25.9.14

IRIS ET BABY BOOM Les fifties

Les années 1950 furent une période primordiale de l’iridophilie. Beaucoup de ce que nous connaissons aujourd’hui est apparu pendant ces dix années. Elles sont un peu loin, maintenant pour les jeunes collectionneurs. Raison de plus pour leur montrer quelques échantillons de ce qui se faisait de mieux à cette époque.

 En 1956 


 ‘Valimar’ (Melba Hamblen, 1956)

‘Taholah’ (Jim Gibson, 1956)

‚Melodrama’ (Paul Cook, 1956)

‘Crinckled Beauty’ (Schreiner, 1956)

A LA MANIÈRE DE … Jules Barbey d’Aurevilly (Une vieille maîtresse)

Depuis la confession qu'il lui avait faite quelques jours auparavant, la vieille marquise de Flers se montrait plus affectueuse que jamais avec son futur gendre. Lorsque s'éteint l'anxiété, l'apaisement qui lui succède, avec la brusquerie et la violence d'un sentiment nouveau, s'accompagne d'une sorte d'euphorie très douce. Elle accueillit donc M. de Marigny avec un rien de familiarité quand il se présenta.

« Mon cher enfant, lui dit-elle dans un sourire, Hermangarde n'était pas de retour quand un commissionnaire s'est tout à l'heure présenté avec un énorme bouquet d'iris. J'ai donc été la première à pouvoir en profiter. Qu'est-ce donc que ces fleurs magnifiques que vous lui avez fait porter ?

Je me doutais bien, ma mère, que vous me poseriez cette question. Je vais devoir vous faire un nouvel aveu. Samedi dernier, en sortant d'ici, où je vous avais sans détour ouvert mon cœur, et encore tout bouleversé par ce que je venais de vous dire, je suis passé une nouvelle fois devant l'église St Philippe du Roule, dont vous savez maintenant quel rôle elle a joué dans ma destinée, et quelle importance elle tient maintenant dans ma vie. J'ai ressenti un irrésistible besoin de pénétrer de nouveau dans cet édifice et d'aller me recueillir un instant dans cette chapelle où j'avais suivi, comme vous le savez, cette Vellini qui devait devenir ma maîtresse. J'y pénétrai comme dans un rêve. Rien n'avait changé depuis ce fameux soir où je la vis agenouillée dans un éclatant rayon de soleil tombant en diagonale à travers la verrière. Mais devant la place qu'elle avait occupée, le soleil, ce soir-là, avait décoché une flèche dorée qui frappait un bouquet d'iris artistiquement disposé. Le reste de la chapelle restait dans la pénombre, et c'est le bouquet qui recevait toute la lumière. Il y avait des fleurs violettes, comme on en voit partout, mais aussi une tige d'un coloris dont la beauté et l'originalité me frappa. C'était un de ces iris dans vous avez pu voir à l'instant la couleur : un fond blanc entouré et piqueté de bleu. J'ai immédiatement pensé qu'il me fallait obtenir quelques tiges de cette admirable fleur pour les offrir à notre chère Hermangarde. Mais d'où pouvait venir cet iris ? Je fis le tour de la nef, à la recherche de quelque religieuse occupée à son ornementation à la veille du jour du Seigneur. Ce fut en vain. J'allais, désolé, sortir de l'église quand j'aperçus une toute petite sœur, de bleu vêtue, qui s'avançait en trottinant dans l'allée latérale. Je la rejoignis aussitôt et lui demandais l'origine des fleurs dont je venais de tomber amoureux. Elle m'expliqua qu'un habitué de l'église, un certain M. de Bure, apportait chaque semaine, à la saison, une gerbe d'iris provenant de ses terres proches de Paris. Elle semblait bien connaître ce paroissien amateur de fleurs et m'expliqua qu'il habitait dans le faubourg St Germain. Elle m'en donna même l'adresse, rue Hautefeuille, quand je lui eus expliqué la raison de mon insistance.

