21.8.15

PARFUM OU PAS PARFUM ?

Il fut un temps, relativement lointain, où le parfum d'un iris n'était pas du tout pris en compte dans la description qui en était donnée. Il est vrai qu'à cette époque les descriptions étaient pour le moins succinctes. Prenons par exemple la description dans la check-list de 1959 de 'Eleanor's Pride' (E. Watkins, 1952, DM 1961) : « Sdlg 50-32A. TB, 41'', M, B1L. Self, bleu pâle. Jane Phillips X Blue Rhythm. » On ne s'attarde pas sur les détails. Ni la couleur des barbes, ni la forme de la fleur ne sont prises en considération, et pas davantage son parfum !

Avec le temps, les obtenteurs ont tout de même peu à peu ajouté des informations qui donnent des précisions intéressantes sur les caractéristiques de la fleur. C'est le cas de la description du joli plicata magenta 'Mod Mode' (J. Gibson, 1969) : « 27-50. TB, 36'', M, RV2RVL. Pétales rose orchidée léger ; Sépales rose orchidée léger sur fond rose clair ; ondulée ; barbes blanche pointées orange. April Melody X 2-PLB. » Les progrès sont évidents : seule l'indication d'un numéro de semis pour désigner le donateur de pollen laisse le chercheur sur sa faim. A l'intention de ceux qui ne le sauraient pas, le code RV2RVL, qui suit l'indication de la précocité de la plante, est l'indication d'une classification par couleur instituée en 1949 et qui signifie en l'occurrence « plicata rouge violacé clair ». Avec une telle description on peut, sans avoir la fleur sous les yeux, se faire une idée de l'aspect et du coloris.

Cela va prendre de la consistance, avec le temps. Vingt ans plus tard, la description que C. Mahan donne de son célèbre 'Suky' (1988) montre à quel point les choses ont avancé : « Sdlg. 186-1. TB, 37'' (94cm), HM. Pétales blancs infus de violet clair (RHS 86B) sur les bords, côtes violettes ; sépales violet de moyen à vif (83B), très grande zone blanc pur s'étendant des épaules jusque vers le milieu ; barbes blanches, jaune vif dans la gorge ; ondulées ; parfum épicé prononcé. Violet Miracle X Victoria Falls. » Cette fois, on a tout. La fleur est délicate à décrire, mais Mahan l'a fait avec précision, dans les moindres détails, et la notion de parfum apparaît.

Depuis, le raffinement des descriptions n'a fait que se développer et parler du parfum est devenu une obligation. Il faut dire que la multiplication exponentielle du nombre des variétés enregistrées a rendu toutes ces précisions nécessaires sous peine de voir se perdre l'intérêt des descriptions elles-même.

Cependant, pour ce qui est du parfum, on en est encore à des appréciations sommaires. Les obtenteurs se contentent de dire si oui ou non leur fleur est parfumée et tous ne vont pas jusqu'à préciser si le parfum en question est fort ou discret, sucré ou poivré... Tous les obtenteurs n'ont pas, en effet, l'aptitude d'un nez à donner une évaluation précise du parfum ! On en restera donc encore longtemps à quelque chose de rudimentaire.

 C'est pourquoi on peut se poser la question suivante : Dans les concours d'iris (façon Florence ou FRANCIRIS), quelle importance faut-il donner à la notation du parfum ? Aujourd'hui celui-ci représente 5% de la note totale attribuée à une variété. Vu comme cela, il n'y a rien d'anormal à ce pourcentage. Mais à bien y réfléchir, cela pose un problème. En effet la note en question est sans nuance. Le parfum existe-t-il ? Est-il puissant ? Subtil ? Délicat ? Lourd ? Agréable ? Déplaisant ? La note est limitée à l’appréciation subjective du juge, alors qu'en plusieurs autres domaines elle porte sur des critères tout à fait concrets, comme l'importance du branchement ou le nombre des boutons floraux. Certes, l'avis personnel du juge est aussi sollicité sur d'autres critères subjectifs, comme la couleur ou la forme de la fleur, mais ce sont des caractères visibles, alors qu'il n'y a pas de comparaison possible en ce qui concerne le parfum. Les 5% en question peuvent donc peser très lourd dans la note finale. Et cela peut même devenir rédhibitoire si la fleur n'a pas de parfum ! Pas de parfum cela veut dire 0 point et puisqu'il y a cinq juges, cela représente un handicap de 25 points, ce qui est énorme. Une plante jolie, solide, florifère, qui pousse bien mais qui ne sent rien sera forcément hors-course, ce qui me paraît injuste et même contraire au but recherché qui est, ne l'oublions pas, de désigner une plante qui a de réelles qualités horticoles. A mon point de vue, l'absence de parfum chez un iris n'est pas un défaut mais une simple particularité tout à fait anecdotique. Pour ne pas en faire un élément fondamental, il faudrait trouver un système de notation qui tienne compte du parfum, bien évidemment, mais qui soit suffisamment précis pour avantager un peu un iris qui sent bon, ou pour sanctionner un iris à l'odeur désagréable, mais qui ne handicape pas une fleur neutre sur le plan olfactif.

J'espère que dans un proche avenir un consensus s'établira entre les organisateurs de concours pour noter équitablement le parfum des variétés en compétition.

 Illustrations : 


 'Eleanor's Pride' 


'Mod Mode' 


'Suky'

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