. Il a en effet tout pour plaire : des pétales jaune doré ombré de bronze, des sépales sang de bœuf veinés d'or sous les barbes et ceinturés d'un liseré or, et de longs éperons grenat. On reste dans les coloris rouges sombres avec 'Smoky Shadows' (Tasco, 2010), à la génération suivante. Rick Tasco fait partie des meilleurs obtenteurs actuels. Avec 'Smoky Shadows' il fait honneur à sa réputation : des pétales brun-brique doré, des sépales bordeaux comme un St Emilion, veinés d'or autour des barbes qui sont couleur bronze doré. Les années passent et on approche du temps présent. La dernière variété à apparaître dans cette lignée, c'est 'Dragon King' (Tasco, 2012). Celui-là est en route pour un gros succès commercial. C'est mérité pour cet iris très moderne, que l'on peut classer parmi les iris « à rayures » avec des sépales veinés de grenat foncé sur un fond couleur amarante.

A partir de 'Thornbird' on aurait pu revenir en France, et avec une étape intermédiaire de moins, puisque trois obtenteurs de notre pays l'ont choisi pour certains de leurs croisements. Il s'agit de Jean Peyrard, de Sébastien Cancade et de Jean-Claude Jacob. Le premier a enregistré 'Mon Prince' (2006), un « vrai » BB, le second a proposé 'Crème Frangipane' (2008), qui fait partie des tout premiers de ses enregistrements. Quant à J. C. Jacob, il en a fait usage au moins cinq fois et enregistré :
'Page La Salle' (2006)
'Guéréon' (2007) qui est à l'origine de 'Toul ar Sarpen' (2010)
'Moulin de Trévilis' (2008) qui a engendré le superbe 'Boutefeu' (2012)
'Stérec' (2008)
'Beg an Fri' (2013).
Il y a parmi ces iris des fleurs qui sortent de l'ordinaire comme ce 'Boutefeu', violet sombre, agrémenté de barbes jaune vif, ou 'Toul ar Sarpen', variegata classique mais aux sépales liserés de jaune et joliment ondulés.

 En huit générations seulement on est passé de 'Bruno', il y a presque cent ans, à un certain nombre de variétés ultra-modernes. C'est une performance car, en général, pour atteindre ce niveau de modernité, il faut bien compter une vingtaine de générations. Le cheminement génétique passe par des variétés d'apparence insignifiante, dans les tons de gris ou de brun, et d'autres, rutilantes, appréciées du public pour cela.

 'Bruno' fait partie des grands iris ; de ceux qui ont marqué leur époque, et que l'on ne perd pas de vue puisqu'ils ont transmis leurs gènes aux iris d'aujourd'hui.

Illustrations : 


'Bruno' 


'Député Nomblot' 


'Art of Raphael' 


'Boutefeu'

LA SEMAINE PROCHAINE...

La semaine prochaine Irisenligne sera en retard. Publication le dimanche 9 octobre seulement.

23.9.16

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Moderne ou Historique ? 

De quoi réanimer une vieille controverse. Un iris est-il “historique” parce qu'il a plus de trente ans ? Une photo publiée par Bob Skaggs sur Facebook représente 'Peter Tchaikovsky' (Clifford Benson, 1982). Voici le commentaire qu'en fait Milan Blazek, spécialiste tchèque reconnu dans l'irisdom :
 “ De tels iris nous conduisent à établir notre propre classification des iris de jardin : nous préférons le terme d'iris Moderne (ceux introduits à partir des années 1960) plutôt que celui d'iris Historique au sens commercial du terme – ceux introduits depuis au moins 31 ans.” 

C'est, à mon avis, une louable proposition; comme on dit sur Facebook, “j'aime”.

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XVI – Valeria Romoli 

Il est sans doute outrecuidant de placer Valeria Romoli parmi les grands hybrideurs, mais il est pourtant bien exact qu'elle a remporté le Florin d'Or, ce qui n'est pas permis à tous le monde ! Valeria Romoli, qui fut longtemps la gérante infatigable du Concorso Firenze, fait partie de ces amateurs éclairés qui pratiquent l'hybridation à titre de loisir et qui réussissent parfaitement. Voici quatre de ses iris :


 'Andante con Brio' (2003) 


'Buongiorno Aprile' (1996) 


'Settimo Cielo' (1999 – Fiorino d'oro = 1999) 


'Verde Luna' (1996)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Charte des couleurs 

Une lectrice de ce blog m'a demandé de lui indiquer où se procurer la charte des couleurs qu'utilise Keith Keppel (M&P). Ce dernier m'a fait parvenir la réponse suivante :
« Il s'agit du Dictionnaire des Couleurs de A. Maerz et M. Rea Paul. Deux éditions, 1930 et 1950. Publié par McGraw-Hill Book Company (New York/Toronto/London). Épuisé depuis longtemps, mais occasionnellement proposé à la vente par Amazon ou un autre marchand de livres.” 
Cette information peut intéresser quelque hybrideur, amateur comme professionnel.

