22.8.14

FRAICHEUR SIBÉRIENNE

Une mare ou un bassin entouré de pétasites, de bambous et d'iris de Sibérie, et vous avez sous les yeux une scène d'une douceur et d'une fraîcheur délicieuses. Les photos qui illustrent les premières pages du livre de Lech Komarnicki « Irisy Bezbrodkowe », dont l'auteur m'a dédicacé un exemplaire, donnent une parfaite image de ces scènes apaisantes. Leur charme doit beaucoup à la grâce des iris de Sibérie, des plantes dont on ne parle pas assez, même si elles commencent à se répandre chez lez amateurs de jardins d'eau. Cela m'a donné l'envie de parler ici, une fois n'est pas coutume, d'autre chose que les grands iris !

Nos iris de Sibérie actuels se répartissent en deux familles, d'aspect très voisin, mais issues d'espèces botaniques génétiquement différentes : les « véritables » iris de Sibérie, hybrides de I. sibirica et de I. sanguinea, comportant 28 paires de chromosomes, et les variétés à 40 chromosomes provenant des espèces de la sous-série I. chrysographes. Les variétés ayant pour base l'espèce I. sibirica, celles de la première famille, sont de loin les plus nombreuses. Leur hauteur varie de 60 à 90 cm. Elles ont un feuillage important et très graphique, et leurs tiges portent en général deux branches plus la sommité terminale et comptent souvent une dizaine de boutons floraux. L’espèce d'origine se rencontre en Sibérie, bien sûr, mais aussi en Allemagne, en Bohême, dans les Balkans et jusqu'en Turquie. C’est une espèce résistante, qui survit sous les plus rudes climats parce que ses longues feuilles sèchent à l’automne et constituent un manteau bien douillet qui protège le cœur de la plante. Au printemps, de nouvelles feuilles renaissent et entourent les hautes tiges florales. Les fleurs sont gracieuses, avec de petits pétales qui se dressent comme des ailes, et des sépales plus larges, plutôt horizontaux. Leur couleur est majoritairement bleue, mais on trouve des variétés blanches, jaunes, rose ou lavande, et certaines qui s'approchent d'un véritable rouge. De nouveaux coloris sont fréquemment proposés, notamment pour ce qui est des fleurs bicolores. C'est qu'en traitant les graines à la colchicine, les spécialistes, et en particulier l'américain Currier McEwen, ont réussi à doubler le nombre des chromosomes, et par conséquent à obtenir des plantes plus volumineuses, des fleurs plus grandes et des possibilités immenses de nouvelles colorations.

La seconde famille, celle à base de I. chrysographes, que l'on appelle aussi Iris sino-sibériens, est un cocktail de huit espèces botaniques, sans qu'il soit désormais possible de dire la part de chacune dans le potentiel génétique des hybrides d'aujourd'hui. Extérieurement elle ne se distingue guère de la précédente, sinon que les touffes peuvent être un peu plus fortes et, surtout que les couleurs obtenues sont plus variées. Malgré cette spécificité, elle n'est pas aussi répandue que la précédente, peut-être parce que sa culture s'avère plus délicate. Comme la première elle a été convertie à la tétraploïdie par traitement à la colchicine. Ce sont des hybrideurs allemands qui ont entrepris cette conversion et leur ouvrage a conquis le monde des amateurs d'iris de Sibérie car les plantes obtenues sont plus résistantes et plus élégantes.

Ces deux familles mènent concurremment leur chemin, même si les variétés à 2 X 28 chromosomes (ou leurs grandes sœurs à 2 X 56) continuent d'être les plus nombreuses et les plus répandues.

Ce sont des plantes qui aiment les zones humides, mais pas forcément l'eau. C'est pourquoi elles se plaisent à proximité des étangs ou des ruisseaux. Elle se développent vite et forment rapidement des touffes volumineuses couronnées, courant juin, de hampes florales ravissantes, comme on peut voir sur le cliché ci-dessous pris en Pologne. Leur résistance au froid en fait d'ailleurs des plantes parfaites pour les contrées où les hivers sont particulièrement rigoureux (et la Pologne, et particulièrement les zones marécageuses du sud de la Poméranie, est à ranger dans cette catégorie). C'est ce qu'ont bien compris des hybrideurs comme Tomas Tamberg, en Allemagne du nord, ou Lech Komarnicki, dans la région de Bydgoszcz.

L'un et l'autre ont entrepris, d'autre part, un programme passionnant de développement d'hybrides interspécifiques nouveaux, souvent remarquables au plan esthétique et horticole, mais le plus souvent stériles, ce qui limite leur diffusion. Des nominations ésotériques ont été attribuées à ces hybrides : « Sibtosa » pour (I. sibiricae x I. setosa), « Sibcolor » pour (I. sibiricae x I. versicolor), « Sibcorus » pour (I. sibiricae x I. pseudacorus), « Sibigraphes » ou « Chrysobirica » pour (I. sibiricae x I. chrysographes) ou inversement... Mais ce sont là des subtilités de spécialistes.

Pour rester concret, on peut considérer que les iris de Sibérie et leurs cousins Sino-sibériens constituent une catégorie d'iris particulièrement intéressants et qui gagneraient à être plus répandus dans nos jardins.

Illustrations : 



'Fancy me This' Marty Schafer/Jan Sacks, R. 2012) SIB 


'Begin the Biguine' (Tamberg, 2000) SIB (sino-sib tet.) 


 'Peter Hewitt' (Jennifer Hewitt, 2003) SIB (tet.) 


'Viel Creme' ( Tamberg, 2001). SIB (tet.)

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