Dès lundi je me rendis chez ce monsieur. Je fus reçu avec une exquise courtoisie et cet homme aimable, au visage fin, avec le nez un peu long, mais un regard rêveur et une voix claire, se montra tout à fait accessible à ma requête. Il m'invita même à me rendre dans sa terre de Verrières le Buisson pour choisir à ma guise les fleurs dont je souhaitais faire le présent à ma bien-aimée. Dès le lendemain, donc mardi, je pris la route de Verrières en compagnie de mon ami le vicomte de Sérizy (1), que vous connaissez, et qui se pique de botanique quand il n'est pas de service dans le régiment de la garde royale.

 Vous n'imaginez pas ce que nous avons découvert dans cette campagne. Une profusion d'iris tous plus beaux les uns que les autres : un kaléidoscope de couleurs magnifiques. M. de Bure sélectionne lui-même les plus belle plantes qu'il découvre parmi les semis qu'il réalise chaque année. Il donne un nom à chacun de ces iris nouveaux. C'est ainsi que celui que j'admire le plus, celui découvert à St Philippe du Roule, a été baptisé « buriensis », dans un latin de sacristie qui fait sourire mon hôte. Il me proposa de faire mon choix parmi les merveilles de son jardin et de faire porter le bouquet chez vous dès aujourd'hui.

Il est de fait, s’extasia la marquise, que ces iris sont superbes et tout à fait nouveaux. Mais figurez-vous que j'ai bien connu la mère de votre nouvel ami de Bure ! Nous étions ensemble au couvent des ursulines en 1780. Nous avons continué de nous fréquenter jusqu'à la Révolution, mais par la suite nous nous sommes perdues de vue. Et voilà qu'elle réapparaît par la personne de son fils. Les gens de qualité sont, il est vrai, assez peu nombreux à Paris et notre société est si close qu'il n'est pas possible de s'ignorer bien longtemps. Elle était l’héritière d'une fameuse maison d’édition qui existait depuis le milieu du XVIIe siècle et qui a publié ces géants de la littérature que sont Molière, Racine, La Fontaine et quelques autres. Mais je crois que la Révolution a été plus ou moins fatale à cette illustre entreprise, comme à bien d'autres d'ailleurs, qui n'ont pas survécu au cataclysme. »

Le souvenir de cette sombre période, pour cette femme du XVIIIe, rembrunit un instant son regard toujours lumineux malgré l'âge. Il est toujours douloureux, quel que soit le moment, d'évoquer un passé que le temps a idéalisé et qui ne parait jamais aussi plaisant que lorsqu'il surgit brusquement des profondeurs de l'esprit où il avait été enfoui par les ans. La marquise resta pensive quelques instants pendant lesquels Marigny se garda bien d'intervenir.

 (1) clin d’œil et « cross-over ». Barbey d'Aurevilly parle du « comte de Cerizy ». J'ai préféré faire de ce personnage le « vicomte de Sérizy », que l'on rencontre chez Balzac (La Fausse Maîtresse, Un Début dans la Vie) et se situe dans le même milieu et à la même époque ! C'est plus amusant.

 Illustration : Le véritable iris « buriensis » est considéré comme perdu. Voici une photo d'un Iris plicata des débuts de l'hybridation, à qui devait ressembler tout à fait « Iris buriensis ».

19.9.14

IRIS ET BABY BOOM

Les fifties

Les années 1950 furent une période primordiale de l’iridophilie. Beaucoup de ce que nous connaissons aujourd’hui est apparu pendant ces dix années. Elles sont un peu loin, maintenant pour les jeunes collectionneurs. Raison de plus pour leur montrer quelques échantillons de ce qui se faisait de mieux à cette époque.