IRIS D'ALLEMAGNE

II. Les temps modernes 

Jetons un œil sur les premiers obtenteurs de ces temps modernes, c'est à dire du début des années 1980 : 
Lothar Denkewitz : Ne s'est pas intéressé uniquement aux iris, dont il est surtout connu pour ses médians, mais aussi a toutes sortes de plantes (fougères, bruyères...) sur lesquelles il a écrit plusieurs ouvrages mondialement connus. 
Eberhard Fischer : en tant que généticien, il a rapidement mis à profit ses connaissances pour effectuer des croisements d'iris. C'était en RDA. Dès la réunification de l'Allemagne, ses travaux ont été internationalement reconnus. Il n'a enregistré qu'un faible nombre de variétés, mais elles lui ont valu de recevoir la Médaille de Karl Foerster. 
Harald Mathes : ingénieur des mines dans la Ruhr, il s'est essentiellement intéressé aux iris arils avec lesquels il n'a pas obtenu les résultats espérés en raison d'un climat inadapté à cette production. Chez les iris à barbes, il s'est fait une spécialité des iris nains. 
Erhard Wörfel : Un excellent amateur, longtemps président de la GDS (société équivalente à notre SNHF), qui a hybridé plus pour son plaisir que pour un quelconque profit commercial. 

 La belle époque : les années 1980/1990 : 

 C'est véritablement le moment où la production allemande s'est fait remarquer dans le monde des iris. L'irisarien le plus internationalement connu est Tomas Tamberg. Ce chimiste de profession, originaire de Thuringe, a naturellement été intéressé par les travaux de Currier McEwen sur le traitement des graines par la colchicine. Il s'est fait une spécialité des iris de Sibérie et des hybrides interspécifiques (sib-color, cal-sib, sib-tosa...), même si, dans un premier temps, il a obtenu des résultats remarquables avec les grands iris de jardin. Avec l'une de ses variétés ('Berlin Ruffles'), il a remporté la médaille Dykes britannique. 
Siegmar Görbitz est plus un amateur éclairé qu'un véritable professionnel. Son cheval de bataille, ce sont les iris bleus. Il en a créé un grand nombre, tous recèlent d'indéniables qualités. 
Harald Moos n'est pas loin de devoir être rangé dans la même catégorie.Cet agent d'assurance pratique l'hybridation essentiellement pour son plaisir et il réussit plutôt bien puisque plusieurs de ses variétés ont obtenu des distinctions dans les compétitions internationales. 
Manfred Beer est de loin le plus connu des hybrideurs allemands. Après une carrière d'ingénieur dans les ligne électriques à haute tension, il a commencé une nouvelle vie dans le domaine de l'hybridation. Il y a obtenu ( et obtient toujours) de remarquables succès un peu partout dans le monde. 

Depuis la réunification de l'Allemagne, de nombreux hybrideurs sont apparus, essentiellement dans les länder qui constituaient l'ancienne Allemagne Orientale. Il font généralement preuve de beaucoup de talent et leur travail commence à être reconnu au delà des frontières germaniques du fait de leur succès dans les compétitions auxquelles ils prennent part. Leur renommée a atteint les États-Unis où plusieurs sont maintenant distribués. Citons les noms de Günter Diedrich, Wolfgang Landgraf ou Frank Kathe. 
Günter Diedrich, après l'apprentissage du jardinage a obtenu un diplôme en horticulture. C'est lors d'une exposition horticole internationale à Olomouc en République Tchèque, qu'il a commencé à s'occuper des grands iris. A partir de là, il s'est fait un nom dans l'hybridation et l'on constate chaque année des progrès dans la qualité et l'originalité de ses obtentions. 
Wolfgang Landgraf est spécialisé dans le domaine des transports, il travaille comme répartiteur à la Deutsche Bahn. Son intérêt pour les Iris est vieux déjà d'environ 30 ans, mais il est encore très vivace. Les terrains où il effectue son travail d'obtenteur sont situés à 350 m de hauteur en Thuringe. Là, il cultive des variétés modernes, plaisantes et robustes maintes fois primées dans les compétitions allemandes. 
Frank Kathe: Ce spécialiste des iris nains, particulièrement créatif, fait penser d'une certaine façon à la française Rose-Linda Vasquez car l'un et l'autre ne disposent que d'un espace du genre « mouchoir de poche » pour effectuer croisements et sélections. Il pratique avec succès des « rétrocroisements » avec des variétés anciennes dans le but de redonner de la vigueur à des plantes affaiblies par de multiples croisements souvent consanguins. 

 De nombreux nouveaux hybrideurs sont apparus au cours des dernières années et plusieurs se sont fait connaître en remportant des récompenses dans les compétitions auxquelles ils ont pris part : C'est ainsi que l'on peut parler de Bernhard Lesche, Pia Altenhofer, Gertrud Boffo, Margitta Herrn, Volker Klehm, Helmut Wickenhaüser ou Siegfried Ziepke. 
Bernhard Lesche: Originaire de Jena, en Thuringe (encore!), il a longtemps travaillé dans la fabrication de microscope, l'optique est une spécialité de cette partie de l'Allemagne. Quand il s'est lancé dans l'hybridation, les premiers succès n'ont pas tardé à venir. Depuis le début des années 2000 il enregistre régulièrement des variétés intéressantes qui ont une « touche » caractéristique, signature d'une personnalité remarquable. C'est sûrement l'un des meilleurs espoirs parmi les hybrideurs allemands. 
Pia Altenhofer, de Halle, se signale par une démarche originale pour ce qui est de l'attribution d'un nom à ses obtentions : elle choisit un vocable qui n'a pas de signification particulière mais se contente de bien sonner à l'oreille ! C'est un moyen infaillible de ne pas risquer une homonymie nécessairement rejetée par le registrar ! Elle a déjà à son compteur plus de cinquante variétés nouvelles dans toutes les catégories d'iris. 
Gertrud Boffo, de Bad Vilbel, près de Frankfurt, a enregistré son premier iris en 2006. Il s'agit de 'Echinor' qui a immédiatement été primé à Munich. 
Volker Klehm, de Berlin, lui, a commencé un an plus tôt ; pour l'instant son catalogue se limite à cinq variétés issues de quatre croisements. 
Helmut Wickenhaüser, de Östringen, près de Karlsruhe, s'est fait connaître en 2013 quand son 'Heaven Hill', amoena blanc/bleu lavande a obtenu une récompense au concours de Munich. 
Margitta Herrn, de Leipzig, a appris le métier d'hybrideur avec Manfred Beer. Elle a enregistré son premier iris en 2010 et s'est aussitôt fait remarquer par l'originalité de ses choix dans ses croisements. Son 'Miltitzer Tanzparty' (2011) a été primé à Munich en 2012. 
Siegfried Ziepke, de Bensheim, entre Darmstadt et Manheim, en est à ses débuts. Il travaille dans le domaine des iris nains. 

