27.1.12

ECHOS DU MONDE DES IRIS



Roses, iris et dahlias

Une fidèle lectrice de ce blog m’a signalé l’existence d’un confrère. Il s’agit de www.jardinduvieuxcerisier.over-blog.com , l’ouvrage d’un amateur auvergnat, qui marie amoureusement les iris, les roses, les dahlias et quelques autres fleurs charmantes. Aller de temps en temps y jeter un œil sera toujours un agréable moment à la condition que les chroniques soient renouvelées : il n’y a rien de pire pour un blog que de ne pas être régulièrement alimenté, car, quand on le visite plusieurs fois et qu’on n’y trouve rien de nouveau, on n’y retourne pas et on l’oublie…

Identité

Parmi les nouvelles variétés mises au commerce cette année par la Maison Cayeux, figure un iris bleu proposé sous le nom de ‘Aigue Marine’. Le problème, c’est qu’une autre variété d’iris porte déjà ce nom. Curiosité : il s’agit d’une variété obtenues en 1938 par Ferdinand Cayeux, l’arrière grand père de Richard, l’actuel patron de la vieille entreprise familiale. Dans la réglementation d’attribution des noms de variétés, que l’American Iris Society est chargée de faire respecter, il est proscrit de donner le même nom à deux variétés différentes. C’est une interdiction dictée par le bon sens : la confusion s’installerait dans le monde des iris si la règle de l’unicité du nom n’était pas instituée et préservée. Il est cependant possible qu’une nouvelle variété récupère le nom déjà porté par une ancienne. A la condition que celui qui demande le transfert de nom déclare:
· Que la totalité du stock de l’ancienne plante a été détruit ;
· Ou que la plante en question n’a jamais été commercialisée.
Sinon, l’AIS n’acceptera pas le nom choisi pour la nouvelle plante, et si le producteur ne modifie pas le nom, soit l’iris ne sera pas enregistré, soit il portera en fait un nom, celui accepté par l’AIS pour l’enregistrement, et un surnom, celui sous lequel il est connu au commerce. C’est loin d’être idéal !
Le mieux consiste à vérifier sérieusement que le nom auquel on pense n’est pas déjà porté. Et cette vérification n’est pas difficile : il existe un fichier des noms attribués consultable sur Internet, et en cas de doute il est toujours possible de demander une vérification approfondie au « registrar » de l’AIS.

La Maison Cayeux a déjà connu des incidents similaires, ces dernières années, aussi est-il vraisemblable qu’elle ne s’est pas de nouveau laissé piéger. Et qu’elle a demandé la ré-attribution du nom de ‘Aigue Marine’.

HONNEUR AUX ANCIENS

Huitième semaine : vers le jaune pur.




Si le chemin vers le rose parfait a été semé d’embûches, qu’en est-il de celui vers le jaune pur ! Les photos ci-jointes montrent la difficulté du parcours.

Aurea (Jacques, 1830)


Gold Imperial (Sturtevant, 1924)


Helios (Cayeux, 1928)


Golden Majesty (Salbach, 1937)

LA VIE HEUREUSE DES HYBRIDEURS





Ce qui s’applique au comportement de tout être humain en quête du bien s’applique évidemment à l’hybrideur à la recherche de l’iris parfait : avoir un but, s’y tenir, et chercher à l’atteindre le plus rapidement possible et avec les meilleurs moyens. Prendre aussi un peu de temps pour faire le point sur l’avancement de la recherche et s’assurer que la route suivie est la bonne.

Selon Sénèque, cela devrait suffire à son bonheur. Cependant le bonheur de l’obtenteur d’iris ne s’arrête pas là. En effet, lorsqu’une nouvelle variété apparaît, elle peut avoir les mêmes parents que de nombreuses autres, qui peuvent être ses sœurs de semis ou celles issues d’un croisement identique réalisé par un autre hybrideur, mais elle ne sera semblable à aucune autre et ne seront semblables à elle que les rejetons de sa multiplication végétative. C’est un phénomène dont on ne doit pas minimiser l’importance et dont il est intéressant de mesurer les conséquences.

