17.5.13

DES DAMES ET DES MÉDAILLES


Actuellement le petit monde des iris est dominé par des hommes. Aux Etats-Unis se sont les noms de Keith Keppel, Paul Black, Tom Johnson, Joë Ghio, Fred Kerr, George et Michael Sutton et quelques autres qui apparaissent le plus souvent en haut de l’affiche. Ailleurs dans le monde ce sont ceux de Barry Blyth, Richard Cayeux ou Augusto Bianco qui viennent spontanément à l’esprit. Et l’on doit aussi compter avec les obtenteurs russes ou ukrainiens qui sont en train de faire leur trou. Mais il n’en a pas toujours été ainsi et à l’âge d’or de l’hybridation, dans les années 1950/1970, plusieurs femmes tenaient le haut du pavé et obtenaient les plus hautes récompenses dans la course aux honneurs.

 La première femme à remporter la Médaille de Dykes est Mary Williamson, en 1940, avec ‘Wabash’ (Williamson, 1936), un iris qui est encore cultivé un peu partout et même proposé à la vente dans certaines jardineries. En fait on dit en général que le récipiendaire de la récompense était E. B. Williamson, le père de Mary, mais celle-ci a revendiqué l’origine de cette superbe variété.

 Dix ans plus tard, c’est Agnes Whiting qui a remporté la DM grâce à ‘Blue Rhythm’ (1945), un iris qui a longtemps été l’un des favoris du public américain et qui a été diffusé partout dans le monde. Un iris qui fut aussi un géniteur largement utilisé puisqu’on lui compte 77 descendants au premier degré ! C’est plus que n’en compte ‘Wabash’, précédemment honoré, qui n’a que 73 descendants enregistrés.

 Ensuite les choses se sont un peu précipitées. En 1957 la médaille a été attribuée à ‘Violet Harmony’ (1948), obtention de Edith Lowry. Ce fut une assez grande surprise car si l’iris est beau et solide, son obtentrice n’a pas une renommée internationale. ‘Violet Harmony’ a recueilli les suffrages de nombreux hybrideurs qui l’ont utilisé dans leurs croisements à 59 reprises. Parmi ces descendants il en est peu qui aient atteint la célébrité, si ce n’est ‘Yakina Blue’ (Schreiner, 1992) qui lui-même a obtenu la fameuse médaille en 2001.

 En 1965 c’est au tour de Neva Sexton de triompher, avec ‘Pacific Panorama’ (1960), un des iris les plus appréciés non seulement à son époque, mais aussi pendant de longues années. Il est à l’origine de 55 semis enregistrés parmi lesquels quelques grandes vedettes comme ‘Navajo Jewel’, Shipshape’ (Babson, 1969 – DM 1974) ou ‘Skylab’. Huit ans plus tard Neva Sexton retrouvera la gloire grâce à ‘New Moon’ (1968). Ce joli jaune citron est un des iris les plus riches en descendance directe, avec 184 petits ! Ceux qui en ont été les principaux utilisateurs furent Joseph Ghio, Bernard Hamner et le clan Schreiner.

 Entre les deux il y eut deux autres dames récompensées. Tout d’abord, en 1967, ce fut Opal Brown, pour ‘Winter Olympics’ (1963), qui est un autre champion de l’hybridation (147 enregistrements au premier degré). Puis en 1971 c’est Madame Kuntz, Lois pour les intimes, une grand-mère américaine, qui aimait les iris et qui, un jour, s'est amusée à semer les graines qu'elle avait récoltées dans son jardin. Au milieu d’un bon nombre d'iris d'un rose délavé, grisâtre, plutôt laids, elle a trouvé une jolie fleur aux pétales jaunes et aux sépales blancs liserés du jaune des pétales, avec une substance solide et résistant aux intempéries; une plante vigoureuse, bien branchue, bref une belle fleur. Mamie Kuntz en parla à des amis, qui répandirent la nouvelle dans le petit monde des iris. Luella Noyd, une obtentrice bien connue, se procura des rhizomes et les multiplia. Elle convainquit Mme Kuntz de faire enregistrer cette variété, et la bonne grand-mère dédia son iris à l'une de ses petites filles, Debby ; ce fut ‘Debby Rairdon’ (1965). Plusieurs hybrideurs s’en sont servis, Joë Ghio, mais aussi Lawrence Ransom, si bien qu’une cinquantaine de variétés en sont directement issues.

 Dernière de la série : Esther Tams. En 1977 son ‘Dream Lover’ (1971) a été couronné. Parmi tous les lauréats de la DM, c’est sans doute l’un de ceux qui ont connu le moins de succès, tant dans les jardins que dans les pépinières où l’on ne connaît que 48 de ses descendants. Curiosité : peu de grands noms de l’hybridation s’en sont servis.

 Il faudra ensuite attendre 31 ans pour voir, en 2008, de nouveau une femme honorée de la DM. Elle sera pour ‘Starwoman’ (Marky Smith, 1997). Non seulement c’est un iris de femme, mais c’est aussi un iris intermédiaire, et le premier de sa catégorie à recevoir la récompense suprême.

 Neuf lauréats seulement, sortis de la main de femmes, ont atteint le plus haut niveau de la course aux honneurs. Finalement, c’est assez peu. Et on ne sait pas quand cela recommencera car il n’y a à l’heure actuelle aucune variété d’essence féminine qui soit en capacité de postuler.

 Illustrations : 
· ‘Wabash’ 


· ‘Dream Lover’ 
· ‘New Moon’ 


· ‘Violet Harmony’ 
· Médaille de Dykes

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