L'attrait de l'hybridation sur les jeunes allemands ne se dément pas. C'est une situation analogue à celle que nous connaissons en France pour l'instant, et c'est également vrai en Europe de l'Est et en Russie. L'hégémonie des Etats-Unis et de l'Australie sur le monde des iris est de plus en plus remise en cause.C'est une bonne chose puisque l'équilibre qui s'établit ne peut que susciter l'émulation et favoriser l'apparition de nouveautés dont on n'a pas encore idée. 

Illustrations : 


 'Mondshimmer' (Lesche, 2002) 


'Plauen' (Landgraf, 2007) 


'Weisse Düne' (Moos, 2009) 


'Heaven Hill' (Wickenhaüser, NR-circa 2013)

16.9.16

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Nota bene


Notre cher ami Loïc Tasquier, spécialiste reconnu des iris médians, m'a adressé quelques mots à propos de 'Star in the Night' (IB, Paul Black, 2009) : 

 « Je te passe la photo de 'Star in the Night' (P. Black, 2009, WC 2011 et  Sass Medal -meilleur IB- 2016) je ne sais pas si tu peux compléter ton article des lauréats, mais en tous cas, la voilà.   Je trouve qu’il est très beau, mais il à le défaut d’ouvrir ses fleurs en même temps à partir de la deuxième, ce qui donne une allure en paquet, et la floraison ne dure pas très longtemps. » 

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 


XV – Brian Dodsworth 

Cela fait plus de trente ans que je gravite autour du monde des iris et, notamment, de la SFIB où j'ai occupé toutes sortes de fonctions. Pendant tout ce temps j'ai pu constater que les relations entre amateurs d'iris français et britanniques étaient pauvres et distendues. Il semble qu'aux yeux des irisariens d'aujourd'hui la Grande-Bretagne ne représente plus grand' chose. A ma connaissance seul Lawrence Ransom, par ses origines anglaises, maintenait un lien entre la France et la Grande-Bretagne. C'est lui qui m'a fait connaître Brian L. C. Dodsworth. Celui-ci a régné sur l'iridophilie britannique pendant une trentaine d'années et remporté par douze fois la Médaille de Dykes anglaise entre 1977 et 2001 ! Il représente encore ce qui se fait de mieux en matière d'hybridation des iris dans son pays. Voici quatre de ses obtentions : 


'Annabel Jane' (1973) 


'Buckden Pike' (1985) 


'Sullom Voe' (1989) 


'Wensleydale' (1985)

IRIS D'ALLEMAGNE

La culture et l'hybridation des iris a une longue tradition en Europe centrale et, en particulier, en Allemagne. Comment ignorer en effet l'activité de l'entreprise Goos et Koenemann depuis les années 1880 jusqu'à la seconde guerre mondiale ? Après celle-ci, les noms de Eva Heimann, Peter Werckmeister, Rudolph Hanselmayer, Werner Dorn, Hertha Van Nes, Max Steiger et Victor Von Martin, ont été connus et appréciés de tous ceux qui, en Europe au moins, s'intéressaient aux iris. Celui de la comtesse Von Zeppelin et de sa pépinière ont, eux, acquis une réputation mondiale à un moment où ce qui provenait d'Allemagne n'avait pas toujours bonne presse, ce qui heureusement allait bientôt s'effacer. Aujourd'hui les hybrideurs allemands, nombreux, ont rejoint la catégorie des meilleurs, et leurs produits sont maintenant distribués aux USA, en concurrence avec ceux des producteurs autochtones. Nous allons faire un petit tour chez nos voisins pour avoir une meilleure connaissance de cette partie du monde des iris. 

