24.5.16

DE L'AVANCE !

De l'avance,cette semaine ! Pour cause de tourisme printanier et germanique.

PORTRAITS

N'est-ce pas la meilleure manière de rendre hommage à tous ceux qui, depuis cent cinquante ans maintenant, font des iris hybrides ce qu'ils sont aujourd'hui, que de publier quelques photos de leurs œuvres ? Irisenligne va désormais dresser un bref portrait de nombreux hybrideurs de tous pays et offrir à ses lecteurs les plus belles images de leurs iris. 

 I – Ferdinand Cayeux (1864/1938) 

 Il est normal de commencer ces portraits par celui de Ferdinand Cayeux, le plus célèbre et le plus talentueux des obtenteurs des années de l'entre-deux-guerres. Si l'on ne parle que de son action d'hybrideur, on peut dire qu'il a tenu le première place mondiale entre 1923 et 1938, date de sa disparition. Tout ce que le royaume des iris comptait de personnages importants a défilé dans son exploitation du Petit Vitry, au sud de Paris, pour admirer ses nombreuses et remarquables réalisations dont les gènes sont toujours présents dans les iris d'aujourd'hui. Il n'est pas facile de sélectionner seulement quatre variétés dans une production aussi nombreuse et importante, mais il faut bien le faire.
 Voici :

'Thaïs' (1926) 


'Francheville' (1927) 


'Pluie d'Or' (1928) 

'Tanagra' (1939)

IMAGE INSOLITE

soleil noir 

Cet iris est l'un des plus sombres que j'ai jamais vu. Cette année, en particulier, sa couleur est très contrastée.


Semis Laporte 06-33-30

LES INNOVATIONS DU Pr. KEPPEL

« Plicata man » (en français M. Plicata), c'est le pseudonyme que Keith Keppel s'est choisi. C'est dire à quel point il se passionne pour ce modèle d'iris. Il y consacre maintenant l'essentiel de ses recherches et il obtient des choses extraordinaires. Depuis quelques temps il a ouvert sa page Facebook et, régulièrement, il y publie une sorte de leçon de « plicatisme » aussi savante que passionnante. Passionnante parce qu'on sent, dans sa manière de s'exprimer, combien il s'enthousiasme pour les résultats qu'il obtient ; savante parce que ses innovations ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d'un travail scientifiquement élaboré.Il a compris tous les mécanismes qui interviennent dans l'hybridation des plicatas, et il en joue avec un art subtil et une imagination jubilatoire. Les cours du Professeur Keppel nous font partager tout cela.

 Il a commencé par poser les règles du jeu :
 « Ce qui fait les plicatas si fascinants ce sont les variations à peu près illimitées qui peuvent apparaître, à la fois sur le fond et sur les dessins. Penser que le fond est une toile et les dessins la peinture (qui vient s'appliquer sur cette toile NDT) et vous avez la « photo » du plicata de base. Pour n'en prendre qu'une partie, la toile de fond peut être de couleur blanche ou colorée par un des pigments caroténoïdes et être crème, jaune, dorée, rose, saumon, orange... et le modèle de ce fond peut théoriquement être n'importe lequel de ceux qui apparaissent sur les iris non-plicatas jaune, rose, orange... comme amoena, unicolore, façon Debby Rairdon, etc. Tout ça avant même que ne commence l'application de la peinture sur cette toile. Une rangée de semis plicatas en fleur peut être une scène tout à fait spectaculaire ! »(1)

 Dans un autre post, il ajoute, à propos du semis 98-524 : « La série 98-524 a montré une tendance à avoir des sépales jaunes, et du jaune clair ou du blanc sur les pétales. Deux générations plus tard...on a un fond amoena jaune et des dessins bleu violacé. Le branchement et la vigueur ne sont cependant pas aussi parfait comme désiré, mais les enfants et petits-enfants deviennent meilleurs de ce côté-là. On attend maintenant que cette combinaison de couleurs réapparaisse ! En attendant, toutes sortes de variations plicatas bicolores font leur apparition. C'est pour ça que le travail sur les plicatas est si amusant : il y a tellement de modèles et de variations de couleur possibles que regarder une rangée de semis n'est jamais fatigant ! (Frustrant, oui, que d'attendre la plante parfaite.) »(2)

