25.12.15

HONNEUR À JOË GHIO

Rendons un hommage à Joë Ghio. Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous.

 Huitième épisode : rien que du bleu. 
Comme le groupe mauve +violet, le bleu n'est pas très fréquent chez Ghio. Voici quatre exemple de ce qu'il a produit dans ce coloris.


'Bubbling Waves' (2005) - Sea Power X (Drum Roll x Double Bubble) 


'Justice' (1968) - (Celestia x Regina Maria) X Ellen Manor 

'Ocean Pacific' (1987) - Hilo Shore X (Bubbling Over x (Verve x (Seance x Sexton sdlg: (Sterling Silver x (Silver Skies x First Snow))))) 


 'Premonition' (1976) - Copy Cat X Mystique

L'ÉCUELLE DE JÉSUS

Conte de Noël 
(dans le style de Françoise Chandernagor – La Vie de Jude, Frère de Jésus – et avec des informations puisées dans cet excellent ouvrage) 

A Nazara où ils habitaient, Marie et ses fils vivaient dans l'amour de Dieu et dans la pauvreté, car depuis la mort de Joseph les ressources de la famille se limitaient à ce que Jésus gagnait à fabriquer de ses mains des portes, des pièces pour les araires et pour les moulins ou, parfois, à équarrir des poutres pour les demeures des riches. S'y ajoutait le produit de la vigne cultivée par Jacques le second fils, et la vente du fruit de quelques oliviers. Les autres enfants étaient trop jeunes pour travailler et ils s'amusaient à courir dans la campagne, à lancer des pierres aux chèvres qui paissaient dans les collines et à sauter dans les flaques d'eau lorsque la pluie avait détrempé les chemins. Marie, elle, avait tout à faire dans la maison, préparer la nourriture, filer la laine, pétrir et cuire le pain en chantant les joies de la vie et les louanges du Seigneur. C'est elle qui gardait sur son sein les quelques sicles qui constituaient toute la fortune de la famille.

 Des cinq garçons de la fratrie, c'est José, le troisième, qui se montrait le plus rebelle, refusant d'obéir à Jésus et s'en prenant sans raison aux uns et aux autres. Cette insubordination fâchait souvent son aîné, cependant celui-ci traitait toujours son jeune frère avec indulgence et bonté.

 Cette année-là, alors que s'approchait le jour anniversaire de la naissance de Jésus, dans les derniers jours de décembre, José s'était montré très colère parce que Marie avait refusé qu'il ajoute quelques figues au pain de son repas. Il s'était levé brusquement et, dans la confusion qui avait suivi cet éclat, l'écuelle dont Jésus se servait pour boire avait été brisée. Marie en avait été fort peinée car c'est elle qui, l'année précédente, avait offert cette écuelle à son fils aîné. Elle avait longuement économisé pour cet achat car son gendre Nephtali, le potier, ne lui faisait grâce de rien et lui avait demandé un prix élevé. C'était une jolie écuelle finement tournée, ornée d'un dessin sombre représentant une gracieuse fleur d'iris, à l'image de celles que l'on trouve au bord du chemin pierreux qui descend vers Tibériade. Tout le monde avait admiré l'art de Nephtali dans l'ornement de ses poteries. Mais José s'était montré jaloux car lui-même devait boire dans une vulgaire écuelle grise. Marie l'avait grondé en lui disant qu'il n'était pas bon d'envier le bien des autres et que Jésus, dont le seul travail nourrissait tout le monde, avait bien mérité ce présent. José cependant s'était éloigné et, assis tout au bout de l'aire à vanner, avait pleuré silencieusement.

Que l'écuelle de Jésus ait été brisée avait été considéré par tous comme un véritable malheur. Jésus lui-même avait jeté à son jeune frère un long regard noir qui avait eu pour effet d'accroître sa méchante humeur. Quand il eut séché ses pleurs, sans dire où il allait, il se dirigea en courant vers le bas du village. Il descendit jusqu'au-delà des dernières maisons. En cours de route il ne rencontra personne, car à cette heure tous les villageois terminaient leur repas ou s'allongeaient un moment pendant les heures les plus chaudes, même en ce début d'hiver. Quand au détour du chemin il se vit seul dans la campagne, le petit garçon eu un peu peur, il s'écarta donc de la route et se cacha sous les basses branches d'un gros figuier que l'automne très doux n'avait pas encore dépouillé de ses feuilles. Dans son cœur le flot de la colère avait commencé de s'apaiser. Mais quand il revoyait le regard sombre et chagrin de son grand frère Jésus, un sentiment bizarre l'envahissait. Pour l'éloigner il se répétait combien il trouvait injuste que Jésus possédât une belle écuelle vernissée alors que lui devait boire dans un vieux bol ébréché. Une autre voix cependant lui murmurait : « Souviens-toi que, depuis la mort de Joseph, c'est sur Jésus que repose tout le poids de la famille. Reconnais qu'il est toujours avec toi indulgent et généreux. Ne te donne-t-il pas une pièce chaque fois que tu l'aides à ranger le bois sous l'appentis ? Et Marie, qui a fait ce cadeau à son grand fils, n'est-elle pas la plus douce et la plus tendre des mères ? » A force de ressasser ces idées contradictoires, José finit par s'endormir. Il ne rouvrit les yeux que lorsqu'un rayon de soleil déjà bien bas se fut infiltré jusqu'à lui sous les feuilles. Il n'avait plus l'envie d'être seul. Il rejoignit la route et reprit en sens inverse les lacets montants et poussiéreux. Devant lui les maisons basses et blanches prenaient à cette heure des reflets dorés. Et c'est à cet endroit qu'il retrouva son meilleur ami, Hillel. Comme le faisaient habituellement les jeunes garçons, c'est lui qui surveillait les deux chèvres familiales broutant les buissons de ciste. A la question que lui posait son camarade José répondit vaguement car si son cœur était encore alourdi par le souvenir de l'incident du matin, il ne tenait pas à en informer le petit chevrier. Mais Hillel ne s'offensa pas de ces propos obscurs et ensemble ils prirent une venelle raide et tortueuse qui les mena jusqu'au plus haut du village, car il était temps de revenir à la maison.