Tous les hybrideurs se rendent-ils compte qu’en lançant dans le monde un nouvel iris ils créent une nouvelle plante qui, si tout va bien, pourra rester présente pour toujours ? Il n’est pas sûr que leur réflexion aille jusque là, mais ils ressentent néanmoins quelque chose d’exceptionnel et d’unique. Et c’est ce qui fait l’excitation et la volupté qui les submerge au moment de l’éclosion de chaque nouvelle fleur. Cette poussée d’adrénaline concerne aussi bien la fleur splendide que le laideron innommable. Dans le premier cas l’excitation va se transformer en enthousiasme : l’obtenteur va imaginer l’opulence ou la splendeur de la plante quand elle atteindra son plein développement, peut-être rêvera-t-il de gloire ou de succès commercial, selon son tempérament, peut-être, plus humblement, se contentera-t-il de la satisfaction d’avoir produit quelque chose de bien. Dans le deuxième cas la déception sera à la mesure de l’espoir suscité : il faut être bien blasé pour envisager sans état d’âme de détruire ce à quoi on a consacré tant de soins et d’attention. De toute manière restera l’admiration devant l’imagination de la nature et l’infinité des combinaisons qu’elle propose.

Pourquoi un hybrideur chevronné, qui travaille chaque année sur des centaines, voire des milliers de nouvelles plantes, continue-t-il, souvent toute sa vie, à jouer des brucelles et à guetter l’éclosion d’une simple fleur ? Parce qu’il vise toujours plus haut, toujours plus beau, toujours nouveau. La satisfaction qu’il éprouve à l’apparition d’une fleur réussie l’incite à rechercher un nouveau succès pour lequel il ressentira l’immense joie du créateur. C’est ce qu’on comprend lorsqu’on lit les petites chroniques que Keith Keppel ajoute chaque année à son catalogue. Il est satisfait de ce qu’il a obtenu, mais il envisage aussi plein d’autres choses et il se désole de ce que le temps qu’il lui reste à vivre, quelle qu’en soit la durée, sera nécessairement trop court pour atteindre un « mieux » qu’il imagine et dont il voit la réalisation chaque fois reportée vers l’avenir : comme le navigateur qui voit l’horizon continuer indéfiniment de s’éloigner.

La vie de l’hybrideur est heureuse. Elle est emplie de satisfactions ponctuelles et d’espoirs sans fin. Et les échecs, les balbutiements de la nature, s’ils le déçoivent sur l’instant, l’incitent à continuer pour contourner les obstacles et surmonter les difficultés. C’est pourquoi les hybrideurs qui abandonnent sont si peu nombreux.

En ce sens l’obtenteur d’iris n’est pas différent des autres créateurs. Un peintre, un musicien éprouve les mêmes satisfactions, les mêmes emballements momentanés, les mêmes jouissances prolongées, les mêmes exigences de perfection qui le poussent à continuer et à envisager de nouvelles œuvres toujours plus belles et toujours plus réussies.

Tous les artistes, tous les obtenteurs d’iris, ne sont pas des génies, mais ils ont tous le même désir de créer. C’est cela qui, en fin de compte, est au cœur de leur bonheur.

Illustrations :
· « Bouton près à éclore » ;
· ‘Cat in the Hat’ IB (P. Black, 2009)
· ‘Polzevet’ (semis Madoré¹, non enregistré)
· ‘Ciel d’Été’ (semis Tauzin, non enregistré)

1 = un hybrideur qui abandonne sa passion…

21.1.12

HONNEUR AUX ANCIENS





Septième semaine : les premiers roses.

Les premiers iris roses n’étaient pas roses… Ils n’atteignirent cette teinte qu’après bien des années d’amélioration progressive. Constater cette évolution est une curiosité fort instructive.

