24.4.15

S'IL N'EN FALLAIT QU'UNE …

S'il n'en fallait qu'une, laquelle prendrai-je ? Je me suis posé cette question en consultant ma photothèque pour rechercher les illustrations destinées à un récent article. Le feuilleton des prochaines semaines présentera certaines des photos que je trouve bien réussies. Ce ne sont que des photos d'identité, certes, mais elles peuvent tout de même être bien jolies, et leurs réalisateurs ont eu de la chance (pour ce qui me concerne), mais peut-être aussi... du talent (chez les autres) ! 

Septième semaine : de X à Z 

'Xochipili' (Muska, 1997) (photo de S. Ruaud) 

'Yeld' (P. Black, 2011) (cliché R. Piatek) 

'Zlatovlaska' (Mego, 2010) (photo Gérard Raffaelli)

IRIS BLEUS

Question : « Sur votre conseil, en vue d’obtenir des iris plicatas, j’ai croisé deux variétés de ce modèle. J’ai semé les graines récoltées, beaucoup ont germé ; j’ai repiqué les petits iris et la plupart ont grandi normalement ; plusieurs ont fleuri cette année pour la première fois, mais parmi ces fleurs il y a très peu de plicatas, comment cela se fait-il ? Toutes les nouvelles plantes ne devraient-elles pas être plicatas puisque père et mère le sont ? »

 Réponse : « Les variétés que vous avez utilisées comme parents sont effectivement porteuses du gène plicata, mais elles sont elles-même le résultat de croisements multiples qui ne concernaient pas que ce modèle et, par conséquent, l’application pure te simple des lois de la génétique fait qu’elle vont avoir pour descendants, certes, des petits plicatas, mais aussi des petits d’autres modèles dans des proportions bien connues des généticiens, mais qui, dans les faits, vont se trouver affectées par plusieurs phénomènes : par exemple, le nombre aléatoire de graines qui auront germé et de plantes qui se seront développées. Théoriquement, donc vous auriez du obtenir un certain nombre de plicatas en fonction du nombre de fois où ce gène (ou plutôt l’allèle récessif de ce gène) se sera présenté dans le génome des parents, mais des circonstances diverses et incontrôlables ont inévitablement perturbé cette belle ordonnance génétique. Et, par dessus le marché, vous ne savez pas combien de fois l’allèle en question était présent : le déterminer, après des années et des années (plus de 100 !) de croisements et pratiquement irréalisable ; donc vous ne pouvez matériellement pas savoir combien vous auriez pu obtenir de plicatas parmi les semis qui ont poussé. La rigueur scientifique est une chose, la réalité horticole en est une autre, mais il n’y a aucun caprice de fleurs ! »

Question : «  Si j’avais croisé un plicata avéré (les fleurs en montrant à l’évidence le caractère), et une variété portant le gène plicata mais n’en ayant pas l’apparence, aurais-je obtenu le même résultat ? »

 Réponse : « Théoriquement, oui. Seule la proportion de plicata aurait pu varier (toujours en théorie) mais vous ne pouviez pas la connaître avec précision. Si vous croisez deux plantes porteuses du gène plicata, vous pouvez être certain que vous récolterez des plicatas – c’est le principe qui régit la récessivité, et le modèle plicata est récessif – mais vous ne pourrez jamais savoir dans quelle proportion ! C'est la même chose chez les humains. Je prends un exemple personnel : j'ai les yeux bleus. Ce trait est récessif. Mon père avait les yeux bleus, mais pas ma mère. Pour que j'aie les yeux bleus il fallait cependant qu'elle soit porteuse du gène en question. Elle l'était par son propre père qui avait les yeux bleus. Il y avait donc des chances pour que l'un de ses enfants ait les yeux bleus. Ce fut mon cas et celui d'une de mes sœurs ; les deux autres enfants de la famille ont les yeux bruns... Comme chez les hommes, chez nos iris l'affaire est compliquée par le fait que nous n’agissons pas avec des plantes naturelles, mais avec des hybrides issus de croisements multiples et répétés (à l’heure actuelle on approche de la cinquantaine de générations), qui concernent des porteurs de gènes dominants et des porteurs de gènes récessifs, sans qu’on soit toujours absolument certains de la nature de ce que l’on croise. Dans la plupart des cas il y a donc une grande incertitude, et pour aboutir à ce que l’on désire obtenir il faut cultiver un très grand nombre de semis. Si l’on ajoute que, la chance aidant, on a trouvé parmi tous les petits nouveaux quelque chose qui ressemble à ce que l’on cherche, il faut encore plus de chance pour qu’il y ait, parmi ces nouveaux iris, une plante avec des fleurs belles et bien formées et bien proportionnées, portées par une plante élégante, vigoureuse et qu se multiplie sans difficulté : il y a plus de vilains petits canards que de superbes cygnes dans une couvée de frères de semis ! » 