 I. Au commencement 

La chronologie nous amène à commencer ce tour d'horizon par la firme Goos et Koenemann. Il s'agit de l'entreprise de deux amis qui, dès les années 1880, ont uni leurs compétences pour créer et faire prospérer une vaste pépinière située dans la vallée du Rhin, pas très loin de Wiesbaden. Max Goos était le gestionnaire (il a fait des études de comptabilité) et le technicien de l'association (avec une profonde curiosité pour tout ce qui concerne l'horticulture). August Koenemann était le commercial de l'entreprise. Il avait un réel talent pour la vente et la publicité. Max Goos avait commencé l'hybridation des iris dès le début des années 1880 et, avant de se lancer dans les grands iris, il s'était intéressé aux variétés naines. La collaboration des deux amis a duré jusqu'en 1910 et la mort prématurée de August Koenemann. Par la suite, Max Goos s'est débrouillé tout seul mais à partir de 1912 il s'est adjoint les compétences de l'horticulteur Friedrich Bücher, et l'année suivante son fils Hermann est entré dans l'affaire avant, hélas d'être tué pendant la guerre, en1916. La firme G&K a continué jusqu'au cataclysme de la deuxième guerre mondiale en mettant sur le marché de nombreux et excellents iris, qui ont conquis le monde entier et se rencontrent encore fréquemment ici et là. Dans cette production exceptionnelle il faut retenir les noms de 'Trautlieb' (1899) – rose clair marqué de blanc sous les barbes - 'Pfauenauge' (1906) – pétales jaune ivoire veinés de brun-rouge, sépales violets bordés de jaune - 'Loreley' (1909) – pétales jaune pâle, sépales rouge violacé largement veinés de blanc et liserés de jaune – 'Rhein Nixe' (1910) – pétales blancs, sépales indigo liserés blanc et barbes jaunes – 'Rheintraube' (1920) – néglecta bleu violacé – ou encore 'Rheingauperle' (1924), délicat rose-mauve. Toutes ces variétés poursuivent la lignée des iris diploïdes et, malgré la qualité de ses cultivars, l'erreur commise par G&K est sûrement de n'avoir pas pris le virage de la tétraploïdie. 

Après 1945 la culture des iris a repris peu à peu. Elle fut le fait de jardiniers amateurs qui, par la suite, se sont enhardis et ont développé leurs affaire jusqu'à devenir, pour certains de véritables spécialistes. Néanmoins la production allemande est restée purement nationale et essentiellement artisanale : les variétés qui ont été enregistrées sont peu nombreuses. Ce n'est que dans les années 1980 que les obtenteurs germaniques ont osé affronter la domination presque écrasante aux États-Unis et des grandes exploitations agricoles où l'on cultive des milliers de variétés d'iris. 

De la période considérée on peut retenir par exemple : 
- 'Goldfackel' (Steffen, 1955) – deux tons de jaune ; 
- 'Farbenspiel' (Dorn, 1958) – pétales jaune d'or, sépales bruns avec spot lilas 
- 'Karin von Hugo' (von Martin, 1958) – rose tendre à barbe minium ; 
- 'Fleissige Liesl' (Hanselmeyer, 1961) – rose dragée, barbes rouges ; 
- 'Oma's Sommerkleid' (von Martin, 1967) – blanc crémeux, tache mauve sur les sépales. 

Une mention particulière doit être faite de Hertha van Nes, une dame qui, bien entendu, a elle-même quelque peu hybridé, mais qui est plutôt une théoricienne de l'hybridation. 

Dès le début des années 1980 on constate un changement dans le comportement des obtenteurs allemands. Non seulement le nombre des variétés nouvelles croît considérablement, mais la qualité des produits s'améliore et ils ont de plus l'avantage d'une meilleure adaptation aux conditions climatiques européennes, et l'on voit apparaître de véritables professionnels. La première à se signaler est la Berlinoise Eva Heiman. Nous lui devons le violet profond 'Berliner Nacht' (1980), descendant de 'Matinata', ou 'Berlin Ice' (1984), blanc bleuté, qui a figuré au catalogue de Grafin Von Zeppelin, et de bien d'autres beaux iris. Pour les années suivantes il convient de les subdiviser en quatre périodes : Les années 1980 proprement dites ; les années 1990 ; le début du 21e siècle et la période actuelle. Toutes cependant se signalent par le fait que les obtenteurs se plient scrupuleusement aux règles internationales d'enregistrement, prennent part à certains concours internationaux, commercialisent leurs obtentions soit par vente directe, soit par l'intermédiaire de pépiniéristes-producteurs ; la seule différence avec ce qui se passe dans les grandes nations irisariennes c'est que les iris allemands ne sont guère distribués par les pépinières autres qu'allemandes, ce qui limite leur diffusion et nuit à leur renommée. A noter cependant que depuis très peu de temps quelques pépinières américaines (Stout, Filardi...) ont mis des variétés allemandes à leur catalogue. Mais rien de tel en France où les grands producteurs, frileux dans la diversité de ce qu'ils proposent, ne vendent guère, outre leurs propres obtentions, que des variétés américaines ou australiennes. 

(à suivre...) 

Illustrations : 


- 'Goldfackel' (Steffen, 1955)  - auteur du cliché non identifié

 - 'Karin von Hugo' (von Martin, 1958) 


 - 'Fleissige Liesl' (Hanselmeyer, 1961) 


 - 'Berliner Nacht' (Heiman, 1980)

12.9.16

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne dresse chaque semaine un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

 XIV – Luella Noyd 

Voici une dame qui est bien oubliée aujourd'hui. Il faut dire que ses obtentions n'ont pas été très nombreuses ni très répandues et qu'aucune n'a dépassé le stade de l'Award of Merit dans la course aux honneurs. Mais elle avait la réputation d'être une redoutable femme d'affaires et qu'elle a réussi quelques « coups » restés fameux dans le petit monde des iris. Comme l'acquisition pour une bouchée de pain de tous les rhizomes de 'Debby Rairdon' (Kuntz, 1965) qui devait obtenir la Médaille de Dykes en 1971 et dont elle avait pressenti l'incroyable succès.


