30.11.12

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Symposium 2012 Pas grand chose à dire du classement du Symposium en 2012 : on prend les mêmes et on recommence ! Voici la liste des vingt premiers :

 2011 2012 variété
 1 1     DUSKY CHALLENGER
 2 2     QUEEN'S CIRCLE
 3 3     PAUL BLACK
 4 4     JESSE'S SONG
 8 5     THORNBIRD
 5 6     CONJURATION
 7 7     STAIRWAY TO HEAVEN
 9 8     FLORENTINE SILK
 23 8   THAT'S ALL FOLKS
 9 10   GYPSY LORD
11 10  SILVERADO
11 12  BEFORE THE STORM
5 13    GOLDEN PANTHER
18 14  MESMERIZER 1
3 15    BEVERLY SILLS 1
5 16    DAUGHTER OF STARS
16 16  SEA POWER
19 18  DECADENCE
16 19  DRAMA QUEEN
26 20  EDITH WOLFORD

 La seule modification significative est la progression de ‘That’s all Folks’, du 23e au 8e rang. A noter le retour dans la liste de ‘Edith Wolford’ sorti l’an dernier. En échange, les deux sortants de 2012 sont ‘Celebration Song’ et ‘Hello Darkness’.


 

LES DILETTANTES

Pendant les prochaines semaines nous allons évoquer ceux qui pratiquent ou ont pratiqué l’hybridation essentiellement pour leur plaisir. Certains, comme on le verra, sont de réels artistes, et comme leur travail est dénué de toute arrière-pensée commerciale, ils en sont d’autant plus sympathiques. Car dilettantisme ne veut pas dire amateurisme (dans le sens de l’un peu n’importe quoi pratiqué par certains). Certains de ces dilettantes ont acquis une réputation mondiale et ont quelquefois été récompensé dans les compétitions internationales auxquelles ils ont pris part, par amusement, le plus souvent.

I. Mary Senni (1884/1971)
Les italiens (et encore plus les italiennes) sont coutumiers du fait de pratiquer l’hybridation des iris pour s’amuser. Certains se sont pris au jeu et, tout en pratiquant leur hobby en toute décontraction, sont parvenus à obtenir des nouvelles variétés tout à fait dignes de celles des professionnels. La comtesse Mary Senni fait partie de ces gens là. Originaire de Philadelphie, aux Etats-Unis, elle a suivi son mari à Rome où elle a obtenu, en une quinzaine d’années (1925/1940), près de quatre cents iris, qui n’ont pas été enregistrés ! Elle a également consacré beaucoup de son énergie dans la création d’un jardin de roses, situé à Grottaferrata, dans la banlieue de Rome.



Gianandrea’ (circa 1930)




Verlaine’ (1927)



Gianandrea’ (circa 1930)




‘Prima Porta’ (circa 1940)

UN DÉBUT DANS L'AVIS

Pour donner un avis officiel à propos d’un iris il faut en principe avoir acquis le statut de juge. C’est une chose courante aux Etats-Unis, mais en Europe il n’en est pas de même. Cela n’est pas étonnant parce que les occasions de faire un apprentissage sont rares et nécessitent une large disponibilité et des moyens matériels relativement importants. En effet, aux Etats-Unis, il existe une quantité de clubs locaux ou régionaux d’amis des iris, qui organisent des compétitions, et un paquet de juges agréés pour tenir le rôle de mentor. En Europe, ces clubs n’existent pas ; il n’y a donc guère de moyens de se former. A moins de parcourir le continent pour participer à l’un des rares concours qui s’y déroulent.

Devenir juge n’est donc pas facile par chez nous ! D’autant qu’il faut un apprentissage auprès de juges agréés dans au moins trois occasions différentes. Si je prends en exemple mon cas personnel, cet apprentissage est passé par trois compétitions étalées dans le temps. Ma première expérience a eu lieu à l’occasion du concours FRANCIRIS 2000, à Bréal sous Montfort, en Bretagne. Mon instructeur était Paolo Gambassini, éminent juge italien, comme son nom le laisse entendre. Pour ma deuxième expérience, il a fallu attendre 2003, et le second concours FRANCIRIS, toujours à Bréal. Cette fois mon parrain a été le juge anglais Sidney Linnegar. Son expérience et sa connaissance du « métier » ne peuvent pas être mis en cause, mais ses aptitudes pédagogiques sont plus incertaines. Après la bonhomie et la faconde méditerranéenne de mon maître italien, le côté taciturne et renfrogné de mon second instructeur ne m’a pas beaucoup permis de progresser ! En route pour la troisième formation ! Mais deux ans d’attente, tout de même. Cette fois je fus juge assesseur auprès du sévère professeur américain Roy Epperson. Celui-ci non plus n’était pas très loquace, et si j’ai appris quelque chose, c’est en compagne de Valeria Romoli, la juge n° 2, précise, sensible, gaie et, en un mot, agréable, qui n’a pas lésiné sur les conseils et les encouragements.