 Tout en haut, endroit bien ensoleillé mais abrité par de nombreux oliviers, plusieurs villageois possédaient un bout de jardin. C'était le cas de Nephtali, le potier, qui était aussi le beau-frère de José car il avait épousé sa grande sœur Léa. Justement Nephtali, ayant abandonné un moment l'ombre fraîche de son atelier, armé d'une lourde houe, était venu sarcler les légumes dont toute sa famille faisait ses repas. Son deuxième fils, Gad, était avec lui. José avait une vive affection pour son neveu, dont il jalousait néanmoins le petit nez busqué, les grands yeux sombres et les longs cils recourbés. Mais Gad était d'un caractère vif et enjoué et son rire clair et gai plaisait à tous ceux qui l'approchaient. Avec la spontanéité de ses huit ans il interrogea son cousin, de trois ans son aîné :
« José ? Que fais-tu là ? Pourquoi n'es-tu pas, comme Hillel, à garder vos chèvres dans les collines ?
 Mal à l'aise, José resta un moment silencieux, mais il finit par avouer qu'il s'était enfui parce qu'une force mauvaise avait envahi son cœur.

Les trois garçons s'éloignèrent un peu et vinrent s'asseoir à l'extrémité du village, à cet espace que l'on nomme les Portes, là où les hommes se rassemblent pour discuter et où, le jour du sabbat, on se réunit pour la prière. Est-ce en raison de la solennité du lieu, ou parce que sa colère était enfin tombée, que José s'était décidé à raconter à ses compagnons comment il avait renversé et brisé l'écuelle de Jésus ? Le Très Haut seul aurait pu répondre à cette question. Après cet aveu, les trois enfants restèrent un instant silencieux ; c'est alors que José brusquement se remémora une phrase qu'il avait, à cet endroit précisément, entendue de la bouche de Jésus. Alors que celui-ci prenait la parole devant les Anciens, il avait dit : « Que jamais le soleil ne se couche sur notre colère. » C'est cette parole qui résonnait à cet instant dans le cœur révolté du garnement. Il ressentit alors comme un miel très doux qui aurait coulé dans sa poitrine. Et comme Nephtali venait de passer près d'eux, s'en revenant vers sa demeure avec sa houe sur son épaule, il abandonna ses compagnons et le suivit.

Sous sa tunique de laine blanche liserée d'un filet bleu, José portait toujours autour de la taille, retenue par une cordelette de chanvre, une petite bourse de cuir dans laquelle il gardait précieusement les quelques petites pièces que Jésus lui donnait quand, dans un bon jour, il avait consenti à lui rendre un service. Il pénétra dans l'échoppe du potier et, d'une voix faible et embarrassée, expliqua à son beau-frère qu'il avait cassé la jolie écuelle de Jésus et qu'il voulait la remplacer. Nephtali était pauvre et sévère. Mais l'air contrit du petit garçon le toucha suffisamment pour qu'il aille sur l'étagère chercher un bol semblable à celui qu'il avait vendu à Marie. Il demanda combien de pièces José avait dans sa bourse et fit un peu la grimace quand il entendit la somme dérisoire que lui annonçait son jeune parent. Néanmoins il lui remit l'écuelle neuve. Alors, sans demander son reste, José partit en courant.

Une autre phrase de Jésus lui était revenue à l'esprit : « Nul ne doit être joyeux tant qu'il n'a pas regardé son frère avec amour. » Il aurait bien aimé à ce moment trouver son grand aîné au travail, penché sur son établi, pour se réfugier dans les plis de sa tunique et lui demander pardon. Mais la maison était étonnamment silencieuse. Alors il se dirigea vers l'endroit où Marie serrait les objets des repas. Il leva les yeux vers la planche où les bols devaient se trouver. Mais son geste soudain s'interrompit : l'écuelle de Jésus était à sa place ! C'est alors qu'il perçut un léger frémissement derrière son dos. S'étant retourné vivement, il vit Jésus, debout, immobile : une lumière mystérieuse éclairait son visage, et ses yeux souriaient...

18.12.15

ET POUR NOËL ?

Pour Noël, c'est à dire vendredi prochain, vous trouverez dans Irisenligne un conte de Noël inédit !

HONNEUR À JOË GHIO

Rendons un hommage à Joë Ghio. Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous. 

Septième épisode : mauve et violet.
C'est un groupe de couleurs qui n'est pas très fréquent chez Ghio. Mais on y trouve certains de ses plus grands succès. 'Mystique' est sa seule Médaille de Dykes jusqu'à présent ; 'Romantic Evening' a obtenu un triomphe commercial et fait partie des variétés les plus utilisées en hybridation ; 'Bubbling Over' a fait sensation lors de sa mise sur le marché en raison de ses pétales bouillonnés en avance sur leur temps ; quant à 'Haunting Rhapsody', il s'est fait remarquer à Florence en 1971.