Spindrift
(Loomis, 1929)
Marietta (Cayeux, 1938)
Edward of Windsor (Morris, 1945)
Irish Lullaby (Moldovan, 1962)

PRYORITÉS





Tous ceux qui s’intéressent aux iris de Louisiane connaissent, ou tout au moins ont entendu parler de Heather Pryor. Dans son domaine c’est tout à fait l’équivalent, pour les grands iris, de son compatriote Barry Blyth. Comme lui elle a acquis une renommée internationale, comme lui aussi elle triomphe dans les compétitions américaines. Mais si Blyth a tété toute sa vie de la sève d’iris, Heather Pryor a connu un parcours beaucoup plus original. Jusqu’au moment de la retraite, elle a été, en compagnie de son mari Bernard, concessionnaire pour l’Australie et la Nouvelle –Zélande de la marque d’automobiles Rolls-Royce ! Elle n’a commencé l’hybridation qu’en 1990, mais elle s’est très vite révélée comme une obtentrice extrêmement douée. Et comme elle a communiqué le virus à son époux, celui-ci a suivi la route tracée et n’est pas resté à la traîne ! Il a vite rejoint dans le succès, si bien qu’aujourd’hui, à eux deux, ils trustent les récompenses internationales. Il n’y a guère que l’autre Australien, John Taylor, pour leur tailler des croupières. Car l’Australie est véritablement devenue la patrie des iris de Louisiane.

Chez nous les iris de Louisiane sont mal connus, pour la bonne raison que les conditions climatiques sont à peu près à l’opposé de celles qui conviennent à ces fleurs charmantes. Rappelons que les iris de Louisiane, apparus dans le sud des USA après la deuxième guerre mondiale, donc récemment, sont devenus le type le plus cultivé après les grands TB. Ce qui les caractérise aujourd’hui ce sont des fleurs pratiquement plates, composées de six tépales : trois sépales larges, se rejoignant presque, entre lesquels se glissent trois pétales, un peu plus petits et étroits, et surmontés des trois styles qui protègent les parties proprement sexuelles de la fleur. En matière de couleur on trouve maintenant de tout, notamment du rouge et du blanc, mais un trait spécifique est la présence, à la base des sépales, d’un œil le plus souvent jaune vif, assez analogue à celui qui orne les fleurs d’hémérocalles. Les touffes, d’une hauteur moyenne de 60 à 120 cm, deviennent vite énormes, les fleurs sentent bon le citron vert et la floraison dure longtemps, en mai et juin.


Dans la région de Sydney, les iris de Louisiane (LA) trouvent un climat et une richesse du sol qui leur conviennent tout à fait. Les Pryor en ont profité pour créer des cultivars splendides et ont réussi à s’implanter aux USA pour que leurs obtentions y retiennent l’attention des juges et obtiennent les plus hautes distinctions. Dès 1994, ‘Charlotte’s Tutu’, jolie fleur couleur cerise, a attiré l’attention des connaisseurs. L’année suivante, ce fut au tour de ‘Mad about You’ de marquer sons conteste la pertinence des choix de Heather Pryor. Deux autres variétés ont été particulièrement appréciées les années suivantes : ‘La Stupenda’ (1996), ainsi baptisée en l’honneur de la cantatrice australienne Joan Sutherland, surnommée admirativement « la stupenda » (la superbe), puis, en 1997, ’Ann Hordern’, à l’intention de celle qui fut l’amie très chère de l’obtentrice.

Pour un article paru dans IRISES, le bulletin de l’AIS, de juillet 2011, Heather Pryor a établi elle-même une liste de ses iris de Louisiane préférés où figurent, en plus des deux précédentes, des variétés qui ont aussi fait le tour du monde :
· ‘For Dad’ (H. Pryor, 1998), en jaune éclatant ;
· ‘Alicia Clare’ (B. Pryor, 1998), autre iris jaune ;
· ‘Our Dorothy’ (B. Pryor, 2002), plicata dans les tons de rose ;
· ‘Renée Fleming’ (H. Pryor, 2004), vieux rose, qui honore une autre fameuse cantatrice ;
· ‘Susannah Fullerton’ (H. Pryor, 2007), de couleur rouge liserée d’or ;
· ‘Michelle ma Belle’ (H. Pryor, 2010), plicata vieux rose sur fond jaune, qui honore la Secrétaire de l’AIS ;
· et ‘Nancy Tichborne’ (H. Pryor, 2010), adorable fleur mauve.