 'Striped Butterfly' (1956) 


'Fluted Lime' (1966) 


'Symphonette' (1969) 


'Pride of Ireland' (1971)

68-110 : (Ponderosa X New Moon) ou le sommet de l'art

Un nez, un créateur de parfum, imagine d'abord une nouvelle fragrance, puis il réunit les ingrédients dont il va se servir, et commence les subtils mélanges qui vont constituer sa nouvelle création. L'hybrideur Joë Ghio, en matière de création de nouveaux iris, doit procéder à peu près de la même façon. Sans doute a-t-il dans la tête – mais aussi dans sa documentation – tous les éléments qui constituent la formidable « gènothèque » qu'il a rassemblée au cours de sa longue carrière. Il sait, évidemment, ce que chaque élément peut apporter et il visualise sans doute avec une science approfondie et un génie confondant ce qu'il espère obtenir à partir de chaque croisement. Sans doute échoue-t-il parfois car la nature conserve ses mystères et sait ménager ses surprises. Mais ces échecs ne nous sont évidemment pas connus et nous ne constatons, admiratifs, que les succès qu'il obtient. Chaque année il y en a une poignée, devant laquelle nous nous extasions. Pratiquée avec une pareille maîtrise, l'hybridation n'est plus l'exercice d'une sorte de curiosité ou une forme de loisir, mais l'expression d'une science diabolique.

Parmi toutes les fioles que cet alchimiste manipule il y en a une qui apparaît à de nombreuses reprises dans les pedigrees si complexes qui accompagnent souvent les descriptions de ses nouveautés : c'est (Ponderosa X New Moon). Dans le crypto-catalogue de Joë Ghio elle apparaît sous le numéro 68-110. Elle se répartit en de nombreux « flacons » identifiés par une lettre distinctive, et il doit y en avoir au moins une vingtaine qui correspondent chacune à une plante dont seul son obtenteur (et peut-être quelques initiés amis) connaît les couleurs et caractéristiques.

Faisons connaissance avec chacun des éléments de ce croisement mythique.

'Ponderosa' (Ghio, 1968) = (Denver Mint X Moon River), est une fleur qui n'attire pas nécessairement l'attention. Elle est décrite comme « pétales brun rosé ; sépales mélange de brun de violet et de rouge ; barbes brun jaunâtre. » Ghio nous dirait peu-être les qualités qu'il lui trouve, car il es certain qu'elle ne doit pas en manquer ! Il l'a croisé avec de nombreuses variétés très variées d'aspect mais essentiellement dans les tons de jaune ou abricot : 'Travel On', 'Gracie Pfost' (le seul qui soit rouge), 'Debby Rairdon', 'Honey Rae', 'Orange Chariot', 'Ghost Story', 'Saffron Robe', 'Peace Offering', 'Opening Round'...

 'New Moon' (Sexton, 1968) = (Moon River X New Frontier), universellement connu. C'est un jaune lumineux issu d'un jaune et d'un rose. « Unicolore jaune citron, barbes jaune citron » dit la check-list. Il a été très abondamment utilisé en hybridation dans toutes les parties du monde et pendant de nombreuses années. Joë Ghio a été l'un de ceux qui s'en sont le plus servis, sur plusieurs générations.

Le croisement (Ponderosa X New Moon) fait partie des éléments de base de la palette de Joë Ghio. On le retrouve dans plusieurs combinaisons dont la suivante, qui a été employée très souvent et qui est répertoriée, si je ne me trompe pas, sous le numéro 71-147P :((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon)). Voici une variété dont la généalogie s'étend sur quatre générations. On constate qu'au départ il y a un premier croisement : (Commentary x Claudia Rene). Ensuite le produit de ce croisement est de nouveau croisé avec 'Claudia Rene'. A la génération suivante un nouvel élément est ajouté ; cette fois il s'agit de 'Ponderosa'. Pour terminer, le produit de ce dernier croisement est apparié avec une variété non dénommée, mais notée sous le numéro 68-110 et qui s'écrit (Ponderosa x New Moon).Ce genre de combinaison, qui se complique avec le temps, est classique chez Joë Ghio. Car, pour garder notre exemple, 71-147P a été par la suite marié plusieurs fois. C'est ainsi que, de fil en aiguille, on parvient à 88-129R2 où on atteint la onzième génération depuis notre 68-110, de vingt ans antérieur. Et depuis 1988 il s'en est passé des choses et il y en a eu des croisements !

Au fil des années les pedigrees s'allongent et se complexifient car Ghio ne prend pas la peine d'enregistrer – et donc de nommer – les semis qu'il trouve intéressants et qu'il conserve, si bien que là où certains se contentent de deux noms réunis par un X, Ghio énumère les différents composants de chaque membre du croisement, parfois sous la forme d'un simple numéro de semis, parfois avec la désignation des variétés utilisées. Est-ce une stratégie ? En effet ne pas décrire (ni photographier) un semis conserve à celui-ci une part de mystère qui est peut-être volontaire. C'est une façon de garder un secret de fabrication ! Cela présente l'avantage de détailler le cheminement de l'obtenteur vers la variété enregistrée, en revanche, cela a l'inconvénient de donner une liste à rallonge, pas facile à déchiffrer. Et c'est à ce moment qu'on se rend compte de la finesse du travail de Joë Ghio : on suit l'évolution de sa pensée, on note les touches de tel ou tel coloris ou de telle ou telle qualité horticole qu'il ajoute (ou retranche) pour atteindre le but qu'il s'est fixé.

