12.7.13

CHERCHEURS D'OR

Tous les jardiniers vous le diront : une variété jaune est indispensable pour mettre une note éclatante dans un massif d’iris. Aujourd’hui il n’est pas difficile de trouver un bon iris jaune, car il en apparaît des quantités chaque année. Mais jusque dans les années 1950 ce n’était pas le cas et les vrais jaunes étaient rares et pas toujours excellents. En fait cette couleur est restée exceptionnelle jusque dans les années 1930 et, s’il y a eu de réelles réussites parmi les iris diploïdes, le passage à la tétraploïdie a été beaucoup plus difficile dans ce coloris que dans les autres.

L’origine de la couleur jaune se situe peut-être chez I. flavescens (De Candolle, 1813) dont on se demande toujours s’il s’agit d’une véritable espèce ou plutôt d’un hybride naturalisé de I. germanica et de I. variegata. Mais dans l’ère contemporaine on est à peu près d’accord pour dire que le premier jaune véritable se nomme ‘Aurea’ (Jacques, 1830). C’est à coup sûr un hybride de I. germanica, croisé depuis longtemps avec I. variegata, donc comportant la couleur jaune, mais aussi des veines ou des traces violacées sur les sépales. En tout cas le point de départ de la quête de l’iris jaune se situe bien à ce niveau car les premiers présentaient sur les sépales des veines violacées que des années et des années de sélection ont réussi peu à peu à faire disparaître. Ce n’est que dans les années 20 que l’on a vu venir des iris vraiment jaunes. Le mérite en revient à Grace Sturtevant, une grande dame des iris qui a enregistré ‘Shekinah’ (1918), puis 'Gold Imperial’ (1924) dont on peut dire qu’ils furent les premiers jaunes de valeur.

La première origine des variétés jaunes est donc bien à chercher chez I. variegata, mais on va voir qu’on leur en connaît aussi deux autres.

Après Grace Sturtevant, le chercheur d’or dont le nom apparaît fut William Dykatson Dykes, en Grande Bretagne. Peu après sa mort prématurée et accidentelle, ses héritiers ont baptisé ‘W.R. Dykes’ un iris tétraploïde que l’on a, à l’époque, qualifié de jaune mais qui, à nos yeux d’aujourd’hui, reste éloigné du but recherché. Quoi qu’il en soit, les indéniables qualités de cette variété ont fait qu’elle a été largement utilisée au début des années 1930 par tous ceux pour qui la couleur jaune était un défi à relever. En particulier par la famille Schreiner. Le croisement du jaune diploïde français ‘Pluie d’Or’ (F. Cayeux, 1928) et de ‘W.R. Dykes’ est à l’origine ‘Golden Treasure’ (Schreiner, 1936), une variété qui eut un énorme succès populaire. Dans la même perspective se situe ‘Ming Yellow’ (Glutzbeck, 1938), lequel descend à la fois de ‘W.R. Dykes’ et de ‘Député Nomblot’ (F. Cayeux, 1929).

Un autre valeureux chercheur d’or a été Sydney Mitchell, toujours dans les années 30. On lui doit d’avoir imaginé d’obtenir du jaune par un autre chemin que celui de ‘W.R. Dykes’. Il a tenté d’améliorer la pureté de cette couleur et alliant une variété d’un ton de bronze et une variété blanche ou vice-versa. Après une grande quantité de semis plus ou moins intéressants il a fini par obtenir ce qu’il cherchait : du jaune vraiment jaune. C’est le cas de ‘Alta California’ (1932) puis de ‘California Gold’ (1933) et surtout de ‘Happy Days’ (1938), qui est considéré comme l’aboutissement d’un long voyage. Pendant ce temps, en Europe, les hybrideurs ne se laissaient pas distancer. En Grande Bretagne H. Chadburn a enregistré ‘Golden Hind’ (1934), descendant direct de ‘W.R. Dykes’, et son rival français F. Cayeux a proposé ‘Eclador’ (1932) et ‘Alice Harding’ (1932), tous deux issus de la souche « variegata ».

Au cours des années 1940, la recherche de l’iris jaune a atteint une sorte de perfection aux Etats-Unis. Elle a utilisé les deux voies déjà explorées, en y ajoutant les mérites d’autres apparitions de la couleur dans des lignées qui ne lui étaient pas spécialement dédiées. Ce fut le cas, en particulier, de ‘Ola Kala’ (J. Sass, 1941), dont la renommée est vite devenue mondiale, ou de ‘Golden Eagle’ (Hall, 1942), lointain rejeton de ‘W.R. Dykes’.

Les années 1950 allaient être marquées par deux événements essentiels pour l’amélioration des iris jaunes. En premier lieu, pour accroître encore l’éclat du jaune, les hybrideurs ont eu l’idée d’ajouter au cocktail une pointe d’orange qui a eu pour résultat de colorer plus vivement les barbes et donc de mettre mieux en valeur le jaune de la fleur. Ce fut le cas, par exemple, de ‘Solid Gold’ (Kleinsorge 51), également descendant de ‘Ola Kala’ : le jaune est éclatant, grâce en particulier aux grosses barbes safran. Comme le dit « The World of Irises » : « La recherche sur les barbes mandarine a donné naissance à des sous-produits inespérés. Des jaunes sont apparus parmi les descendants de croisements destinés à obtenir des iris roses, et les hybrideurs ont été étonnés et ravis de leur qualité. Ces jaunes avaient un éclat, un brillant et une abondance de dentelle rarement rencontrés chez les jaunes conventionnels. » Ce fut le second événement survenu dans les années 1950. Les variétés les plus marquantes furent certainement le jaune canari ‘Limelight’ (Hall, 1952) et le jaune paille ‘Techny Chimes’ (Reckamp, 1955) ; mais on peut également citer ‘Cream Crest’ (Muhlestein, 1958) ou ‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959).

 Il ne restait plus qu’à marier ces différentes origines pour obtenir les jaunes modernes qui peuplent maintenant nos jardins. Les chercheurs d’or ont obtenu ce dont ils rêvaient. Ils ont ouvert de nouvelles routes que les amateurs du XXIeme siècle empruntent, sans songer à la peine que les pionniers ont eue et le génie dont ils ont du faire preuve.

Illustrations :

· ‘Golden Treasure’ (Schreiner, 1936) (WR Dykes X Pluie d'Or) 

· ‘Golden Hind’ (H. Chadburn, 1931) (Gold Imperial X W.R. Dykes) 

· ‘Golden Eagle’ (D. Hall, 1942) ((semis x Morocco Rose) X Prairie Sunset) 

· ‘Rainbow Gold’ (Plough, 1959) (Butterscotch Kiss X ((Ruth x Rainbow Room) x Mary Randall))

2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est plutôt William RICKATSON Dykes.

Sylvain Ruaud a dit…

Oui. Une étourderie de plus !