5.7.13

DÉDICACES

Depuis que l’on donne des noms aux iris, c’est à dire depuis bientôt deux cents ans, il est d’usage fréquent de profiter de l’occasion pour rendre hommage à une personne en lui dédicaçant une fleur. Personne n’a oublié ‘Madame Chéreau’ (Lemon, 1844) ou ‘Madame Louesse’ (Verdier, 1860) puisque ces variétés se rencontrent toujours dans certaines collections. Les habitudes et les comportements ont un peu changé, mais le principe est resté : on ne se contente plus d’un solennel « Madame Untel » mais depuis les années 1940, l’on utilise plutôt le prénom et le nom, comme c’est le cas pour ‘Helen McGregor’ (Graves, 1943) ou ‘Mary Randall’ (Fay, 1950), deux variétés couronnées d’une Dykes Medal. La pratique est largement répandue, et l’on honore ainsi une grande quantité de personnes, en majorité féminines. La notoriété desdites personnes n’est pas un critère déterminant, car bien d’autres motifs peuvent encourager la dédicace : l’amour conjugal, l’affection paternelle, l’amitié, la reconnaissance et bien d’autres, dont certaines, fort terre-à-terre.

Les hybrideurs français ne se sont pas privés de consacrer certaines de leurs obtentions à la gloire de célébrités ou, même, d’illustres inconnus (ou, tout au moins, de personnages dont la renommée n’a pas résisté à l’usure du temps). J’en ai compté plus de cent !

La forme de ces dédicaces est étrangement variable. Pourquoi le très protocolaire ‘Madame Henri Cayeux’ (F. Cayeux, 1924), à côté de Madame Cécile Bouscant’ (Millet, 1923) ou de la simple ‘Andrée Autissier’ (Denis, 1921) ? ‘Madame Chobaut’ (Denis, 1916) n’a droit ni à son propre prénom, ni à celui de son mari. En revanche ‘Madame Louis Aureau’ (F. Cayeux, 1934) respecte scrupuleusement le code des convenances, tandis que ‘Madame Blanche Pion’ (F. Cayeux, 1906) est un peu plus léger, quant à ‘Clémentine Croutel’ (F. Cayeux, 1949), c’est franchement familier ! Peut-être s’agissait-il d’une jeune fille, mais alors pourquoi ‘Mademoiselle Yvonne Pelletier’ (Millet, 1916) a-t-elle eu droit à une appellation aussi respectueuse ?

 Sur le fond, pas grand chose à ajouter. Les hommages concernent majoritairement des dames, à peine 30% des dédicataires sont des hommes. Faut-il y voir le fait que les obtenteurs soient essentiellement masculins ? Autre particularité, les hommes considérés sont presque tous des personnages importants envers qui la considération passe par l’expression de leur titre : ‘Colonel Candelot’ (Millet, 1907), ‘Député Nomblot’ (F. Cayeux, 1929), ‘Directeur Pinelle’ (F. Cayeux, 1932), ‘Docteur Chobaut’ (Denis, 1931), ‘Ministre Ferdinand David’ (F. Cayeux, 1930), ‘Président Lebrun’ (F. Cayeux, 1933)… Dans les temps modernes, heureusement, ces flagorneries n’ont plus cours ; on dit simplement ‘François Plonka’ (François, 1998) ou ‘Gérard Brière’ (R. Cayeux, 2007).

Parmi les hommages récents, il y a ceux qui ont été adressés à des personnages du show-biz (‘Marie-José Nat’ (R. Cayeux, 2000), ceux de la catégorie « people » (‘Princesse Caroline de Monaco’ (R. Cayeux, 1997), ceux envers qui on a quelque obligation (Colette Thurillet’ (J. Cayeux, 1989), et même ceux qui en ont fait la demande : ‘Miss Pessemier-Deboudt’’ (Laporte, 2006) ! Et puis il y a aussi les signes de respect envers des figures éminentes du monde hexagonal des iris : (‘Anne-Marie Chesnais’ (François, 1998), ‘Claude-Louis Gayrard’ (Ransom, 1996), ‘Gladys Clarke’ (Ransom, 2000), ‘Marcel Turbat’ (J. Cayeux, 1993), ‘Roger Renard’ (J. Cayeux, 1976)… Dans ce domaine, qui devrait être un trésor pour les obtenteurs, on note tout de même beaucoup de lacunes. Pourquoi n’avoir pas encore honoré Igor Fedoroff, Pierre Anfosso, Jean Ségui ou Odette Perrier ? Il y a là, à mon avis, une sorte d’injustice qui mériterait d’être réparée.

Quoi qu’il en soit, le choix du nom d’une personne vivante a forcément un avantage : il n’y a guère à craindre qu’il ait déjà été attribué !

Illustrations :

  •  Ministre Ferdinand David  
  • Miss Pessemier-Deboudt 
  • Madame Chobaut
  • Roger Renard 

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