21.9.13

« JAUNES »

Avec la victoire de ‘That’s All Folks’ dans la course à la Dykes Medal, l’année 2013 sera l’année des iris jaunes. C’est le moment de faire un tour parmi les plus belles photos de fleurs, dans tous les tons de jaune. En huit semaines nous pourrons voir les plus beaux jaunes jamais obtenus ; Et pour commencer quelques-uns de Ferdinand Cayeux, qui a eu de belles réussites à un moment où le jaune était une couleur rare et délicate à obtenir. 

Première semaine : Ferdinand Cayeux 


 ‘Alice Harding’ (F. Cayeux, 1933) 'Iceberg' X 'Évolution'


‘Casque d’or’ (F. Cayeux, 1957) 'Golden Russet' X 'Jean Cayeux’

‘Délicatesse’ (F. Cayeux, 1957) 'Ormohr' x 'Bellerive'

‘Phébus’ (F. Cayeux, 1930) pedigree non communiqué

GLACIATA

L’obtenteur canadien et théoricien de l’iris Chuck Chapman a soutenu l'idée selon laquelle il existerait plusieurs degrés d’inhibition des pigments anthocyaniques dans une fleur d’iris. Il en a été question ici en janvier 2006. Il attribue ces dégradations successives à l’intervention plus ou moins efficace d’un gène inhibiteur. Il voit ce gène à la puissance 4 chez les glaciatas, à la puissance 3 chez les luminatas, à la puissance 2 chez les ‘zonals’ ou ‘zonatas’, à la puissance 1 chez lez iris bleus à barbes blanches et à la puissance 0 chez les iris entièrement ‘gouachés’ d’anthocyanine. Cette théorie a pour elle d’être séduisante par son côté systématique, satisfaisant pour un esprit ordonné. Elle est aussi vraisemblable mais elle n’est pas scientifiquement démontrée.

Il est revenu il y a quelques semaines sur le sujet dans une conversation sur Facebook à propos d’une variété obtenue par Donald Spoon en 2008, ‘Momma’s Angel’. Cet iris est décrit comme suit : « Sdlg. 2000-202 glaciata. TB, 36" (91 cm), EM. Unicolore blanc pur ; barbes blanches pointée de jaune, plus foncé dans la gorge ; ondulé, frisé ; léger parfum doux. Mind Reader X Clarence. » 

Cet iris est un glaciata parfait : pas trace d’anthocyanine. Chapman commente ce cas : « L’anthocyanine est absente parce que cet iris a quatre fois le gène glaciata. Il s’agit d’un gène récessif qui fait partie des gènes plicatas. Le gène glaciata est donc récessif. »

 Dans ce cas la base blanche apparaît dans toute sa pureté. Mais cette base pourrait aussi être colorée par des pigments caroténoïdes qui ne sont pas concernés par le gène glaciata. La fleur serait alors plus ou moins colorée en rose ou mandarine, comme c’est le cas avec ‘Answered Prayers’ (Keppel, 1995) ou son petit-fils ‘Snow Lion’ (Marky Smith, 2005) dont les pétales sont crème, s’éclaircissant peu à peu ; les sépales, crème également, se teintent au contraire de jaune en allant vers le bord et d’abricot sur les épaules, quand aux barbes elles sont crème pointé de mandarine, plus sombre dans la gorge. Son pedigree s’écrit : (Flights of Fancy X (Fancy Woman x Answered Prayers).

C’est Keppel lui-même qui a donné le nom de « glaciata » à ce modèle de fleur. Il en a été longtemps le principal promoteur et en a décrit le principe.

Ainsi les iris plicatas et glaciatas relèvent-ils l’un et l’autre d’une même série de gènes. La thèse de Keith Keppel en la matière rejoint d’une certaine manière celle de Chuck Chapman. Pour lui, le modèle plicata résulte de l’application plus ou moins intense d’une couche de pigments anthocyaniques par-dessus un fond blanc ou teinté de pigments caroténoïdes, et le modèle glaciata serait en quelque sorte un anti-plicata, tandis que pour Chapman le modèle glaciata résulte de l’intervention complète des gènes plicatas. Où la situation se complique, c’est quand les deux phénomènes se chevauchent !