 Nous voilà à mi-chemin : 1955

 ‘Tom-Tom’ (Tom Craig, 1955)

‘Tall Chief’ (Fred DeForest, 1955)

‘Irma Melrose’ (Fred DeForest, 1955)

‘Galilee’ (Orville Fay, 1955)

PHOTOGRAPHIES

Ce blog a beaucoup gagné en agrément le jour où j'ai pu (et su) ajouter des illustrations au texte. Il est en effet difficile de parler d'une fleur sans la voir. De plus effectuer une comparaison entre deux variétés est resté impossible tant que les photos de l'une et de l'autre ne pouvaient pas être présentées simultanément. Même chose quand il s'agit de mettre côte à côte un cultivar et ses deux parents. Il faut donc des photos pour rendre agréables les textes publiés ici. Mais trouver de bonnes photos a été longtemps difficile et encore aujourd'hui il faut souvent se lever de bonne heure pour découvrir un cliché présentable d'un iris ancien.

Je ne vais pas répéter une fois de plus comment il faut s'y prendre pour faire une bonne photo, je vais plutôt me contenter de dire ce que je considère comme une photo réussie, du moins du point de vue de celui qui souhaite une image correspondant au but recherché : illustrer un article traitant d'un sujet concernant une ou plusieurs variétés d'iris. Voici donc une sorte de cahier des charges à l'usage des photographes.

La qualité principale de la photo souhaitée est qu'elle soit tout à fait représentative de la variété dont on parle. Il faut qu'elle soit d'une grande netteté de façon que tous les traits dont il va être question dans l'article soient visibles. Il faut que la ou les couleurs de la fleur soient honnêtes : pas de contrastes exagérés, pas de teintes sursaturées. La fleur doit être immédiatement reconnaissable. Car dans ce blog il ne s'agit pas de faire la promotion de tel ou tel nouveau produit, en trichant un peu sur le coloris, mais de représenter l'exacte vérité. Or je constate que de nombreuses photos sont exagérément retouchées, ce qui les élimine d'office de mes choix.

 Un autre point très important est que la fleur soit présentée sous son meilleur jour. Pas de cliché pris trop tôt après l'éclosion de la fleur – celle-ci n'est pas alors totalement épanouie, les pétales, notamment, n'ont pas atteint leur développement parfait - ; pas de fleur photographiée en fin de vie, quand les pétales commencent à s'effondrer ou à s'écarter de façon déplaisante, et que les couleurs se fanent ; pas de photos de fleurs surchargées de gouttes de pluie – quelques traces de rosée sont très photogéniques, mais de grosses gouttes alourdissent les tépales et les déforment ; pas de fleurs s’imbriquant les unes dans les autres ou se superposant de sorte qu'on ne distingue plus à laquelle appartiennent tel ou tel élément ; pas de corolles plus ou moins masquées par un amas de feuilles...

Je fais très attention à ce que l'on voit autour de la fleur elle-même. Un fond composé de mulch grisâtre, le passage d'une conduite d'eau d'arrosage, la présence d'une étiquette nominative voyante, la tige d'un tuteur au premier plan, sont des éléments qui enlaidissent le cliché, de même que l'apparition d’éléments parasites comme un outil de jardinage, un véhicule ou des personnes à l'arrière-plan.. Dans un ordre d'idée voisin je veille à ce que le sujet de la photo soit correctement mis en valeur grâce, par exemple un fond sombre pour une fleur claire ou clair pour une fleur sombre ; je recherche des clichés qui évitent la superposition de couleurs voisines dans l'entourage immédiat du sujet. Enfin, pour l'usage que j'en fait, je préfère des gros plans et non des photos où le sujet se perd dans son environnement. Mais il ne faut pas non plus que le gros plan soit artificiel et que, par exemple, lorsque la fleur n'est plus sur pied, on aperçoive les doigts de la personne qui la tient !

Il est bien préférable que la photo soit prise à l'extérieur, par un temps pas trop ensoleillé, mais suffisamment clair pour que le flash ne se déclenche pas : celui-ci écrase les contours et modifie totalement les couleurs. Un ensoleillement un peu trop vif créera des ombres qui, sur un cliché d'art, peuvent être très jolies, mais qui, sur un cliché à fondement descriptif, nuisent à l'appréciation des coloris. A l'inverse une photo crépusculaire ne rendra pas justice aux teintes de la fleur.