Après chaque formation, il faut faire remplir à l’instructeur une sorte de crédentiale (comme on dit sur la route de Compostelle), attestant de notre participation et de nos progrès. Ce document est ensuite adressé à l’AIS qui délivre le certificat reconnaissant les aptitudes acquises et faisant de l’apprenti un juge confirmé.

Cependant la qualité de juge n’est pas acquise pour l’éternité. Il faut exercer et faire, encore, la preuve de ces exercices ! La règle est que, pour ne pas perdre la main, sans doute, un juge agréé doit juger pendant au moins cinq heures sur trois années consécutives. Si j’avais suivi strictement le cursus, mon agrément aurait donc été renouvelé une première fois par ma participation au concours FRANCIRIS de 2007, puis de nouveau, par ma présence au CONCORSO FIRENZE de 2008. J’aurais été considéré comme apte à juger jusqu’en 2011. Mais je n’ai pris part à aucune compétition depuis mon séjour à Florence, de sorte que maintenant, je ne figurerais plus sur les listes de l’AIS. Oui, mais en fait je n’ai jamais fait signer de « crédentiale » à mes instructeurs, je ne suis donc jamais devenu juge à part entière !

Cela n’a pas une importance considérable car l’adoubement de l’AIS n’est pas une obligation pour prendre part à un jury et pour que les résultats d’une compétition en Europe puissent être mis en doute : le concours de Florence a suffisamment fait ses preuves pour qu’il ne vienne à l’idée de personne de prétendre qu’il a été apprécié par des juges à la compétence contestable. Et les autres concours font très certainement figure d’anecdote aux yeux des dirigeants de l’AIS.

Est-il alors besoin d’être juge agréé pour être membre d’un jury européen ? Mon avis personnel est que non. Il suffit de bien connaître son sujet et d’être considéré comme tel par ses pairs. En revanche aux USA la fonction de juge est d’une importance majeure en raison des enjeux de la course aux honneurs dans ce pays.








 Illustrations : 
‘Samsara’ (Ransom, 1996) – vainqueur de FRANCIRIS 2000 
‘Belle de Nuit’ (Cayeux, 1999) – vainqueur de FRANCIRIS 2003 
‘Bye Bye Blues’ (G. Sutton, 1996) – vainqueur de FRANCIRIS 2005 
'Morning Sunrise’ (T. Johnson, 2005) – vainqueur de FIORINO D’ORO, Florence 2008

23.11.12

SI RICHE IRIS

Dans sa livraison du 17 novembre 2012, Le Monde Magazine aborde la question de l’utilisation de l’iris en parfumerie :

 « Fantasme des parfumeurs, l’iris est la matière la plus chère de la palette olfactive : 75000 € le kilo. Pourtant cet hiver bat le record du nombre de fragrances lui rendant hommage. ‘’La Vie est Belle ‘’ de Lancôme la décline dans une overdose de patchouli et de sucre, ’’Blanc de Courrèges ‘’ l’infuse de rose et d’amande, l’édition limitée ‘’Terre d’Iris’’ de Miller Harris ressort enfin tandis que Terry de Gunzburg lui dédie son ‘’Ombre Mercure’’. Même Aqua di Parma vient de lancer une version intense de son ‘’Iris Nobile’’. « C’est comme de la truffe, il en faut très peu pour transformer un parfum, confie le nez Francis Kurkdjian qui en a ajouté une touche dans sa formule délicate baptisée « Amyris ». La reconstitution synthétique (150 € le kilo) ne donne pas un résultat aussi élégant. » 

 Les amateurs d’iris ne seront pas insensibles à ces fragrances, à l’heure de choisir un cadeau pour une personne aimée. 

(Information communiquée par Elisabeth Hemme).

ON NE DÉMÉNAGE PAS !

Mon frère, qui est un peu mon webmestre, m'a fait remarquer que si j'avais du mal avec l'interface de Blogger, c'était parce que je m'en servais mal. Dans ces conditions, pourquoi changer ? Essayons de suivre les bons conseils, cela vaudra mieux !

LES PIONNIERS

On ne peut pas parler des pionniers de l’hybridation sans citer les frères Sass. Même s’il est un peu postérieur à celui des autres hybrideurs qui sont apparus dans cette chronique, leur travail a touché tous les aspects de l’irisdom. Ce ne sont plus des précurseurs, mais ce sont sûrement des pionniers puisqu’ils ont défriché de nombreux domaines plus ou moins ignorés avant eux. 





