3.5.13

C'EST LE POMPON

Il y a les roses pompon, les œillets pompon, les dahlias pompon et des tas d’autres fleurs doubles auxquelles le surnom de pompon n’est pas habituellement donné. Mais il n’y a pas encore d’iris pompon. Pas encore ? Voire ! En tout cas il y a des choses qui en prennent le chemin.

 On les a appelés « space age », une dénomination qui date maintenant. On a essayé de les appeler, en latin de sacristie, « rostrata » : c’était plus parlant et mieux dans la note de ce qui se dit en des cas analogues d’apparition d’un nouveau modèle ; il y a les « luminatas », les « glaciatas » et quelques autres de la même eau. Mais le nom – qui n’a pas été inventé par un américain- n’a pas eu de succès… Alors je vais me contenter de « iris à éperons », en bon français !

 Ces iris dotés d’excroissances à l’extrémité des barbes ont été, dès leur apparition, considérés comme la base de futurs iris « flore pleno », autrement dit « à fleurs doubles ». Mais ils sont restés jusqu’à nos jours des iris différents, avec des sépales souvent surchargés de pointes ou de pétaloïdes plus ou moins esthétiques. Pas de véritables fleurs doubles. Au fil des années ces agréments supplémentaires ont gagné en importance et en fiabilité. Dans les premiers temps ils étaient assez médiocres de taille et n’apparaissaient que sur les fleurs de tête, ensuite ils s’amenuisaient au fur et à mesure que la floraison atteignait les corolles inférieures, pour disparaître carrément. Souvent leur présence n’était qu’aléatoire, une année avec, une année sans… Peu à peu cela s’est arrangé. La consistance des appendices s’est accrue ; de gros semi-pétales sont apparus, quelquefois fort disgracieux, quelquefois franchement extravagants, mais jamais encore on ne les a considéré comme de véritables pétaloïdes, et jamais l’aspect global de la fleur n’a donné l’apparence d’un pompon, tout rond et tout sympathique.

 Pourtant quelqu’un, depuis 2004, a peut-être trouvé le chemin qui mène à ce modèle tant recherché. C’est en 2004 que Leonard Jedlicka, au fin fond du Nebraska (l’Etat des USA au climat le plus détestable, polaire l’hiver, tropical l’été) a planté un premier semis dans lequel il avait mis toutes ses espérances de nouveauté. En 2005 ce semis a connu son « maiden bloom », sa première floraison. Leonard Jedlicka écrit à ce propos : « Mon premier pom-pom est apparu en croisant un semis de Leroy Meininger, ‘White Extra’. C’est un iris qui n’a jamais été enregistré à cause de l’étroitesse de ses sépales. Je l’ai conservé. Je l’ai croisé avec ‘Coral Point’, des Sutton. Puis je l’ai recroisé pendant quelques années. » Premier succès, l’iris apparu en 2005 était un vrai gros pompon. Jusque là les différents semis n’avaient pas d’appendices assez denses pour donner l’apparence du pompon, car Jedlicka a constaté que « l’endogamie est nécessaire pour que les gènes de pom-pom deviennent stables. Quand j’ai commencé j’en ai constaté la présence environ tous les trois ans et seulement sur quelques tiges. Au bout de six ans j’ai commencé à avoir quelque chose de fiable : une excroissance dans chaque fleur, et chaque année. » En 2005, ce fut vraiment le pompon. Pour ce faire, Jedlicka considère que : « pour avoir un bon pom-pom on a besoin d’environ cinq ou six appendices empilés les uns sur les autres » sur un même sépale. « Chaque couche se gaufre de plus en plus vers l’intérieur jusqu’à ce qu’une sorte d’œillet de 2,5 cm soit créé. J’en ai vu qui avaient de 2,5 à 4 cm. » Et il continue : « Maintenant je vois plus de six couches d’appendices qui se mélangent. Je peux toujours compter le nombre d’éléments mais on ne peut plus les séparer. Une fois j’ai vu au moins dix couches d’appendices imbriqués les uns dans les autres , on aurait dit les pages d’un livre. »

 Voilà où l’on en est aujourd’hui. Leonard Jedlicka est le seul à avoir parlé de ses travaux sur cette question, mais Tom Burseen, au Texas, a proposé des variétés avec d’importantes excroissances qui peuvent être considérées comme des iris à pompon, et peut-être d’autres obtenteurs, discrets, ont un programme en chantier.

Cela dit, on est encore loin du pompon parfait. Les fleurs actuelles ne ressemblent plus vraiment à des fleurs d’iris, mais ce ne sont pas non plus les pompons que l’on attend. Leur créateur le reconnaît et constate, avec regret, que : « Mes pom-poms présentent un fort pourcentage de fleurs avec des sépales très étroits et les pétales ont tendance à s’ouvrir beaucoup trop. »

 En bon Américain, il est tenace et travailleur, et il continue ses croisements. Mais il se rend compte qu’il ne terminera pas le travail tout seul. C’est pourquoi il met des confrères à contribution pour accélérer l’évolution. « Les progrès viennent lentement » reconnaît-il amèrement.

 Les progrès ? A mon avis, il en faudra, car en l’état, ces fleurs ne me paraissent pas vraiment jolies, au moins inachevées. On peut donc les qualifier d’esquisses, ou, comme en photographie, d’épreuves qu’il va falloir retoucher. Certes ces pompons sont curieux, mais l’aspect général de la fleur n’est pas gracieux, ce qui est pourtant ce que l’on demande en premier lieu à une fleur ! Souhaitons donc à Leonard Jedlicka de réussir dans le défi qu’il a lancé à la nature. S’il parvient à ses fins, il fera partie de ces précurseurs visionnaires et entêtés dont le monde des iris est peuplé.

 Illustrations : 

- ‘White Extra’ (Meininger, NR) ; 

- ‘Coral Point’ (Sutton, 2000) ; 

- Semis corail avec pompon ; 

- Détail d’un pompon.

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