10.9.10







LES QUATRE THEORIES

Douglas Kanarowski n’est pas à proprement parlé un nouveau venu dans le monde des iris, néanmoins son rôle y est encore modeste et sa pépinière une toute petite entreprise. Son nom apparaîtra pour la première fois dans les listes du R&I de l’AIS dans le petit livre de 2010, avec ses sept premières variétés. Tout ceci n’a rien d’exceptionnel. Mais ce qui fait son originalité c’est la façon dont il aborde le thème de l’hybridation dans une chronique qui occupe une partie de son site Internet.

Cette chronique est intitulée : « Les quatre théories ». elle mérite d’être ici analysée et commentée.

Quatre « théories », donc, à propos de l’hybridation.

L’Affaire des abeilles.
La plus simple façon d’obtenir des graines d’iris c’est de laisser aux bourdons le soin d’assurer la pollinisation. Ils sont là les premiers, ils vont de fleur en fleur avec un imperturbable sérieux, le dos couvert de pollen, et, bien involontairement, tombent dans le piège que la nature leur a tendu et distribue leur charge pollinique au gré de leurs atterrissages. L’ennui c’est qu’ils agissent sans méthode et que, s’ils fécondent une fleur, les graines qui vont se développées seront automatiquement nées de père inconnu ! Car si l’on connaît la mère, avec sa capsule qui grossit sous les vestiges de la fleur, il n’y a aucun moyen de connaître d’ou provient le pollen qui a été déposé. Les nouvelles fleurs qui, un jour, vont apparaître, seront de parfaites surprises pour celui qui les découvrira. Cela peut donner quelque chose d’intéressant, mais les chances de découvrir un futur vainqueur de la Médaille de Dykes sont infimes. Mais, pour le jardinier amateur, est-ce que cela a de l’importance ?

Le Coup de Pot.
L’amateur qui se lance dans l’hybridation sans aucune idée de la génétique va croiser deux variétés au gré de sa fantaisie. Il pourra prendre note de ce qu’il a fait, mais en dehors de cette précision, son travail est tout aussi hasardeux que celui du bourdon. S’il obtient un jour une fleur présentable, ce sera un coup de pot qui, statistiquement, n’a pas plus de chance de survenir que dans la théorie précédente. Pour celui qui s’amuse à hybrider les déceptions seront innombrables, mais on peut dire que le plaisir est plutôt dans la surprise du résultat que dans le résultat lui-même. La personne qui met des pièces dans le bandit manchot et qui abaisse le manche est exactement dans la même situation et elle y trouve son bonheur. Alors pourquoi l’hybrideur ne serait-il pas aussi heureux ?

La même chose.
On atteint là un degré plus réfléchi. Pour obtenir quelque chose de beau, pourquoi ne pas renouveler ce que d’autres ont fait avec succès. Il suffit de prendre le pedigree d’une variété remarquable et de recommencer le croisement dont elle est issue. L’hybrideur met effectivement beaucoup plus de chances de son côté car il est probable qu’un croisement générateur d’un bel iris est potentiellement capable de renouveler l’opération. On n’obtiendra certainement pas la même chose exactement, mais on peut aboutir à un autre semis de valeur. L’amateur plagiaire joue la sécurité. Cependant s’il obtient un beau spécimen, il aura au fond du cœur le regret d’avoir été devancé et l’amertume de triompher sans gloire.




La Providence.
De toute façon, peut se dire celui qui tente un croisement. « Il y a trop de paramètres pour que je maîtrise complètement ce que j’entreprend. Certes je vise un but bien précis, je connais mon sujet, j’utilise donc de bons parents, mais vais-je pour autant obtenir un iris grandiose ? Quand on sait qu’une vingtaine de générations d’iris se trouvent derrière chacun des parents que je vais utiliser, qu’un nombre invraisemblable de variétés différentes apparaissent dans l’arbre généalogique de chacun des iris que j’ai choisis, qui peut prédire ce que je vais obtenir ? C’est le Bon Dieu, s’il s’occupe de ce genre de chose, qui va décider ! Moi, petit hybrideur de campagne, je n’aurai été que la main qui aura accompli le geste irrémédiable de déposer un peu de pollen sur une lèvre de pistil. C’est tout. » Il faut accepter ce côté miraculeux de l’hybridation et donner plus d’importance au geste qu’au résultat.

Kanarowski, avec la foi d’un bon Américain, s’en remet, dit-il, à la Providence pour la qualité des rejetons de ses croisements. Il applique la quatrième théorie et s’en trouve bien. En tout cas, si l’on en juge par l’aspect des sept fleurs qu’il présente sur son site, la Providence l’a bien servi. Mais il ne dit pas tout ! Ses choix des parents sont raisonnés et les variétés choisies ne sont pas n’importe lesquelles et la plupart ont déjà eu une descendance de bonne valeur (‘Honky Tonk Blues’, ‘Conjuration’, ‘Gypsy Woman’, ‘Caption’…). En fait il applique le système de l’addition et deux théories au moins se trouvent mêlées dans les obtentions qu’il propose au public.

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