L'engouement de Keith Keppel pour les bicolore-plicatas ou variegata-plicatas s'est développé à partir d'un semis de son ami Barry Blyth numéroté R41-4. Il précise à ce sujet : « Le rêve de tout hybrideur est de découvrir quelque chose d’entièrement nouveau et différent. Un tel événement s’est produit dans les rangs de la pépinière de Barry Blyth, en Australie, en 2007, quand le semis R41-4 a fleuri pour la première fois. Coup de chance pourrait-on dire, mais pas totalement immérité, car de nombreuses années et beaucoup d’efforts ont contribué à ce que cette chance se produise. »(3)

 Et là l’enthousiasme de jeune homme de Keith Keppel éclate au grand jour. Il fait un inventaire minutieux et méticuleux des différentes possibilités, et envisage les innombrables occurrences des mélanges. C’est alors qu’on comprend qu'avec les innovations telles qu’elles apparaissent avec R41-4, l’avenir des coloris d’iris s’ouvre vers l’infini.

 Il s'est donné à fond dans le travail sur les nouveaux plicatas. Et avec son sens aiguisé des bons croisements, il n'a pas tardé à obtenir des iris d'un modèle encore inconnu. Il nous en montre un certain nombre dans ses leçons sur le Net (les illustrations ci-dessous en font partie) et il en a déjà enregistré quelques uns. Mais il a également communiqué son emballement à son ami Barry Blyth, avec lequel il passe, moitié en Oregon, moitié en Australie une partie de l'année. Et ce dernier propose à son tour des plicatas new-look : à deux, c'est forcément mieux !

 On peut être certains que dans les années à venir ces nouveaux plicatas feront le bonheur des collectionneurs. Plairont-ils à la majorité des amateurs d'iris ? Ce n'est pas sûr, et c'est une des questions qu'on peut se poser relativement à l'avenir de ces nouveautés. Car si le succès commercial ne suit pas, il est à craindre que leur présence dans les catalogues ne soit que temporaire...

 (1) Texte original :  « What makes plicatas so fascinating is the seemingly unlimited variations that can occur, both in ground and in marking. Think of the ground as a canvas and the markings as paint and you get the basic plicata "picture". But taking just one part, the canvas/ground....color can be white or colored in any of the carotene pigments and be cream, yellow, golden yellow, pink, salmon, orange....and the pattern of the ground theoretically can be any pattern that occurs in non-plicata yellows, pinks, oranges.... like amoenas, selfs, Debby Rairdon pattern, etc. All that before we even begin applying the "paint" to these "canvases". A row of plicata seedlings in bloom can be quite a spectacular art show! » 

(2) Texte original : « The 98-204 series showed a tendency toward yellow in the falls, lighter yellow or white in the standards. Two generations later.....a yellow amoena ground on a violet blue plicata. Branching and plant not yet as desired, but children and grandchildren are coming along better in those respects. Now we're waiting for this color combination to reappear! In the meantime, all sorts of plicata bicolor variations are showing up. That's why plicata breeding is so much fun: there are so many possible pattern and color variations that looking at a row of seedlings is never boring! (Frustrating, yes, waiting for that "perfect" one.) »

(3) Texte original : « Every hybridizer's dream is to find something totally new and different. Such a moment happened in Barry Blyth's Australian seedling patch in 2007 when R41-4 first bloomed. Serendipity one could say, but not totally unearned, for many years and mutch effort had gone into this chance happening. » 

Illustrations : 


semis Keppel 06-170A 


semis Keppel 07-17B 


semis Keppel 07-184C


semis Blyth Z22-1

20.5.16

PRODUIT DE FRANCE

Depuis l'année 2000 nos compatriotes n'hésitent plus à enregistrer les produits de leurs hybridations. Cela nous vaut une abondance de nouvelles variétés dont la qualité progresse d'année en année. Et de nombreux nouveaux hybrideurs se font ainsi connaître à côté d'anciens toujours aussi valeureux. Pendant quelques semaines nous allons rendre hommage aux uns et aux autres en publiant les photos de leurs plus belles réalisations.