C'est un travail de grand seigneur. Ils ne sont que quelques-uns, dans notre monde, à être capables de maîtriser autant de paramètres, peut-être trois ou quatre. Si on peut effectivement les comparer à de grands parfumeurs, on pourrait aussi bien faire un parallèle avec de grands compositeurs comme Mozart, Wagner ou Mahler. A ce degré de perfection, l'hybridation n'est plus un jeu mais une science et un art exceptionnels.

Illustrations : 


Ponderosa 


New Moon 


Commentary 


Claudia Rene

4.9.16

LE RETOUR

Comme prévu, Irisenligne est de retour. Avec LA FLEUR DU MOIS, en plus.

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

XIII – Ladislaw Muska 

 J'ai entendu certains dire de ses iris qu'ils avaient plus de feuilles que de fleurs. Il est vrai que ses sélections ont parfois manqué de rigueur, mais il faut lui rendre cette justice, c'est qu'il a été un précurseur, l'initiateur de l'iridophilie moderne dans les pays de l'ancien bloc de l'Est. Et puis certaines de ses variétés sont tout de même très belles : ce n'est pas sans raison qu'elles ont été couronnées dans de nombreuses compétitions internationales.

'Don Epifano' (1989) 


'Mediterrano' (1995) 


'Ramruhee' (1996) 


'Gaïus' (2007)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Récompenses américaines (suite et fin) 

Le dernier bulletin de l'AIS, qui vient de me parvenir, nous donne les résultats des compétitions qui se sont déroulées lors de la Convention 2016, à Newark, en New-Jersey, à une portée d'arquebuse de New-York.

President's Cup (meilleur iris originaire de la Région organisatrice de la Convention) : 'Put Another Nickel In' (TB, Bushnell, 2010) ;


Franklin Cook Memorial Cup (meilleur iris originaire d'une autre Région) : 'Honky Tunk Rumble' (TB, H. Nichols, 2015) ex-aequo avec 'Three Part Harmony' (TB, P. Black, 2014) ;

Ben Hager Median Cup (meilleur iris médian) : 'Moose Tracks' (MTB, L. Miller, 2015)

Zurbrigg-Mahan Seedling Cup (meilleure variété non encore enregistrée) : Semis 2013-1 (TB, Bonnie Nichols)

 D'une manière les MTB (ou Iris de Table) ont été les grandes vedettes de cette Convention, avec 5variétés nominées, tant pour la Ben Hager Cup que pour la Zurbrigg-Mahan Cup.

Illustrations : 

 'Put Another Nickel In' 
'Honky Tonk Rumble' 
'Three Part Harmony' 
'Moose Tracks'

LA FLEUR DU MOIS

'Queen in Calico' ( Jim Gibson, 1979) 

((Orange Plush x Anon) X (Orange Plush x 14-9A) ) 

J'ai une préférence pour les iris plicatas. J'admire le travail en ce domaine de Keith Keppel et je partage son opinion selon laquelle ce modèle est celui qui est le plus porteur de nouveauté. Il y consacre une grande partie de son activité, avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir. Il a hérité cette passion de James Gibson, avec qui il a travaillé lorsqu'il demeurait en Californie.Ce James Gibson était un fondu des plicatas et ceux-ci constituent l'essentiel de son travail d'hybrideur. Dans ma collection d'iris j'ai eu, évidemment, plusieurs variétés plicatas signées Gibson ('Autumn Echo', 'Burgundy Brown', 'Casino Queen', 'Chief Hematite', 'Columbia the Gem', 'Gem of Sierra', 'Kilt Lilt', 'Mod Mode', 'Rustic Dance', 'Woodwine'... et, bien sûr, 'Queen in Calico'). Mes préférés sont 'Kilt Lilt' pour sa richesse de coloris, 'Chief Hematite' pour la saturation de ses couleurs, et ce 'Queen in Calico' dont on va parler aujourd'hui. 

Les descriptions que donnait Gibson lors de l'enregistrement des ses iris sont toujours très concises. On l’occurrence, celle qu'il a donnée de 'Queen in Calico' ne fait pas d'entorse à la règle : « Ruffled and laced light orange ground plicata, marked violet; orange beard », que je vais traduire par :  « fond plicata orange, ondulé et dentelé, marqué de violet ; barbe orange ».Si maintenant je devais refaire cette description, j'ajouterais que les pétales, bien frisés, sont largement colorés de violet clair, et que les sépales sont richement pointillés d'un violet un peu plus foncé que celui des pétales, avec une ligne plus sombre sous les barbes, et une bordure plus pâle. C'est en effet cette richesse de la coloration qui fait l'intérêt de cet iris. D'où proviennent ces différents traits, nous allons essayer de le découvrir. 

On ne peut pas évoquer une variété, quelle qu'elle soit, sans faire référence à ses parents. Mais pour ce faire, il faudrait, en ce qui concerne 'Queen in Calico', disposer des carnets de notes de Jim Gibson car le pedigree de 'Orange Plush' (1973), qui apparaît deux fois dans l'état-civil de 'Queen in Calico', n'est pas vraiment clair : « 20-5C: sib to Apricot Blaze X 40-4A ». Autant dire qu'on ne sait rien ! Car le jeu de piste va s'arrêter là, attendu que le pedigree d''Apricot Blaze' (1970) est encore plus sibyllin « 2-2PLB (from long line of sdlgs.) X 6-3 PLH (from long line of sdlgs.) ». Point final. 

