29.6.13

LE POSTIER DE BLUFFTON

Cette année 2013 marque le cinquantenaire de la disparition de Paul Cook, mort en 1963. C’est le moment d’évoquer l’une des plus grandes figures de l’irisdom, quelqu’un à qui l’on doit une découverte qui régit toujours le monde de l’hybridation. Cook restera sans doute dans les mémoires pour son travail dans trois directions : les iris nains, les iris noirs et les amoenas et bicolores, mais c’est en ce domaine qu’il a le plus mérité notre admiration et notre reconnaissance. Son nom est indissociable le de celui de ‘Progenitor’, un pauvre petit semis que la plupart des hybrideurs aurait détruit dès sa première fleur, mais dont il a eu, lui, le génie de pressentir les grandes aptitudes. De cette plante insignifiante sont venus ‘Kiss me Kate’, ‘Melodrama’, ‘Whole Cloth’, ‘Emma Cook’, ‘Miss Indiana’ et d'autres d'immense intérêt qui nous valent de disposer aujourd'hui d'un panel pratiquement infini d'iris amoenas et bicolores.

Il avait créé sa pépinière, Longfield Iris Garden, à Bluffton, petite ville de l’Indiana, à environ 200 km au sud-est de Chicago. Il s’était pris d’une telle passion pour les iris que, de manière à pouvoir leur consacrer un maximum de son temps, il s’est contenté d’un travail de postier, exclusivement en matinée, ce qui lui laissait de grands après-midi pour jardiner.

 C’est dans ces conditions que dès 1939 il s’était lancé dans un programme destiné à améliorer la vivacité du coloris des iris. C’est dans ce but qu’il a acheté à l’obtenteur Rex Pearce un lot de graines qui devaient être celles d’I. mellita, et qui se sont révélées comme étant celles d’I. reichenbachii, une espèce d’iris nains originaires des Balkans, très florifère, dans les tons de jaune avec de fortes taches brunes sur les sépales. Il a réalisé en 1944 un croisement entre un de ces I. reichenbachii et le grand iris bleu ‘Shining Waters’ (Douglas circa 1935). Le résultat n’a pas été brillant en nombre de graines, mais l’un des semis obtenus, croisé de nouveau avec ‘Shining Waters’, a donné un iris amoena bleu de grande qualité. Cook a alors réalisé que ce petit iris de rien du tout, issu de ces graines d’ I. reichenbachii, possédait le pouvoir d’inhiber le pigment bleu dans les pétales de ses descendants. C’était une découverte de premier ordre car jusqu’à ce moment l’obtention d’iris amoenas était extrêmement difficile et ne laissait pas espérer un développement majeur de ce modèle.

‘Progenitor’ est à l’origine des iris néglectas, amoenas et bicolores actuels, et par conséquent de toutes leurs variantes comme celles que l’on rencontre chez les plicatas. Et les prototypes de cette immense descendance se nomment ‘Melodrama’ (Cook 1956), ‘Emma Cook’ (Cook 1957) et ‘Whole Cloth’ (Cook 1958), auxquels il faut ajouter un iris intermédiaire bien oublié maintenant, ‘Kiss me Kate’ (Cook, 1956). ‘Melodrama’, l’aîné, est un iris néglecta, mauve bleuté ou bleu jacinthe pour les pétales, indigo clair pour les sépales, un peu plus clair sous les barbes mauve pâle ; c’est le plus ondulé des trois. Il tient son côté violacé au pollen de Dreamcastle, variété rose orchidée

‘Melodrama’ est à l’origine d’une foule d’iris bitones, bicolores ou plicatas, soit en descendance directe, soit via la génération suivante.

Le cadet, ‘Emma Cook’, ainsi nommé en l’honneur de l’épouse de Paul Cook, est le plus clair de la nichée : les pétales sont d’un blanc à peine bleuté, de même que les sépales qui comportent un large liseré en dégradé de bleu s’intensifiant vers le bord (l’effet d’inhibition s’est étendu largement sur les sépales), il est légèrement ondulé. Il est présent dans le pedigree de très nombreuses variétés, et en particulier dans celui de la grande série mise en route par Jean Cayeux à partir de sa grande réussite ‘Condottiere’.

De loin le plus célèbre, ‘Whole Cloth’, est un vrai amoena : pétales blancs, sépales bleu violacé clair, barbes jaunes, fleurs presque sans ondulations. Il est à l’origine d’un nombre incroyable d’iris de toutes sortes, mais essentiellement amoenas, car on peut dire que ce modèle, dans sa version moderne, est le produit de ‘Whole Cloth’.

Il faut faire une parenthèse au sujet de ‘Kiss me Kate’, un iris jaune pâle, aux sépales liserés de bleu indigo. Cet IB, n’a pas eu le retentissement auquel Paul Cook s’attendait. Il prédisait en effet que cette variété de taille réduite pouvait donner naissance à de beaux iris liserés de bleu. Mais ses descendants restèrent peu nombreux, généralement prostrés, et le plus souvent d’un modèle assez semblable aux descendants de ‘Emma Cook’. Dans son cas, en fait, c’est le coloris de base de I. reichenbachii qui réapparaît mais sans conséquence particulière pour la suite.

Avec ce quatuor Paul Cook a obtenu son bâton de maréchal. Il aurait sans doute pu continuer sur sa lancée et travailler, notamment, à l’obtention de variegatas jaune/bleu. Mais il s’est arrêté brusquement, laissant à d’autres la suite des recherches. Avait-il le pressentiment de sa mort prochaine ? Qui sait ?

Illustrations :


  • 'Emma Cook'  
  • 'Melodrama'
  • 'Whole Cloth' 

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