2014
Quinze années d'iris français s'achèvent cette semaine. Beaucoup de nouveautés nous attendent encore.

 'Bambinette' (J.C. Jacob, 2014) IB - Pigs in Space X Miss Pessemier-Deboudt 


 'Djinn' (P.C. Anfosso / L. Anfosso, 2014) SDB – Parents inconnus 


'Flocon des Mers' (S. Cancade, 2014) - Sajakeda X Gaze 


'Moscova' (R. Cayeux, 2014) - Chou Bleu X Sea Power

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Les mal aimés. 

Dans les jardineries les iris doivent être les plantes les plus mal aimées. Vous avez vu comment ils se présentent ? De petits rhizomes desséchés, étouffés dans des godets minuscules, quelques feuilles chétives et jaunissantes. Ils sont là en toutes saisons, malingres et souffreteux. Ne parlons pas de leur identification : c'est la plus grande fantaisie !
Je regarde tout autour de ces abandonnés et je ne vois rien d'aussi misérable. C'est tant mieux, mais cela laisse planer un doute : ce que nous achetons peut-il être aussi sujet à caution ?
En tout cas, cela ne donne pas une image rassurante ou attractive de ce type de commerce. Pourquoi y a-t-il encore des iris en jardinerie ?

TRICOLORES FAÇON SUTTON

Là, on est loin de l'I. pallida classique et de son bleu tendre et parfumé ! Les iris tricolores façon Sutton, ça crache ! Ce n'est toujours de très bon goût (du moins selon moi), mais cela ne peut pas passer inaperçu, et, au jardin, cela doit tirer l’œil. Moyennant quoi, à petite dose, cela peut être intéressant.

 Il y a quelques temps que la famille Sutton, de Californie, s'est fait remarquer dans le monde des iris. Ce fut d'abord le père, George, malheureusement trop tôt disparu, c'est maintenant le fils, Michael. Après des débuts traditionnels mais immédiatement reconnus, les Sutton se sont distingués par des variétés vivement colorées, souvent surprenantes. Aujourd'hui c'est leur marque de fabrique. On pourrait dire que ce sont les « Desigual » de l'irisdom. Pour confirmer cette appréciation il n'y a qu'à prendre les nouveautés du catalogue 2016. Trente-cinq variétés nouvelles. C'est beaucoup, mais je crois que c'est désormais normal. Soit. Sur la planche-contact que l'on trouve sur le site de « Iris et Bulbeuses » on se rend immédiatement compte de la vigueur de coloris.

 J'y ai sélectionné sept variétés de TB réellement tricolores et qui, par conséquent, correspondent bien à l'objectif de cette chronique. Les voici, avec leur pedigree :
'Blame it on Rio' (Aurélie x Spot-on) X (Fall Enterprise x Jazz Band) ;
'Brightline' (Spot-on x (Double Exposure x Let's Boogie)) X Battle of the Bands ;
'Glow Plug' (Duplication x ((Momentous Occasion x Fancy Woman) x Shine on Thru)) X Shine on Thru ;
'Interstellar' Definition X Fall Enterprise ;
'Meteorite' Cold Fusion X Solar Burst ;
'Night's Edge' ((Tropical Delight x (semis Ghio x Spot-on)) x Mountain Sunrise) X ((Top Shot x (Connie Sue x (Snow Melt x semis Ghio)))) ;
'Outer Rings' Boundless X Above the Rim.