'Bubbling Over' (1978) - (Seance x (Sterling Silver x (Silver Skies x First Snow))) X Mary Frances 


'Haunting Rhapsody' – (1967) - Marie Phillips X Mahalo. Bay 


 'Mystique' – (1972) - ((((Frosted Starlight x (Spanish Peaks x Black Satin)) x ((Cahokia x Pierre Menard) x (Black Forest x Chivalry))) x Penthouse) x (Mahalo x Diplomacy)) X Veneration 


'Romantic Evening' – (1994) - (((Success Story x (Fancy Tales x Alpine Castle)) x ((Persian Smoke x Entourage) x ((Strawberry Sensation x (Artiste x Tupelo Honey)) x Borderline sib))) x Costa Rica) X (Witch's Wand x Costa Rica sib)

UN IRIS QUI VOUS VEUT DU BIEN

Aux yeux de quelqu'un qui se passionne pour les grands iris de jardin, il y a peut-être un paradoxe à s'intéresser aussi aux espèces botaniques. L'attrait des plantes sophistiquées et plutôt artificielles que sont les iris hybrides n'est cependant pas incompatible avec une affection particulière pour ce qu'il y a de plus naturel ; les iris botaniques. Toutes les espèces ne présentent cependant pas le même intérêt. Dans mon jardin on trouve des I. foetidissima pour lesquels j'ai du mal à avoir une quelconque attirance. Leur feuillage raide, leurs fleurs insignifiantes, grisâtres, à peine visibles au milieu des feuilles qu'elles ne dominent pas n'encouragent pas à l'extase. Quant aux fruits, qu'on découvre à un moment où le jardin n'attire plus guère, il faut être bien optimiste pour les admirer.

 Mais tous les iris botaniques ne sont pas à loger à cette enseigne. J'ai un faible, par exemple pour I. sintenisii. C'est Maurice Boussard, l'éminent spécialiste des iridacées, qui me les a fait connaître en me faisant cadeau, un jour, d'une touffe de cette petite fleur. « Vous verrez, m'a-t-il dit, c'est une espèce qui pousse bien partout. Elle devrait très bien se plaire dans votre terre de savane sèche. » C'est ce qui s'est produit. Dès le printemps suivant, mes Iris sintenisii ont magnifiquement prospéré. J'ai du bien vite en diviser la touffe et aujourd'hui il y en a un peu partout dans le jardin.

Iris sintenisii a été décrit et dénommé par Victor von Janka en 1877. C'est une espèce de la série des Spuriae, sous-série Gramineae, qui a été baptisée en l'honneur du botaniste allemand du 19eme siècle Paul Sintenis qui a beaucoup herborisé en Grèce, Turquie, Syrie, Iran...

Les rhizomes, fins, fibreux, ne sont pas fragiles et supportent hardiment la transplantation. Le feuillage, étroit, caractéristique de la sous-série Gramineae, vert foncé tirant sur le gris, persiste d'une année sur l'autre et s'élève à une vingtaine de centimètres du sol. Les tiges florales dépassent le feuillage et portent des fleurs, bien visibles, plutôt grandes pour la taille de la plante, avec des sépales veinés de violet profond sur fond blanc, tandis que les pétales sont uniformément violet foncé.

M'étant renseigné sur l'habitat d'origine de cet aimable iris, j'ai appris que, comme beaucoup d'iridacées, celui-ci provenait des Balkans et du Proche-Orient où on le trouvait dans des prairies sèches, sur des sols calcaires, chauds, l'été, froids, l'hiver. Ceci explique qu'il n'y ait pas vraiment besoin d'arroser et que la plante soit vraiment rustique. Les graines apparaissent spontanément. J'en ai récolté, que j'ai semées et qui ont germé, créant de nouvelles touffes.

Chaque année, fin mai, quand mes I. sintenisii se mettent à fleurir, je remercie Maurice Boussard de m'avoir fait connaître cet iris sans problèmes, fidèle et vigoureux. J'en ai mis en bordure de plate-bandes de grands iris et j'ai bien apprécié cette plantation car I. sintenisii forme vite des bordures denses, où les mauvaises herbes n'arrivent pas à s'implanter, ce qui réduit d'autant l'ingrat travail de désherbage qui est un défaut des grands iris. De plus les bordures ainsi créées délimitent nettement les plate-bandes et ne gênent pas la passage de la tondeuse, tout en évitant que celle-ci ne blesse les rhizomes et les feuilles de mes chers grands iris.

Je ne saurais trop recommander à ceux qui cherchent des compagnons agréables aux TB, BB et autres IB, ces petits iris accommodants, qui ne souffrent d'aucune maladie, ne perdent pas leurs feuilles et qui empêchent la prolifération des adventices.

 Illustrations : 



I. sintenisii, gros plan sur la fleur 


Une touffe de I. sintenisii.

12.12.15

ECHOS DU MONDE DES IRIS

British Dykes Medal 

La BDM a été attribuée cette année à 'Iceni Sunset' (Emerson, 2008) TB.

Il y a plusieurs années que la BDM restait dans les tiroirs, faute de concurrent valable. Cela tombe à pic après la chronique de la semaine dernière.

