28.9.12

CARACTÈRES D'UN BON IRIS

Il y a quelques semaines une discussion a eu lieu sur le forum de la SFIB à propos d’une variété récente, ‘Apostrophe’ (Cayeux, 2010). En effet une participante à ce forum y a exprimé une appréciation marquée alors que d’autres – dont je suis – ont fait part de leurs réserves. Cela a fait rebondir un vieux débat : à quoi reconnaît-on ce qui fait un iris de qualité ? Sur ces entrefaites, j’ai retrouvé, dans le bulletin n° 1 de la SFAI ( l’ancêtre de la SFIB), daté de 1969, un texte de Jean Cayeux qui fait le point sur les caractères d’un bon iris. Je vais partir de cet article pour ma chronique d’aujourd’hui.

On peut en fait classer les caractéristiques d’un iris en trois catégories : celles liées à la plante proprement dite, celles concernant le comportement de la plante dans la nature et celles intéressant la fleur. L’ordre dans lequel ces caractères sont appréciés peut varier en fonction de la sensibilité de chacun, mais d’une manière générale il est admis que les préséances s’établissent comme je viens de les écrire. Quand on dit « il est admis », cela signifie qu’il s’agit de l’avis de l’ensemble des professionnels et des amateurs éclairés parmi lesquels se trouvent les juges qui interviennent dans l’attribution des récompenses annuelles.

Au premier rang des caractères importants se situent les qualités de la plante, qu’il ne faut pas confondre avec ses qualités végétatives. Les premières concernent essentiellement le rhizome, le feuillage, les tiges, la résistance aux maladies et l’aptitude à produire des graines. Le rhizome, qui est la réserve de nourriture de la plante et celle de son potentiel génétique doit évidemment avoir un bon développement, être robuste, doté de racines puissantes et saines ; il doit donner chaque année un minimum de trois à quatre nouveaux rhizomes. Avec le feuillage on aborde les parties visibles de la plante ; Jean Cayeux écrit à son propos : « L’idéal serait un feuillage très résistant, nécessitant le minimum de traitements de façon à faire une masse toujours propre pendant la belle saison ». J’ajouterai qu’il doit donc avoir un développement important, mais pas excessif, une couleur franche et saine, et une hauteur régulière en rapport avec celle des tiges florales. Celles-ci, comme dit Jean Cayeux, « en plus de ramifications bien développées, doivent avoir suffisamment de fermeté pour résister à des vents normaux ». Il faut qu’elles aient la force de soutenir plusieurs lourdes fleurs ouvertes en même temps, et que les ramifications latérales s’écartent suffisamment de la tige elle-même pour permettre aux fleurs qu’elles portent de s’épanouir librement. Elles doivent s’élever au-dessus du feuillage pour que les fleurs soient bien visibles, mais pas prendre une hauteur exagérée qui donnerait à l’ensemble un air dégingandé peu esthétique. Pour apprécier la résistance aux maladies, il faut, dit J. Cayeux, « des essais sur un minimum de deux ou trois ans pour (…) permettre de bannir tout iris à pourcentage trop élevé de pieds malades. » Enfin il est intéressant que la plante sache se reproduire par graine. Les variétés totalement stériles arrêtent la progression de l’espèce, celles qui ne sont fécondes que dans un sens limitent cet espoir de progression, et si le nombre de graines normalement produites est faible, les chances d’obtenir des descendants de qualité sont forcément restreintes.

 Le comportement de la plante dans le jardin est aussi un critère important. Sur ce chapitre, Jean Cayeux s’est exprimé si clairement que son opinion doit être reproduite dans sa quasi-intégralité : « Un des grands charmes de l’iris à l’origine, avec la magnificence et l’abondance de sa floraison, réside dans sa facilité de culture, sa résistance au froid et aux maladies et sa spontanéité. Ces caractères ne doivent en aucun cas être sacrifiés pour l’amélioration des fleurs. Ils doivent être maintenus dans leur intégralité car les iris, comme toutes les plantes vivaces ont une floraison abondante mais limitée dans le temps. Ils doivent continuer à ne réclamer qu’un minimum de soins. Naturellement les observations qui suivent présupposent des conditions de culture normales pour l’iris, c’est à dire un sol peu acide, très perméable, parfaitement drainé et bien ensoleillé. (…) Nos iris actuels résultent de l’hybridation d’espèces sauvages bien adaptées à nos climats avec d’autres, souvent originaires du bassin méditerranéen et de ce fait résistant de manière très variable à nos hivers. Il est donc normal que dans la descendance, même lointaine, de ces hybridations, apparaissent parfois des sujets moins résistants aux froids. Ceux-ci seront naturellement éliminés après des essais d’au moins deux ou trois ans pour bien juger de leur comportement à cet égard. Certains autres ont une végétation très abondante presque continue (…). Dans des régions à climat continental, où les gelées arrêtent dès l’automne la végétation, ils se comportent mieux que sous des climats plus tempérés où ils ont tendance à souffrir des alternances de temps doux suivis de gelées soudaines. Enfin certains hybrideurs des régions chaudes (1) (…) peuvent difficilement juger la résistance au froid de leurs obtentions et introduire ainsi des nouveautés qu’il est prudent d’essayer auparavant ». Ajoutons qu’une plante qui pousse mal, ou difficilement, apportera bien des déceptions à celui qui la cultive.

