4.5.12

LA FLEUR DU MOIS



Les iris d’Igor Fédoroff

Il y a longtemps que je voulais parler des iris d’Igor Fédoroff. Par amitié pour l’homme et par admiration pour son travail. Un mot d’abord de la personne. I. Fédoroff a été pendant sa vie professionnelle agent municipal de la ville de La Valette du Var, près de Toulon. Il a eu une existence toute de droiture et d’honnêteté, marquée par des épreuves familiales difficiles. Il s’est intéressé assez tôt aux iris et, dans les années 70 s’est constitué une collection magnifique, essentiellement américaine, avec des variétés commandées directement aux USA et qu’il était le seul en France à posséder. Il cultivait cela dans l’arrière-pays varois, sur une terre ingrate, mais baignée de soleil. Les iris se plaisait parmi le thym et les cistes. Mais par commodité Igor Fédoroff faisait pousser ses semis sur son balcon ! On est loin des milliers de petits iris plantés par les grands obtenteurs américains. Cependant cet espace dérisoire a vu naître des variétés solides et bien venues, souvent originales, à qui il n’a manqué, pour acquérir la renommée qu’elles méritaient, que d’être mises sur le marché et diffusées par une pépinière ayant pignon sur jardin. Car la seule publicité qu’elles ont jamais reçue a été la publication de certaines de leur photos dans la revue de la SFIB, et leur appréciation par le public au Critérium de l’Iris du Parc de La Source à Orléans où elles ont été scrupuleusement envoyées. Sans jamais obtenir les places du podium, elles y ont plusieurs fois été classées aux places d’honneur. Elles figuraient toujours dans le jardin-conservatoire la dernière fois que je suis allé à La Source.

Dans les conditions confidentielles de leur obtention et de leur multiplication, il n’est pas étonnant que les iris d’Igor Fédoroff ne soient pas nombreux. A peine une douzaine. Mais rien que des jolies choses. Considérant sa production avec humilité, I. Fédoroff n’a pas cru devoir lui faire l’honneur d’un enregistrement. A l’époque, d’ailleurs, les obtenteurs amateurs français n’osaient pas faire enregistrer leurs cultivars et seules les variétés de chez Cayeux avaient cet honneur avant que la famille Anfosso, puis Jean Ségui et Lawrence Ransom ne se risquent à leur accorder la consécration d’une inscription dans les registres de l’AIS. Voilà pourquoi avant les années 80 la France était aussi peu représentée dans le monde des iris, alors que les amateurs étaient nombreux à pratiquer l’hybridation.

La seule variété signée Fédoroff à être enregistrée s’appelle ‘Sables d’Argent’ et c’est parque j’ai moi-même fait la proposition et rempli le formulaire. ‘Sables d’Argent’ fait allusion à la plus célèbre plage de Porquerolles, connue pour la blancheur de son sable. ‘Sables d’Argent’ est un iris classique, avec en générale une tige dédoublée et de six à huit boutons. Rien d’exceptionnel de ce côté, par conséquent, et une évidente lenteur à se multiplier. Mais ce qui fait son intérêt, c’est son coloris. Il est décrit en ces termes dans le PV d’enregistrement : « Pétales abricot clair, style abricot ; sépales abricot, traces de mauve rosé autour de la barbe orange. » L’ensemble, sous la lumière du soleil, prend une teinte argentée très séduisante. Inutile de préciser qu’il s’agit d’une de mes variétés favorites et que j’y tiens absolument.

Un autre iris auquel j’accorde beaucoup de tendresse se nomme ‘Aygade’. C’est un amena bleu-mauve tendre, avec une barbe orange qui lui ajoute du piquant. La fleur est absolument classique, avec six à huit boutons ; la plante est un peu courte mais très bien bâtie, et la fidélité à toute épreuve. C’est un iris gracieux et sans prétention.

Mon amitié avec leur obtenteur m’a permis de cultiver également deux autres variétés. A commencer par un charmant iris bleu à barbes rouges, qui a reçu de son obtenteur le nom de ‘Joyeux Drille’ (une appellation qu’il n’a pas le droit de porter puisqu’une variété Cayeux, antérieure, la porte déjà). Cet iris, bien coiffé, de forme plutôt moderne, a normalement poussé chez moi pendant quelques années, puis il a disparu, à mon grand regret. L’autre, qui est toujours en place, est un fort joli amoena jaune, façon ‘Echo de France’, baptisé ‘Mirasouleou’ – que l’on peut traduire à peu près, de l’occitan en français, par « Bain de Soleil » - et qui mérite tout à fait son nom. Par-dessus le marché c’est une plante robuste, plutôt grande, qui résiste bien au vent et ne ternit pas au soleil. J’aurais du l’enregistrer lui aussi.

Les huit autres variétés dont on conserve la trace, sont de la même veine. Elles ont souvent l’air un peu fragile, mais cela n’est qu’une apparence. En réalité les choix d’Igor Fédoroff me font nettement penser à ceux de Joseph Gatty, aux Etats-Unis. Je trouve que c’est une comparaison flatteuse, mais amplement méritée.

2 commentaires:

gerard a dit…

Merci Sylvain de rappeler l'intéressant travail d'Igor Fedoroff. J'ai, également échangé avec lui de nombreux rhizomes dans les années 1980. J'ai apprécié ses créations qui avaient pour nom Abdullah, Annecy, Frivolité, Soleillade, et bien d'autres encore.
Son travail démontre à l'envie qu'on peut, avec intuition, méthode et patience obtenir des résultats en matière d'hybridation qui n'ont rien à envier à certaines productions d'Outre-Atlantique.

Anonyme a dit…

Mise au point sur les enregistrements en France.
Ce ne fut qu’à partir de 1994, lorsque Jean Peyrard fut nommé ‘Registrar’, responsable du service des enregistrements à la Société Française des Iris et Bulbeuses, suite à ma recommandation faite à Keith Keppel (à l’époque ‘Registrar’ à l’AIS), que les obtenteurs en France ont pu enregistrer auprès de la SFIB. Avant cela, il fallait enregistrer ses variétés directement à l’AIS, ou à la British Iris Society comme je l’ai fait de 1991 à 1993. Le problème de langue pouvait, il est vrai, décourager certains.
L. Ransom