‘Midwest’ (1923) ‘Autumn King’ (1924)  ‘Rameses’ (1929) ‘Wambliska’ (1930)

DANS "LE MIROIR MAGIQUE DE LA RÉALITÉ"

C’est Marcel Proust qui définit le travail de Claude Monet comme étant : « le miroir magique de la réalité ." Ainsi, vue par Monet, la réalité le serait au travers d’un miroir magique, celui qui lui donne une fraîcheur et des couleurs absolument vraies qui désorientera le public de l’époque. Il n’y a pas, semble-t-il, de meilleure définition du travail monumental du premier des impressionnistes. Mais en quoi peut-elle s’appliquer au domaine des iris ? C’est ce que nous allons essayer de voir dans la chronique de ce jour.

Il est curieux de constater combien Monet, dubitatif à propos de son œuvre, et souvent même totalement insatisfait, était sûr de lui quand il parlait d’horticulture ou de botanique. Pour s’en convaincre il n’est que de citer les consignes qu’il donne à son jardinier à un moment où il doit s’absenter de Giverny pour quelques semaines ou quelques mois, comme il le fait presque chaque année. « Semis : environ 300 pots Pavot – 60 pots Pois de senteur – environ 60 pots Anémone blanche – 30 jaune. Sauge bleue – Nymphéa bleu en terrine – Dahlias – iris Kaempferi. Du 15 au 25 mettre les dahlias en végétation sur couche ; bouturer avant mon retour ceux qui sortiront. – Penser aux bulbes de lys. – Si les pivoines arrivent, les mettre de suite en place si le temps le permet, en ayant bien soin d’abriter pendant les premiers temps les bourgeons du froid, comme de l’ardeur du soleil. S’occuper de la taille : les rosiers pas trop longs, sauf les variétés épineuses. En mars semer les gazons, bouturer les petites capucines, avoir bien soin de la serre du gloxinia, des orchidées etc., ainsi que des plantes sous châssis. » Et les consignes continuent sur le même ton péremptoire. Monet est un jardinier extraordinaire, et il n’est pas étonnant que son jardin soit un véritable paradis. Dans ce paradis les iris ont une place de choix, comme on le voit encore à Giverny, où rien n’a été profondément modifié.

L’intérêt pour les iris apparaît dès l’installation des Monet à Giverny. Dans les marais de l’embouchure de l’Epte, là où elle rejoint la Seine, tout près du village, les iris jaunes – I. pseudacorus – se trouvent en abondance, et leurs fleurs gracieuses et légères, associées à la présence de l’eau, ont attiré le peintre dès qu’il a fait connaissance avec les alentours de la maison où il venait de s’installer après des années de déménagements successifs. Il les a peints à plusieurs reprises, d’abord au bord de l’Epte, puis dans son jardin d’eau, tout au long de ses dernières années et principalement entre 1910 et 1926, quand son dessin devient plus flou, au fur et à mesure qu’évoluent sa conception de son art et, plus prosaïquement la qualité de sa vue. On passe d’une touche délicate un jeu de taches jaunes sur le fond où l’eau est figurée par de longs mouvements de couleurs onduleux.

Les autres espèces et variétés d’iris ne l’intéressent pas moins. Il est fier de ce qu’il en a fait dans son jardin, comme cela apparaît dans une lettre à son confrère Gustave Caillebotte, quelque temps avant la disparition prématurée de ce dernier : « Ne manquez pas de venir lundi comme c'est convenu, tous mes iris seront en fleurs, plus tard il y en aurait de passés.» Il les peint, bien sûr, a maintes reprises, sous tous leurs aspects, comme il a toujours fait avec les différents motifs auxquels il s’est attaché, et comme il l’explique poétiquement : « Le nuage qui passe, la brise qui fraîchit, le grain qui menace et qui tombe, le vent qui souffle et s'abat brusquement, la lumière qui décroît et qui renaît, autant de causes, insaisissables pour l’œil des profanes, qui transforment la teinte et défigurent les plans d'eau. »

Ce qui passionne Claude Monet, c’est l’abondance, la profusion même de fleurs. Le jardin de Giverny est un fouillis d’une richesse extraordinaire, qui apparaît encore aujourd’hui. Les iris y sont particulièrement mis en valeur, et la collection qu’il en a réuni est une des plus belles de son époque. L’inondation de 1910, qui la détruira, fut une terrible épreuve pour le peintre qui, cependant, entreprendra aussitôt de la reconstituer. Tant que ses yeux le lui permettront, il peindra ses fleurs, et notamment ses iris, de plus en plus confusément, dans une image que troublent les effets de la cataracte. Mais le miroir magique continuera jusqu’à la fin à transfigurer la beauté des choses.