Parmi les amateurs d'iris il existe un assez grand nombre de photographes qui publient des images de grande qualité. Je me suis constitué une photothèque que j'améliore chaque jour au gré des clichés que je trouve sur Internet parmi ceux que publient les artistes (je puis bien les désigner ainsi) qui m'ont donné l'autorisation de reproduire leurs photos. Ce qui me fait le plus défaut, ce sont des images correctes de variétés de la « période classique (1950/1970) », car ce ne sont plus celles que l'on photographie actuellement et les anciennes photos argentiques, une fois transformées en images virtuelles, ne sont pas fameuses.

Pour donner une idée des photos que je recherche, voici quatre réalisations prises parmi celles que je trouve des plus réussies.

'Chloé Ransom' par Lawrence Ransom ;

'Top Gun' par Christine Cosi

 'Face of an Angel' par Kent Pfeiffer

'Fallalery' par Betty Jacobs

12.9.14

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Florence : Le Concours reprend ! 

Anne Barbetti, une personne bien connue du monde des iris, a été désignée cette année pour diriger le fameux « Concorso Firenze ». Celui-ci, interrompu pour l'année 2015, reprendra à partir de la saison 2016. La compétition de ce printemps-là se déroulera dans des conditions qui ne m'ont pas été précisées, mais, vraisemblablement à base de variétés italiennes. Le concours revivra « normalement » à partir de 2017.

 C'est une information qui réjouira tous les amateurs d'iris et particulièrement les hybrideurs, d'où qu'ils viennent, qui auront l'occasion de se mesurer et de jauger leurs progrès. Il serait important – j'allais dire primordial – que des obtenteurs français, aussi nombreux que possible, envoient leurs meilleures variétés à Florence.

Pour tous renseignements, interroger Anne Barbetti (elle parle anglais et italien, et aussi un peu français) à l'adresse suivante : anne.barbetti@gmail.com .

IRIS ET BABY BOOM

Les fifties 

 Les années 1950 furent une période primordiale de l’iridophilie. Beaucoup de ce que nous connaissons aujourd’hui est apparu pendant ces dix années. Elles sont un peu loin, maintenant pour les jeunes collectionneurs. Raison de plus pour leur montrer quelques échantillons de ce qui se faisait de mieux à cette époque.

1954.

‘Melissa’ (Georgia Hinckle, 1954) 


‘Harbor Blue’ (Schreiner, 1954) ‚


Golden Crown’ (R. E. Kleinsorge, 1954) 


‘Bazaar’ (Schreiner, 1954)

ROSES DE FRANCE

Les iris roses semblent être les préférés des Français. Du moins cela ressortait-il d'une enquête que j'ai menée il y a une dizaine d'année pour le revue « Iris et Bulbeuses ». Depuis, bien des choses se sont produites et il est possible qu'un nouveau sondage fasse apparaître de nouvelles préférences. Un de ces événements nouveaux survenus ces dernières années a été l'explosion du nombre des enregistrements d'iris obtenus par des hybrideurs français. Ce phénomène tout à fait réjouissant, a mis sur le marché une quantité de nouvelles variétés, bien hexagonales, dont beaucoup de fleurs roses, ce qui tendrait à prouver que les iris roses continuent d'avoir du succès. J'ai voulu savoir si des liens particuliers réunissaient ces diverses variétés provenant de toutes les régions et émanant de gens qui n'avaient pas forcément de relations entre eux.