Car cela peut arriver. On est alors en présence de plicatas-glaciatas ou de glaciatas-plicatas selon que l’un ou l’autre des phénomènes prend plus ou moins le dessus. Mais la part de chacun est bien difficile à définir et le problème dépasse les capacités d’analyse du simple amateur d’iris. Il est alors préférable de se fier à l’avis des spécialistes qui seront seuls en mesure de faire la part des choses. L’amateur, lui, se contentera d’introduire dans sa collection les variétés qui lui plairont sans tenir compte des subtilités de la génétique.

 Illustrations : 


· ‘Momma’s Angel’ 



· ‘Answered Prayers’ 


· ‘Snow Lion’ 



· ‘Flights of Fancy’

VACANCES

PAS D'IRISENLIGNE LA SEMAINE PROCHAINE.
 Pour cause de vacances en Allemagne, avec en prime la visite du jardin de la Wilhelmshöhe à Kassel, classé au patrimoine mondial de l'humanité...

13.9.13

‘AZ AP’, UN VALEUREUX INTERMÉDIAIRE

C’est Terry Johnson, un amateur d’iris néo-zélandais, qui publie un blog plein d’informations intéressantes sur des variétés commercialisées ou obtenues dans son pays, accompagnées de photos remarquables pour leur finesse, qui m’a donné l’idée de parler de cet ‘Az Ap’ (Ensminger, 1979).

 Le nom de ‘Az Ap’ peut intriguer. C’est en fait l’abréviation de ‘Azure Apogee’, le nom d’un grand iris signé de Jack Durrance en 1967, qui a été distingué par la President’s Cup la même année. Il est décrit comme « unicolore bleu clair, épaisse barbe bleue ». Ce qui est, effectivement, la description que l’on peut donner de ‘Az Ap’, sa version abrégée.

Voici ce que Terry Johnson écrit à propos de cette variété :
« On ne voit pas beaucoup d’iris intermédiaires sur le web. Ils fleurissent entre les SDB et les TB, et ont une valeur considérable en assurant la continuité de la saison des iris barbus. ‘Az Ap’ est un des iris primés obtenus par Allan Ensminger. Les fleurs présentent parfois des taches façon « broken color » qui peuvent provenir de l’héritage de ‘Jungle Shadows’. C’est une plante vigoureuse qui a une longue période de floraison. Quelque chose qui fait du bien dans n’importe quel jardin. » 

Son pedigree est un peu long et abscons, aussi est-il préférable de le résumer en disant que c’est un produit de ‘Charmed Circle’ croisé avec le fruit de plusieurs descendants nains de ‘Jungle Shadows’. Quelques mots de ces deux ancêtres :

‘Jungle Shadows’ (Sass, 1959). Un iris de bordure d’un étrange coloris, mélange de gris, de brun et de violet pourpré, orné d’une barbe brune. C’est un peu le coloris de ‘Burnt Toffee’ (Schreiner, 1977).

‘Charmed Circle’ (Keppel, 1968). Une des variétés fétiches de Keith Keppel à ses débuts. Un plicata bleu très classique, mais qui a eu une descendance exceptionnelle, aussi bien dans les plicatas traditionnels comme ‘Emphasis’ (Keppel, 1976) ou ‘Gentle Rain’ (Keppel, 1976) que plus originaux comme ‘Snowbrook’ (Keppel, 1986), ou dans les premiers maculosas (ou BC) comme ‘Purple Streaker’ (Ensminger, 1979), ‘Pandora’s Purple’ (Ensminger, 1980) ou ‘Painted Plic’ (Ensminger, 1982).

 ‘Az Ap’ est décrit comme « bleu de cobalt à barbe bleu gentiane ». C’est cette grosse barbe qui lui donne son cachet. Mais il se distingue aussi par une forme ronde et harmonieuse et une floribondité réjouissante. Il a fait un parcours sans faute sur le chemin des honneurs, avec HM en 1982, AM en 1984 et Sass Medal (la plus haute récompense pour un IB) en 1987.