 Illustrations : 
Iris (1900) 
Iris jaunes (1917) 
Iris jaunes (1924) 
Iris dans le jardin ( ?) 

 Sources :
Monet, une vie dans le paysage, Marianne Alphant, Hazan, 1993. 
Encyclopedia Universalis.

16.11.12

LES PIONNIERS


IX.                Louis Eugène Verdier (1827/1902)

Parmi les pionniers de l’iridophilie,  les Verdier père (Philippe-Victor) et fils, font partie de la première génération. Après le décès de Louis, ses iris ont été récupérés et exploités par la Maison Vilmorin. Ils ont été le point de départ de la vocation de bien des obtenteurs du début du 20e siècle. En voici quatre, représentatifs de ce qui se faisait de mieux à l’époque.






  • ‘Edouard Michel’ (1904)
  • ‘Jeanne d’Arc’ (1907)
  • ‘Parc de Neuilly’ (1910)
  • ‘La Neige’ (1912)

WALTHER CUP ET LES RÊVES DE GLOIRE






La Fred et Barbara Walther Cup est décernée chaque année par l’AIS à l’obtenteur de la variété d'iris qui a reçu le plus grand nombre de voix pour l'attribution d'une Mention Honorable (HM). Toutes les classifications d'iris y sont admissibles. Elle a été créée en mémoire de Barbara Walther et de son mari Fred. Barbara a été la première responsable des Presby Memorial Iris Gardens, installés dès 1927 dans la petite ville de Montclair, dans le New Jersey pour devenir le conservatoire américain des iris.

C’est une récompense qui est très prisée car elle jette un coup de projecteur sur un iris a priori intéressant et, comme elle est attribuée au tout début de la vie commerciale de cet iris, elle garantit à son obtenteur des ventes importantes.

Il a déjà été question de cette récompense dans « Irisenligne » en 2008. Faisons aujourd’hui le point sur les destinées des variétés qui l’ont reçue depuis 1997.

1997 : ‘Fancy Woman’ (Keppel, 1994) - HM 1997, AM 1999, Wister 2001, DM3 2002,
            DM2     2003
1998 : ‘Protocol’ (IB) (Keppel, 1994) - HM 1998, AM 2000, Sass Medal 2002
1999 : ‘Diabolique’ (Schreiner, 1997) - HM 1999, AM 2001, Wister 2003
2000 : ‘Midnight Oil’ (Keppel, 1997) - HM 2000, AM 2002
2001 : ‘Starwoman’ (IB) (M. Smith, 1997) - HM 2001, AM 2003, Sass Medal 2005,
            DM2 2006, DM2 2007,Dykes 2008
2002 : ‘Happenstance’ (Keppel, 2000) - HM 2002, AM 2004, Wister 2006
2003 : ‘Delirium’ (IB) (M. Smith, 1999) - HM 2003, AM 2005, Sass 2007
2004 : ‘Cat’s Eye’ (SDB) (Black, 2002) - HM 2004, AM 2006, Cook 2008
2005 : ‘Paul Black’ (T. Johnson, 2002) - HM 2005, FO 2005, AM 2007, Wister 2009,
             Dykes 2010
2006 : ‘Decadence’ (B. Blyth, 2001) - HM 2006, AM 2008, Wister 2010
2007 : ‘Florentine Silk’ (Keppel, 2004) - HM 2007, FCC 2007, AM 2009, Wister 2011,
             Dykes 2012

A lire cette énumération, on s’aperçoit que les détenteurs de la Walther Cup font tous une jolie carrière. Ce qui démontre que les juges qui la leur attribuent ne se trompent pas dans leur choix. En effet, au moment où ils les récompensent, ils ne peuvent pas encore être influencés par une distribution importante ou un lobbying bien orchestré : ils désignent une variété récente, qui commence seulement à se répandre. Mais il n’est pas douteux que la Walther Cup mette sérieusement le pied à l’étrier à la variété qui la reçoit. Elles ont presque toutes parcouru l’échelle des honneurs à la vitesse maximale et ont atteint le plus haut degré de leur catégorie en un temps record. Quelques-unes ont eu, en plus, quelque distinction prestigieuse : trois Médailles de Dykes, un Florin d’Or.

La plus brillante destinée a été celle de ‘Paul Black’. Non seulement il n'a mis que huit ans pour grimper toute l’échelle des récompenses (cinq seulement depuis son HM), mais en 2011 il a déjà plus de 20 descendants enregistrés. En ce domaine ‘Rippling Waters’ (Fay, 1961) n’a atteint dans toute sa vie « active » que 382 descendants directs,  et ‘Sky Hooks’ (Osborne, 1979) 292, ce qui semble assurer à ‘Paul Black’ de devenir un des meilleurs géniteurs de toute l’histoire. On peut parier que dans quelques années la plupart des iris sur le marché seront à un degré ou à un autre des descendants de ‘Paul Black’.