L'histoire a commencé avec Jean Cayeux. Ce qui pourrait être son premier iris rose a été le très connu 'Madame François Debat' (1957). Très banalement, cette variété provient d'un iris jaune primevère, 'Bellerive'  (Clifford Benson, 1949). Elle n'a pas de descendance connue. Elle a été suivie trois ans plus tard par 'Dentelle Rose' (1960), un cultivar d'un rose très pâle, qui fait très « oldies » maintenant. Sa descendance est amusante : deux variétés anecdotiques obtenues en Belgique au début de années 1990, et 'Encore Un', un BB de Monique Anfosso, en 1985. 'Nuage Rose' est aussi un produit de Jean Cayeux, en 1978. Il est décrit comme : « Unicolore rose léger, barbes rose-rouge », et provient de 'Pink Taffeta' (Nate Rudolph, 1965), le triomphateur de la Médaille de Dykes en 1975, utilisé maintes fois en hybridation ('Alizés, 'Cherub's Smile', 'Pink Sleigh', 'Vanity'...), et parent d'un grand nombre de variétés roses. 'Hélène C.' (1974) est encore un semis de Jean Cayeux, plus rouge magenta que rose, mais qui a une descendance rose dont on va parler un peu plus loin.

'La Belle Aude', est une obtention de Jean Ségui, en 1982. Il descend du rose le plus soutenu de son époque, 'One Desire' (Shoop, 1960). Il a connu une carrière commerciale flatteuse et se trouve toujours dans beaucoup de nos jardins, mais n'a pas inspiré les hybrideurs. Jean Ségui a aussi enregistré 'Aïda Rose', en 1988, qui descend de 'Princess' (1971), l'un des premiers roses de Joseph Gatty.

La génération d'hybrideurs suivante est celle de la famille Anfosso, une famille qui n'a pas négligé les iris roses. Cela a commencé en 1989, avec la sortie de 'Ah, ça Ira' (Pierre Anfosso) et de 'Carmagnole' (Laure Anfosso). La couleur de base provient, pour le premier, de 'Entourage' (Ghio, 1975), et de 'Beverly Sills' (Hager, 1978) pour le second. Même si le rose n'est pas le domaine de prédilection de la famille Anfosso, trois autres variétés vont apparaître : 'Riviera Stop' (Pierre Anfosso, 1990), une très jolie fleur, 'Flûte Enchantée' (Laure Anfosso, 1991), frère de semis de 'Carmagnole', puis 'Paris-Paris' (Pierre-Christian Anfosso, 1995), issu de Pink Sleigh X Paradise. Ce 'Paradise' (1979) est un nouveau rose de Gatty dont le 'Princess' a été évoqué ci-dessus.

C'est au tour de Richard Cayeux d'entrer en scène. Il aborde le domaine des roses avec 'Starlette Rose' (1996), fils de 'Playgirl' (Gatty, 1975). Il enregistre l'année suivante 'Buisson de Roses' (1997), enfant de 'Paradise' déjà cité, et de 'Hélène C.' 'La Vie en Rose' (1999) vient ensuite. Un nouvel iris de Gatty fait avec lui son apparition dans le panel des parents : 'Eden' (1982), associé à 'Hélène C.' 'Succès Fou' (2000) associe un frère de semis de 'Buisson de Roses' et 'Coming Up Roses' (Gatty, 1991).

Dans le même temps, Lawrence Ransom, franc-tireur particulièrement talentueux, propose 'Desiris' (1994), enfant de 'Beverly Sills', qui sera le parent femelle de 'Sensuelle' (2000) et de 'Gladys Clarke' (2000), deux iris à la limite du rose et du pêche.

Il faut quitter à présent le cercle des « professionnels » pour aller vers celui des « amateurs ». A commencer par Gérard Madoré. Le rose est, avec l'orange, la couleur favorite de l'obtenteur breton. Il a produit une dizaine de variétés, pas toutes enregistrées malheureusement, qui découlent de la sûreté de son goût et de son art des croisements. Pour ne pas surcharger cet article je n'en citerai que quatre : 'Ploumanac'h' (2005), particulièrement réussi, 'Poul-Fetan' (NR, circa 2005), rose pur, 'Rostudel' (NR, circa 2005) et mon préféré 'Rosmalo' (2007), rose clair à barbes blanches, descendant de 'Buisson de Roses'.