 Dans cette liste un certain nombre de noms de variétés apparaissent plusieurs fois. Et quand on se plonge dans les origines de ces variétés, on découvre qu'il s'agit de cultivars à ranger sous la bannière tricolore. C'est le cas de :
'Spot-on' (M. Sutton, 2007) (Silver Fizz x (Sky Hooks x Drum Roll)) X Ocean Clouds ;
'Fall Enterprise' (M. Sutton, 2006) Starship Enterprise X Grand Circle .
Mais il y en a d'autres qui, pour n'apparaître qu'une fois dans la liste ci-dessus, sont à ranger sous la même bannière :
'Definition' (M. Sutton, 2010) Soft Side X (Claim Jumper x Spot On) ;
'Cold Fusion' (M. Sutton, 2010) (Connie Sue x semis parent mâle d'Applause Line) X Mountain Sunrise ;
'Mountaine Sunrise' (M. Sutton, 2006) Seakist X Tropical Delight ;
 'Boundless' (M. Sutton, 2009) (Mother Earth x Soaring) X Mountain Sunrise ;
 et d'autres qui, pour différer légèrement, n'en sont pas moins proches du modèle. D'autre part il apparaît que quelques autres variétés, d'un modèle différent, sont fréquemment utilisées dans les croisements réalisés par Michael Sutton. On se trouve donc bien en présence d'une ligne de recherche créée délibérément dans le but d'obtenir des iris tricolores (voire quadricolores) aux couleurs contrastées et marqués par un centre des sépales blanc pur. De génération en génération le projet se perfectionne et s'approfondit. Mais qu'en est-il du point de départ ? Est-ce une volonté délibérée de créer un nouveau modèle ou bien le modèle est-il apparu « accidentellement » puis, ayant été considéré comme porteur d'avenir, a-t-il été exploité savamment ? Seul Michael Sutton pourrait le dire.

En tout cas les tricolores façon Sutton forment une famille originale, qui ouvre de nouvelles perspectives à l'hybridation. En ce sens ils rejoignent la famille, en cours de création par Keith Keppel, de plicatas multicolores. Les iris, marqués pendant cent ans et plus par l'hégémonie des fleurs uni ou bi-colores, connaissent à présent une extension de leurs possibilités. Et cette extension s'approche de l'infini, parce qu'avec trois ou quatre couleurs à associer et la multitude des teintes alentour, on ne voit pas où pourrait s'arrêter le renouveau en cours.

Illustrations : 



'Blame it on Rio' 


'Meteorite' 


'Spot-on' 


'Fall Enterprise'

13.5.16

ECHOS DU MONDE DES IRIS

C'est le temps des iris. 

Dans tous les jardins les iris sont en fleur. Curieuse destinée que celle de ces anciennes variétés qui ont perdu leur nom alors qu'elles étaient de plus en plus répandues. Mais n'est-ce pas le summum de la renommée que de voir son identité particulière disparaître pour céder la place à une désignation générique ? Ce ne sont plus 'Ambassadeur', 'Nuée d'Orage', 'Directeur Pinelle' ou 'Madame Henri Cayeux, mais des iris, tout simplement.





PRODUIT DE FRANCE

Depuis l'année 2000 nos compatriotes n'hésitent plus à enregistrer les produits de leurs hybridations. Cela nous vaut une abondance de nouvelles variétés dont la qualité progresse d'année en année. Et de nombreux nouveaux hybrideurs se font ainsi connaître à côté d'anciens toujours aussi valeureux. Pendant quelques semaines nous allons rendre hommage aux uns et aux autres en publiant les photos de leurs plus belles réalisations.