‘Starwoman’ a eu également une carrière exceptionnelle. Il a eu du mal à obtenir la Médaille de Dykes, mais il l’a eue et est le premier iris intermédiaire à l’avoir obtenue.

‘Florentine Silk’ a fait un parcours éclair. ‘Decadence’ a été le premier iris non-américain à la recevoir. Enfin ‘Fancy Woman’ n’a raté que d’un cheveu, et par deux fois, la Médaille de Dykes, certainement en raison des son modèle – luminata – encore un peu déroutant.

Notons pour finir la présence au palmarès, à cinq reprises, du nom de Keith Keppel. Cet obtenteur est assurément le souverain actuel du royaume des iris.

ON DÉMÉNAGE ?

Il est vraisemblable que la semaine prochaine "Irisenligne" aura changé d'hébergeur. En effet je suis de plus en plus insatisfait de l'interface mise par Blogger à la disposition des blogueurs. Donc je vais très certainement aller m'installer à une nouvelle adresse. Mais le lien existera entre l'actuelle et la prochaine, de sorte que les lecteurs trouveront automatiquement le nouvel emplacement.

10.11.12

LES PIONNIERS


IX.                Amos Perry (1871/1953)

De tous les obtenteurs que la Grande Bretagne a donné au monde des iris, Amos Perry est l’un des plus importants. On pourrait d’ailleurs dire la même chose pour chacune des plantes auxquelles il s’est intéressé. Les quatre variétés ci-dessus donnent un aperçu de son labeur.





  • ‘Black Prince’ (1900)
  • ‘G.P. Baker’ (1930)
  • ‘Mary Poole’ (1930)
  • ‘Empress of India’ (1938)

UN CHARDON DANS LA PIMPRENELLE


UN CHARDON DANS LA PIMPRENELLE
(désherbage et méditation)

« Je me rend compte que j’ai une différence d’appréciation avec Dame Nature à propos de mes massifs de vivaces. Je pense qu’il s’agit d’un jardin fleuri, elle croit que c’est une prairie où il manque de l’herbe, et elle essaie de corriger l’erreur. »
Sara Stein(1).

Ça va vous paraître paradoxal si je vous annonce que je vais faire ici l’éloge du désherbage. Pourtant c’est ce dont il va être question dans cette chronique. En effet, au mois de juillet, j’ai passé plusieurs journées à ce travail qui a mauvaise réputation, et, somme toute, je n’ai pas détesté ça !

Je m’y suis mis entre la fin de la pluie et le début de la chaleur. C’est qu’un jardin d’iris, c’est un endroit dégagé, où le vent est vif et le soleil vigoureux ! La perspective de plusieurs heures dans ces conditions exige qu’on choisisse précisément les conditions météo. Vous me suivez ?

Vous vous dites peut-être que je vous fait le coup de la coquetterie : « Il tient à tout prix à se montrer intéressant, le vieux, mais il est en fait comme les copains, le désherbage, ça le barbe et ça lui fait mal au dos ! » Eh bien vous n’y êtes pas du tout ! Je suis sincère. Je ne dis pas que j’aime le désherbage, mais je lui trouve des agréments. Je vous explique, et je commence par vous décrire comment je désherbe. Puisque mes iris se présentent sur deux rangs parallèles, j’arrache d’abord sur une moitié de la bordure, puis sur l’autre. Et comme le milieu de la bordure se trouve à peu près à l’extrémité de mon bras tendu, je puis tranquillement m’asseoir dans l’allée et arracher sans me plier l’échine. Vous allez vous moquer de moi : « Ha ! Le beau jardinier qui se traîne dans l’herbe ! Ça c’est du boulot ! » Vous pouvez dire ce que vous voulez, cela ne m’émeut pas et je continue d’affirmer que, ridicule ou pas, ma position de travail est confortable et peu fatigante. Dans une autre vie, j’ai été formé à l’ergonomie, et j’ai passé beaucoup de temps à expliquer à des manutentionnaires comment il devaient se positionner pour soulever des colis. Je sais de quoi je parle quand je vous dis qu’assis, je ne plie pas le dos et que je n’ai pas mal au rein en fin de journée. Pratiqué dans ces conditions, « à sa main » et sans se presser, le désherbage ne s’avère pas une corvée trop pénible. Il semble même que ce soit un moment auquel on peut trouver de l’intérêt. J’en vois sur deux plans : La tête à proximité du sol, on apprécie les moindres détails de la vie du jardin ; pendant que les mains travaillent, l’esprit peut librement vagabonder.