Viennent pour finir les considérations concernant la fleur proprement dite. Solidité, substance et forme doivent être examinées en premier lieu car c’est un élément primordial. « Des pétales trop mous, trop minces, n’auront aucune tenue et ne résisteront ni aux pluies, ni aux vents (2). Il en résultera une fleur toujours déformée sur laquelle le coloris ne sera jamais mis en valeur ». Il importe aussi que les pétales restent dressés et que les sépales ne retombent pas trop (à ce sujet, Barry Blyth, lors de son séjour en France, a répété qu’il était d’avis que, sur les grands iris, des sépales restant très horizontaux n’étaient pas assez visibles et nuisaient à la contemplation de la fleur). Les ondulations contribuent à cette bonne tenue en conférant à la fleur une certaine rigidité. Par ailleurs, comme précise Jean Cayeux, « L’élégance des fleurs dépend et de leur forme et de leurs proportions ». Pour la forme, les goûts et les modes évoluent, mais le souci de l’harmonie des proportions reste immuable. Le nombre des boutons par tige doit être aussi important que possible car « il va de soi que plus une tige possède de boutons plus longue et plus généreuse sera la floraison ». Et la disposition des fleurs au long de la tige contribue largement à la tenue et à la bonne présentation de l’iris. Jean Cayeux précise que : « …sont à proscrire les variétés dont les ramifications commencent trop haut sur la hampe et dont les branches trop serrées nuisent au bon épanouissement des fleurs qui se présentent alors en paquet informe ». J’ajouterai, pour la bonne présentation de la hampe que la floraison doit aller du bas vers le haut pour permettre à chaque fleur d’éclore sans être gênée par les restes de la fleur précédente et placer le centre de gravité de la tige le plus bas possible, pour sa bonne résistance aux intempéries.

De quoi reste-t-il à parler ? De la couleur de la fleur ! En cette matière, les goûts de chacun trouveront à s’exprimer, mais Jean Cayeux insiste : « …quelle que soit cette couleur, il faut toujours considérer en premier lieu sa pureté. (…) Cette pureté ( et non uniformité) fera toujours ressortir l’ensemble de la teinte quelle que soit son intensité ». Et pour terminer, il ajoute : « Autre point essentiel : la fixité des coloris. Sont à éliminer les variétés dont la fleur, sous l’influence du soleil ou du vent, à tendance à brûler (3). Rien n’est plus disgracieux que de voir parmi des fleurs fraîchement épanouies celles de la veille, blanchies ou brûlées ».

Jean Cayeux désigne, ainsi les variétés – récentes à l’époque de la rédaction de l’article – ‘Stepping Out’ (Schreiner, 1964) et ‘Amethyst Flame’ (Shreiner, 1957) comme étant exemplaires.

Ce sont ces caractères que, dans les compétitions, les juges vont examiner. Ils feront leur travail avec minutie et honnêteté. Evidemment ils seront sensibles aux effets de mode, aux engouements du public, mais, même s’il leur arrive de commettre collectivement des erreurs, la liste des variétés récompensées comporte peu de cultivars décevants, jamais il n’en est de médiocres ; ce qu’on peut qualifier d’erreurs est plutôt le fait d’oubli car, dans la masse extraordinaire des variétés à apprécier, il y en aura toujours qui passeront à côté de ce qui leur serait du. La chance à aussi sa place dans ces affaires.

(1) C’est sans doute ce qui fait que de nombreux amateurs français se plaignent, par exemple, de certains iris de Joë Ghio, originaires d’un secteur très méditerranéen de la Californie. 
(2) Ci-joint une photo d’une obtention personnelle, retoquée pour ce motif. 
(3) Beaucoup d’iris bruns ou mordorés se trouvent dans ce cas. 

Illustrations :

 ‘Amethyst Flame’ (Schreiner, 1957 – DM 1963), un « historique » justement récompensé ;
‘Designer Gown’ (J. Ghio, 1985), une variété souvent fragile ; 

‘Fumée sans Feu’ (S. Ruaud, non enregistré), un semis sans réelle valeur, hormis son coloris ;
‘Autumn Echo’ (J . Gibson, 1975), un iris qui « passe » très rapidement.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

La lecture d'un long texte sans paragraphes est désagréable, fait mal aux yeux et donne l'indigestion au lecteur.

Sylvain Ruaud a dit…

Le lecteur a raison !

Blogger a changé son interface et je ne me suis pas rendu compte qu'il ne tenait plus compte de la mise en page proposée !

Avec mes excuses et l'assurance que cela ne se produira plus...

gerard a dit…

Excellente présentation du problème. Si l'on devait suivre à la lettre ces judicieux conseils, cela appauvrirait sans doute bien des catalogues et enrichirait d'autant les tas de compost !