HONNEUR À JOË GHIO

Rendons à présent un hommage à Joë Ghio. Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous.

Sixième épisode : en rouge.
Une couleur dans laquelle Ghio excelle : il n'y a pas une variété qui ne soit une superbe fleur. En voici quatre :


'Iconic' (2009) - ((Current Events sib, x (inconnu, x Saturday Night Live)) x Trial by Fire sib) X (Current Events x ((Ritual x Saturday Night Live) x Current Events sib)) 


 'Lady Friend' (1980) - Indian Territory X Countryman 


'Regimen' (1999) - (((Stratagem x Bygone Era) x (Caracas x (Fortunata x ((((Flareup x semis) x (Ballet in Orange x semis)) x (Preface sib x (Old Flame x Pink Angel))) x (((Ponderosa x Honey Rae) x ((((Commentary x Claudia Rene) x Claudia Rene) x Ponderosa) x (Ponderosa x New Moon))) x Homecoming Queen) x Orangerie))))) x ((((Lady Friend x (Flareup x (Capitation x Coffee House))) x Battle Hymn sib) x (((Praline x Lady Friend) x (semis x (Entourage x Homecoming Queen))) x (((Creme de Creme x Financier) x ((Ballet in Orange x Coffee House) x Cinnamon sib)) x Cafe Society))) x Quito)) X (Enhancement x ((Romantic Mood sib x (Designer Gown x (semis x ((Artiste x Tupelo Honey) x ((Malaysia x Carolina Honey) x (Hi Top x ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering sib))))))) x Winning Smile)) 


'Rogue' (1994) - Caracas X ((((Cream Taffeta x (Ponderosa x New Moon)) x (Ballet in Orange x semis)) x (Blaze of Fire x semis)) x ((((Flareup x (Hi Top x ((Ponderosa x Travel On) x Peace Offering))) x semis) x (Preface sib x (Old Flame x Pink Angel))) x (((Malaysia x Carolina Honey) x semis) x Toastmaster)))

PHILIPPE DE VILMORIN ET LES IRIS

A l'origine... 

 Il y avait longtemps que dans la famille Lévêque de Vilmorin on s'intéressait à l'hybridation, quand Henry de Vilmorin, alors président de l'entreprise familiale, fit en 1895 l'acquisition de la variété d'iris dénommée 'Amas', réputée pour la taille exceptionnelle de ses fleurs. Il avait en tête l'idée d'utiliser ce cultivar pour transformer les iris de jardin et en faire des fleurs imposantes et susceptibles de plaire à de nombreux amateurs.

 Cet 'Amas' est une variété d'iris découverte quelque part dans le nord de la Turquie. Comme d'autres iris récoltés dans la région, qui portent le nom de I. mesopotamica, I. trojana ou I. cypriana, il porte des fleurs de belle taille, bien disposées le long de la tige, mais uniformément violettes. Il a été introduit en Grande-Bretagne vers 1885 par Sir Michael Foster, une personnalité unanimement reconnue dans le monde des iris de l'époque. C'est lui qui lui a donné le nom de 'Amas', en rapport avec la région dont la plante était originaire.

En tentant des hybridations avec cet iris Henry de Vilmorin était convaincu qu'il allait parvenir à une amélioration de l'espèce, tout comme il avait procédé précédemment avec le blé ou comme son père avait fait avec la betterave à sucre. C'était tout juste de l'inspiration car à l'époque on n'avait encore aucune connaissance de la génétique des plantes et la notion de diploïdie ou de tétraploïdie n'existait pas. 'Amas', comme les autres iris du Proche Orient, était tétraploïde (c'est à dire possédant 4N chromosomes, 2N étant le nombre de base), alors que les iris d'Europe étaient seulement diploïdes, donc avec deux fois moins de chromosomes, mais cela personne n'en avait connaissance en 1895.

 Pour cette opération Henry de Vilmorin était assisté de son fils Philippe, exactement Joseph Marie Philippe, né à Verrières le Buisson en 1872 et décédé au même endroit en 1917. Ce passionné d'horticulture est aussi à l'origine d'une prestigieuse famille, avec six enfants dont deux filles qui ont atteint la célébrité dans les années qui ont précédé et suivi la seconde guerre mondiale : Marie-Pierre, connue comme Mapie de Toulouse-Lautrec, et Louise, qui s'est fait un nom dans les lettres plus encore qu'à cause de sa liaison avec André Malraux, sur la fin de leur vie respective.

Cependant la place prise par les Vilmorin dans le monde des iris n'aurait pas pu se faire sans l'intervention de leur chef jardinier Séraphin Mottet. On ne peut pas parler du rôle de la famille de Vilmorin dans le développement des iris modernes sans s'arrêter un moment sur la personne de Séraphin Mottet.

 Séraphin Mottet est né en 1861 et, après des études scientifiques, est entré chez Vilmorin-Andrieux en 1880. La plus grande part de sa vie professionnelle s’est déroulée au sein de cette entreprise majeure à laquelle il est toujours resté fidèle et dévoué. Par la suite, celui qui était si longtemps resté dans l’ombre de Henri, Philippe puis Jacques de Vilmorin a volé de ses propres ailes et a consacré son temps à l’enseignement et à l’écriture.