 Celui qui se lance dans l’hybridation avec des intentions autres que ludiques, doit avoir des notions sérieuses de génétique, mais aussi une connaissance aussi développée que possible des pedigrees, une bonne dose de flair, une solide curiosité, beaucoup de patience, et il doit compter sur la chance !

 Illustrations : 



 ‘Abraham’ (Laporte, 2006) (Change of Pace X Broadway) – un plicata qui affiche son « plicatisme » ; 

‘Moïse’ (Fur/Laporte, 2004) Frère de semis de ‘Abraham’, un plicata masqué ! 

 Les parents :


‘Change of Pace’ (Schreiner, 1991) (Eagle's Flight X Cinnamon Girl) 


 ‘Broadway’ (Keppel, 1979) (((((Irma Melrose x Tea Apron) x ((Full Circle x Rococo) x Tea Apron)) x April Melody) x Caramba) X Flamenco)

17.4.15

S'IL N'EN FALLAIT QU'UNE …

S'il n'en fallait qu'une, laquelle prendrai-je ? Je me suis posé cette question en consultant ma photothèque pour rechercher les illustrations destinées à un récent article. Le feuilleton des prochaines semaines présentera certaines des photos que je trouve bien réussies. Ce ne sont que des photos d'identité, certes, mais elles peuvent tout de même êtree bien jolies, et leurs réalisateurs ont eu de la chance (pour ce qui me concerne), mais peut-être aussi... du talent (chez les autres) ! 

Sixième semaine : de U à W 


'Uncle Charlie' (Spoon, 1999) (photo de Greg Hodgkinson) 


'Valovi Modrine' (Golob, 2008) (photo de S. Ruaud) 


'Wedding Vow' (Ghio, 1972) (photo de Christine Cosi)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Un grand déménagement. 

Dans le dernier « Roots », la revue de la HIPS (Historic Iris Preservation Society), on apprend que la famille Spears, bien connue pour sa pépinière texane Argyle Acres, avait cessé son activité pour cause de retraite. Ce sont deux sœurs, citoyennes du Wisconsin, qui ont acquis toute la collection d'iris et l'ont déménagée vers leur pays, 1500 km plus au nord ! Quand on sait que le lot était constitué de 55 000 rhizomes, on imagine l'énormité de problème. Il a fallu trois étés pour tout transférer. Aujourd'hui cette tâche pharaonique est terminée et les ventes vont pouvoir reprendre. Chapeau …

 Illustration : 


- 'Shah Jehan' (Neel, 1932), une variété historique qui faisait partie du déménagement.

MONSIEUR VARIEGATA

Si Keith Keppel s'est lui-même attribué le surnom de M. Plicata, ce qu'il mérite absolument, peut-être pourrait-on conférer celui de M. Variegata à Michael Sutton. En effet, d'année en année, cet obtenteur californien semble se spécialiser dans les iris variegatas. D'une façon générale j'ai l'impression que le modèle variegata, avec les multiples variantes que l'on est parvenu à lui donner, a repris depuis quelques années un côté « tendance » qu'il avait quelque peu perdu.

Dans « The World of Irises », à la différence de ce qui est fait pour les amoenas, il n’y a pas à proprement parler de développement concernant les iris variegatas tels que nous les évoquons, c’est à dire ces iris aux pétales dans les tons de jaune, au-dessus de sépales dans les tons de brun, de bleu ou de violet. Leur problématique est traitée au chapitre des bicolores, tout simplement. Pourtant, entre 1900 et 1950 les variegatas se sont multipliés, évoluant dans quatre directions : vers des sépales très foncés ; vers des teintes plus brunes aux pétales ; vers des sépales où le violet s’affirme à côté du brun-rouge ; mais aussi vers des tons pastel, où le jaune devient primevère et le violet mauve tendre. Qu'ils soient des variegatas à sépales brun-rouge ou des variegatas à sépales violets, tous découlent d’une même base, mais pour obtenir la combinaison jaune/mauve ou violet les hybrideurs des années 60 ont associé le modèle amoena au modèle variegata de base.