Les IB de cette époque sont en principe stériles. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que ‘Az Ap’ n’ait qu’un descendant enregistré, et peut-être devons-nous être sceptiques sur la véracité de cette paternité. Mais cet inconvénient ne doit pas nous faire hésiter sur l’intérêt qu’il présente au jardin, avec les grosses touffes qu’il développe rapidement et ses fleurs charmantes d’un joli bleu tendre.

 Illustrations : 

· ‘Az Ap’ ; 

· ‘Charmed Circle’ ;

· ‘Jungle Shadows’ ;

· ‘Azure Apogee’.

JOHN C. WISTER MEMORIAL MEDAL - Les meilleurs grands

Lors de la dernière réforme majeure du système des récompenses américaines, en 1993, une médaille spécifique a été créée pour honorer la meilleure variété de l’année dans chaque classe d’iris. En ce qui concerne les iris à barbes, du plus petit au plus grand, ces médailles s’appellent :
· the Caparne-Welch Medal, pour les tout petits MDB ;
· the Cook-Douglas Medal, pour les SDB ;
· the Williamson-White Medal, pour les iris de table (ou MTB) ;
· the Hans and Jacob Sass Medal, pour les iris intermédiaires (IB) ;
· The Knowlton Medal, pour les iris de bordure (BB) ;
· The John C. Wister Medal, pour les grands iris (TB).

De 1993 à 1998 une seule variété a reçu chaque année la médaille de sa classe. Mais depuis 1998 il a été décidé d’attribuer trois Wister Medal chaque année. Pourquoi ? Parce que les votes pour de grands iris représentent à peu près 50% du total et que les autres classes, qui sont presque à égalité entre elles, n’obtiennent qu’environ 1/5 des votes. Il est donc apparu comme juste de multiplier les récompenses destinées aux grands barbus.

Voici la liste des récipiendaires depuis 1993 :
1993 = ‘Silverado’ *
1994 = ‘Honky Tonk Blues’ *
1995 = ‘Before the Storm’ *
1996 = ‘Thornbird’ *
1997 = ‘Acoma’
1998 = ‘Hello Darkness’ *, ‘Conjuration’ *, ‘Yakina Blue’ *
1999 = ‘Stairway to Heaven’ *, ‘Boogie-Woogie’, ‘Rhonda Fleming’
2000 = ‘Mesmerizer’ *, ‘Celebration Song’ *, ‘Clarence’
2001 = ‘Fancy Woman’, ‘Pond Lily’, ‘Spirit World’
2002 = ‘Local Color’, ‘Jurassic Park’, ‘Gypsy Romance’
2003 = ‘Crowned Heads’ *, ‘Diabolique’, ‘Tom Johnson’
2004 = ‘Splashacata’ *, ‘World Premier’, ‘Poem of Ecstasy’
2005 = ‘Sea Power’ *, ‘Fogbound’, ‘Uncle Charlie’
2006 = ‘Queen’s Circle’ *, ‘Golden Panther’ *, ‘Happenstance’
2007 = ‘Starring’, ‘Ring Around Rosie’, ‘Daughter of Stars’
2008 = ‘Millenium Falcon’, Hollywood Nights’, ‘Heartstring Strummer’
2009 = ‘Drama Queen’ *, ‘Paul Black’ *, ‘Slovak Prince’ ¤, ‘Italian Ice’ ¤
2010 = ‘Decadence’, ‘Wintry Sky’, Craklin’ Caldera’
2011 = ‘Florentine Silk’ *, ‘That’s All Folks’ *, ‘Tour de France’
2012 = ‘Gypsy Lord’, ‘Kathy Chilton’, ‘Chief John Jolly’
2013 = ‘Absolute Treasure’, ‘Elizabethan Age’, ‘Ink Patterns’.

* = variété ayant obtenu la DM. 
¤ = ex-aequo 

Ce palmarès met en évidence le fait que la Wister Medal est une sorte d’anti-chambre de la Dykes Medal, même si le fait d’être trois à l’avoir obtenue rend maintenant la compétition moins courue d’avance, de même que l’émergence d’autres classes que celle des TB. Notons aussi que c’est la plus haute récompense qui puisse distinguer une variété non obtenue aux Etats-Unis. Deux variétés ont joui de cette disposition : ‘Slovak Prince’ (Anton Mego, Slovaquie, 2002), en 2009 et ‘Decadence’ (Barry Blyth, Australie, 2004) l’année suivante.