Va-t-on en apprendre plus à propos de 'Anon' (1974) ? Eh bien non car voici le pedigree officiel de ce dernier : « 43-8A: (Apricot Blaze x 40-4A) X 23-7A: (sib to Smoke Rings) » ; et même si l'on essaie de se rabattre sur 'Smoke Rings' (1971) on n'est pas mieux servi ! Alors, contentons-nous de ce que l'on voit ! 'Anon' et 'Orange Plush' sont proches cousins. 'Anon' est un plicata orangé clair, presque couleur cannelle, quant à 'Orange Plush' , c'est à peine si la couleur de la « peinture » est plus vive. 'Apricot Blaze', dont on parle beaucoup, est sorti du même tonneau ! On tient là la coloration du fond de 'Queen in Calico', mais pas celle de sa couverture anthocyanique. Certes on peut se dire qu'elle ressemble un peu à celle de 'Smoke Rings', mais quoi qu'il en soit l'amateur d'exégèse généalogique restera sur sa faim. 

Jetons maintenant un œil sur la descendance. Elle n'est pas mince puisque composée de plus de cent variétés, obtenues par un grand nombre d'hybrideurs différents. Parmi ceux-ci il en est un qui a fait de 'Queen in Calico' un usage intensif : Ladislav Muska. A lui seul il est l'auteur de plus du quart des enregistrements. Plusieurs de ceux-ci figurent ou ont figuré dans ma collection, comme 'Calicoball' (1995), 'Kamukere' (NR c. 1995), 'Orange Horns' (1996), 'Ri-Sampei' (1996), 'Tagli e Buchi' (2001), 'Zuzana' (1999). Mais plusieurs autres variétés, d'origines diverses, que j'apprécie vivement, ont 'Queen in Calico' parmi leurs parents. C'est le cas de 'Hotel Roma' (Bianco, 2000), 'Nebbiolo' (Ransom, 2000), 'Rosarita' (Keppel, 1989), 'Rubacuori' (Bianco, 1999), 'Reine de Cuers' (Dauphin/Dejoux, 2008), 'Slovak Prince' (Mego, 2002), et, bien sûr, « mon » 'Mauvais Genre' (2012). 

Dans le florilège des iris qui méritent pleinement le titre d'historiques, 'Queen in Calico' a évidemment sa place. Ce florilège est bien entendu une sélection tout à fait arbitraire, mais, à mon avis, elles ne sont pas tellement nombreuses les variétés qui en font partie, et qu'on y trouve 'Queen in Calico' est assurément pour celui-ci un certificat d'excellence. 

Illustrations : 


 'Queen in Calico' 


'Anon' 


'Orange Plush' 


'Kamukere'

GHIO, ROUGE, COSI

Voilà trois mots dont on se doute bien qu'ils ont un point commun. Mais pour le découvrir, commençons par donner de chacun une sorte de définition :

GHIO = Prénom Joseph. Hybrideur américain de Californie, réputé pour sa connaissance exceptionnelle de la génétique des iris et doué d'une extraordinaire habileté dans la réalisation des croisements les plus complexes, créateur d'obtentions mondialement appréciées, mais considérées comme d'une culture délicate.

ROUGE = Couleur éclatante, inconnue dans la génétique des iris. Depuis très longtemps objet de recherches multiples et infructueuses jusqu'à présent. Atteinte néanmoins, ou presque, sous la forme d'un rouge vineux ou bronzé.

COSI = Prénom Christine. Collectionneuse d'iris et photographe particulièrement douée, sachant saisir à coup sûr le charme et la grâce des fleurs d'iris, dans une mise en image simple mais efficace. Chaque année maintenant, Christine Cosi photographie les très nombreuses variétés qu'elle cultive dans sa propriété du Bourbonnais et fait profiter la communauté des amateurs d'iris de ses clichés superbes. Parmi ses photos il y a bien sûr celles d'un certain nombre de plantes signées Joë Ghio et évidemment plusieurs des iris rouges qui sont une des spécialités de l'obtenteur californien. En admirant ces photos j'ai eu envie de les rassembler et d'en faire une sorte de synthèse avec analyse de leurs traits communs et appréciant l'évolution dans le temps qui en marque la continuité. Pour cela j'ai repris en partie la chronique publiées ici en octobre 2008, qui abordait déjà le sujet des « rouges » de Ghio.

La collection Cosi (du moins ce que j'en connais via les photos publiées) comporte sept variétés rouges acajou obtenues par Joe Ghio. Leur étendue temporelle couvre vingt-cinq ans de la production Ghio et elles résument bien l'évolution survenue dans la richesse des couleurs et l'harmonie de la forme.

La première variété de la série est 'Lady Friend' (1980). Le pedigree en est fort simple, ce qui est assez exceptionnel chez Ghio : Indian Territory X Countryman. 'Indian Territory' (Ghio, 1979) est un unicolore rouge-brun qui contient parmi ses antécédents le croisement (Ponderosa X New Moon) utilisé des tas de fois par Ghio, notamment pour ses « rouges ». 'Countryman' (Gaulter, 1975), jaune, est sans doute là pour mettre de l'éclat dans les produits du croisement réalisé. A mon avis 'Lady Friend' est une parfaite réussite dans son coloris : vif, frais, très proche du rouge pur... Il constitue la base « rouge » des autres iris. Mais pour renforcer le coloris, lui donner plus de profondeur, Ghio a ajouté une foule d’ingrédients en utilisant un panel de fleurs considérable, comme il sait si bien faire.

