26.12.14

ŚWIATŁA

Le titre de cette chronique veut dire « lumière » en polonais. Cela peut surprendre. Mais pour parler de ce qui se passe en Pologne en matière d'iris, cela m'a paru tout trouvé.

Quelqu'un qui avait plus de cinquante ans au moment de la chute du rideau de fer, avait donc passé plus de la moitié de sa vie avec la notion de régime totalitaire ou communiste. Et pour moi l'image que j'avais de ce régime politique était celle de la grisaille, de l'obscurité et de la peur. J'écoutais la musique grinçante de Chostakovitch, oui celle, convenue, de Kabalewski et je me faisais des pays de l'Est une idée angoissante de contrainte et de tristesse. Cette idée était entretenue par les correspondances que j'avais avec des personnes habitant en Hongrie, en Bulgarie ou en Pologne, qui m'écrivaient sur du papier de cahier d'écolier plein de particules de paille qui étaient arrachées par la plume et donc plein de trous... Ce que je vois aujourd'hui de ces pays montre une transformation formidable. Et cette transformation se manifeste notamment dans le monde des iris, et particulièrement en Pologne. À l'obscurité (ciemność) a succédé la lumière (światła).

 Dès que les échanges internationaux ont été permis, les amateurs d'iris de l'Est, qui n'avaient pour s'exercer à l'hybridation que quelques variétés américaines des années 1950/60 parvenues là-bas on ne sait comment, ont fait des provisions d'iris modernes américains, mais aussi australiens et français. Le développement d'Internet a favorisé ces acquisitions ainsi que de nombreux échanges entre collectionneurs. En très peu d'années l'iridophilie a connu un développement incroyable, partout en Europe de l'Est et en Russie, mais surtout en République Tchèque, en Slovaquie et en Pologne. Il ne reste qu'un objectif qui ne soit pas atteint : pouvoir comparer les résultats obtenus avec ceux des confrères de l'Ouest, car les compétitions ne sont pas assez nombreuses en Europe. Mais on peut se dire que, les mêmes matériaux étant utilisés, il n'y a pas de raison pour que les obtentions ne soient pas de même valeur. D'ailleurs les variétés parvenues en France et qu'on commence à voir dans nos jardins semblent tout à fait rassurante sur ce sujet.

 Un hybrideur qui semble avoir atteint au moins le niveau de qualité des meilleurs spécialistes occidentaux s'appelle Robert Piatek (ou, plus exactement Piątek). Ce quadragénaire, garde-forestier de son état, enregistre chaque année depuis cinq ans une poignée de nouveautés qui ont l'air admirables. Ses premiers enregistrements étaient sans doute un peu timides : 'Dama Dworu' (2009), ambre lavé de blanc, 'Slonce Jazwinu' (2009), jaune pur, 'Uzwodziciel' (2009) amoena améthyste, manquent un peu d'originalité, mais les fleurs ont une belle forme, généreusement ondulée et élégante. Au fur et à mesure que l'expertise de l'hybrideur s'accroît, ses obtentions me paraissent en constante amélioration.

Son talent s'exerce, me semble-t-il, pour l'instant, dans trois directions : les iris gris, les bitones bleus, les bicolore orange/pourpre. Mais il lui arrive de nous offrir d'autre coloris, comme le ravissant rose deux tons 'Parysanka', vraiment irrésistible.

 À mon goût les iris gris dont j'ai les images sont un peu ternes, il s'agit d'un coloris difficile car ou bien on reste dans des teintes délicates et l'iris est peu attrayant, ou bien on accroît la saturation et le gris devient vite bleuté, donc va en s'éloignant du but.

 En matière de bitones bleus, cela commence par 'Allys' (2014), qui fait manifestement référence au travail d'Anton Mego ('Slovak Prince'), avec des pétales bleu pâle, liserés de brun, au-dessus de sépales d'un beau bleu. 'Divided Mist' (2014) est encore plus proche de ses cousins slovaques. 'Smoky Romance' (2013) en est une version « soft », tandis que 'Wichry Namietnosci' (2014) donne dans les teintes sombres. Tout cela semble bien beau. Il faudrait qu'on puisse juger sur pièce, et apprécier les qualités botaniques et végétatives des ces fleurs superbes à voir en photo.

La lignée qui m'a l'air la plus réussie est celle des bicolores orange et pourpre. Cela commence par 'Love for Peach' (2012), qui méritait d'être amélioré. Vient ensuite 'Secret of Love', qui reste dans les tons pastels, puis arrive 'Invitation to Poland' (2014), abricot/lavande, encore un peu clair, mais qui justifie bien son nom et donne envie d'aller sur place voir toute la production Piątek. Un pas en avant majeur est fait avec les variétés qui seront enregistrées en 2015 : 'Boskie Tango', vivement chargé en orange, puis 'Czarodziej', fortement contrasté (je ne connais pas le pedigree mais je suppose qu'il y a du 'Starring' là-dessous), et, pour finir, 'Mandarin Sky', superbe, ondulé, velouté et enrichi d'une grosse barbe mandarine vif.

Le travail de Robert Piątek fait beaucoup penser à celui d'Anton Mego. Non seulement dans la recherche de coloris originaux et agréables, mais aussi dans le choix de fleurs amples, majestueuses, ondulées sans excès. S'il continue comme cela, on peut parier que le nom de Piątek deviendra vite célèbre dans le petit monde des iris.

Illustrations : 


'Dama Dvoru' '


'Parysanka' 


'Divided Mist' 


'Mandarin Sky'

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