Le désherbage manuel vous fait vivre votre jardin comme vous ne le vivriez pas en restant dans la position verticale. Rien ne vous échappe : les plus infimes variations de la composition du sol, immédiatement repérées à l’apparition ou la disparition de telle ou telle espèce d’adventice, les petits hôtes des massifs, fourmis, punaises, petits coléoptères… Les plus insidieuses attaques de maladie, aussi, hélas et heureusement ! La moindre variation de l’environnement apporte son lot de modification dans la flore : tel arbuste a-t-il pris un peu d’extension, aussitôt les herbes qui poussent à son pied vont changer. Un peu plus d’ombre et la vesce cède la place à la violette, un peu plus de sécheresse et le sédum fait son apparition… Le spectacle change à peu près tous les deux mètres, et sans cette proximité qu’autorise le désherbage, on le manquerait à coup sûr.

Ce travail en lui-même n’exige pas une tension intellectuelle, et les gestes laissent le temps à la méditation. C’est un peu comme la pêche à la ligne : on fait attention à ce qui se passe, mais l’esprit est tout de même suffisamment libre. Alors pourquoi la pêche est-elle considérée comme un loisir, alors que le désherbage fait figure d’épouvantail ? Est-ce donc si plaisant de planter un hameçon dans l’abdomen d’un asticot ? Est-ce donc si fastidieux d’attraper des poignées d’herbe en se tenant au plus près du sol ? Choisissez le désherbage : les sujets de réflexion les plus divers vous viendront à l’esprit, dans un désordre total, un peu comme un rêve éveillé, inspirés aussi bien par le spectacle de la nature que par les bruits de l’environnement : le gazouillis du rouge-gorge qui est au-dessus de vous et qui guette le vermisseau dérangé par votre passage et qui va faire son repas ; le vrombissement d’une machine agricole qui moissonne sur le coteau ; la sirène d’une ambulance qui passe là-bas sur la route ; chez le voisin, le caquètement de la poule qui vient de pondre…Tout cela devient l’occasion d’une réflexion qui peut fort bien devenir des plus sérieuses, allant d’un petit événement familial aux conséquences des dernières élections ; mais qui peut tout aussi bien évoquer les usages différents de la ponctuation en anglais et en français, tout comme l’intérêt d'adapter la Constitution allemande à l’organisation d’une hypothétique Europe Fédérale !

Souvent, un détail, un minuscule incident détourne votre attention : Tiens ! Voyez cette grosse épeire au ventre tout rond qui se dépêche de quitter la zone de désherbage ; et pourquoi cette touffe de chardon est-elle venue se loger au milieu de ces pimprenelles ?

Le temps s’écoule et les grandes herbes qui enlaidissent votre plantation passent de la plate-bande à l’allée qu’elles quitteront bientôt pour le compost. Me prendrez-vous au sérieux si je vous affirme, parodiant Mme de Sévigné, que désherber est la plus agréable des choses, c’est arracher de l’herbe en rêvassant dans le jardin ?

(1) – Cité dans le blog de Terry Johnson.





2.11.12

LES PIONNIERS


VIII.            Max-Josef Goos (1858/1917) et August Koenemann (1848/1910)

On oublie facilement que pendant tout le début du 20e siècle, les allemands Goos et Koenemann, associés dès leurs vingt ans, ont obtenu et commercialisé des variétés d’iris parmi les plus belles de leur époque. En voici un échantillon :


  • ‘Fro’ (1909)
  • ‘Lohengrin’ (1910)
  • ‘Nothung’ (1913)
  • ‘Kastor’ (1914)

LA FLEUR DU MOIS


‘H.C. STETSON’


La grande année pour ‘H.C. Stetson’ (Rob Stetson, 2001), a été celle de son enregistrement, au cours de laquelle il a obtenu deux belles récompenses : le Florin d’Or, à Florence, et la troisième place au concours allemand qui se déroulait encore et pour la dernière fois au Palmengarten de Frankfurt. Ces deux distinctions n’ont rien d’usurpé car ‘H.C. Stetson’ est un iris bourré de qualités.

La description fournie pour l’enregistrement est très détaillée : « Variété ondulée rose très pâle, s’intensifiant sur les côtes et la base des sépales, et sur les épaules des sépales ; crête du style rose pâle ; barbes bleu pâle pointées de blanc, entièrement blanches au centre, rose pâle pointé de mandarine dans la gorge ; parfum léger et doux. Art School Angel X Elizabeth Poldark. » Elle est absolument exacte et dit bien le côté tendre et délicat de la fleur.