 La loyauté est sûrement la qualité majeure de Séraphin Mottet : si la maison Vilmorin, au début du 20eme siècle, a été la référence en matière d’iris, c’est à cet homme qu’elle le doit, mais il n’y a aucune variété qui porte entre parenthèses le nom de Mottet. Pourtant des iris comme ‘Ambassadeur’ (1920) et ‘Alliés’ (1922) sont très certainement l’œuvre de cet homme.

 Clarence Mahan, dans son ouvrage « Classic Irises and the Men and Women who created them » auquel la présente chronique fait largement appel, le décrit comme une personne de petite taille, toujours tirée à quatre épingles, avec une élégance un peu appuyée. D’après lui, il aurait pu servir de modèle à Agatha Christie pour son célèbre Hercule Poirot, avec néanmoins une barbe toujours impeccablement taillée, ce que ne porte pas le fameux détective ! Sous cette apparence particulière se trouvait un personnage cultivé, parlant parfaitement l’anglais, au point de traduire des ouvrages de botanique ou d’horticulture. Car les iris ne constituaient pas son seul pôle d’intérêt. Dès 1892 il a rédigé, seul ou en compagnie d’autres botanistes, un grand nombre d’ouvrages didactiques sur les rosiers, les pommes de terre, les œillets ou les conifères… Mais c’est cependant aux iris qu’il a consacré la majeure partie de son œuvre, tout en restant dans l'ombre de son employeur.

Ce sont donc Henry de Vilmorin, son fils Philippe et Séraphin Mottet qui vont donner une nouvelle orientation à l'entreprise et en faire un des leaders mondiaux de l'hybridation des iris. Cependant cette triplette sera de courte durée puisque Henry de Vilmorin décèdera en 1899. C'est Philippe de Vilmorin qui prend alors la tête de l'affaire familiale. Il est manifestement très intéressé par la culture et l'hybridation des iris. C'est pour cela qu'en 1903, au moment où son confrère Verdier disparaît, il rachète sa collection d'iris botaniques et de cultivars anciens.

 Cette riche collection, certainement la plus belle de l'époque, est, avec les iris tétraploïdes moyen-orientaux, à la base du travail d'hybridation de la firme Vilmorin-Andrieux qui a consisté à l'assemblage des qualités des grands iris comme 'Amas', malheureusement monochromes, et des teintes variées des variétés européennes.

 Peu à peu la collection de Philippe de Vilmorin, installée à Verrière le Buisson dans la propriété familiale, s'est enrichie et elle a atteint environ deux cents variétés ou espèces au début des années 1910. Le travail de Séraphin Mottet y était pour beaucoup. En effet si tous les iris nouveaux obtenus étaient introduits sous le nom de Vilmorin-Andrieux, il s'agissait du résultat des croisements réalisés par Séraphin Mottet pour le compte de son patron et sélectionnés par l'un et l'autre. Du travail à quatre mains en quelque sorte.

Les premiers iris inscrits au catalogue Vilmorin l'ont été dès 1904. Clarence Mahan précise que parmi les nouveautés il y avait quatre iris de grande taille issus des croisements réalisés à partir du fameux 'Amas'. Il s'agissait de 'Tamerlan', 'Isoline', 'Miriam' et 'Loute'. Tous les quatre marquent le début d'une nouvelle ère dans le domaine des grands iris de jardin, une ère qui dure encore aujourd'hui. En ceci Philippe de Vilmorin a été un véritable précurseur auquel tous les amateurs d'iris doivent rendre hommage.

Un coup d’œil à ces nouveaux iris est nécessaire.

 'Tamerlan' a de grosses fleurs avec des pétales rouge violacé et des sépales d'un bleu violacé plus foncé, marqués de bronze aux épaules et ornés de barbes orange. C'est un réel progrès par rapports aux iris issus des seules espèces I. trojana ou I. cypriana, fort proches l'une de l'autre, mais uniformément violets. C'était un iris tétraploïdes, mais personne n'en savait rien en 1904 !

 Les trois autres variétés introduites cette année-là se sont révélées être des iris triploïdes, c'est à dire possédant seulement trois lots de chromosomes, un lot provenant de la variété ancienne utilisée dans le croisement, les deux autres apportés par l'iris « moderne ». Malheureusement, les plantes triploïdes sont le plu souvent stériles et c'est le cas pour au moins deux des trois iris en cause.

 'Isoline' avait des pétales beige rosé cerclés de brun cannelle, et des sépales violets veinés de roux près des barbes orange. On le trouve encore dans certains jardins de collectionneurs, essentiellement aux USA. A noter que, dans certaines circonstances, malgré sa triploïdie, 'Isoline' c'est révélé fertile et qu'on connaît au moins deux de ses descendants : 'Magnifica' (Vilmorin, 1919) et 'Rhea' (E.B. Williamson, 1928).

 Il semble que depuis longtemps 'Miriam' ait disparu. Il est décrit comme ayant des pétales blanc veinés de lilas et des sépales dans les mêmes tons mais avec des veines plus larges et plus foncées.

Quant à 'Loute', c'était un iris de deux tons de violet infus et veiné de bronze, nommé ainsi en souvenir du chien de Mme Jeanne Lemaire, une artiste peintre amie de Marcel Proust, et bien connue dans les cercles artistiques de la Belle Époque, chien dont la mort avait profondément troublé sa propriétaire. Cet iris triploïde s'est, semble-t-il parfois montré fertile puisqu'on dit que la variété américaine rose 'Coralie' (Ayres, 1931) en serait un descendant.

