21.10.11

‘WHITE SWIRL’ ET LA POLOGNE






Ce blog n’est pas connu pour ses articles sur les iris de Sibérie ! Mais une fois n’est pas coutume et vient le tour de ces délicieuses plantes dont on ne parle pas souvent, pas plus ici qu’ailleurs.

C’est en cherchant des variétés de grands iris dont les noms se réfèrent à des dames, que je me suis rappelé d’avoir vu quelque part un nom qui concernait Jeanne d’Arc. Après bien des recherches, j’ai retrouvé une petite brochure éditée par la MEIS (la société iridophile des pays d’Europe de l’Est) consacrée aux iris autres que les « germanicas », et rédigée par Lech Komarnicki, hybrideur polonais avec qui je communique régulièrement, lequel me l’a adressée il y a quelques mois. Au chapitre sur les iris de Sibérie il y a l’image reproduite ci-dessus d’un SIB baptisé ‘Joan of Lorraine’. C’est de là qu’est partie l’idée de la présente chronique.

Les iris de Sibérie sont des plantes pour zones humides. Ils ne sont pas bien nombreux à être enregistrés chaque année : environ 30. C’est la raison pour laquelle on parle si peu d’eux. Mais la cause de cette rareté semble être double : d’une part, jusqu’à ces temps derniers, les jardins d’eau n’avaient pas la cote ; ils étaient considérés comme d’un entretien délicat, susceptibles de favoriser la prolifération des moustiques et d’être potentiellement dangereux pour les jeunes enfants ; d’autre part, pour les hybrideurs, il est un peu difficile de s’intéresser à ce type de plante, du fait de la complexité de leurs origines et de leur constitution. Si, aujourd’hui, les jardins d’eau sont à la mode, le problème spécifique des iris de Sibérie reste à l’ordre du jour.

Les iris de Sibérie se rangent en deux groupes distincts : ceux qui ont 28 chromosomes (2n=28) et ceux qui en ont 40 (2n=40). Ceux qui en ont 28 descendent de croisements interspécifiques entre I.sibirica et I. sanguinea. Les autres sont issus de croisements entre tout un groupe d’iris de la sous-série Chrysographes, dont le chef de file est l’espèce I. chrysographes. Mais plusieurs hybrideurs ne se sont pas contentés de cela, et ils ont traité les semences à la colchicine pour provoquer le doublement du nombre des chromosomes et par conséquent obtenir des iris de Sibérie tétraploïdes, dans l’un comme l’autre des deux groupes. Il y a donc maintenant quatre groupes d’iris de Sibérie, ce qui ne simplifie pas le problème, sachant qu’on peut aussi trouver des croisements entre di- et tétraploïdes, stériles comme il se doit.

Comme dans le cas des grands iris de jardin, l’histoire des iris de Sibérie a été marquée par des événements mémorables. Le doublement des chromosomes en est un, mais il y en a eu d’autres, plus naturels, comme l’apparition de la variété ‘White Swirl’.

‘White Swirl’ (Cassebeer, 1957) est une variété blanche, la première dans son genre, légèrement ondulée, avec les sépales qui se tiennent très horizontaux. Il a été immédiatement admiré et a reçu, en 1962 le Morgan Award, la plus haute récompense du moment pour sa catégorie. C’est un iris à 28 chromosomes. A l’époque les SIB étaient très peu cultivés et seule une poignée d’hybrideurs s’y intéressaient. Par la suite les amateurs devinrent plus nombreux et les recherches plus poussées.

Les descendants de ‘White Swirl’ ont été nombreux, mais moins cependant que sa renommée aurait pu le laisser croire. En fait il a été concurrencé par les nouveaux hybrides tétraploïdes, dont les plantes, plus volumineuses et plus grandes et les fleurs plus grosses offraient un meilleur avenir commercial.

Un des champions de la tétraploïdie a été Tomas Tamberg, en Allemagne. Ce fidèle de Currier McEwen, le précurseur en la matière, a enregistré de nombreux hybrides tétraploïdes, dans toute la gamme des couleurs. Parmi eux, ‘Wide White’ (1979) qui descend d’un iris anglais, ‘Cambridge’ (Brummitt, 1964), lui-même enfant du fameux ‘White Swirl’. Ce ‘Wide White’ fait partie des parents de ‘Weisse Etagen’ (1984), un tétraploïde blanc au cœur doré, qui, lui-même croisé avec ‘Berlin Lance’ (1993), dans les mêmes coloris, a donné naissance à un certain ‘Joan of Lorraine’ (Komarnicki, 2005) ! La boucle est ainsi bouclée. ‘Joan of Lorraine’ provient, à travers les transformations liées au passage à la tétraploïdie, de ‘White Swirl’. Témoignage du grand brassage qui caractérise le monde actuel des iris, il est parti des Etats-Unis, a fait une escale en Angleterre, avant de rejoindre l’Allemagne, puis de continuer sa route vers la Pologne… Là-bas ses jolies fleurs blanches, bien protégées au milieu de son feuillage abondant, ne risquent pas le froid qui règne en hiver près des lacs de Cujavie.

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