 Michael Sutton est parti de ce constat pour établir sa ligne personnelle de variegatas. Son but, qui est aussi celui de quelques autres hybrideurs engagés dans la même direction, était bel et bien d'ajouter quelque chose au modèle variegata classique, non seulement en jouant d'abord sur l'association jaune/ mauve, puis en créant des variations dans la couleur mauve des sépales, soit en ajoutant un liseré plus ou moins brun sur la bordure, soit en créant une zone blanche autour des barbes. Il a essayé plusieurs solutions, dont certaines se sont révélées très encourageantes.

Pour faire simple, disons que pour une première approche il a associé une base amoena façon 'Emma Cook', donc blanc avec un bord des sépales bleu, plus ou moins large, et un modèle variegata, en l’occurrence où le mauve des sépales était déjà installé, c'est à dire descendant de 'Edith Wolford'. Le premier résultat valable qu'il ait mis sur le marché a été 'Mountain Sunrise' (2006). Le pedigree de ce variegata est (Seakist X Tropical Delight) : Le rôle de 'Emma Cook' y est tenu par 'Seakist' (Schreiner, 1997), celui de 'Edith Wolford' par 'Tropical Delight' (M. Sutton, 2001). Il faut bien chercher pour retrouver 'Edith Wolford' derrière ce variegata assez classique (si ce n'est qu'il a des éperons) mais il se trouve deux générations en avant ; en fait, de plus, 'Edith Wolford' figure aussi dans le lignage de 'Seakist'. Ce 'Mountain Sunrise' est décrit comme « pétales vert jaunâtre, sépales violet, veinés de jaune, liseré jaune pâle, spot blanc autour des barbes jaunes ».

 Michael Sutton a compris le parti qu'il pouvait tirer de cette variété qui était sur la voie de ce qu'il voulait faire. Il a réalisé au moins sept croisements différents où 'Mountain Sunrise' apparaît comme parent mâle. L'un est ((Mother Earth x Soaring) X Mountain Sunrise). Cela a donné 'Boundless' (2009) chez qui la teinte des sépales est très pâle (presque blanche) et ne se colore vraiment que vers le bord qui est franchement indigo. Un autre se présente comme ((Connie Sue X Ghio 98-3F) X Mountain Sunrise). Celui-là a fourni deux variétés enregistrées : 'Battle of the Bands' (2010) et 'Twin Cities' (2011). Le second est tout à fait conforme au projet, le premier est nettement plus rouge, mais, à mon goût, bien plus beau. Le troisième croisement, (Bold Vision X Mountain Sunrise), est à l'origine de 'Autumn Ring' (2009) qui est très voisin de 'Boundless', cité ci-dessus, mais le liseré en est plus nettement amarante. Avec le quatrième croisement, ((Conjuration x Connie Sue) X Mountain Sunrise), Michael Sutton a obtenu 'Bahia Cooler' (2011), chez qui le jaune est considérablement atténué sur les pétales, tandis que les sépales conservent la coloration caractéristique. Cinquième croisement : (Chasing Rainbow X Mountain Sunrise). Cela a donné 'Broad Minded' (2010), plus classique, en jaune/améthyste. Sixième tentative, ((Connie Sue x Applause Line pollen parent) X Mountain Sunrise) = 'Cold Fusion' (2010), qui se présente de façon vraiment spéciale, avec des pétales blancs fortement veinés de jaune, et des sépales dont la couleur dominante est un bleu violacé sombre qui s'éclaircit vers le centre jusqu'à devenir parfaitement blanc sous les barbes jaunes, et prend une teinte beige isabelle sur le liseré extérieur. Il existe enfin un septième croisement, plus compliqué, mais qui a abouti à peu près au même résultat avec 'Above the Rim' (2010) et qui s'écrit (((World Premier x High Point) x (Prince George x Flight Commander)) X Mountain Sunrise). La présente moisson est intéressante, mais 'Mountain Sunrise' n'est pas la seule souche utilisée par M. Sutton.