On pourrait trouver d’autres variétés signées Pryor qui valent bien ces quelques-là. En particulier parmi les iris orange, une couleur fort difficile à obtenir chez les iris de Louisiane, mais dont Heather s’est fait la championne. En fait son travail à ce sujet est encore à perfectionner et si son meilleur score a sans doute été ‘Bound of Glory’ (1999), le travail n’a pas complètement abouti. C’est elle-même qui l’a dit dans un autre article publié dans le bulletin de l’AIS de juillet 2000.

13.1.12

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Keppel 2012

K. Keppel – dont il est question ci-dessous - m’a envoyé son catalogue. Plein de jolies choses. Uniquement des variétés du maître de maison et de son ami Barry Blyth.17 nouveautés dont 10 grands barbus. En vieillissant Keppel s’améliore encore.

Mais ce vieillissement est à l’origine d’une bien mauvaise nouvelle : ce catalogue pourrait être le dernier ! En effet Keppel considère que c’est trop de boulot que de devoir préparer les commandes, assurer les envois… Il souhaite se concentrer sur son travail d’hybrideur. Heureusement pour les amateurs ! Car il a déjà abandonné les envois vers l’Europe. Si ce qu’il envisage se réalise, il nous faudra attendre un ou deux ans de plus avant de pouvoir disposer de ses subtiles et magnifiques obtentions. Mais la patience est une des vertus du jardinier, n’est-ce pas ?

HONNEUR AUX ANCIENS






Sixième semaine : Goos et Koenemann.
On a tendance à oublier le travail des obtenteurs allemands pendant l’entre-deux-guerres. Peut-être parce que la France et l’Allemagne, conservaient du ressentiment l’une envers l’autre. Mais voici quatre exemples de ce qui se faisait alors sur les bords du Rhin.

‘Rheingauperle’ (1924)
‘Vingolf’ (1924)
‘Lenzschnee’ (1927)
‘Brising’ (1930)

LES MANDARINS





Il y a quelques mois une chronique a été consacrée ici à l’australien Barry Blyth. Si cet homme peut être qualifié d’« Obtenteur de Première Classe » (comme on disait jadis d’un pharmacien), il a actuellement dans le monde quelques rivaux qui lui disputent amicalement ce titre. Dans son propre pays on trouve Graeme Grosvenor, en France il y a Richard Cayeux, mais surtout, aux Etats-Unis, on doit prendre en compte Keith Keppel et Paul Black. Ces deux-là, qui travaillent depuis de longues années et ont acquis une large renommée depuis bien longtemps, ont brusquement connu une nouvelle gloire depuis le début du XXIeme siècle. Ils sont, en quelque sorte, passés à la vitesse supérieure. Et cette accélération est liée à leur déménagement vers le paradis des iris, la vallée de la Willamette, dans l’Oregon.