‘Art School Angel (Vizvarie, 1989), parent femelle de ‘H.C. Stetson’, est un rostrata blanc, dont le pedigree s’écrit (Sky Hooks X Twice Thrilling), autrement dit un rostrata de rostratas. Pourtant pas d’appendices pétaloïdes chez leur descendant…’Twice Thrilling’ possède la couleur rose qui imprègne ‘H.C. Stetson’ il joue donc un rôle dans son coloris. Côté mâle, tout le monde connaît ‘Elizabeth Poldark’ (Nichol, 1990), la belle anglaise immaculée. C’est par-là qu’il faut en partie chercher la teinte rose de notre héros du jour. En effet son pedigree est (Mary Frances X Paradise), et le rose, c’est ‘Paradise’ (Gatty, 1980), lui-même issu d’un croisement endogamique (Playgirl X (May Dancer x Princess).

Dans l’autre sens, c’est à dire en regardant vers la descendance de ‘H.C. Stetson’, on ne trouve pas grand’ chose. A vrai dire c’est même la portion congrue puisqu’on ne lui connaît jusqu’à présent qu’un seul rejeton, ‘Conte de Fées’ (Bersillon, 2009) pour qui il a été croisé avec ‘About Town’ (Blyth, 1996), un bitone mauve et prune, ce qui lui donne ses pétales roses et ses sépales mauve pastel.

Robert Stetson, décédé prématurément en 2007, avait de fortes attaches en France. Il avait donc envoyé des iris aux concours FRANCIRIS de 2005 et de 2007. ‘H.C. Stetson’ était présent au concours de 2005, ainsi que quelques autres de ses compagnons d’écurie. Les aléas d’un concours ponctuel ont fait qu’il ne devait pas être au mieux de sa forme cette année-là, de sorte qu’il n’a pas atteint le podium. En revanche une autre variété Stetson a été remarquée en 2007. Il s’agit de ‘Finnigan’s Finagling Factor’ (Stetson, 2004), amoena bleu à fort pouvoir végétatif, doté de puissants éperons bleus.

Il n’y a que deux ans que ‘H.C. Stetson’ fleurit dans mon jardin.  Je l’avais admiré à Florence en 2009, où il trônait dans la bordure nouvellement créée pour regrouper les lauréats des concours passés. J’en ai parlé dans ce blog, et Lawrence Ransom, avec sa générosité caractéristique, m’en a envoyé un morceau qui a fleuri dès le printemps suivant. Cette année il a été splendide, couvert de fleurs délicieuses et qui tiennent longtemps. Si vous n’avez pas encore ‘H.C. Stetson’ dans votre collection, je vous conseille vivement de vous le procurer.

Illustrations :

-         H.C. Stetson
-         ‘Art School Angel’
-         ‘Elizabeth Poldark’
-         ‘Conte de Fées’

ECHOS DU MONDE DES IRIS


D’Ouzbékistan

Au hasard d’une recherche sur Internet, je suis tombé sur cette planche de timbres-poste d’Ouzbékistan où j’ai retrouvé des fleurs, obtentions d’Adolf Volfovitch-Moler, dont cinq sur sept font partie de ma collection ! Adolf Volfovitch-Moler, géophysicien ouzbek d’origine russe, était une personnalité connue dans son pays, davantage sans doute pour ses iris que pour ses travaux scientifiques. Son fils, Vladimir, a repris l’hybridation et enregistre souvent de nouvelles variétés.

ALLAN G. ENSMINGER


l’homme qui a mis les couleurs en morceaux

Qui est né au plus profond des Etats-Unis, a vécu 98 ans, a travaillé 37 ans pour le même patron, habité 64 ans au même endroit, et voué à son épouse un amour ineffable ? Réponse : Allan G. Ensminger.

Ce fut un homme simple, droit, fidèle et courageux. Il a connu une existence on ne peut plus banale, et pourtant il est connu pour l’originalité de ses créations.

C’est effectivement un pur produit de l’Amérique profonde, un enfant du Kentucky qui, de toute sa vie, n’a fait que traverser le Mississipi pour aller vivre dans le Nebraska. Sa vie professionnelle s’est déroulée en tant que cadre dans l’entreprise de pneumatiques Goodyear, pendant 37 ans. Ce n’est qu’en fin de carrière qu’il a quitté Lincoln, capitale du Nebraska, pour promouvoir outremer les produits de sa boîte, au Mexique, en Iran et en Irlande. Dès qu’il a pu, il est revenu à Lincoln, vivre tranquillement une longue et active retraite, auprès de sa très chère épouse Gladys. Il est mort en 2010, à l’âge de 98 ans, après quelques années passées en maison de retraite. C’était une fin ordinaire, pour cet homme actif, toujours à la recherche de la nouveauté.

