31.12.10

QUADRICHROMIE







des fleurs en quatre couleurs

Prenez ‘Carnival Capers’ (Blyth, 2006) ou son frère de semis ‘Let’s Romp’ (Blyth, 2006) (1), on y trouve bien quatre couleurs : le jaune crémeux des pétales, le bleu lavande du bas des sépales, dont les bords se ternissent au point de devenir d’un gris pâle, et la large zone violet pourpré située sous les barbes. On pourrait même ajouter le brun ocré qui recouvre les épaules et finit par se confondre avec la zone pourprée. Il y a au moins quatre couleurs distinctes. Ce n’est pas un mélange de différentes couleurs dans lequel on ne peut pas attribuer à l’une d’elles un territoire particulier, les couleurs se partagent toute la surface de la fleur et chacune a sa propre place. La transition de l’une à l’autre sur les sépales, se fait en douceur, mais suffisamment rapidement pour qu’il n’y ait pas vraiment de mélange.

L’histoire ne dit pas si Barry Blyth avait à l’esprit de parvenir à cette situation, ou si ce sont les circonstances et les opportunités qui l’ont amené à sélectionner cette variété. Pourtant quelque chose me dit qu’il l’a peut-être fait exprès. Pour s’en convaincre, il faut suivre dans les pedigrees le cheminement qui a abouti à cette originale variété.

Le pedigree de ‘Carnival Capers’ et de ‘Let’s Romp’ est tout simple : (Final Episode sib X Decadence). On ne sait évidemment pas comment se présente ce frère de semis de ‘Final Episode’ qui est au bout de la branche maternelle de nos deux « sibs », mais il y a tout lieu de penser qu’il est proche de son frère enregistré. Parce que celui-ci a déjà bien des traits qui le rapproche de ‘Carnival Capers’ et ‘Let’s Romp’ : pétales dans un ton de jaune, sépales en bleu, bords clairs, traces de pourpre aux épaules. C’est un approfondissement de ce coloris qui a été obtenu avec l’apport des vives couleurs de ‘Decadence’ (Blyth, 2004). De ce dernier tout a été dit, depuis la vigueur de son coloris jusqu’à l’aspect bouillonné de sa fleur qui en a fait une vedette de ces dernières années.

Le croisement qui a donné naissance à ‘Final Episode’ (Blyth, 2001) et à ses frères est déjà une association de bleu et de variegata. Le bleu provient d’une association entre un amoena bien connu ‘Sierra Grande’ (Schreiner, 1992) et un bitone bleu, de fabrication Blyth mais assez peu répandu, ‘Over The Blues’ (Blyth, 1995) : sépales bleu pourpré vif, pétales gris-bleu. Ces couleurs, d’ailleurs, à peu de choses près, se retrouvent dans les deux précédentes générations du côté maternel de cet ‘Over The Blues’, à savoir ‘Physique’ (Blyth, 1988) et ‘Street Dancer’ (Blyth, 1985). Mais à ce niveau on reste dans les bicolores (amoena ou neglecta) ; il n’y a pas trace de ce pourpre qui va caractériser ‘Final Episode’ puis ‘Carnival Capers’. Ce nouvel élément va venir de la branche paternelle et, pour ‘Final Episode’, de ‘Mastery’ (Blyth, 2000) et surtout d’une grand’mère de celui-ci qui s’appelle ‘Sooner Serenade’ (Shaver, 1984), lequel présente en plus ce large liseré clair des sépales qu’on va voir réapparaître dans ‘Carnival Capers’ et ‘Let’s Romp’ et leur ajouter un élément supplémentaire de diversité.

‘Physique’ et ‘Sooner Serenade’ se situent au même niveau dans l’arbre généalogique de ‘Carnival Capers’ et ‘Let’s Romp’. Ils y sont à la cinquième génération. En suivant leur rapprochement, de génération en génération, on comprend l’approche qui a été celle de Barry Blyth et qui a abouti à nos deux vedettes du jour. Cela signifie-t-il que dès les années 80 il avait en tête l’obtention d’un iris en quadrichromie ? C’est peut-être lui prêter des intentions bien improbables, mais on enregistre bien comment son raisonnement a progressé. D’un côté il est parti vers un enrichissement du coloris de ‘Physique’ en lui adjoignant un peu de jaune aux pétales, ce qui réchauffe l’ensemble. De l’autre en travaillant à la création d’un variegata bien contrasté, enrichi d’une bordure claire. ? Puis en mariant les deux schémas, avec la chance supplémentaire de ne perdre en cours de route aucun des éléments constitutifs des deux bases : il y a eu addition mais pas de soustraction, ce qui est très exceptionnel car, le plus souvent, ces croisements successifs s’accompagnent de la disparition d’un ou plusieurs caractères. Dans le cas présent cette addition a été intéressante ; bien souvent, au contraire, c’est la soustraction qui l’est car elle permet d’éliminer un ou des traits indésirables ou disgracieux. Pour cette fois la persistance est un progrès.

(1) Un troisième frère de semis, ‘Gothic Lord’, n’a pas les mêmes caractéristiques.

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