 Une autre source vient de 'Claim Jumper' (2007) dont le pedigree est ((Seakist x Aaron's Rod) X Snowed In). On y retrouve 'Seakist', mais uni cette fois à l'amoena très contrasté 'Snowed In' (Ghio, 1998) façon 'Slovak Prince'. 'Claim Jumper' est rutilant : pétales d'or pur, sépales bordeaux veinés d'or sous les barbes et bordés de brun isabelle. Pas tout à fait dans la formule recherchée mais qui ouvre certaines possibilités. (Special Blend X Claim Jumper) a donné 'Fusion' (2009), l'un des plus réussis de la bande, avec des pétales jaune vif s'éclaircissant vers la pointe, et des sépales pourprés, devenant jaunes sous les barbes jaunes (avec un petit spot blanc, en plus) puis s'ourlant de bleu clair. (Claim Jumper X Spot-on) a donné naissance à 'Bold Move' (2008), fortement coloré, où les pétales sont jaunes, bien sûr, et où les sépales associent quatre couleurs : le jaune, sous les barbes, puis le blanc, au centre, puis le violet pourpré, et enfin le brun fumé, dans le contour. 'Definition' (2011) est la suite du précédent, à la génération suivante : le jaune y est moins présent, au bénéfice du blanc ; le violet y est plus clair, et le bord brun plus large.

'Point of No Return (2010) relève d'une autre recherche. Les « associés » sont ((Grand Circle x Futuriste) X Fall Enterprise), et le produit, un iris aux pétales jaunes éclaircis au bord, et aux sépales quadricolores (jaune aux épaules, blanc sous barbes, violet ensuite, puis grenat sur uns large bordure.

 Pour terminer ce tour d'horizon sur le travail de Michael Sutton, parlons des croisements faisant appel au couple (Barbara my Love x Bride's Blush), en association – ou non – à ((Seakist x Snowed in) x Spot on). 'Adventurous' (2009) et 'Bandwidth' (2009) en sont issus. L'un et l'autre déclinent les mêmes associations de couleur, mais n'ajoutent rien, en réalité.

 Ces variétés brillantes apportent véritablement un renouveau d'originalité dans le domaine des variegatas. En 2015 leur obtenteur a poursuivi son travail. Au moins quatre nouveautés sont apparues. Mais il est trop tôt pour en parler car, à l'heure de la rédaction de ce sujet, les pedigrees n'avaient pas encore été publiés. Cela fera l'occasion de revenir pour en parler dans quelques semaines.

 Illustrations : 

'Mountain Sunrise'


'Claim Jumper' 


'Fusion' 


'Point of No Return'

11.4.15

S'IL N'EN FALLAIT QU'UNE …

S'il n'en fallait qu'une, laquelle prendrai-je ? Je me suis posé cette question en consultant ma photothèque pour rechercher les illustrations destinées à un récent article. Le feuilleton des prochaines semaines présentera certaines des photos que je trouve bien réussies. Ce ne sont que des photos d'identité, certes, mais elles peuvent tout de même êtree bien jolies, et leurs réalisateurs ont eu de la chance (pour ce qui me concerne), mais peut-être aussi... du talent (chez les autres) ! 

Cinquième semaine : de Q à T 


'Quaker Lady' (Farr, 1909) (photo de Heidi Soroken – Greenorchid) 


'Ransom Note' (Ghio, 2000) (photo de Heidi Soroken) 


'Sardane' (Dauphin, par Dejoux, 2008) (photo S. Ruaud) 


'Torrent de Soleil' (Cancade, 2011) (photo S. Cancade)

10.4.15

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Renaissance (une autre !)

Ceci est l'image que l'on découvre quand on va sur le site de « Iris au Trescols », la pépinière de Lawrence Ransom. Qui ne se réjouirait pas de constater qu'un aussi talentueux hybrideur revienne dans le petit monde des iris. Attendons de voir ce qui va nous être proposé et souhaitons que cela dure !