Toutes ces informations ont été recueillies par Clarence Mahan, et c'est dans son livre qu'on les trouve.

L'apogée. 

 Les années qui suivirent virent le catalogue d'iris de Vilmorin-Andrieux s'enrichir de nouvelles variétés obtenues par le couple Vilmorin-Mottet. On ne peut pas tous les citer mais l'un d'entre eux, 'Oriflamme' (1907) est devenu emblématique du travail de la maison Vilmorin. Il possède effectivement les qualités de taille et de robustesse de son parent 'Amas' et des couleurs vives et attrayantes, dans les tons de bleu avec une zone blanche sous les barbes. Il fait partie des variétés de base de l'hybridation moderne.

 Philippe de Vilmorin avait eu l'idée d'organiser, à Paris, une grande conférence internationale sur les iris. Le projet avait pris corps dès 1914 et Séraphin Mottet, à la demande de son patron, avait tout organisé. Il présenta son projet en juin 1914, mais les événements qui allaient se produire dans les semaines suivantes allaient repousser de plusieurs années la réalisation de cette conférence. Entre temps, hélas, Philippe de Vilmorin était décédé en 1917 et c'est son cousin Jacques de Vilmorin qui avait pris les rênes de l'entreprise.

Jacques de Vilmorin, un jeune homme dynamique et entreprenant, n'avait certes pas la passion de Philippe pour les iris, mais il était bien conscient de l'importance de cette fleur pour la renommée et le prestige de la maison Vilmorin-Andrieux. Il poursuivit le projet initié par Philippe et Mottet mais le plaça sous la houlette de la Société Nationale d'Horticulture.

 La conférence se déroula à partir du 27 mai 1922. Elle rassembla environ 60 délégués venus de France, Grande-Bretagne, Suisse et Etats-Unis qui se réunirent dans les locaux de la SNHF. La Société Vilmorin-Andrieux et Jacques de Vilmorin, personnellement, en assuraient en grande partie le financement.

Le 29 mai les participants se rendirent à Verrière le Buisson, dans la propriété des Vilmorin. Ils y furent accueillis par tout le staff de l’entreprise. Séraphin Mottet était là, lui-aussi, bien qu'il ait quitté depuis peu ses fonctions pour devenir professeur d'horticulture à l'Ecole d'Horticulture d'Igny, à quelques kilomètres de là. Ils visitèrent toutes les installations, toutes les plantations et furent particulièrement émerveillés par les champs d'iris où se trouvaient la plupart des iris anciens et modernes produits partout dans le monde, ainsi que tous les cultivars introduits par Vilmorin-Andrieux.

 Il y avait, là, la fameuse variété 'Caprice' (1904), rouge violacé, le superbe violet deux tons 'Monsignor' (1907), le mauve/violet 'Alcazar' (1910), le plicata 'Parisiana' (1913), le pourpre 'Archevêque' (1911), le « vieux » 'Diane' (1902) et le grand 'Dejazet' (1914), en rose magenta. 'Ambigu' (1916) en deux tons de grenat, partageait la vedette avec les dernières obtentions de la Maison : 'Magnifica' (1919), 'Ballerine' (1920), 'Ambassadeur' (1920), et le tout nouveau et spectaculaire 'Alliés' (1922).

 Cette conférence de 1922 marqua l'apogée de la famille Vilmorin dans le domaine des iris. Elle en fut aussi le chant du cygne. Clarence Mahan écrit à ce sujet : « Avec la mort de Philippe de Vilmorin pendant la guerre et le départ de Mottet, Vilmorin-Andrieux et Compagnie a perdu sa passion pour les iris. »

 Le flambeau des créations spectaculaires et génétiquement intéressantes est passé à Ferdinand Cayeux qui a acquis, au cours des années 1920, une réputation d'excellence mondiale.

Pour citer une dernière fois Clarence Mahan, voici comment il parle de la fin du rôle de Vilmorin : « Vilmorin-Adrieux et Cie was like a great shooting star in the world of irises during the first three decades of the 20th century. The firm appeared in the iris scene suddenly. It enchanted the horticultural world with its splendid large-flowered irises (...). It changed the world of irises for ever, and then it was gone. (…) But the name Vilmorin is and will ever be incandescent in the hearts of men and women who love irises. » « Vilmorin-Andrieux et Cie a été comme une étoile filante illuminant le monde des iris pendant les trois premières décades du 20eme siècle. La firme est apparue subitement sur la scène des iris. Elle a enchanté le monde de l’horticulture avec ses iris splendides à grosses fleurs (...). Elle a changé pour toujours le monde des iris avant d'en disparaître. (…) Mais le nom de Vilmorin est et restera à jamais incandescent dans le cœur des hommes et des femmes qui aiment les iris. »

 Illustrations : 


'Ambassadeur' 


 'Ballerine' 


 'Caprice' 

 'Tamerlan'

4.12.15

HONNEUR À JOË GHIO

Rendons à présent un hommage à Joë Ghio. Avec Keith Keppel et Barry Blyth il constitue un trio de grands maîtres de l'hybridation qui partagent des goûts communs et échangent leurs expériences. Après plus de cinquante ans de travail, il a acquis un savoir-faire exceptionnel qui, allié à une habileté étonnante et un goût irréprochable, fait de chacun de ses iris une véritable œuvre d'art parfois capricieuse et souvent délicate, mais qui comble de bonheur ses admirateurs. En douze épisodes nous ferons le tour de ses plus beaux ouvrages, pour le plaisir des yeux, et pour le rêve qu'ils font naître en nous.