 Le nom de Wister Medal fait référence à John C. Wister (1887/1982) celui qui a organisé la réunion d’où devait sortir la création de l’American Iris Society, et qui en devint le premier Président, fonction qu’il exerça pendant 14 ans. C’était un homme admiré pour son extrême rigueur morale et son indéniable ascendant. C’est à son action et à sa volonté que le monde des iris doit son organisation à la fois souple et rigoureuse, qui a servi d’exemple à de nombreuses autres sociétés horticoles. Une chronique entière lui sera consacrée dans les semaines à venir.

Illustrations : 


· Wister Memorial Medal ; 


· ‘Silverado’, premier récipiendaire. 


· ‘Slovak Prince’, première variété non américaine à obtenir la WM.

7.9.13

L’ÉCHELLE DE JACOB

‘MYSTIQUE’ 

 L’apparition de ‘Mystique’, en 1975, chez Joseph Ghio, a été un des événements majeurs de la fin du XXeme siècle dans le monde des iris. Ce qui a suscité l’admiration des amateurs, c’est la couleur de cette fleur. Jamais encore un bleu comme celui-là n’était apparu. Le bleu pervenche des pétales était déjà fort séduisant, mais le bleu indigo des sépales était bien une révolution. Les descripteurs n’avaient pas de mots assez admiratifs pour dire tout le bien qu’ils pensaient ! Pas étonnant, dans ces conditions que la Médaille de Dykes soit arrivée très vite : tout juste cinq ans après la mise sur le marché (et par conséquent l’entrée en compétition) cela y était !

Techniquement, ‘Mystique’ est un neglecta. C’est à dire un iris en deux tons, clair aux pétales, plus foncé aux sépales. En ce sens il est très classique. Classique, il l’est aussi dans sa forme : d’amples ondulations, mais pas de dentelle au bords des pièces florales, et les fleurs elles-même sont larges et bien proportionnées.

 Dans son pedigree on trouve à peu près tout ce qui s’est fait de bien dans le modèle neglecta et dans le coloris bleu. Cela s’écrit comme cela : ((((Frosted Starlight x (Spanish Peaks x Black Satin)) x ((Cahokia x Pierre Menard) x (Black Forest x Chivalry))) x Penthouse) x (Mahalo x Diplomacy)) X Veneration. C’est un peu compliqué (comme souvent chez J. Ghio), certes, mais en dressant un arbre généalogique, on comprend mieux.

 ‘Frosted Starlight’ (Ghio, 1961) apparaît trois fois dans la branche maternelle. C’est un bel iris blanc glacier issu d’un mariage classique blanc X bleu : (New Snow X Chivalry). ‘New Snow vient en droite ligne de ‘Snow Flurry’ ; ‘Chivalry’ est le rejeton d’un croisement de rêve : (Missouri X Great Lakes). Deux DM qui ont engendré une DM !

On retrouve ‘Cahokia’ à plusieurs reprises derrière ‘Whole Cloth’ (Cook, 1957), le père fondateur du modèle amoena qui, lui-aussi a obtenu la DM. Tout comme un autre de ces ancêtres, ‘Blue Rhythm’.

‘Rococo’ (Schreiner, 1959) a été croisé avec ‘Whole Cloth’, deux générations avant ‘Mystique’. Ce fut, en matière de plicata, la première grande réussite de la maison Schreiner.

 Avec ‘Diplomacy’ (Keppel, 1965) on est très proche, en matière de coloris, du héros du jour, ‘Mystique’. Il reste à affiner le modelé de la fleur…

‘Melodrama’ (Cook, 1956). On ne revient plus sur cette variété qui fut le point de départ des bicolores modernes. Elle se trouve dans le pedigree de ‘Mystique’ et contribue à sa réussite.

‘Stepping Out’ (Schreiner, 1964) tient une bonne place dans le pedigree de ‘Mystique’. Après ‘Rococo’ c’en est le second volet plicata. Cependant les traits du modèle n’apparaissent pas chez ‘Mystique’ puisque, s’agissant de gènes récessifs, ils n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer.