Isolé dans ses Cévennes, Clément Murati travaille sans contacts avec ses confrères. Il a enregistré quatre variétés roses dont on ne sait pas grand chose, faute d'avoir pu les observer : 'Rêve en Rose' (2008), 'Rose d'Arphy' (2008), 'Danse Ballerine' (2011) et 'Just for Me' (2012).

Dans la production de Rose-Linda Vasquez-Poupin, l'autodidacte provençale, j'ai relevé deux iris roses : 'Nacré' (2009), plutôt beige rosé, et 'Orane' (2009) bien rose, celui-ci, issu de 'La Vie en Rose'.

Pour en finir avec le sujet, revenons chez Richard Cayeux pour jeter un œil sur ses derniers cultivars roses. 'Je l'Adore' (2006), de 'Buisson de Roses', et 'Sandro' (2007) sont un peu passés inaperçus, 'Caprice de Star' (2011) rassemble deux grands roses archi-connus : 'Happenstance' et 'La Vie en Rose' ; 'Subtilité' (2014) vient de faire son apparition.

 Peut-on tirer un enseignement quelconque de toute cette liste de roses français ? Oui. On note en effet une présence dominante des variétés roses de Joseph Gatty. Il faut dire que celles-ci sont devenues des classiques appréciés partout dans le monde et abondamment utilisés en hybridation. Les confrères de Richard Cayeux ont utilisé avec succès ses splendides roses des années 1990. Ils ont été bien inspirés.

D'autres roses viendront. Il y a tant maintenant d'hybrideurs dans notre pays qu'on peut s'attendre à découvrir bien des merveilles.

Illustrations : 


'Flûte Enchantée' 


'Buisson de Roses' 


'Desiris' 


'Rosmalo'

6.9.14

EDITH WOLFORD ET COMPAGNIE


 Il a déjà été question ici de 'Edith Wolford'. C'était en 2008 et la chronique concernait la nombreuse descendance de cette intéressante variété. Cette fois, plutôt qu'à 'Edith Wolford' proprement dit, nous nous pencherons sur l'association du jaune et du bleu qui en est le signe particulier, sur les origines de cette association de couleur et sur les variétés qui en sont les porte-drapeau.

‘Edith Wolford’ (Hager, 1986) est un des plus beaux variegatas qu’on puisse trouver. Il se présente avec des pétales jaune citron infus de mauve au cœur, au-dessus de sépales indigo soutenu bordés plus clair et marqués de brun aux épaules, et enrichis d’une barbe moutarde. La forme est classique, mais sans reproche, et la robustesse au-dessus de tout éloge. Sa particularité c'est qu'il ne se présente pas en jaune et brun-rouge, comme la majorité des variegatas, mais, comme on vient de le voir, en jaune et bleu. Son pedigree est tout simple : (Merry Madrigal x Freedom Road). C'est à 'Tambourine' (Babson, 1969) que l'on doit, apparemment, l'origine du rapport jaune/bleu, et ce 'Tambourine', en amont duquel on n'a guère de renseignements, a notamment pour descendants le tendre 'Swedish Modern' (Babson 76), et son cousin 'Merry Madrigal' (Babson 82). Ce 'Merry Madrigal' est à la base de quelques grandes variétés jaune/bleu, dont le très pâle 'Strato-cumulus' (Burseen, 1991) et le plus vif 'Becky's Bonnet' (Lemmer, 95), sans compter la série obtenue par Rick Ernst en croisant 'Merry Madrigal' et notre 'Edith Wolford'.Quant à 'Freedom Road' (Plough 77), qui est lui aussi un variegata jaune /bleu, son pedigree est intéressant : il est le fils de 'Guitar Country' (Plough 71), jaune moutarde / prune, et le petit-fils de 'Milestone' (Plough 65), jaune beurre / pourpre, qui est lui-même l’aboutissement d’un croisement entre un iris jaune, 'Rainbow Gold', et un amoena, 'Whole Cloth'.

