16.1.15

QUI S'EN SOUVIENT ?

Au printemps de 1978 s'est déroulée en France une grande fête de l'iris organisée par l'équipe de Maurice Boussard, Jean Cayeux et Marcel Turbat, et qui a eu un retentissement mondial. Parmi les animations il y avait un concours d'iris, très élaboré, et même complexe dans ses subdivisions, qui comportait toute une série de catégories créées de façon à mettre en valeur toutes les sortes d'iris. Les plantes étaient classées par « séries » en fonction de l'année de leur obtention. La série reine était évidemment celles des plantes apparues entre 1968 et 1978 et, parmi celles-ci, la principale sous-série concernait les grands iris. Le jury international était composé de :

Bruno Muller, juge allemand ;
John Taylor, juge anglais ;
Ernesta Pacciani, juge italienne ;
Joseph Tieche, juge suisse ;
Milan Blazek, juge tchèque ;
Francesca Thoolen, juge américaine ;
Jean Ségui, Jacques Verdier et Odette Perrier, juges français.

Cette importante équipe eut à apprécier de nombreuses variétés venues de toutes parts, classées en fonction de leurs couleurs de base. Malheureusement le mois d'avril avait été cette année-là particulièrement maussade et la floraison était très en retard de sorte que de nombreux iris n'étaient pas au mieux de leur présentation en cette fin de mai. C'est hélas le cas bien souvent dans ce genre de compétition qui ne se déroule que dans un temps réduit et qui est forcément très assujettie aux conditions météorologiques. En dehors du jugement proprement dit des iris présentés, les neuf juges eurent à distribuer une flopée de médailles, mais ce sont les prix destinés aux iris qui retinrent le plus l'attention des participants. Les compétiteurs étaient répartis en cinq classes, en fonction de leur couleur : bleu, jaune (et orange), rouge et rose, plicatas, autres. Un grand prix devait récompenser le meilleur iris toutes classes confondues.

Il est intéressant de regarder le palmarès. Un bon nombre des variétés récompensées sont aujourd'hui bien oubliées, ce qui confirme le côté éphémère des fleurs que nous admirons un jour mais que nous perdons de vue presque aussitôt.

Le meilleur bleu a été 'Sapphire Hills' (Schreiner, 1971), une variété qui contredit ce que je viens d'expliquer puisqu'elle s'est maintenue longuement dans les catalogues. En revanche son dauphin, 'Firewater' (Keppel, 1977) n'a fait qu'une courte apparition. Il faut dire que chez les bleus il y a l'embarras du choix et que la concurrence est donc rude !

Parmi les jaunes, c'est 'Outreach' (Nelson, 1971) qui l'a emporté. C'est un très joli jaune frisé, aux sépales centrés de blanc (ce qu'on appelle le modèle 'Joyce Terry'). Son adjoint fut une variété orangée de Melba Hamblen (1977), 'Sun Fire' dont on n'a plus entendu parler par la suite. Un troisième iris à été classé, 'Good Hope' (Moldovan, 1969), en blanc au cœur d'or, très joli et très bien fait. Celui-ci a fait une carrière plus qu'honorable.

C'est 'Lorenzaccio de Medicis' (Anfosso P.C., 1978) qui a triomphé chez les rouges et roses, et c'est la seule variété française à avoir été classée. Ses deux suivants n'ont pas eu le même avenir : 'Paris Lights' (Schreiner, 1972), un rouge pimpant très classique, et 'Schiaparelli' (Moldovan, 1971), un adorable rose à barbes cerise, n'ont fait qu'une courte apparition dans les catalogues.

La classe fourre-tout dénommée « Autres » est celle, en fait, qui a rassemblé les variétés les plus connues encore aujourd'hui : 'Lord Baltimore' (Nearpass, 1969), impeccable amoena bleu, l'a emporté, devant 'Mary Frances' (Gaulter, 1973), mauve parfait et futur Médaille de Dykes en 1979, et 'Wedding Vow' (Ghio, 1972), blanc à barbes mandarine.

La classe des plicatas a vu le succès de celui qui allait aussi être classé « Grand Prix », 'Pleasure Cruise' (Plough, 1974), fils de 'Stepping Out', dont ce fut la seule distinction ! Pas même un HM ! Alors que son successeur immédiat, 'Kilt Lilt' (Gibson, 1970) avait déjà obtenu la médaille de Dykes l'année précédente et allait connaître un succès commercial considérable et prolongé. Le troisième prix est revenu à 'Roundup' (Keppel, 1974) plicata rouge vineux, très apprécié de part le monde.

Ce classement marque les limites des concours ponctuels, dont certains se servent pour expliquer leur refus de participer. En 1978 les aléas de floraison associés au choix relativement limité de compétiteurs ont fait la part belle aux variétés opportunistes ou chanceuses qui étaient en fleur au bon moment. Le même phénomène a été constaté lors du dernier concours Franciris, et il est même arrivé, à Florence, que les prix ne soient pas attribués, faute de combattants. A l'inverse, les récompenses américaines, qui résultent d'une compétition dans le long terme, son également récriées pour la part excessive que prend dans leur attribution le côté commercial et la qualité (et quantité) de la distribution des plantes dans tout le pays. Rien n'est parfait. Mais dans un domaine où l'affectif a tout de même une place majeure, est-ce vraiment grave ? Les compétitions, quel que soit leur type, ont tout un tas d'autres avantages qui justifient tout à fait leur existence.

Illustrations : 


'Firewater' 


'Outreach' 


'Sun Fire' 

'Schiaparelli'

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