19.4.14

LA DAME DE JITOMIR

Nina Miroshnichenko 

On ne peut pas parler de l'essor de l'iridophilie dans les pays est-européens et en Russie sans évoquer Nina Miroshnichenko. En effet, bien avant le chute des régimes totalitaires et l'ouverture vers l'ouest de ce qui fut l'URSS et ses satellites, elle avait consacré une grande partie de sa vie à l'hybridation de bulbeuses et d'iris.

 Antonina Opanasievna Miroshnichenko est née dans la région de Kiev le 13 Novembre 1914. Elle n'a donc connu que le régime communiste qui sévissait dans son pays et dans la Russie voisine. Elle s'est intéressé à l'horticulture dès ses années d'université puisqu'elle a fait ses études au Collège d'Agriculture de Kiev (maintenant une entité de l'Université nationale de la vie et sciences de l'environnement d'Ukraine). Elle a par la suite travaillé comme ingénieur agronome à Jitomir, grande ville de l'ouest de l'Ukraine qui a connu au cours des siècles une existence compliquée, passant de la Pologne à l'Empire russe, avant d'échoir à son actuelle nation. Elle a épousé un officier de l'Armée Rouge, mais a continué son travail d'ingénieur, en particulier dans la ville d'Oujgorod (ou Uzhgorod, dans la transcription officielle), autre ville de l'Ouest de l'Ukraine, à la frontière avec la Slovaquie, elle aussi très marquée par les influences slovaques, polonaises, roumaines et hongroises. Elle y a vécu jusqu'en 1956, avant de revenir à Jitomir (qu'on écrit aussi Zhitomir) où elle est restée jusqu'à la fin de ses jours, à 95 ans, en 2009.

Sont-ce les traces historiques des régions plus occidentales d'Europe, ou les contacts, inévitables, avec les États voisins d'Oujgorod qui l'ont amenée à s'intéresser à des plantes peu connues dans son pays d'origine ? Toujours est-il que dès son retour à Jitomir elle s'est engagée dans l'hybridation des glaïeuls et des lys, puis des iris. Les circonstances ne lui ont guère permis d'entrer en contact avec les quelques autres amateurs d'iris de l'empire soviétique, elle est donc restée un franc-tireur de l’hybridation. Elle a poursuivi pendant de nombreuses années, son petit chemin d’amatrice éclairée. Prenant soin de se tenir à l’écart des événements qui ont marqué les années staliniennes puis brejneviennes, elle hybridait uniquement pour son plaisir, sans idée de compétition, et si, dès que cela a été possible, elle a de temps en temps envoyé certaines de ses obtentions en Occident, c’est plus pour savoir si son travail valait la peine que pour engranger des médailles ! Ce n'est que sur le tard qu'elle a procédé à quelques dizaines d'enregistrements pour lesquels elle n'a donné aucune indication d'origines. Pouvait-elle d'ailleurs en être certaine ? Quand on connait les conditions aventureuses dans lesquelles on se procurait, à l'époque, des variétés américaines, elle pouvait avoir des doutes sur l'authenticité des noms donnés aux variétés dont elle se servait.

Sa famille, qui a religieusement protégé son travail, a recensé près de deux cents variétés conservées, même si seulement 41 ont été régulièrement enregistrées. Le plus grand moment de gloire qu'a connu cette production est survenu lorsque, en 2007, 'Soloviniyia Noc' a remporté le concours FRANCIRIS ©. C'est peut-être, effectivement le chef-d'oeuvre de Nina Miroshnichenko, mais quelques autres de ses iris méritent qu'on en parle. Je songe au sombre 'Kapriz' (un BB), à 'Novoye Vrema' – petit cousin de 'Bride's Halo' - , au rose à éperons 'Anatoly Solovianenko', à l'amoena inversé très élégant 'Nebo Angelov', et, pour l'anecdote, à 'Doktor Gorbatchev'. J'aime bien aussi 'Khmuroye Utro', en mauve fumé original, mais qui fait maintenant son âge.

 Tous ces iris, dont certains ont touvé leur place dans quelques jardins occidentaux, sont bien présent en Ukraine, où des hybrideurs comme Igor Khorosh les ont utilisés dans leurs croisements (comme le mauve 'Rozpriahaite Khlotsi Konei' qui est issu de 'Pliaska Sniezhynok', un majestueux iris blanc pur). Ils sont également bien connus des collectionneurs russes et polonais.

 Notre monde des iris est rempli de choses surprenantes que la curiosité nous fait découvrir avec jouissance. Nina Miroshnichenko en fait partie, et lui rendre hommage est un plaisir.

 Illustrations : 


 'Anatoly Solovianenko' 


'Doktor Gorbatchev' 


 'Nebo Angelov' 


 'Novoye Vrema' 


'Rozpriahaite Khlotsi Konei'

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