 'Swedish Modern' (Babson, 1976) aurait pu être une autre source de variegatas jaune/bleu, mais cela n'a guère été le cas puisque parmi ses descendants, peu nombreux au demeurant, on ne trouve dans ce coloris que 'Dixie Road' (Reinke, 2001), totalement inconnu, et 'Swedish Delight' (Hill, 1998) qui provient aussi, du côté masculin, de 'Edith Wolford'.

 Une autre origine de variegatas jaune/bleu se trouve chez 'Betty Simon' (Hamblen, 1975). Cette variété très répandue est issue d'un croisement entre 'Misty Dawn' (Hamblen, 1972), rose/mauve, et 'Foggy Dew' (Keppel, 1969), plicata violet pâle. Elle a engendré quelques variétés du même modèle qu'elle, dont 'Glitz n' Glitter' (P. Black, 1987) et 'Ragtime' (Hamblen, 1982).

 A partir de ce panel de géniteurs, et surtout à partir de 'Edith Wolford', il faut le reconnaître, on dispose aujourd'hui d'un nombre considérable de variegatas jaune/bleu, dans une infinité de variantes. Ce modèle est devenu fort courant, pour ne pas dire commun, mais ce n'est pas à regretter car il s'agit d'une association ravissante , très appréciée des collectionneurs comme des simples amoureux des iris. Pour donner des exemples, à travers tout le monde des iris, je citerai 'Emanations' (Jameson – USA- , 1995), 'Tumultueux' (R. Cayeux -France - , 1995), 'Plauen' (Landgraf – Allemagne- , 2007), 'Recondita Armonia' (Bertuzzi – Italie - ,2007), 'Outback Dawn' (Stribley – Australie - ,2007), 'Skandia' (Piatek – Pologne - , 2014) et 'Yellow Submarine' (Loktev – Russie- , 2008). C'est bien la preuve que ce modèle est devenu universel.

 Illustrations :

 ° Becky's Bonnet

 ° 'Swedish Delight'

° 'Emanations'

 ° 'Skandia'

IRIS ET BABY BOOM

Les fifties 

 Les années 1950 furent une période primordiale de l’iridophilie. Beaucoup de ce que nous connaissons aujourd’hui est apparu pendant ces dix années. Elles sont un peu loin, maintenant pour les jeunes collectionneurs. Raison de plus pour leur montrer quelques échantillons de ce qui se faisait de mieux à cette époque. 

1953. 

‘Almond Blossom’ (Tom Craig, 1953) 

‘Blue Sapphire’ (Schreiner, 1953) ‚


'Elisabeth Noble’ (Kenneth Smith, 1953) ‚


'Swan Ballet’ (Muhlestien, 1953)

LE PARFUM DE LA GLOIRE

Interview de Keith Keppel 

 Keith Keppel, le célèbre obtenteur américain, a bien voulu répondre à quelques questions que je lui ai posées, à propos de sa prodigieuse carrière d'hybrideur et de ses triomphes dans la course aux honneurs américaine. Voici cette interview. 

1) Pouvez-vous décrire ce que vous avez ressenti quand 'Babbling Brook' à remporté la Médaille de Dykes en 1972 ?
Une extrême allégresse.

2) Si vous deviez recevoir une nouvelle médaille, le ressenti serait-il le même ?
Une allégresse plus légère.Quand vous avez faim, est-ce que le sixième bol(1) de crème glacée est aussi bon que le premier ? (Ou bien un nouvel amour est-il aussi intense que le premier?) Quand vous vieillissez tous les sens s'émoussent, et ce qui pourrait être de la plus haute importance n'est plus aussi important. Une nouvelle médaille, ce serait bien, mais avec ou sans elle la vie continue... au moins pour un moment !

3) Pourquoi une aussi longue période entre la première et la seconde médaille (2) ?
 Peut-être en partie parce que je travaillais sur les plicatas. Les plicatas, surtout ceux avec les fonds colorés (pas blancs), n'étaient pas à cette époque bien adaptés à tous les climats, de sorte qu'ils ne recevaient pas assez de votes en provenance de tous les coins du pays.