DÉFILÉ DE MODE

C'est un peu comme dans la haute couture : en janvier et février, les obtenteurs et les producteurs d'iris présentent leurs créations (ou nouveautés) de l'année, et les fans guettent sur Internet l'apparition des catalogues. Le coup d'envoi est donné par les Américains, les Européens suivent immédiatement. Et comme dans la mode, les exégètes définissent de nouvelles tendances, parlent des nouvelles couleurs et de l'évolution des formes de fleurs. On ne voit pas encore des mannequins défiler en portant les nouvelles variétés, mais les photographies présentées sont de plus en plus raffinées – et fréquemment retouchées – pour donner de la fleur la présentation la plus alléchante.

 Aux États-Unis, où le top de départ a été donné, les nouveautés sont si nombreuses qu'on ne sait pas par quel bout commencer. Prenons l'ordre de prolixité. Les plus nombreuses se trouvent chez Black et Johnson. Pas moins de 55 nouveaux iris dont seulement (si l'on peut dire) 24 grands TB. C'est ahurissant ; d'autant qu'à voir les photographies, il n'y a pas l'air d'y avoir de « nanards » : rien que de superbes fleurs, majestueuses, des variétés bouillonnées, d'autres plutôt « tailored »(1), bref il y en a pour tous les goûts. Rien que parmi les TB, il y a forcément des doublons (même si l'on ne trouve pas de véritables jumeaux homozygotes). J'ai noté la présence de quatre iris roses, trois plicatas jaune/violet et un jaune/ brun mordoré, trois amoenas, trois blancs, trois mauves ou violets... A noter la présence d'un iris plat, c'est à dire se présentant à la façon des iris du Japon. Il paraît que le goût pour ce type de fleur va croissant...

Après ces champions vient la vieille maison Schreiner qui, pour la seconde fois, s'éloigne de son nombre annuel fétiche de nouveautés qui était de 15 ou 16 depuis de nombreuses années, pour atteindre cette fois 22 variétés dont 5 naines, ce qui est révolutionnaire pour cette entreprise. Là aussi, rien que des fleurs magnifiques, avec cette ampleur et cette perfection de forme qui est une marque de fabrique. C'est Bruce Filardi qui occupe la troisième marche du podium en présentant 18 nouveaux iris dont 16 TB. Avec cet obtenteur les amateurs français se montrent réticents en souvenir d'un achat groupé, il y a quelques années, servi avec beaucoup de légèreté. Pourtant les plantes de cette années semblent sur le papier belles et bien venues. La pépinière Commanche Acres, de la famille Hedgecock, propose 13 iris du nouveau millésime. A noter la présence de quatre amoenas bleus... Superstition Iris Garden (Duncan et Tasco) aligne 9 iris dont seulement 4 TB. Ex-aequo il y a Keith Keppel qui se contente aussi de neuf variétés et qui poursuit cette année une sorte de retraite, du moins pour ce qui est de la commercialisation de ses obtentions. Hugh Stout a inscrit 8 nouveautés à son catalogue, dont, il faut le signaler, quatre sont des variétés françaises signées de Michèle Bersillon : de belles fleurs mais qu'on n'a pas le droit de montrer... Au nord de San Francisco, dans la Napa Valley, les Painter offrent 7 TB nouveaux ce qui montre que tout le monde n'est pas atteint par l'obsession du nombre. Ce premier tour d'horizon se terminera par les 2 nouvelles fleurs de la famille Jedlicka. Au moment où cet article est rédigé, les autres obtenteurs ou producteurs n'ont pas terminé la préparation de leurs catalogues. Il faudra y revenir.

Peut-on, comme les exégètes de la mode, tirer des tendances de cet étalage de nouveautés ? C'est bien difficile car on peut trouver de tout, avec pas mal de distallatas et de luminatas, modèles qui sont aux premiers rangs depuis plusieurs années maintenant. Les amoenas inversés n'ont pas encore dit leur dernier mot, et les variegata, longtemps en perte de vitesse, reviennent au goût du jour. La tendance à l'inflation, du moins pour ce qui est de quelques catalogues cités, n'affecte plus guère que les deux premier, Mid-America et Schreiner. Il est encore trop tôt pour dire s'il s'agit d'une situation durable, mais il serait tout de même souhaitable qu'il en soit ainsi car la multiplication à l'infini des nouveaux iris est une attitude que je déplore.