Cinquième épisode : en route vers le rose. 
 Cette fois c'est une des couleurs préférées de J. Ghio. Une où il a réussi plusieurs de ses meilleurs iris, surtout dans ces dernières années. Je n'ai pas résisté au désir de mettre cinq photos :


'Magic Act' (2009) – parents inconnus 


'Picture Book' (2006) - Treasured X unknown 


'Romantic Lyric' (2005) - Happenstance X pod parent of Bewitchment 


 'Star Appeal' (2008) - Picture Book sib, X (Natural Blond sib, x Magical Encounter) 


'Unconditional Love' (2009) - ((((Blonde Bombshell x (Pink Ballerina x (Newlywed x Caption))) x (Pink Starlet x (Happy Marriage x Bubbling Along))) x Thinking of You) x (((inconnu x Snowed In sib) x Impulsive) x ((pod parent of Puccini, x (Regal Affair x pod parent of Snowed In)) x Impulsive sib))) X Picture Book sib

LA FLEUR DU MOIS

‘TOUR DE FRANCE’ (Keith Keppel, 2003) 

(Magharee x Overjoyed) X (Electrique x Romantic Evening) 

Pétales blancs infus au centre de jaune de chrome ; crête blanc et jaune de chrome ; sépales jaune doré sombre, ombrés de jaune de chrome profond aux épaules, texture veloutée ; barbes de jaune de chrome profond à jaune cadmium, orangés dans la gorge ; léger parfum sucré. 

Voilà un remarquable amoena jaune qui ne passe pas inaperçu dans un jardin. C'est normal, car il est rare qu'une variété signée de Keith Keppel soit quelque chose de banal ! Son nom fait allusion au maillot jaune du Tour de France cycliste, porté on sait pourquoi par le coureur américain Lance Armstrong. Ce parrainage peut paraître aujourd'hui un peu douteux, mais cela n'enlève rien à l'excellence de l'iris qui le défend. La description qu'en donne son obtenteur est précise et claire. Elle ne précise pas cependant que la fleur, très contemporaine, présente des pétales un peu ouverts, dans le style de Barry Blyth. Les ondulations des sépales restent discrètes, ce qui en fait une fleur qui ne se démodera pas. La plante, de la hauteur réglementaire de 90cm, offre un nombre de bouton raisonnable. Rien à dire, en ce qui me concerne, sur ses qualités horticoles : elle pousse normalement sous le ciel de Touraine, comme, semble-t-il, sous celui de son Oregon natal.

Le pedigree de 'Tour de France' se limite à ses quatre grands parents :
'Overjoyed' (Gatty, 1994), amoena jaune orangé, très apprécié ;
'Magharee' (Blyth, 1986), amoena abricot rosé, très connu ;
'Electrique' (Blyth, 1993), une étape dans la recherche de l'amoena rose parfait qui constitue le Graal de Barry Blyth ;
'Romantic Evening' (Ghio, 1996), l'une de plus emblématiques obtentions de Joë Ghio, de ces vingt dernières années.

Ce sont là quatre grands iris. Dont aucun ne présente exactement les couleurs de 'Tour de France', mais où on devine l'évolution, à partir de la base amoena jaune de 'Overjoyed', assombrie par le vieux-rose de 'Electrique' et soutenu par la richesse de 'Romantic Evening'.

 'Tour de France' n'a pas encore une vaste descendance, mais il est probable que les croisements où il sera présent vont se multiplier.

Le nom de 'Tour de France' me suggère la réflexion suivante : La course cycliste à laquelle il se réfère est une épreuve plus que centenaire, née à peu près au même moment que l'hybridation contrôlée des iris, et elle a suivi une évolution tout à fait parallèle à celle des iris hybrides. Au début la course ne rassemblait que des athlètes européens, essentiellement des Français, des Italiens et des Belges. Après la seconde guerre mondiale, elle s'est peu à peu ouverte aux autres nations : les Hollandais, les Espagnols, les Allemands y ont fait leur apparition. Puis on a vu des coureurs irlandais, norvégiens, danois, russes, baltes, portugais... Les Colombiens y ont pris part, puis les Américains (avec quel succès!) et les Australiens... Le Tour de France est aujourd'hui totalement mondialisé.

Il en est de même du monde des iris. Il y a un siècle c'était une affaire européenne, surtout française et britannique. Les Américains y sont venus et s'y sont creusé une place considérable. Les Australiens s'y sont aussi installé à leur tour, avec le soutien de quelques Néo-Zélandais. Depuis l'effondrement du rideau de fer, les nations d'Europe orientale, après l'Italie et l'Allemagne, y sont entrées et y débordent d'énergie et d'enthousiasme. Monde des iris et Tour de France ont suivi la même évolution, et cela correspond pleinement à celle de notre monde tout court.

Quant à l'iris 'Tour de France', le côté sulfureux de celui qui justifie son nom n'a évidemment aucune influence sur ses excellentes qualités et ses bonnes performances au jardin.