4) Pourquoi vos variétés actuelles ont-elles tant de succès ?
J'incline à penser que la plupart d'entre elles poussent bien un peu partout. Les ondulations sont très populaires. (Il est intéressant de constater que des gens se plaignent de ce que mes plantes sont trop ondulées et que je devrais m'orienter vers des variétés plus lisses. Mais les iris sans ondulations ne se vendent pas, même à ceux qui se plaignent !) La dynamique des introductions d'iris a changé du tout au tout depuis soixante ans et plus que je cultive des iris. Au début, les meilleurs hybrideurs (Cook, Fay, Hall...) introduisaient peu-être deux ou trois nouveaux iris chaque année. Maintenant de nombreux obtenteurs en proposent dix, vingt ou plus. C'est vrai que maintenant il y a davantage de couleurs et de modèles, et davantage de chances de produire un iris intéressant, mais cela veut dire aussi qu'il y a un nombre incroyable d'iris à apprécier par les juges au moment d'attribuer les récompenses. Pour la HM (Honorable Mention), le premier niveau après l'introduction, les juges ont plus de 800 variétés, rien que de grands iris, à prendre en considération. Pas un ne peut voir plus d'une petite portion du nombre total, de sorte que les variétés qui reçoivent la meilleure distribution ont le plus de possibilités d'être vues et de recevoir un vote. J'ai la chance d'avoir été sur le marché pendant tant d'années que, en plus des plantes que j'envoie de tous les côtés du pays, beaucoup d'autres vendeurs proposent mes variétés. Je suis particulièrement gâté qu'elles soient en vente dans les catalogues en couleur les plus réputés, comme Schreiner's et Mid-America. Je suis certain qu'il y a d'autres iris sur le marché qui sont aussi bons, voire meilleurs que les miens, mais n'ont pas une aussi bonne distribution et de ce fait n'obtiennent pas assez de votes pour obtenir des récompenses. La vie n'est pas toujours rose !

5) A propos de bonne ou de mauvaise distribution, pourquoi, d'après vous, un hybrideur comme Rick Ernst a-t-il obtenu aussi peu de reconnaissance ?
Pourtant ses iris étaient bien distribués... Je ne suis pas sûr d'avoir la réponse. Ses iris poussaient bien, Cooley's Gardens avaient un catalogue en couleur et les plantes étaient bien commercialisées... mais... ? Une critique que j'ai entendue était que trop de variétés se ressemblaient. Peut-être que ces similitudes ont entraîné une dispersion des votes, et par conséquent, pour chaque variété, un gain de voix insuffisant pour obtenir une récompense. Avec ses nombreuses années d'hybridation et son grand nombre de bonnes variétés, il aurait du obtenir la Hybrider's Medal de l'AIS. Mais cela ne s'est pas produit. Je pense qu'il l'aurait sans doute reçue, mais il est mort prématurément – et la médaille n'est pas attribuée à titre posthume. C'est une malheureuse affaire.

6) Pour conclure ?
A cette étape de ma vie, ce qui est le plus important c'est de faire ce que j'aime plutôt que de m'inquiéter à propos des récompenses. Ma plus grande joie est de cultiver les fleurs, sélectionnant ce que j'aime, et de continuer vers la génération suivante pour voir ce qui va se produire... avec ou sans récompense officielle.

C'est toute la sagesse d'un homme comblé par la vie professionnelle, qui a conservé tout son enthousiasme et toute sa foi dans ce qu'il fait.

(1) K. Keppel a reçu cinq DM. pour : - 'Babbling Brook' - 'Crowned Heads' - 'Sea Power' - 'Drama Queen' - 'Florentine Silk'. 

Voir Illustrations.


(2) 'Babbling Brook' a été récompensé en 1972, 'Crowned Heads', le suivant, en 2004.