'Lady Friend' se trouve en bonne place dans 'Battle Royal' (1993) qui dispose d'un pedigree complexe : 85-44X: (((Praline x Lady Friend) x (Lady Friend x (Act of Love x (Ballet in Orange x 73-122Z: (Hi Top x ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering)))))) x ((Lady Friend sib x ((Malaysia x Carolina Honey) x 73-122Z)) x ((Entourage x Homecoming Queen) x Mulled Wine))) X 85-111V: ((((((Ponderosa x Honey Rae) x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Homecoming Queen) x ((Ballet in Orange x 73-122Z) x Blaze of Fire)) x Impressionist sib) x 83-110 red, Olden Days sib) !

‘Rogue’ (1994) fait partie des variétés les plus utilisées en hybridation. En voici les origines : Caracas X ((((Cream Taffeta x (Ponderosa x New Moon)) x (Ballet in Orange x 73-122Z)) x (Blaze of Fire x 76-37F)) x ((((Flareup x (Hi-Top X ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering))) x 76-37F) x (Preface sib x (Old Flame x Pink Angel))) x (((Malaysia x Carolina Honey) x 73-122Z) x Toastmaster))).

'Vizier' (1997), lui, est d'une autre branche de la famille : Reality X Star Quality. Dans celle-ci, 'Reality' est un mauve bitone issu d'un frère de semis de 'Romantic Mood', et ‘Star Quality’ (1995) fait partie des rouges de la même lignée que les deux variétés suivantes, 'Ransom Note' et 'Regimen' : ((Romantic Mood sib x ((Paris Original sib x ((Princess (Pink Sleigh x (Opening Round x Champagne Music))) x (Louise Watts x (Ghost Story x Ponderosa)))) x (((Louise Watt sib x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Crystal Dawn) x (Preface sib x Crystal Dawn)))) x Lightning Bolt) X ((Caption x (Classico x ((Preface sib x Crystal Dawn) x ((Datebook x (Ponderosa x (Ponderosa x New Moon))) x Actress)))) x Lightning Bolt)

‘Regimen’ (1999) a une généalogie aussi compliquée que possible, jugez un peu : (((Stratagem x Bygone Era) x (Caracas x (Fortunata x ((((Flareup x 73-122Z) x (Ballet in Orange x 73-122Z)) x (Preface sib x (Old Flame x Pink Angel))) x (((Ponderosa x Honey Rae) x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Homecoming Queen) x Orangerie))))) x ((((Lady Friend x (Flareup x (Capitation x Coffee House))) x Battle Hymn sib) x (((Praline x Lady Friend) x 76-181J x (Entourage x Homecoming Queen))) x (((Creme de Creme x Financier) x ((Ballet in Orange x Coffee House) x Cinnamon sib)) x Café Society))) x Quito)) X (Enhancement x ((Romantic Mood sib x (Designer Gown x (78-221U x ((Artiste x Tupelo Honey) x ((Malaysia x Carolina Honey) x (Hi-Top x ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering sib))))))) x Winning Smile)) !

 C'est la même chose pour ‘Ransom Note’ (2000) de même que son frère de semis ‘Cover Page’ (2001) qui ont le pedigree suivant : (Battle Royal x ((((Lady Friend x (Flareup x (Capitation x Coffee House))) x Battle Hymn sib) x (Cafe Society x (Cinnamon x (((Malaysia x Carolina Honey) x (Hi-Top x ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering sib))) x (Anointed x San Jose))))) x Heat Pump)) X (Battle Royal x ((((Homecoming Queen x 76-110BB) x Esmeralda sib)) x (( Romantic Mood sib x ((Paris Original sib x ((Princess x (Pink Sleigh x (Opening Round x Champagne Music))) x (Louise Watts x (Ghost Story x Ponderosa)))) x (((Louise Watts sib x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Crystal Dawn) x (Preface sib x Crystal Dawn)))) x Lightning Bolt))). On n'est pas en présence d'une généalogie limpide, mais on y retrouve à peu près les mêmes ingrédients que dans les variétés précédemment décrites !

'Red Skies' (2006) est le plus récent de la série. On est en présence d'une troisième branche de la même lignée, que voici : 00-48L: (House Afire x 97-135-R2: (U94-5E, unknown, x Saturday Night Live)) X 99-62-C2, Trial by Fire sib dans laquelle l’addition de ‘Regimen’ et d'un autre rouge, ‘Ritual’, a donné naissance à ‘House Afire’ (Ghio, 2002), lequel est aussi présent, par demi-frère interposé, dans l'autre partenaire du croisement, rouge acajou lui aussi, 'Trial by Fire' (Ghio, 2005).

 Il n'y a pas à chercher loin pour comprendre quelle est la démarche de Joe Ghio. Il dispose d'une base éprouvée, à laquelle il ajoute ou retranche tel ou tel élément. Il a une telle maîtrise de la génétique des iris qu'il sait parfaitement quels éléments il doit utiliser pour obtenir ce qu'il recherche. Et il parvient à son but à tous les coups. On peut lui décerner le titre de maître absolu de l'hybridation.

Quant à Christine Cosi, avec les sept variétés ci-dessus, elle dispose d'un choix d'iris rouges parfait. Si l'on veut se rendre compte de visu de la perfection du travail de Ghio, c'est chez elle qu'il faut aller.

Illustrations : 

 'Lady Friend' 
 'Battle Royal' 
'Rogue' 
'Vizier' 
'Regimen' 
'Ransom Note' 
'Red Skies'