Nous en resterons là pour cette semaine ; la prochaine fois nous ferons le tour des obtenteurs européens, lesquels, on peut déjà l'affirmer, ne s'en laissent pas compter !

Illustrations : 


'Born This Way' (Black P. , 2015) 

'Waves of Joy' (Tasco, 2015) 


'Minnesota Nice' (Worel, 2015)


'Painted Shadows' (Keppel, 2015)

3.4.15

EXTRAVAGANT (FLEUR DU MOIS)

Les iris hauts en couleur sont indispensables au jardin pour créer des points de fixation du regard. C'est ce pourquoi j'ai voulu me procurer 'Extravagant' (Hamblen, 1982), il y a déjà longtemps, pour ce qui fut le troisième site de mes iris. Je crois que c'était en 1989. A cette époque ma collection était en pleine expansion. Elle s'enrichissait d'année en année grâce aux achats divers que je faisais, mais surtout grâce aux échange que j'avais mis en place. Un petit groupe de collectionneurs s'était formé – avec le soutien mollement assuré de la SFIB – au sein duquel la collection réunie par l'un passait peu à peu chez les autres. Pour que cette politique soit efficace il ne faut pas hésiter à mettre au pot chaque année un certain nombre de nouveautés qui, quelques années plus tard, viendront enrichir l'offre. C'est ainsi qu'un collectionneur, restaurateur dans la région de Pau, m'a fourni cet 'Extravagant' que je convoitais.

'Extravagant' est officiellement décrit comme : « S. red purple (RHS 72C); F. slightly lighter, lightening toward center and darkening toward edge, laced and ruffled; cerise beard. » Soit, en français : « Pétales rouge pourpré ; sépales légèrement plus clairs, s'éclairant vers le centre et s'assombrissant vers les bords, dentelés et ondulés, barbe cerise. » On est bien en face d'un iris de couleur éclatante, particulièrement agréable à voir et, ce qui ne gâte rien, plutôt solide et poussant facilement. Les juges américains ont été d'accord pour lui reconnaître des qualités éminentes puisqu'ils lui ont accordé le HM dès 1985 et l'AM en 1989, allant jusqu'à le propulser à la conquête de la Médaille de Dykes, qu'il a ratée de peu en 1991. Je n'ai jamais regretté cette acquisition.

Cet iris pourpre clair est le fruit d'un croisement (Lilac Flame X Glory Bound ) dans lequel 'Lilac Flame' (Hamblen, 1978) apporte une note rose orchidée tandis que 'Glory Bound' (Nelson, 1978) ajoute un peu de profondeur avec un coloris plus vif et plus bleuté enrichi d'une barbe minium. 'Lilac Flame', pur produit d'une lignée défendue depuis longtemps par Melba Hamblen, a pour parents le rouge brique 'Pretty Nancy' (Hamblen, 1974) et le célèbre rose 'Pink Sleigh' (Rudolph, 1970), lui-même descendant de la Médaille de Dykes 'Pink Taffeta' (Rudolph, 1968). 'Glory Bound', très apprécié en France, et très longtemps au catalogue Cayeux, a pour origine 'Meggie' (Gaulter, 1969), élément important de la lignée des fameux mauves de Gaulter. Toutes ces variétés font partie de la classe VIP de leur époque. Il n'est donc pas étonnant que 'Extravagant' en soit l'une des meilleures.

On lui connaît officiellement trente-deux descendants enregistrés. Aux États-Unis, bien sûr, où l'excellent Paul Black en a fait plusieurs fois l'usage, en Nouvelle-Zélande, en France aussi – le 'Rouge Gorge' (2000) rutilant de Richard Cayeux est un de ses descendants – mais surtout en Europe de l'Est où il a fait son apparition dès la fin des restrictions d'importation à la fin des années 1980 et où on trouve sa trace chez Zbigniew Kilimnik et Lech Komarnicki en Pologne, chez Ladislaw Muska en Slovaquie et chez Zdenek Seidl et Josef Dudek en République Tchèque. Un de ses enfants, doré, 'Podzni Leto' (Seidl, 1997) l'a rejoint dans mon jardin il y a quelques années. Il a légué à sa descendance essentiellement sa vive couleur pourprée comme on la retrouve chez 'Bella Venezia' (Komarnicki, 2003).