Illustrations : 


'Tour de France' 


'Magharee' 


'Overjoyed' 


'Electrique' 

'Romantic Evening'

LA MEDAILLE DE DYKES ANGLAISE

Quand on parle de Médaille de Dykes on songe d'abord à la Médaille attribuée par les juges américains à l'issue de la course aux honneurs qui caractérise le cursus des iris aux États-Unis. Mais il y a actuellement en compétition trois autres Médailles de Dykes, toutes les trois offertes par la British Iris Society (BIS), la doyenne des sociétés iridophiles nationales. La Australian Dykes Medal est mise en compétition en Australie, comme son nom l'indique. La New Zeeland Dykes Medal est en jeu en Nouvelle-Zélande, depuis quelques années. Enfin – mais on devrait commencer par elle – il y a la Britrish Dykes Medal, la plus ancienne et longtemps la plus prestigieuse.

Elle est attribuée depuis 1927 et a été décernée pour la première fois à 'Margot Holmes' (A. Perry, 1927), croisement interspécifique ((Iris chrysographes X I. Douglasiana)) que l'on peut à la rigueur classer parmi les Cal-Sib, mais plus justement parmi les specX. C'est déjà dire qu'elle ne fut jamais l'apanage des fameux TB qui ont trusté les récompenses tout au cours du XXeme siècle. Elle se caractérise par le fait qu'elle n'est pas attribuée nécessairement chaque année. Elle ne l'est que si, pour l'année en cours, un candidat s'en est montré digne, quelle que soit sa catégorie. C'est pourquoi de nombreux « trous » existent dans son palmarès :
entre 1931 et 1934 ;
entre 1935 et 1940 ;
entre 1941 et 1948 ;
entre 1949 et 1952.

A partir de cette date et jusqu'en 1991 son attribution a été pratiquement annuelle, mais à partir de 1991 elle n'a plus été régulièrement attribuée : huit fois seulement jusqu'en 2011, et plus du tout depuis cette année-là.

 Les éclipses constatées correspondent à des périodes où la culture et l'hybridation des iris a ont connu des creux explicables par le faible nombre des concurrents potentiels. La Grande-Bretagne a beau être l'une des terres de création des iris, il n'y a jamais eu un grand nombre de variétés participants aux concours. Cette relative pauvreté apparaît quand on recherche les noms des obtenteurs lauréats : H. Randall a été sacré quatre fois, de même que H. Fothergill. Mais le grand champion a été Brian Dosdsworth qui, à partir de 1977, a reçu douze fois la médaille !
 'Annabel Jane' en 1977
'Kildonan' en 1980
'Jill Rosalind' en 1981 ;
'Dovedale' en 1983 ;
'Bewick Swan' en 1984 ;
'Roman Emperor' en 1985 ;
'Buckden Pike' en 1987 ;
'Wensleydale' en 1988 ;
'High Peak' en 1990 ;
'Wharfedale' en 1991 ;
'Whooper Swan' en 1997 ;
'Darley Dale' en 2001).
 Cela fait penser à l'hégémonie exercée par Ferdinand Cayeux au cours des années 1930 pendant lesquelles la Médaille de Dykes Française, décernée jusqu'à la guerre de 1939, lui a toujours été attribuée.

 La dernière fois que la DM britannique a été décernée, c'est en 2011. Elle est revenue à 'Stephen Wilcox' (Jennifer Hewitt, 2003), un iris de Sibérie, en deux tons de rose violacé.

 Toutes les catégories d'iris peuvent concourir et remporter la médaille, quelle que soit aussi la nationalité de leur obtenteur. C'est le côté le plus intéressant de cette récompense. En effet il suffit que l'hybrideur qui entend faire concourir une de ses variétés prenne une adhésion à la BIS. Voici, d'ailleurs, ce que dit le règlement de la compétition :
« La compétition pour la Médaille de Dykes s'étend sur trois années et elle se juge au cours de la troisième saison. Le meilleur iris en compétition recevra la médaille s'il est considéré comme réunissant les critères suffisants (1). 
Les iris doivent être présentés par les membres de la BIS. Chaque membre peut mettre en compétition chaque année un iris barbu ou un iris sans barbes obtenu par lui-même, ainsi qu'un autre semis de chaque type pour lequel il aurait reçu précédemment un AGC(2), dans la limite de trois plantes de chaque type. 
Il y a présentement quatre jardins agréés pour la compétition. Au minimum un rhizome de chaque variété doit être envoyé à chaque jardin, mais deux rhizomes par jardin est préférable. Chaque iris devra être jugé dans au moins trois jardins. (…) 
Les iris qui ont obtenu un AGC sont éligibles pour le concours, de même que les iris qui ont obtenu une récompense dans une autre compétition agréée. (...) » 

Ce règlement est intéressant pour les éventuels compétiteurs non-britanniques, à la différence de celui concernant la DM américaine qui avantage outrageusement les variétés nées aux USA. Compte tenu de la faible production actuelle d'iris en Grande-Bretagne, c'est une opportunité pour les hybrideurs européens qui peuvent avoir, dans ces circonstances, une chance de se distinguer dans un concours prestigieux.

Alors, n'attendez pas, amis hybrideurs, devenez membres de la BIS et envoyez vos iris en Angleterre !

 Illustrations : 


 'Tarn Hows' (H. Randall, ) BDM 1958 ; 


 'Buckden Pike' (Dodsworth, ) BDM 1987 ; 


 'Orinoco Flow' (CEC Bartlett, ) BDM 1994 ; 


 'Berlin Ruffles' (Tamberg, ) BDM 1999.

(1) Cela mériterait d'être explicité, mais le règlement est muet sur ces critères. 

(2) AGC = Award of Garden Commendation, autre compétition organisée par la BIS.