31.10.14

LES HERBES FOLLES DU JARDIN D'IRIS

Herboriser en désherbant

 C'est toujours en pensant que cela va être ennuyeux et pénible que je me mets à désherber mes iris. Mais à chaque fois je trouve moyen de prendre un certain plaisir à cette tâche a priori bien ingrate. Ces temps derniers encore j'y suis allé en rechignant mais je garde un souvenir si plaisant de ces après-midi passés le nez au ras du sol que j'ai eu envie de vous faire partager ces moments.

Une paresse croissante, sans doute aggravée par l'âge, m'ont fait une nouvelle fois repousser de jours en jours la décision de me mettre au désherbage. J'avais toujours une bonne raison pour procrastiner indéfiniment. Trop froid, trop chaud, trop de pluie, trop de vent... De sorte que je n'ai véritablement attaqué le travail qu'à la toute fin du mois de juin, et que cela vient tout juste de se terminer ! Pourtant cela ne fut ni difficile (la terre très humide n'a pas opposé de résistance à mes efforts de traction) ni désagréable ; juste un peu fatigant. Pour intéresser la chose et ne pas désherber idiot, j'ai décidé de ne rien arracher que je n'aie identifié les plantes sacrifiées. Chaque fois que j'ai découvert une nouvelle plante, j'en ai conservé un taxon et, de retour à la maison, à l'aide de mes multiples livres de botanique, j'ai procédé aux identifications.

Je ne m'attendais pas à découvrir une telle variété d'espèces (et encore, vu le côté  tardif de mon intervention bien des plantes avaient fini leur cycle végétatif quand je les ai arrachées, de sorte qu'il était trop tard pour les identifier avec certitude). Plus de 30 plantes différentes ! De ce qui peut devenir un arbre majestueux à la plus humble des violettes.

Ce qui sautait aux yeux en abordant le jardin d'iris, c'était l'omniprésence des carottes (Daucus carota), leurs hautes tiges, leur feuillage mince, leurs ombelles de minuscules fleurs blanches, on ne voyait que cela. C'est par elles que j'ai commencé le travail : en tirant bien droit et à deux mains, on peut les arracher sans qu'elle ne cassent au ras du collet. Cette éradication terminée, il est apparu que deci-delà se dressaient des tiges bien vertes de rejets de pruniers (Prunus domestica), de cerisiers (Prunus cerasus), d'ormes (Ulmus hollandica) et de cornouillers (Cornus sanguinea ) ! J'ai réservé ce délicat et difficile travail de destruction (ces saloperies choisissent de pousser au cœur même des touffes), cause de douleurs lombaires pour l'homme et de dégâts collatéraux pour les iris, pour la fin du chantier. En route donc pour le désherbage proprement dit.

Il est remarquable de constater combien la nature des adventices varie d'un endroit à un autre. Par moment ce sont les plantes à racine pivotante qui dominent, par moment ce sont les graminées, par moment encore ce sont les annuelles à cycle végétatif court qui prennent le dessus.

A proximité des arbres fruitiers, là où l'ensoleillement est un peu limité, ce sont les violettes (Viola reichenbachiana) qui dominent, accompagnées de quelques autres plantes à racine pivotante, comme le bouillon blanc (Verbascum thapsus), le faux-fraisier (Duchesnea indica), la pimprenelle (Pimpinella saxifraga) et la pâquerette (Bellis perennis). Plus loin, en plein soleil, la meilleure part est celle des graminées de toutes sortes, j'en ai compté cinq ou six espèces. Çà et là quelques hautes tiges de vergerette (Conyza canadensis) concurrencent pâturin et fétuque. Dans les coins plus frais apparaissent des plantes molles comme le géranium herbe-à-robert (Geranium robertianum), le mouron des oiseaux (Stellaria media) ou la chélidoine (Chelidonium majus). En revanche, là où le sol est plus sec, on trouve des chardons (Circium arvense) et des pissenlits (Taraxacum officinale). Un peu partout les samares de sycomore (Acer pseudopalmatus) se sont profondément ancrées et il faut tirer fort pour les extirper. Cela fait partie des véritables poisons qui deviennent vite envahissants, comme la vigne blanche (Clematis vitalba), le trèfle (Trifolium repens), la pervenche (Vinca minor), le bugle (Ajuga reptans) et, pire que tout, le chiendent (Agropyron repens). Quelquefois de la ronce (Rubus caesius) ou l'églantier (Rosa canina) tentent une implantation agressive.

 La présence de beaucoup de ces opportunistes dénote qu'il serait nécessaire de renouveler totalement la plantation des iris qui, de leur côté, se sont étalés et dont les touffes commencent à se rejoindre. Cela fait deux ans que je dis cela, mais je viens seulement de trouver la solution. En effet, pour un tel déplacement, il faut de l'énergie et de la place. Je manque des deux ! Alors je vais donner toute cette collection à la mairie d'un village voisin qui souhaite devenir une « cité des iris ». Belle aubaine ! Le printemps prochain j'étiquetterai méticuleusement chaque variété, en août les jardiniers municipaux viendront avec une multitude de pots et emporteront le tout à dix kilomètres de là. Là où toutes ces fleurs iront vivre une nouvelle vie dans le parc magnifique du château, alors que moi, orphelin de mes iris, je regretterai les beaux jours où je devais passer des heures à genou à herboriser en désherbant...

2 commentaires:

jérôme a dit…

Bonjour Sylvain, superbe article, c'est vrai que c'est beaucoup plus intéressant de désherber en sachant à quoi on a à faire. Je pense que je vais m'en inspirer pour faire un article au printemps.
J'espère que vous aurez l'occasion de pouvoir observer votre collection dans son nouvel environnement.

Anonyme a dit…

Quand c'est le moment de passer la main, il doit être satisfaisant d'organiser cette passation de pouvoir. Comme Jérôme je pense qu'il te sera bien plaisant de retrouver tous tes iris dans ce nouveau cadre, de déambuler dans les allées à la Manière de La Bruyère sans avoir à te pencher sur la moindre adventice, tout au plaisir meditatif de la contemplation...

Loïc