23.1.15

JESSE, un portrait de Jesse Wills (1899/1977)

'Chivalry', vous connaissez ? Dans l'histoire des iris bleus, c'est ce qu'on appelle une pierre angulaire. Et son obtenteur, c'est Jesse Wills. Cependant cette variété, la plus connue de son obtenteur, n'est qu'une toute petite partie de ce que fut la vie de cet homme véritablement hors du commun. En effet si le monde des iris est riche de personnages intéressants, avec Jesse Wills on atteint l' exceptionnel.

Ce fils d'une vieille famille de Nashville (Tennessee) était doué pour tout ! Après de brillantes études secondaires, il entra à l'Université Vanderbilt, établissement de grand renom qui fait la gloire de Nashville, pour y poursuivre des études littéraires. Il y acquiert vite une notoriété particulière en raison de ses dons pour la poésie. Il fait partie d'un petit groupe d'étudiants d'élite qui s'était baptisé « les Fugitifs » où l'on rencontre plusieurs noms d'écrivains et de poètes qui sont très connus aux États-Unis, comme Robert Penn-Warren ou Allen Tate. Selon ses condisciples il aurait pu devenir un des meilleurs poètes de son pays, mais il fut contraint de choisir un travail pour subvenir aux besoins de sa famille à cause de la maladie de son père et il décida de ne conserver la poésie qu'à titre de loisir et d'entrer dans une compagnie d'assurance, National Life. Parti du bas de l'échelle, il en gravit tous les barreaux jusqu'à en devenir, en 1965, le Président Directeur Général et en faire l'une des premières compagnies d'assurance du pays. Mais cette activité professionnelle ne suffisait pas à cet homme infatigable et entreprenant. Il créa une station locale de radio et de télévision qui devint le foyer principal de la musique « country », spécialité du Tennessee. Il fut aussi à l'origine du premier parc d'attraction de l’État, Opryland, prit des responsabilités dans la direction de l'Université Vanderbilt dont il fit l'une des plus réputées des USA, ouvrit un hôpital pour enfants, fut l'initiateur du plus grand musée du Tennessee, anima la Société locale de Cardiologie et de la section locale de la Croix-Rouge, fit de la vieille église presbytérienne de Nashville la plus importante de la ville, développa la bibliothèque de l'Université et dirigea son club de football !!

 Mais tout ceci n'était pas suffisant ! Dès son plus jeune âge il s'était pris d'intérêt pour l'histoire des Indiens et il devint un des spécialistes de cette question, publiant plusieurs ouvrages dont une somme essentielle, « Meditations on the American Indian » . L'ornithologie était aussi parmi ses pôles d'intérêt. Dans ce domaine comme dans le reste il acquit une connaissance du sujet qui faisait référence.

Tout ceci dépasse déjà tout ce qu'un homme normal peut accumuler comme succès. Mais il faut y ajouter la belle et heureuse famille qui fut la sienne, …et la coquette fortune qu'il s'est arrondie. Enfin n'oublions pas – et c'est la raison pour laquelle on parle de lui ici - qu'il s'est passionné pour l'hybridation des iris et, bien entendu, a pris une place prépondérante parmi les animateurs de l'AIS, jusqu'à en devenir le Président dans les années 1940. C'en est presque incroyable !

 Pour s'en tenir au domaine des iris qui fut le sien pendant près de 45 ans, il faut parler des multiples avancées qu'il y a développées. Pas seulement de 'Chivalry' (1943), qui fut son premier enregistrement, et qui lui valut la Médaille de Dykes en 1947 (pour un coup d'essai ce fut vraiment un coup de maître!) parce qu'il paraît qu'une lignée de bleu n'était pas ce qu'il cherchait à obtenir.

 Il faut reproduire intégralement ce que son ami Geddes Douglas a écrit à ce sujet dans la chronique obituaire qu'il lui a consacrée : « En matière d'hybridation il s'était fixé un but qu'il n'a jamais abandonné. Il aimait les iris rouges et en a cultivé des milliers. Un autre de ses sujets de prédilection était celui des amoenas. Il s'est d'abord appliqué à la forme de base des pétales blancs et des sépales bleus. A un moment, dans les années 1950, il connut un de ces événements qui comptent dans une vie. Dans l'un de ses croisements amoenas, le gène contrôlant la coloration anthocyanique des sépales se trouva partiellement inhibé et il obtint un semis avec des sépales « presque » jaunes et des pétales « presque » blancs. Bien des obtenteurs auraient donné un nom à ce semis et l'auraient mis sur le marché, mais pas Jesse. C'était un perfectionniste et « presque » n'était pas assez pour lui. Cependant l'amélioration a été longue à venir et il s'est écoulé presque dix ans avant qu'il n'enregistre 'Glacier Gold'. Je pense que pour Jesse cet iris était son semis favoris car il représentait le point culminant de bien des années de travail, de frustration et de patience. Au demeurant c'était une aimable chose, avec son vif contraste entre les brillants sépales dorés et les pétales d'un blanc scintillant. »

Geddes Douglas précise encore que les iris signés Wills avaient des fleurs plutôt petites, d'un coloris pur et d'une forme classique. Car les ondulations, ce n'était pas son truc : il considérait cela comme frivole, et les bords ornés de dentelles bons pour les dessous féminins. Il apprécierait sans doute les gentils petits iris de table (MTB), qui sont tellement à la mode à l'heure actuelle.

 On a dit que 'Chivalry', l'iris qui lui a valu sa plus haute récompense, ne faisait pas partie de ses favoris. Il avait une nette préférence pour les amoenas, de toutes couleurs, comme 'Glacier Gold' (1964) déjà cité, mais aussi pour les plantes de ses débuts, comme 'Nashborough' (1954) ou 'Russet Wings' (1945), ou pour les plicatas comme 'Belle Meade' (1950) ou 'Snow Tracery' (1956), à moins que ce ne soit pour les « rouges » 'Orenda' (1957) ou 'Natchez Trace' (1969).

Quoi qu'il en soit, Jesse Wills fut – et reste – une personnalité qui a marqué le monde des iris où, comme dans les nombreux autres domaines où il excellait, il a laissé une marque qu'on ne peut pas oublier.

 Illustrations : 


'Belle Meade' 


'Glacier Gold' 


'Nashborough' 


'Russet Wings'

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