Il faut de tout pour faire un monde, il faut aussi de tout pour faire une belle collection d'iris, c'est pourquoi 'Extravagant' à la vibrante couleur rouge, se fait toujours remarquer lorsqu'il déploie ses corolles impeccables parmi les autres iris qui fleurissent avec lui.

Illustrations : 

'Extravagant' 

'Glory Bound' 


'Podzni Leto' 


'Bellla Venezia'

S'IL N'EN FALLAIT QU'UNE …

S'il n'en fallait qu'une, laquelle prendrai-je ? Je me suis posé cette question en consultant ma photothèque pour rechercher les illustrations destinées à un récent article. Le feuilleton des prochaines semaines présentera certaines des photos que je trouve bien réussies. Ce ne sont que des photos d'identité, certes, mais elles peuvent tout de même êtree bien jolies, et leurs réalisateurs ont eu de la chance (pour ce qui me concerne), mais peut-être aussi... du talent (chez les autres) ! 

Quatrième semaine : de M à P 

'Magical Encounter' (Schreiner's , 1999) (photo S. Ruaud) 


'Noble Gesture' (Keppel, 2009) (photo Kent Pfeiffer) 


'Obsessed' (B. Blyth, 2010) (photo de Robert Piatek) 

'Palace Symphony' (B. Blyth, 2006) (photo de Betty Jacobs)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Renaissance 

Iris en Provence annonce l'enregistrement par Marin Le May (fils de Laure Anfosso) de trois variétés de grands iris. Trois fleurs foncièrement différentes les unes des autres, dont un amoena blanc/noir apparemment très élégant. Après une aussi longue absence, il est réjouissant de voir renaître une entreprise qui a donné tant de bonheur au monde des iris. Souhaitons un plein succès à Marin Le May : bon sang ne saurait mentir.

06-77 : UN MARIAGE PROLIFIQUE

En croisant 'Silk Road' (2007) et 'Roaring Twenties', (2009) Keith Keppel avait-il une idée de ce qui l'attendait ? Quand on connaît l'homme on peut bien se douter qu'il songeait à quelque chose, mais il a bien du être étonné quand il a vu le résultat !

Le croisement, comme l'indique son numéro, date de 2006, c'est à dire avant même l'enregistrement des parents. Cela peut paraître ancien, mais dans le cas présent cela n'est pas extraordinaire, car Keppel, en vieux briscard à qui on ne la fait plus, ne s'emballe plus (ou moins!) et prend le temps de jauger méticuleusement chacune des plantes qu'il crée. C'est un grand sage qui a conscience qu'un nouvel iris est une plante qui a vocation à exister pour l'éternité, et que, lorsqu'on met au monde quelque chose qui, en théorie, n'aura pas de fin, on doit être humble, mais sûr de soi.

 'Silk Road', la mère, est un variegata bleu, frère de semis de 'Bollywood', qui réunit 'Lydia Safan-Swiastyn' (Jameson, 1999) et le célèbre 'Sea Power' (Keppel, 1999). Le premier est un variegata bleu et le second un unicolore bleu ; que ce croisement ait donné naissance à un variegata n'est donc pas une surprise. C'est aussi une variété excellente à tous points de vue, couronnée à Florence en 2011. 'Roarng Twenties' est un bicolore beige et pourpre, abondamment bouillonné comme son parent 'Decadence', plusieurs fois utilisé par Keith Keppel dans ses croisements contemporains. Un tel croisement était manifestement destiné à produire des variegatas ou, occasionnellement, des amoenas, avec des sépales dans les tons de bleu. C'est effectivement ce qu'il a donné.

A l'heure actuelle on en est à sept variétés retenues et enregistrées et une autre, sélectionnée pour un jour prochain. Pour un mariage prolifique, on est vraiment devant un mariage prolifique ! A noter que depuis quelques années, ce genre de résultat est de plus en plus fréquent : La richesse des sélections a abouti à des cultivars modernes dont les qualités sont telles que leurs descendants sont le plus souvent des plantes magnifiques parmi lesquelles il est difficile, voire cruel, de faire un choix. D'où la prolifération actuelle d'enregistrements qui donne parfois l'impression que les hybrideurs ne sont plus capables de choisir ! Cette parenthèse fermée, revenons à notre sujet.

