6.9.14

LE PARFUM DE LA GLOIRE

Interview de Keith Keppel 

 Keith Keppel, le célèbre obtenteur américain, a bien voulu répondre à quelques questions que je lui ai posées, à propos de sa prodigieuse carrière d'hybrideur et de ses triomphes dans la course aux honneurs américaine. Voici cette interview. 

1) Pouvez-vous décrire ce que vous avez ressenti quand 'Babbling Brook' à remporté la Médaille de Dykes en 1972 ?
Une extrême allégresse.

2) Si vous deviez recevoir une nouvelle médaille, le ressenti serait-il le même ?
Une allégresse plus légère.Quand vous avez faim, est-ce que le sixième bol(1) de crème glacée est aussi bon que le premier ? (Ou bien un nouvel amour est-il aussi intense que le premier?) Quand vous vieillissez tous les sens s'émoussent, et ce qui pourrait être de la plus haute importance n'est plus aussi important. Une nouvelle médaille, ce serait bien, mais avec ou sans elle la vie continue... au moins pour un moment !

3) Pourquoi une aussi longue période entre la première et la seconde médaille (2) ?
 Peut-être en partie parce que je travaillais sur les plicatas. Les plicatas, surtout ceux avec les fonds colorés (pas blancs), n'étaient pas à cette époque bien adaptés à tous les climats, de sorte qu'ils ne recevaient pas assez de votes en provenance de tous les coins du pays.

4) Pourquoi vos variétés actuelles ont-elles tant de succès ?
J'incline à penser que la plupart d'entre elles poussent bien un peu partout. Les ondulations sont très populaires. (Il est intéressant de constater que des gens se plaignent de ce que mes plantes sont trop ondulées et que je devrais m'orienter vers des variétés plus lisses. Mais les iris sans ondulations ne se vendent pas, même à ceux qui se plaignent !) La dynamique des introductions d'iris a changé du tout au tout depuis soixante ans et plus que je cultive des iris. Au début, les meilleurs hybrideurs (Cook, Fay, Hall...) introduisaient peu-être deux ou trois nouveaux iris chaque année. Maintenant de nombreux obtenteurs en proposent dix, vingt ou plus. C'est vrai que maintenant il y a davantage de couleurs et de modèles, et davantage de chances de produire un iris intéressant, mais cela veut dire aussi qu'il y a un nombre incroyable d'iris à apprécier par les juges au moment d'attribuer les récompenses. Pour la HM (Honorable Mention), le premier niveau après l'introduction, les juges ont plus de 800 variétés, rien que de grands iris, à prendre en considération. Pas un ne peut voir plus d'une petite portion du nombre total, de sorte que les variétés qui reçoivent la meilleure distribution ont le plus de possibilités d'être vues et de recevoir un vote. J'ai la chance d'avoir été sur le marché pendant tant d'années que, en plus des plantes que j'envoie de tous les côtés du pays, beaucoup d'autres vendeurs proposent mes variétés. Je suis particulièrement gâté qu'elles soient en vente dans les catalogues en couleur les plus réputés, comme Schreiner's et Mid-America. Je suis certain qu'il y a d'autres iris sur le marché qui sont aussi bons, voire meilleurs que les miens, mais n'ont pas une aussi bonne distribution et de ce fait n'obtiennent pas assez de votes pour obtenir des récompenses. La vie n'est pas toujours rose !

5) A propos de bonne ou de mauvaise distribution, pourquoi, d'après vous, un hybrideur comme Rick Ernst a-t-il obtenu aussi peu de reconnaissance ?
Pourtant ses iris étaient bien distribués... Je ne suis pas sûr d'avoir la réponse. Ses iris poussaient bien, Cooley's Gardens avaient un catalogue en couleur et les plantes étaient bien commercialisées... mais... ? Une critique que j'ai entendue était que trop de variétés se ressemblaient. Peut-être que ces similitudes ont entraîné une dispersion des votes, et par conséquent, pour chaque variété, un gain de voix insuffisant pour obtenir une récompense. Avec ses nombreuses années d'hybridation et son grand nombre de bonnes variétés, il aurait du obtenir la Hybrider's Medal de l'AIS. Mais cela ne s'est pas produit. Je pense qu'il l'aurait sans doute reçue, mais il est mort prématurément – et la médaille n'est pas attribuée à titre posthume. C'est une malheureuse affaire.

6) Pour conclure ?
A cette étape de ma vie, ce qui est le plus important c'est de faire ce que j'aime plutôt que de m'inquiéter à propos des récompenses. Ma plus grande joie est de cultiver les fleurs, sélectionnant ce que j'aime, et de continuer vers la génération suivante pour voir ce qui va se produire... avec ou sans récompense officielle.

C'est toute la sagesse d'un homme comblé par la vie professionnelle, qui a conservé tout son enthousiasme et toute sa foi dans ce qu'il fait.

(1) K. Keppel a reçu cinq DM. pour : - 'Babbling Brook' - 'Crowned Heads' - 'Sea Power' - 'Drama Queen' - 'Florentine Silk'. 

Voir Illustrations.


(2) 'Babbling Brook' a été récompensé en 1972, 'Crowned Heads', le suivant, en 2004.

1 commentaire:

gerard a dit…

La même classe chez l'homme que chez ses fleurs !