Keith Keppel a commencé à s’intéresser aux iris en 1953 quand il en a découvert une plantation dans un jardin proche de chez lui. Peu après il a commencé à en cultiver dans son jardin, avec ‘Snow Flurry’ (Rees, 1939) parmi ses premières acquisitions. En 1957, dans une publicité publiée dans un magazine de jardinage, il fit la connaissance de l’American Iris Society. Il a rapidement envoyé un bulletin d’adhésion avec une question : « Comment faire pour devenir juge ? » En peu de temps il a fait son apprentissage et est très vite devenu l’un des experts les plus avertis en ce domaine. Il a commencé à hybrider et a enregistré les variétés qu’il obtenait à partir de 1961. On pouvait dès cette époque parier que ce nouvel obtenteur allait faire parler de lui. De fait il a connu le succès très rapidement quand l’une de ses premières introductions, ‘Babbling Brook’ (1965), a obtenu la Médaille de Dykes en 1972. ‘Roundup’ (1974) est une variété qui a déjà toutes les qualités que l’on reconnaît aux produits signés Keppel : plante gracieuse, légère, fleurs petites mais bien formées ; mais en plus cet iris a orienté la carrière de son obtenteur vers les plicatas, dont il s’est fait une spécialité. Tout au cours des années 1970/1980, Keppel nous a donné une foule d’iris excellents, mais, curieusement, et malgré de nombreuses récompenses intermédiaires, le succès de 1972 ne s’est pas renouvelé. Les variétés Schreiner trustaient à l’époque les plus hautes récompenses.

Keppel habitait alors à Stockton, en Californie. Il a déménagé pour Salem en Oregon entre les saisons 92 et 93. Et c’est à partir de ce moment que son talent s’est affirmé et qu’il a commencé son ascension vers le firmament du monde des iris. Une ascension qui a abouti à une nouvelle Médaille de Dykes en 2004, pour ‘Crowned Heads’ (1997), suivie de deux autres, pour ‘Sea Power’ (1999) en 2006 et pour ‘Drama Queen’ (2003) en 2011. Ajoutons à cela qu’il n’est guère de nouvelle variété qui n’obtienne au moins un AM, qu’il s’agisse d’un grand iris ou d’une variété naine ! Aujourd’hui Keith Keppel, Mister Plicata comme il s’appelle lui-même, n’est pas un simple obtenteur, c’est véritablement un « mandarin ».

Paul Black a eu une tout autre destinée. Originaire de l’Oklahoma, une région quasi désertique et donc peu propice à la culture des fleurs. C’est à sa grand’mère Ruth Black qu’il dit devoir ses talents de jardinier, et c’est dans le jardin de cette dernière qu’il a commencé à s’intéresser aux iris. Encouragé par Perry Dyer, il a rapidement entrepris ses premiers croisements. En 1979 il s’est lancé dans les affaires avec ce même Perry Dyer, qui publiait déjà un catalogue pour ses « Contemporary Gardens ». C’est un partenariat qui a duré deux ans. Paul a alors abandonné son travail régulier et a commencé son propre commerce d’iris. Le premier catalogue de « Mid-America Garden » est sorti en 81 et les premières introductions de Paul y ont figuré dans l’édition de 1982. La progression a été rapide et remarquable, et a duré jusqu’en 1993. A partir de ce moment une série de catastrophe a failli contraindre Paul Black à abandonner les iris. Il faudra attendre trois ans avant qu’une liste de grands iris soit de nouveau au catalogue.

Convaincu que l’Oklahoma n’était décidément pas une terre d’iris, Paul, accompagné de son compère Ton Johnson, a cherché, et trouvé, en 1998, un pays d’accueil en Oregon, précisément à Salem, à proximité immédiate de la propriété acquise par Keppel quelques années auparavant ! Après des années de bataille avec de nombreux problèmes de climat et de maladie, Paul était enfin arrivé au paradis. De passionnantes introductions ont suivi dans toutes les catégories et en particulier parmi les petits iris dans lesquels Black excelle. Jusqu’à présent la chance ne lui a pas donné l’occasion de remporter la DM, mais ‘Tom Johnson’ (1996) l’a frôlée en 2004 et 2005. Cette suprême distinction viendra un jour ou l’autre. En attendant les récompenses de toutes sortes ont honoré les iris de Paul Black. Il triomphe sur tous les tableaux et c’est tout à fait justifié. Lui-aussi mérite le titre de « mandarin ».

Illustrations :
· Portrait de Keith Keppel, par Hugh Stout ;
· Portrait de Paul Black, par Hugh Stout ;
· ‘Roundup’ (Keppel, 1974) par Greg Hodgkinson ;
· ‘Chubby Cheeks’ (Black, 1984), par Laurie Frazer.