 2013
Plein de jolies choses. Les amateurs ont été gâtés !

'Ciel d’Été' (D. Tauzin, 2013) - Horizon Bleu X Breakers 


 'Honorine' (B. Laporte, 2013) - Honky Tonk Blues X Decadence 


'Madame Pilou' (M. Balland, 2013) – parents inconnus 


'Poussière d'Ange' (J.C. Jacob, 2013) - (Torero x Decadence) X Jazz Band

LE CÔTÉ OBSCUR DES PLICATAS

La disposition des couleurs que l'on appelle « plicata » est celle qui constitue l'originalité particulière des fleurs d'iris. Avec une économie de moyens exceptionnelle – seulement deux groupes de pigments – elle permet une diversité de coloris pratiquement infinie. D'ailleurs tous les plus grands hybrideurs l'ont bien compris et se sont livrés à un savant jeu d'association aboutissant à des milliers de plicatas différents et le plus souvent remarquables. Certains en ont fait leur occupation principale, voire exclusive, mais sans aller jusqu'à l'extrême, plusieurs y ont connu leurs plus grands succès.

Rappelons le principe. Les deux types de pigments sont présents simultanément. Ils ne se disputent pas l'espace mais se le partage en restant chacun chez soi. Les pigments caroténoïdes (jaune, orangé) sont installés à l'intérieur des cellules des pièces florales, les pigments anthocyaniques (bleu, violet) baignent dans le liquide intercellulaire. Toute la diversité des plicatas tient dans la répartition des uns et des autres. Et cette répartition est encore compliquée par l'intervention de gènes qui agissent sur l’apparition des pigments, favorisant ou paralysant celle-ci, suivant leur destination et qui peuvent être responsables de leur disparition, au gré de leur concentration dans telle ou telle partie de la fleur. Les caroténoïdes peuvent être plus ou moins intensément répartis dans les deux sortes de pièces florales (pétales et sépales). Ils constituent la coloration du fond sur lequel les broderies des anthocyaniques viennent se plaquer avec plus ou moins de force. En se superposant aux caroténoïdes les anthocyaniques provoquent, par illusion d'optique, les colorations pourpre, grenat, acajou, voire brun. Là où ils ne sont pas présents les caroténoïdes apparaissent en clair, là où ils sont en quantité le fond clair, jaune, orange ou blanc – en cas d'absence ou de faible présence – est masqué.

 À l'heure actuelle la répartition des pigments a atteint une diversité et une complexité formidables, accrue par l'apparition de fleurs où le modèle plicata s'ajoute aux modèles amoena et variegata. Pour rester dans le modèle de base, disons qu'il y a dans celui-ci des plicatas clairs, et même quasiment incolores, et des plicatas sombres , presque uniformément colorés en rouge sang de bœuf ou en brun tête de nègre, à moins que cela ne soit en violet profond. C'est parmi ceux-ci que nous allons nous promener maintenant.

 Commençons par la disposition qui reste la plus proche du plicata basique, c'est à dire celui à fond blanc brodé de violet. Là comme ailleurs il existe des fleurs fortement colorées, au point qu'il est préférable de consulter le pedigree pour être certain qu'il ne s'agit pas d'un iris unicolore. C'est le cas de 'Cruzin' (Mary Dunn, 1986), en bleu-indigo foncé, griffé de blanc sous les barbes, ou de 'Bubble Bubble' (Ghio, 2004), en violet profond lavé et piqueté de blanc bleuté au centre des sépales, et même de 'Baltic Star' (Stahly, 1994) plusieurs fois décrit ici. La même interrogation se pose à propos de 'Circle of Light' (Paul Black, 2009) car l'effet plicata n'est pas toujours visible sur cette fleur d'un violet indigo profond à peine – et irrégulièrement - piqueté de blanc. La lecture du pedigree rassure à son sujet puisqu'on trouve dans ses parents 'American Spirit' d'un côté et 'Inside Track' de l'autre, tous deux franchement plicatas. Il n'y a en revanche aucune hésitation quand on parle de 'Eramosa Ridge' (Chapman, 2009), de 'Celestial Explosion' (Tasco, 2003) ou de 'Sugar in the Morning' (Ernst, 2006), car le pointillé caractéristique y est tout de même nettement présent. A noter que cette disposition, où le côté plicata se fait discret, ne date pas d'aujourd'hui. Il suffit de se pencher sur 'Gypsy Baron' (Schreiner, 1942) pour en être convaincu.

