17.10.14

HAMBLEN ET SEXTON : AMIES OU RIVALES ?

Peux-t-on faire aussi différentes que ces deux femmes ? Elles ont eu des existences totalement opposées, des parcours en iris très éloignés et ne connurent la célébrité que par des chemins divergents. Cependant elles avaient en commun un remarquable amour pour les iris. Elles y ont consacré l'une et l'autre l'essentiel de leur vie. Elles étaient aussi étroitement contemporaines.

Neva Sexton, l’aînée, est née en 1906 dans une pauvre ferme près d’Arkadelphia, une petite ville de l’Arkansas située à 150 km au sud-ouest de la capitale Little Rock. En fait d’éducation elle n’a guère reçu que celle du terrain. Observatrice attentive et travailleuse acharnée, elle s’est très tôt intéressée aux choses de la terre, aux plantes et aux animaux. Mariée à seize ans, elle s’est retrouvée peu après abandonnée avec trois enfants à élever. L'Arkansas était – et reste – l'Etat le plus pauvre des Etats-Unis. Les années 1920 y ont été particulièrement dures et Neva Sexton a suivi le chemin de beaucoup de ses compatriotes : l'exil vers la Californie. Elle s’est retrouvée, avec sa nichée, au fin fond de la célèbre et fertile vallée de San Joaquin, au sud de la Californie, à Wasco, à 200 km environ au nord de Los Angeles. C’est là qu’elle a rencontré un texan, exilé comme elle en terre californienne, Harvey Sexton, et qu’elle l’a épousé. Une nouvelle vie a commencé, sûrement moins pénible, mais faite également de travail et de sacrifices.

Pendant ce temps Melba Bills, née en 1910, vivait une existence heureuse et choyée en Utah, un Etat désertique mais néanmoins bien plus aimable que l'Arkansas. Elle est allée au collège et au lycée, ce qui ne l'a pas empêchée de se marier très jeune, en 1927, avec l'un de ses compagnons de classe, James Hamblen. Elle a donc rejoint la ferme de son mari, lequel a tendrement cédé à la prière de sa femme en lui concédant un espace suffisamment vaste pour qu'elle s'adonne à sa passion naissante pour les iris et quelques autres fleurs.

C'est donc dans le domaine des iris que les deux femmes allaient faire carrière. Melba Hamblen, guidée par un compatriote de l'Utah, Tell Muhlestein, s'est lancée dans l'iridophilie dès 1936. Elle a commencé l'hybridation en 1943, avec les conseils de son illustre mentor, et enregistré ses premières variétés en 1954. Neva Sexton, quant à elle, a attendu les années 1950 pour se lancer dans l'hybridation. Très curieusement, c'est aussi par l'intermédiaire de Muhlestein qu'elle s'y est mis, par admiration pour la collection d’un amateur, ami de ce dernier.

 Melba Hamblen avait acquis une certaine notoriété et enregistré déjà quelques variétés remarquables (1) quand Neva Sexton est entrée dans la carrière. Mais celle-ci a immédiatement frappé un grand coup puisque son troisième iris, 'Pacific Panorama' (1960) a été récompensé de la Médaille de Dykes en 1965 ! On ne peut pas être plus efficace. La chance souriait enfin à cette courageuse et entreprenante personne. A noter que son premier iris, 'Mixed Emotions' (1958) avait été mis sur le marché dès 1959 par Mission Bell, la pépinière de Mme Hamblen.

Les deux femmes ont poursuivi leur chemin dans les iris par des voies fort différentes : Neva Sexton a produit relativement peu de variétés (une soixantaine), mais nombreuses ont été celles qui ont acquis une grande renommée. Ce fut le cas, par exemple, de 'New Moon' (1968) qui lui valut une deuxième Médaille de Dykes, 'Georgia Girl' (1970), 'Jack R. Dee' et 'Sea of Galilee' (1974), 'World News' (1977), 'Taco Belle' (1978), 'Good Morning America' (1979) ou 'American Sweatheart' (1983), toutes distribuées partout dans le monde. Melba Hamblen recevait les honneurs du Magazine « Life » dès 1960, et la Foster Medal (récompense suprême décernée par le BIS à un hybrideur et accordée pour la première fois à une femme) en 1978. En hybridation, ses nombreux iris – plus de deux cents - étaient considérés comme parmi les meilleurs (2) et elle fut chargée de rédiger une grande partie de la célèbre « bible » « The World of Irises ».

 La vie a été longtemps sévère avec Neva Sexton, mais son courage et sa persévérance ont été récompensés par deux Médailles de Dykes. Ce suprême hommage n'a jamais été rendu à Melba Hamblen qui, en revanche, a été beaucoup plus gâtée par l'existence. On ne peut donc pas dire qu'elles furent rivales. Tout au plus peut-on penser qu'une certaine émulation les a animées, chacune dans leur genre. Quant à l'amitié, il serait bien imprudent d'en parler tant leurs parcours ont été dissemblables. Mais ce que l'on peut dire sans se tromper c'est qu'elles ont atteint l'une et l'autre une notoriété équivalente dans le monde des iris et qu'elles doivent se trouver tout près l'une de l'autre dans le Walhalla des hybrideurs.

Illustrations : 


'Good Morning America' (Sexton, 1979) 


'American Sweetheart' (Sexton, 1983) 


'Jo Vallery' (Hamblen, 1984) 


'Extravagant' (Hamblen, 1982) 

 (1) 'Glittering Amber' (1955) ; 'Pretty Carol' (1956) ; 'Valimar' (1956) ; 'Fashion Show' (1958) ; 'Mollie Emms' (1961)... 

(2) Attirons l'attention sur : 'Coraband' (1963) ; 'Cosmopolitan' (1971) ; 'Sunday Chimes ' (1977) ; 'Infinite Grace' (1981) ; ' Extravagant' (1982) ; 'Karen' (1983) ; 'Jo Vallery' (1984) ; 'Dance Away' (1987) ou 'Tacey' (1989)...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas 'Good Morning America' merci de me l'avoir fait connaitre Sylvain par l'intermédiaire de cette publication, je vais me pencher sur son cas pour en savoir plus, celui-la je ne sais pas pourquoi mais il me plait ! ��
A+
Jérôme B.