29.6.12

UNE MÉDAILLE FRANÇAISE


Les amateurs savent qu’il existe deux grandes sortes de compétitions(1) en matière d’iris : Les concours et les médailles. Les concours sont des compétitions d’un jour, les médailles sont attribuées après un cursus de longue durée. Un concours reconnaît les mérites d’une variété là où elle est jugée et au jour où il se déroule. Une médaille récompense une variété qui a été suivie sur le long terme par un grand nombre de juges qui l’ont appréciée en plusieurs lieux et sur plusieurs années. Les finalités sont donc tout à fait différentes, même si les résultats ne sont pas forcément foncièrement opposés.

L’exemple même du concours, c’est celui qui se déroule chaque printemps à Florence. Une centaine de variétés récentes, cultivées pendant trois ans, dans des conditions identiques, sont présentées à un panel de juges agréés, qui les examinent pendant une petite semaine et apprécient leurs qualités en fonction d’un certain nombre de critères rigoureusement retenus et dotés d’un coefficient qui tempère ou accentue l’importance de la note en fonction de la valeur qui leur est attribuée. Le jury, après discussion, désigne les attributaires des différents prix en jeu.

La médaille la plus recherchée, et la plus difficile à obtenir, est la Médaille de Dykes américaine, qui récompense la variété qui a obtenu le plus de points, de la part d’une multitude de juges officiels, au bout d’un parcours marqué par plusieurs étapes et qui s’étale sur une dizaine d’années. C’est une course par élimination, très relevée, qui finit par récompenser une variété aux qualités multiples et constatables en tous lieux et sous tous les climats rencontrés aux USA. L’iris qui triomphe chaque année est une variété éprouvée, suffisamment commercialisée pour pouvoir être vue dans un maximum de jardins, par un maximum de juges. Un iris, fut-il le meilleur du monde, n’a aucune chance de l’emporter si sa distribution est restée confidentielle. Mais une variété médiocre, quand bien même elle serait présente dans tous les jardins du pays, ne réussira pas obtenir assez de bonnes notes pour être distinguée.

Les deux compétitions, pour être très différentes dans leur principe, parviennent au final à désigner des plantes à la fois belles, résistantes, vigoureuses et florifères. Il n’est pas rare qu’une même variété l’emporte dans les deux défis. Ce fut le cas, par exemple, de
· ‘Dusky Challenger’ (Schreiner, 1986) – Florin d’Or en 1989, DM en 1992 ;
· ‘Conjuration’ (Byers, 1989) – Florin d’Or en 1993, DM en 1998 ;
· ‘Celebration Song’ (Schreiner, 1993) – Florin d’Or en 1996, DM en 2003 ;
· ‘Paul Black’ (T. Johnson, 2002) – Florin d’Or en 2005, DM en 2010.

L’organisation des ces deux types de compétition n’est pas comparable. Dans le cas d’un concours, il suffit d’une centaine de plantes, d’un lieu où se déroulera la confrontation, d’une culture des iris pendant seulement deux ou trois ans, et de la réunion d’un jury de cinq juges pendant une semaine. Le coût d’une telle organisation est relativement important, mais n’exige qu’une logistique réduite. Pour une médaille il faut un nombre jardins agréés aussi important que possible, des plantes présentes dans la plupart de ces jardins pendant un grand nombre d’années, de nombreux juges qui circuleront de jardins en jardins pendant toute la durée du cursus et s’intéresseront aux plantes qu’on leur aura désignées comme susceptibles d’être jugées pour chaque étape de la compétition. Les moyens logistiques à mettre en œuvre sont presque inexistants, les frais à engager par les organisateurs sont minimes – les juges sont bénévoles -, mais il faut disposer d’un nombre de jardins et de juges important. Un concours peut être mis en place par un très petit nombre de volontaires, alors qu’une médaille nécessite une grande quantité de personnes compétentes.

Dans un pays comme la France, un concours peut avoir lieu assez facilement, mais un cursus de médaille n’est pas actuellement possible. Certes on peut agréer un nombre de jardins suffisant, mais où trouver les juges ? Quand bien même ces juges seraient en nombre appréciable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, auraient-ils la disponibilité et les moyens de se déplacer à travers tout le pays, pendant trois semaines chaque année ? La réponse est évidemment négative. Il n’y a donc aucun espoir de voir renaître, à court terme, une Médaille de Dykes française. D’ailleurs celle qui a été décernée pendant les années 1930 ne l’a été que lors d’une compétition symbolique.

Peut-on, alors imaginer une Médaille européenne ? J’en doute fortement. Ce qui me conduit à dire que cela n’est guère envisageable ce sont, d’une part l’obstacle linguistique qui sépare des organismes nationaux qui n’ont aujourd’hui aucun contact entre eux et ne peuvent guère en avoir faute de pouvoir se comprendre, d’autre part la durée et le coût, pour les juges, de déplacements encore plus lointains que ceux qu’ils auraient à faire dans notre seul pays.

Ce qui est réalisable et qui existe aux Etats-Unis, ne me paraît pas transposable en France, ni même en Europe. Le problème des juges est le plus préoccupant : aux Etats-Unis ils sont nombreux, répartis sur tout le territoire, et chacun peut ne faire que de courts déplacements pour visiter un nombre raisonnable de jardins d’exposition ; en Europe ils se comptent sur les doigts d’une main et ils devraient accomplir de longs et coûteux voyages pour rendre visite aux jardins sélectionnés. Il faudra donc nous contenter, dans notre ancien monde, de concours, au demeurant tout à fait honorables et largement prisés par les obtenteurs qui envoient des iris à la compétition.

(1) La question des concours de popularité sera abordée ultérieurement.

Iconographie :
‘Antigone’ (F. Cayeux, 1937 –MDF 1938) dernière variété française à avoir reçu la MDF ;
‘Aurélie’ (R. Cayeux, 2002 – FO 2007) seule variété française à avoir obtenu le Florin d’Or ;
‘Samsara’ (Ransom, 1996) vainqueur du concours Franciris 2000 ;
‘Mer du Sud’ (R. Cayeux, 1997) vainqueur du concours IRIADE 2003.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,
La médaille de Dykes européenne existe déjà. . . celle qui est donné (pas tous les ans, c'est vrai) en Angleterre est celle qui peut-être gagné par un iris développé en Europe, à condition que l'iris soit envoyé en Angleterre et qu'il gagne d'abord un récompense qui s'appelle AGC, "Award of Garden Commendation". Pas un chemin aussi long qu'aux Etats-Unis, mais aussi difficile à décrocher !