Il existe un grand nombre de variétés chez qui les pigments anthocyaniques, superposés aux pigments caroténoïdes, apparaissent comme grenat ou amarante. Et quand ils prennent le pas sur le fond coloré de jaune ou d'orangé cela donne 'Changing Winds' (Tompkins, 1994), où le fond beige pâle apparaît sous forme de fines rayures, ou 'Rockstar' (Byers, 1991) dont le fond crémeux est tout de même plus apparent. Tous les meilleurs hybrideurs ont travaillé la question, que ce soit Jim Gibson ('Can-Can Red', 1979), Sterling Innerst ('Colortart', 1983), Bryce Williamson ('Parquet', 1987), Joseph Ghio ('Double Vision', 1998) ou Keith Keppel ('Tangled Web', 1999). Plus récemment l'Italien Augusto Bianco a enregistré 'Polvere di Stelle', 2003, que j'apprécie chaque printemps dans mon jardin, et Keppel a frappé fort avec son étonnant 'Tunnel Vision' de 2010, mais la famille Schreiner n'est pas en reste, avec 'Wonderful World' (2004).

 Au moins aussi nombreux que les précédents sont les plicatas où la couverture anthocyanique prend une coloration brune. A commencer par le trentenaire 'Bronco Brown' (Hamner, 1982), par le fameux 'Chief Hematite' (Gibson, 1983), presque totalement rougeâtre ou par 'Dance Step' (Keppel, 1989), finement pointillé. On a là des classiques du monde des iris. Keith Keppel s'est évertué à enrichir ce coloris avec des variétés exceptionnelles qui ont pour nom 'Dark Drama' (2005), 'High Octane' (2007), 'Tuscan Summer ' (2010) et le tout nouveau 'Dark Energy' (2016). Mais son prédécesseur et maître Jim Gibson avait bien préparé le chemin avec 'Rustic Dance' (1980), 'Red Lightning' (1983), et ses chants du cygne 'Sing Out' (1994) ou 'Huckleberry Fudge' (1996).

Admirer ces nombreuses variétés et toutes celles qui ne peuvent pas être citées dans cette chronique, est un délicieux moment pour l'amateur d'iris. Il n'y a aucune monotonie dans ces innombrables variations sur le thème des riches plumetis, et ce n'est que du plaisir que de se pencher sur le côté obscur des plicatas.

Illustrations : 


'Circle of Light' 


'Eramosa Ridge' 


'Gypsy Baron' 


'Changing Winds' 


'Polvere di Stelle' 



'Red Lightning' 


'Dark Energy'

6.5.16

LA FLEUR DU MOIS

‘CUTIE' – IB - (Schreiner, 1962) 
(Jane Phillips x pumila bleu) X Mrs. Douglas Pattison. 

'Cutie' est apparu dans mon jardin parce que, ne cultivant depuis le début que des grands TB, j'avais eu envie de faire connaissance avec la taille en dessous. Le catalogue Cayeux de l'époque proposait cette variété, que j'ai trouvée jolie, et je l'ai achetée.Le résultat n'a pas été totalement satisfaisant. Est-ce parce que l'éboulis argilo-calcaire sur lequel cette variété a été plantée ne lui convenait pas vraiment ? C'est bien possible : dans un sol pareil on fait pousser des vignes qui donnent un des meilleurs vins de France, mais il arrive que les rhizomes d'iris rechignent à s'en accommoder. Toujours est-il que 'Cutie' n'a jamais bien poussé. Pendant plusieurs années il s'est contenté de donner naissance à deux ou trois hampes, pas plus, avec un nombre restreint de boutons floraux, puis il s'est mis à dépérir et il a fini par disparaître... Je l'ai malgré tout regretté parce que j'appréciais son modèle et ses couleurs.