Il s’est très tôt intéressé aux iris, et dès qu’il a pu il y a consacré tout son temps. Sa pépinière s’appelait Varigay iris Garden. Installée dans la banlieue de Lincoln, il y a créé un grand nombre de nouveaux iris (environ 150 ont été enregistrés), dans toutes les catégories. A près de 90 ans il parcourait encore ses champs d’iris pour y sélectionner et évaluer ses semis.

Il est connu dans le monde entier pour ses iris « maculosa » ou « broken color » comme on dit le plus souvent. On peut même dire qu’il lui revient d’avoir pratiquement créé et défini les BC tels que nous les connaissons aujourd’hui. Certes, avant lui certains avaient remarqué ces iris aux couleurs incertaines et présumé le succès qui pourrait être le leur, mais personne n’avait autant exploité ce filon avec autant de constance et de persévérance, et avec autant de réussite. Il a créé des iris vraiment nouveaux, mais n’a pas cherché à les imposer, au risque de s’attirer les sarcasmes des juges et le rejet du public. Il a commencé, fort astucieusement, à les présenter comme des fleurs de fantaisie, tout juste bonnes à faire sourire les visiteurs des jardins. Il n’a même pas enregistré ses premiers semis : il les vendait à la grosse, en disant simplement : « Essayez ça, c’est pas cher, et ça va intriguer vos amis ! » Cette façon de décrire ce qui n’avait pas encore de nom  a effectivement attiré l’attention des iridophiles et rencontré un certain succès. Pendant ce temps les semis d’Ensminger gagnaient en qualité et en élégance. De sorte qu’un beau jour il s’est décidé à leur faire franchir la grande porte et à les commercialiser comme des iris à part entière. Il y a eu les protestations effarouchées des conservateurs et des pusillanimes, mais le public a adhéré et les « broken color » sont entrés dans la course aux honneurs aux côtés des majestueuses productions de la maison Schreiner, alors souveraine sur le marché. Il y eut ‘Doodle Strudel’ (1976), ‘Inty Greyshun’ (1979), ‘Pandora’s Purple’ (1980), le célèbre ‘Batik’ (1981), considéré comme BB, mais qui atteint facilement la hauteur d’un vrai TB sous les ciels les plus cléments… L’affaire était lancée.  Ensuite vinrent les grands succès comme ‘Painted Plic’ (1983), ‘Maria Tormena’ (1987), ‘Peach Jam’ (1989), ‘Brindled Beauty’ (1994). D’autres obtenteurs ont rejoint le filon, la plupart du temps en utilisant les variétés d’Ensminger comme parents de leurs propres obtentions. C’est le cas de Brad Kasperek, qui se glorifie d’être l’héritier du maître de Varigay Garden. Aujourd’hui de très nombreux obtenteurs glissent au milieu de leurs collections des variétés « broken color », car le modèle ne fait plus peur, même si, parfois, les mélanges de couleurs ne sont pas bien esthétiques.

Mais là ne s’arrêtent pas son travail et il y a également à son crédit bien d’autres jolies choses. Car il aussi participé à l’amélioration d’un modèle difficile d’amoena, celui qui allie le blanc et le rose. Ce fut même le premier thème de son labeur. Il a commencé par proposer, dans ce domaine, ‘Almost Gladys’ (1978), en crème et rose corail. Le BB ‘Sonja’s Sela’ (1988) en est la plus belle suite, car ‘Karen Christine’ (1984) n’a pas atteint la même qualité. Mais c’est avec ‘Gladys my Love’ (1998), que l’on peut dire qu’il a atteint son but, et en dédiant cet iris à son épouse il en a fait une émouvante preuve d’amour.

Dans d’autres domaines, il s’est essayé avec plus ou moins de bonheur :
  • ‘Jazzebel’ (1987) intervient dans la lignée du modèle « Spinning Wheel » ;
  • Le petit ‘Suncatcher’ (1991) n’est qu’un jaune somme toute assez banal ;
  • ‘Joy Joy Joy’ (1995) retrouve une forme d’amoena bleu avec des parents BC ;
  • ‘Out of Nowhere’ (2003), très remarqué lors de sa présentation au concours de Florence, restera son chant du cygne.
Cependant, quelles que soient les qualités de ces différentes tentatives, le nom d’Ensminger est définitivement associé au modèle « broken color », et c’est en cela lui reconnaître le mérite qu’il a eu d’y croire et d’insister.





Illustrations :
-         ‘Maria Tormena’
-         ‘Peach Jam’
-         ‘Gladys My Love’
-         ‘Out of Nowhere’