6.1.12

LA FLEUR DU MOIS






‘SPINNING WHEEL’

Dans un jardin, les plantes ont quelque fois une histoire compliquée. Il en est ainsi, en ce qui me concerne, de ‘Spinning Wheel’ (Nearpass, 1974). Plantée chez moi dès 1985, cette variété a vaillamment survécu aux déménagements et transplantations que je lui ai fait subir. Mais un jour la prolifération d’un chiendent tenace a commencé à lui faire perdre courage. Arrachée, soigneusement débarrassée de toute trace de l’envahisseur, la touffe a repris place dans un autre coin du jardin, où elle a continué, une année, sa vie paisible d’iris fidèle et résistant. Puis, inexplicablement, elle a commencé à dépérir, pour, finalement, disparaître… C’est une perte qui m’a chagriné parce que j’appréciais particulièrement cette variété.

Donald Nearpass était un hybrideur exigeant, qui, n’étant jamais totalement satisfait de ses obtentions, n’en a finalement enregistré qu’un tout petit nombre. Mais chacun de ces rescapés d’une sélection drastique est un petit chef-d’œuvre.

‘Spinning Wheel’, amoena-plicata indigo, avec une belle barbe moutarde, mérite qu’on lui accorde un peu d’attention. Son pedigree, (Dancer's Veil x (New Adventure x(Captured Heart x Melodrama)) x Ribbon Round) X Charmed Circle, fait appel à des variétés importantes :
· ‘New Adventure’ (Muhlestein, 1953) est une plicata amarante ;
· ‘Melodrama’ (Cook, 1956), un incontournable neglecta indigo ;
· ‘Dancer’s Veil’ (Hutchison, 1959), un très classique plicata mauve ;
· ‘Ribbon Round’ (Tompkins, 1963), un autre plicata, plus léger ;
· ‘Charmed Circle’ (Keppel, 1969), un célèbre plicata bleu, dans la première manière de Keith Keppel.
L’apparence amoena est héritée de ‘Melodrama’, le côté plicata vient des autres parents.

Un iris d’aussi bonnes origines ne pouvait avoir qu’une descendance nombreuse et de qualité. En fait il a un peu été mis à toutes les sauces ! On l’a croisé avec des variétés aussi différentes que ‘April Melody’, ‘Winter Olympics’, ‘Burgundy Brown’, ‘Sky Hooks’ ou ‘Conjuration’. Et on compte parmi ses rejetons une DM (‘Everything Plus’ – Niswonger, 1984, DM 91)), un plateau d’argent à Florence (Classic Look – Schreiner 1992, FA 95)) ainsi que plusieurs AM, comme ‘Glitz’n Glitter’ (P.Black, 1988). Un de ses petits enfants a encore été enregistré en 2009 (Emilia Pauline – Görbitz, 2009), ce qui prouve qu’il reste présent dans la réflexion des hybrideurs.

‘Spinning Wheel’ ne figure plus dans ma collection. Je le regrette vivement car non seulement c’est un bon iris, mais encore je le trouve très joli (*), et je crois que si j’en avais l’occasion je le cultiverais de nouveau.


(*) La superbe photo de Florence Darthenay est là pour en témoigner.

ECHOS DU MONDE DES IRIS


Qui dit mieux ?

Si la photo ci-dessus n’est pas retouchée, il est probable que ce ‘Total Darkness’ soit l’iris le plus noir jamais obtenu. Il est l’œuvre de la famille Jedlicka (Blue J Iris) à Alliance dans le Nebraska. C’est un iris tardif, élevé dans l’un des endroits les plus sévères pour la culture des iris, et, par conséquent certainement ultra-résistant. Son pedigree est : (Hello Darkness X Before The Storm), c’est à dire l’addition de deux des plus « noirs » qu’il soit. Qui dit mieux ?