Dès l’époque de ‘Mystique’ Joë Ghio connaissait et pratiquait les subtilités de la génétique. Il a habilement réuni des éléments de qualité allant tous vers le but qu’il s’était fixé : un neglecta bleu parfait. Jusqu’à ce jour personne n’a vraiment réussi à surpasser ‘Mystique’ qui reste unique dans un modèle où les iris excellents sont fort nombreux.

TROIS ANCIENS MAÎTRES

Le monde des iris ne s’est pas fait en un jour. Tel que nous le connaissons, il a derrière lui cent vingt ans de développement. Cette extension n’a été possible qu’à des qualités qu’on rencontre encore aujourd’hui mais qui caractérisait déjà, dès le début, ceux qui y ont cru et qui ont mis tout leur génie et tout leur cœur à le faire évoluer. Les trois personnages dont il va être question maintenant font partie de ces pionniers dont les amateurs des années 2000 doivent connaître l’existence et l’œuvre.

Clarence P. Connell 

Dans les années 1930/1940 l’une des métropoles du monde des iris était Nashville, capitale de l’Etat de Tennessee. Il y eut dans cette ville et ses environs jusqu’à dix obtenteurs patentés. Cet engouement pour les iris était essentiellement le fait de l’action de deux pionniers : James Kirkland et Clarence Connell. Le premier, dont il va être question plus loin, était Président de l’Université Vanderbilt, le second superintendant de l’Hôpital Universitaire Vanderbilt ! L’un et l’autre se connaissaient évidemment et étaient même amis. Ce sont eux qui ont communiqué la passion des iris à de nombreuses personnes de leur entourage.

L’un et l’autre ont aussi décroché une Médaille de Dykes, et c’est Connell qui a commencé avec ‘Dauntless’ qui a été récompensé en 1929. Il pratiquait l’hybridation depuis l’âge de 14 ans, quand il avait vu faire sa grand’mère et qu’il s’était amusé à faire comme elle jusqu’au moment où il s’est réellement passionné pour ce hobby.

‘Dauntless’ est ce qu’on appelle un iris « rouge » (pétales rouge magenta, sépales rouge acajou) ; il a fait la réputation de son obtenteur. Celui-ci décrit ainsi son cheminement vers cette fleur remarquable pour son époque : « L’examen au microscope des pétales et sépales d’une fleur de ‘Cardinal’ (Bliss, 1919) m’a démontré qu’il pouvait produire du jaune. Alors est intervenue la recherche d’une partenaire fiable. ‘Rose Madder’ (Sturtevant, 1920) a été choisi parce qu’il n’a pas de bleu et qu’il a des lignes jaunes sur les sépales. Ce fut un heureux croisement qui a produit ‘Dauntless’ dès la première génération. » Mais ce n’était cependant pas le jaune qu’il espérait ! Il a donc poursuivi son travail croisant et recroisant ces obtentions et celles de son ami Kirkland, pratiquant ce qu’il appelait l’hybridation sélective.

 Il a obtenu et mis sur le marché un grand nombre de variétés valeureuses mais qui n’ont pourtant pas recueilli le succès de son ‘Dauntless’. Citons entre autre ‘Aubade’ (1927), ‘Nepenthe’ (1931), ‘Hypnos’ (1931), ‘Parthenon’ (1934) et celle qu’il considérait comme son meilleur iris : ‘Blithesome’ (1930), blanc poudré de jaune.