La première variété retenue et mise sur le marché a été 'Dancing Days' (2012), qui porte le numéro 06-77 M. Son obtenteur le décrit, avec son lyrisme coutumier, comme :  « Pétales de blanc huître à jaune pâle, sépales d'un violet sacerdotal bordés de mauve verveine. » Il est ondulé et bouillonné sans excès.

 En 2013 ce sont deux membres de la fratrie qui ont été présentés : 'Gambling Man' (06-77 A) et 'Wishes Granted' (06-77 X). La description du premier donne ceci : « Vif contraste entre les pétales, ondulés, d'un jaune moyen, et les sépales légèrement recourbés, d'un bleu situé entre lobélia et aconit. Le bord des sépales pâlit jusqu'à montrer un mélange de beige et de chartreuse. » Celle du second se complète d'un petit commentaire : « Il y a plein de jolies fleurs qui proviennent de ce croisement mais nous espérions en trouver une comportant le facteur mandarine. Et notre vœu a été comblé ! Des pétales beige rosé, des sépales recourbés d'un riche bleu-violet lobélia qui pâlit avec l'âge vers les bords et aux épaules. (...) » C'est, à mon avis, celui dont la fleur est de la forme la plus traditionnelle.

L'année 2014 est celle de l'enregistrement d 'un commando de quatre nouveaux iris  décrits ci-dessous dans l'ordre alphabétique :

'Billowing Waves' (06-77 W) : « Les pétales couleur d'écume de mer bleutée s'élèvent au-dessus de sépales largement ondulés bleu pourpré avec un liseré plus pâle. Cela fait penser au gonflement et à la chute de l'eau de l'océan (...) » ;
'Espionage' (06-77 F) : « Le bleu clair des pétales est masqué par une plage centrale d'un beige doux et ocré. Les sépales d'un riche bleu lobélia, beaucoup plus sombre au centre et avec un aspect velouté, pâlissent jusqu'au bleu clair dans la partie inférieure. De chaque côtés de la barbe bleu sombre devenant jaune d'or au cœur, on trouve une empreinte allant du vert olive au brun fauve avec quelques veines blanches ». La fleur est abondamment bouillonnée, peut-être trop au goût de certains ;
'Painted Shadows' (06-77 DD) : « Variegata aux superbes ondulations avec des pétales jaune soufré et cuivré (l'intérieur des côtes prend des teintes fauves) et des sépales arqués allant du pourpre mûre au violet pétunia. Au fur et à mesure que les fleurs prennent de l'âge, le liseré gris perle des sépales s'étend et des veines pâles apparaissent à l'intérieur de la fleur ; peu à peu le pourpre vif central s'évanouit, ne laissant qu'une petite plage auprès des barbes jaune cuivré » ;
'Swedish Lullaby' (06-77 C) : « Séparation nette entre jaune et bleu, les couleurs qui rappellent celles du drapeau suédois. Pétales jaune entre jaune citron et jaune de chrome, sépales bleu lavande avec une imperceptible trace de jaune citron de chaque côté des barbes gris orangé. Une fleur ondulée, joliment colorée. ».

 Il reste encore un frère de semis en attente : 06-77 D, qui n'a pas encore reçu de nom, mais que Keppel présente comme « assez semblable à 'Espionage' ».

 Tous ces iris ont indéniablement un air de famille. Un jour Jean Ségui me disait que chez les iris, c'est comme chez les humains, parmi les enfants, il y des familles où ils se ressemblent tous, d'autres où ils sont complètement différents. Il ajoutait que c'est sans doute cette proximité entre humains et iris qui fait que les obtenteurs ont tant de mal à sacrifier les semis qui ne sont pas parfaits : on s'attache à ses enfants, même s'ils ne sont pas exempts de défauts !

 Le cas du semis Keppel 06-77 est emblématique de ce qui se passe à l'heure actuelle chez beaucoup d' hybrideurs : les résultats obtenus sont tellement bons que des séries de frères de semis vont être enregistrés, enflant le nombre des nouveautés mises sur le marché, avec l'inévitable perspective qu'un grand nombre de ces nouveaux iris n'ait qu'une existence fort éphémère...

Illustrations : 


 'Roaring Twenties' 


 'Dancing Days' 


 'Gambling Man' 


'Swedish Lullaby'