La description que la famille Schreiner en a fait pour son enregistrement ne rend pas franchement justice à ce petit iris : « Pétales blanc pur ; Sépales blancs avec marques bleu-turquoise. » C'est succinct mais exact. Personnellement je dirais plutôt « pétales blanc pur ; sépales blancs griffés de bleu-turquoise clair ; barbes blanches. » Cette combinaison de couleur n'est pas ce à quoi on peut s'attendre au regard des variétés utilisées dans le croisement à l'origine de la plante. 'Jane Phillips' (Graves, 1946) est un magnifique bleu clair issu du célèbre 'Helen McGregor' (Graves, 1943) et du non moins célèbre 'Great Lakes' (Cousins, 1938). 'Mrs. Douglas Pattison' (Craig, 1950), qui a également 'Great Lakes' dans son pedigree, se présente en violet pourpré clair. Quant au semis de I. pumila bleu, qui constitue le troisième élément cité dans le pedigree, il ne comporte aucune trace de blanc. Ce blanc, il faut remonter à 'Purissima', qu'on trouve derrière 'Helen McGregor', pour le découvrir.

Quoi qu'il en soit, ce 'Cutie' est vraiment une jolie fleur, très classique, mais très fraîche et agréable à l'oeil. D'ailleurs personne ne s'y est trompé et la Médaille de Sass qui lui a été attribuée par les juges américains en 1965 en est la preuve.

 Ce petit 'Cutie' a un sosie (et cousin), 'Tamino' (Schreiner, 1964), mais en dehors de cela, j'ai bien cherché, mais je ne lui ai trouvé aucune descendance officielle. Il est donc manifestement stérile. C'est l'ennui avec les anciens IB, et c'est ce qui fait qu'ils n'ont pas réussi à sortir d'un succès d'estime, condamnés à rester sans descendance et, de ce fait, boudés par les hybrideurs.

Quels que soient ses défauts ou ses insuffisances, 'Cutie' s'est bien maintenu dans les jardins d'iris. On le rencontre encore assez souvent et il n'y a pas moyen de se tromper. Il fait partie des variétés reconnaissables au premier coup d'oeil, ce qui est la preuve de son indéniable originalité.

Illustrations : 



'Cutie' 


'Jane Phillips' 


'Mrs. Douglas Pattison' 


'Helen McGregor' 


'Tamino'

PRODUIT DE FRANCE

Depuis l'année 2000 nos compatriotes n'hésitent plus à enregistrer les produits de leurs hybridations. Cela nous vaut une abondance de nouvelles variétés dont la qualité progresse d'année en année. Et de nombreux nouveaux hybrideurs se font ainsi connaître à côté d'anciens toujours aussi valeureux. Pendant quelques semaines nous allons rendre hommage aux uns et aux autres en publiant les photos de leurs plus belles réalisations.