HONNEUR AUX ANCIENS

Cinquième semaine : Ferdinand Cayeux.
Le monde des iris est infiniment admiratif du travail de Ferdinand Cayeux. Il a été unanimement considéré pendant les quarante premières années du 20eme siècle.




‘Petit Vitry’ (1906)
‘Fidelio’ (1924)
‘Yves Lassailly’ (1928)
‘Malibran’ (1938)

DES NAINS PARTOUT





B. A. WARBURTON (1903/1996)

Il n’est pas rare que la destinée d’un amateur d’iris ait été conditionnée par un événement particulier. Prenez mon exemple personnel : les iris germanicas qui, sur le coteau de Chinon, sont en fleur dès les premiers jours de février, et que j’admirais tous les ans chaque fois que je montais voir ma chère grand’mère, dans sa petite maison troglodyte, sont à la base de l’intérêt que je porte à ces plantes. La biographie de Beatrice Warburton comporte une anecdote identique : dans le jardin de sa famille il y avait un grand iris bleu, que l’on trouve encore ici ou là, qui s’appelle ‘Princess Beatrice’ (Barr, 1898). La fillette était persuadée que la princesse en question, c’était elle, et elle trouvait cela merveilleux. Pendant longtemps sa vie l’a quelque peu éloignée des iris, mais quand il s’est agi de créer une rocaille dans le fond de son nouveau jardin, dans le Massachusetts, elle s’est tournée naturellement vers cette plante dont elle avait gardé le délicieux souvenir.

Ses premiers iris ont donc été destinés à orner sa rocaille, et ce furent évidemment des iris nains issus de I. pumila. Autrement dit des SDB. Mais Beatrice Warburton, familièrement appelée « Bee », était une femme qui ne faisait rien à la légère. « Ne parlez pas de hobby, disait-elle en parlant de son travail avec les iris, je n’ai jamais eu de hobby, je mets trop de cœur dans tout ce que je fais. » Elle s’est donc donnée à fond dans le domaine qu’elle avait choisi.

Et elle a réussi du premier coup ! Dès ses premières réalisations elle a collectionné les récompenses. Ses premiers essais datent du début des années 50, et ses premiers iris enregistrés l’ont été en 1957. ‘Brassie’ (1957) a tout de suite été remarqué et a obtenu la Médaille de Cook-Douglas en 1962. Ce fut la première des sept CDM qu’elle a obtenues au cours de sa longue carrière. L’un de ses plus beaux succès a été celui de ‘Stockolm’ (1971), en 1977. Cependant, dans cette catégorie mon préféré reste ‘Open Sky’ (1975), cet adorable petit bleu, toujours fidèle et prolifique.

Mais les SDB n’ont pas été les seuls vers qui Bee Warburton se soit tournée. Son nom figure aussi en regard de SIB, MDB, MTB, IB et BB. Dans ce dernier domaine elle a même obtenu en 1972 la Knowlton Medal pour ‘Lace Valentine’ (1964), et son tout petit MDB ‘Sky Caper’ (1962) a reçu le Carpane Award (*) en 1968.

Cependant ce n’est peut-être pas l’excellence de ses semis qui a fait la renommée de Bee Warburton, mais plutôt sa parfaite connaissance de tout ce qui concerne les iris. Cette vaste érudition a été concrétisée par la rédaction de la bible des iridophiles, « The World of Irises », cette somme réalisée avec son amie Melba Hamblen et la collaboration de tous les meilleurs connaisseurs des iris des années 70.

Unanimement appréciée par ses collègues, elle a été honorée autant qu’il est possible, et les médailles de toutes sortes sont venues s’entasser sur sa cheminée !

Il y a peu de personnes qui ont autant fait pour le monde des iris. En plus de quarante ans de carrière, Beatrice « Bee » Warburton aura marqué son époque de manière indélébile et les iridophiles d’aujourd’hui ne peuvent ignorer combien elle a été importante dans le domaine auquel ils s’attachent.

(*) Le Carpane Award est la récompense qui a précédé la Carpane-Welch Medal attribuée à partir de 1984.