Wylie McLean Ayres 

 Il était oculiste à Cincinnati dans l’Etat d’Ohio. Lui aussi est venu à l’iridophilie en commençant ce qui allait devenir un second métier par la création d’une petite collection d’iris. Le début de cette passion se situe en 1914 mais le véritable travail d’hybridation n’a commencé que vers 1920. Ses études de médecine l’avaient amené à s’intéresser à l’hérédité et la génétique et il a mis ces connaissances dans son travail d’hybrideur. Il avait aussi compris qu’une particulière sévérité devait intervenir au moment de décider de conserver une nouvelle variété. Il estimait que seulement un semis sur mille pouvait être suffisamment beau et différent pour mériter d’être conservé. Il avait une vision lucide de l’avenir des iris : « Je pense que nous avons tout juste commencé de gratter la surface et que les progrès concernant cette reine des jardins fleuris ne font que commencer (…) Je veux croire que quelqu’un sera assez heureux, soit par chance soit par avancée scientifique pour obtenir, dans un futur proche, un iris vraiment écarlate, un vraiment joli rose crevette, des roses sans aucune trace de bleu ou de lavande, un jaune parfait – ni trop pâle ni trop saturé, un bleu vraiment bleu, des mélanges de toutes sortes. Personnellement je voudrais aller vers un vrai rose crevette, rose flamant ou rose saumon, comme on en voit chez les meilleures azalées. »

Il savait que l’endogamie est la meilleure voie pour accroître les qualités, et particulièrement la couleur. C’est pourquoi il rassembla dans ses croisements tous les « rouges » alors disponibles. Croisant et re-croisant entre eux ses semis il réussit à obtenir ce qui pouvait se faire de mieux dans ce coloris à son époque. Les meilleurs sont peut-être ‘Burning Bronze’ (1934), bitone bronze et grenat, et ‘Byzantium’ (1934), qui retrouve le coloris de ‘Jean Cayeux’. Mais son cultivar le plus recherché a été ‘Indian Chief’ (1929), sans doute parce que son coloris bitone acajou était en avance sur son temps. Cependant la variété qui lui a apporté la gloire se nomme ‘Coralie’ (1931) qui a obtenu la DM en 1933.

Le docteur Ayres fait tout à fait partie des grands maîtres des années 1930 en Amérique.

James Hampton Kirkland (1859/1939) 

Ce fils de propriétaire terrien de Caroline du Sud devait mener de front plusieurs activités foncièrement différentes mais auxquelles il a consacré autant d’énergie et d’intelligence. Après de brillantes études dans son Etat natal, il a poursuivi sa formation en Allemagne, à l’Université de Leipzig. Il revint au pays avec de prestigieux diplômes et est devenu professeur de grec et de latin, avant de prendre la fonction de Président de l’Université Vanderbilt à Nashville (Tennessee). Il conserva ce poste pendant quarante-quatre ans, mais en même temps se passionnait pour la pédagogie et l’organisation de l’enseignement. Croyant sincère, il consacrait une partie de son temps à la promotion de l’éducation parmi les Noirs. Mais ce ne sont pas ces éminentes activités qui amènent à le faire connaître ici, mais plutôt son intérêt personnel pour le jardinage et l’horticulture, et tout particulièrement celle des iris.

Cet homme éclectique a décrit son hobby en ces termes : « j’ai commencé à m’intéresser à la culture des iris, à peu près au moment où s’est créée l’AIS, en 1920. J’ai rejoint cette association dès le début (…). J’ai commencé mes expériences de pollinisation à titre de curiosité. Le résultat de ces essais n’a fait qu’accroître mon intérêt d’année en année. A présent tout mon jardin est consacré à ce travail et, en 1934, j’ai environ 4000 semis qui vont fleurir. » Parmi ceux-ci il y avait ‘Copper Lustre’ (1934), un bitone brun, qui devait obtenir la Médaille de Dykes en 1938. Cette variété avait été précédée de ‘Desert Gold’ (1929), jaune clair, et de ‘Black Wings’ (1930), considéré à l’époque comme le plus sombre des iris. Elle sera suivie de quelques autres comme ‘Junaluska’ (1942), autre bitone, en pourpre, cette fois.

Autant de réussite ne pouvait que combler un homme exceptionnel dont les iridophiles doivent être fiers de suivre le chemin.

 Sources : 
Cette chronique doit essentiellement à l’article de Howard E. Weed publié dans le n° de juillet 1934 du magazine « The Flower Grower », reproduit en fac-simile dans le n° 26/1 (printemps 2013) de la Revue « Roots » de la H.I.P.S.. 

 Illustrations : 

· ‘Parthenon’ 


· ‘Byzanthium’ 


· ‘Black Wings’ 


· ‘Junaluska’