2012
 Année record. Soixante enregistrements !


 'Nuit Satinée' (R. Cayeux, 2012) - Badlands X Black Suited 


'Panshiri Charm' (L. Ransom, 2012) AB - Désiris X Eastern Blush 


 'Rive Gauche' (V. Sazio / L. Anfosso, 2012) - Deep Fire X Royal Premiere 


 'Vosges Blue Line' (M. Balland, 2012) – Parents inconnus

GUETTER

Passée l'équinoxe de printemps, l'amateur d'iris se sent envahi par une envie de fleurs. Les matins encore frais ne l'empêchent pas de se rendre dès son lever jusqu'au jardin. Il y a tellement de choses intéressantes qui ont lieu à ce moment ! De la terre fraîchement désherbée s'élèvent les bouquets de feuilles d'où jailliront bientôt les hampes florales. Dans les heures encore un peu grises du jour levant l'amateur peut constater chaque jour les progrès de ses protégées. Il a l'impression qu'elle ont profité de la nuit pour se hausser d'un ou deux centimètre ! Cette visite matinale est un peu celle de l éleveur qui vient s'assurer de ce que ses vaches ont passé une nuit paisible, ou de la fermière qui arrive pour ouvrir les portes du poulailler et qui vérifie que toutes ses volailles sont bien là. Maudits soient les jours de pluie qui retardent ou même empêchent cette visite matinale et son lot de surprises, bonnes ou mauvaises ( et, à cette saison, plus souvent mauvaises que bonnes) : l'amorce d'un trou de lapin, les méfaits d'un corbeau à la recherche de quelque graine ou de quelque ver à se mettre sous le bec, les ravages d'un gel tardif sur les plantes les plus avancées...

Les soirées qui s'allongent et que l'heure d'été rend encore plus attrayantes incitent notre jardinier à traîner un peu parmi ses bordures. C'est un à regret qu'il va les abandonner pour la nuit, les laissant à la merci des petits êtres pervers qui s'aventurent dans les jardins dès que ceux-ci sont plongés dans l'obscurité, pour grignoter les pousses tendres et ruiner maints espoirs de floraison. C'est qu'il a tant de choses à craindre, notre ami l'amateur d'iris ! Entre les phénomènes naturels et les dégâts animaux, ses précieux iris vivent des printemps pleins de risques. Est-ce pour cela qu'ils se dépêchent de pousser, hissant chaque jour un peu plus haut leurs tiges chargées des promesses de fleurs ?

 Quand il ne tremble pas devant les malheurs qu'il redoute pour ses protégées, l'amateur attend. Le début du printemps met ses nerfs et sa patience à l'épreuve. Peut-être est-ce la délivrance qu'il ressent lors de l'éclosion des premières fleurs qui rend cet instant si magique. Après deux mois de tension, la début de la floraison est un grand moment de satisfaction. Même s'il peut advenir que ce dont il a rêvé en matière de splendeur et d'abondance de fleurs ne se réalise pas – ou pas complètement -, il oublie vite ses soucis de mars et ses impatiences d'avril. Et même si de petits malheurs peuvent frapper sa collection, du genre d'une rafale de vent ou d'une averse de grêle, à moins qu'il ne s'agisse des effets du balancement d'un sac à main mal maintenu par une visiteuse étourdie, il est emporté par l'ivresse des fleurs, leur doux parfum sucré et leurs exaltantes couleurs. Viendra l'heure des analyses ou des exégèses : Les plantes ont-elles bien poussé, ont-elles produit assez de nouvelles plantules, les tiges résistent-t-elles bien au vent, les fleurs restent-elles assez longtemps présentables, s'ouvrent-elles harmonieusement, sont-elles bien étagées le long des hampes ? Et bien d'autres interrogations qui semblent superflues au béotien, mais qui ont une importance majeure pour celui qui apprécie les iris dans tous leurs détails. En attendant ce moment d'examen sérieux, c'est l'enthousiasme qui prime. Peu à peu il va s'émousser, bien sûr, et il n'est pas certain que les plantes tardives seront observées avec autant d'attention et d'envie que les toute premières. Mais quand on attend depuis des semaines, quand on guette au jour le jour les avancées de la végétation, il est inévitable que vienne, sur le tard, une certaine lassitude.

 Pour l'instant une énergie vitale anime notre ami l'amateur. Voyez son impatience : chaque jour, il effleure la base des hampes, là où elles jaillissent de leur écrin de feuilles et, avec la délicatesse d'un aveugle sur son texte en Braille, il recherche sous ses doigts ce petit renflement, en forme de calisson, qui annonce l'existence, tellement attendue, d'une fleur prochaine.