12.8.10











MATINÉE RADIEUSE SUR LA COLLINE DE SAN MINIATO

Pour s’élever jusqu’au piazzale Michelangelo depuis les rives de l’Arno, il faut une petite demi heure et pas mal d’énergie. Mais arrivé sur l’esplanade, par une douce matinée de printemps, le spectacle récompense le promeneur un peu essoufflé. Les toits roses de la ville s’éclairent sous l’action de soleil encore un peu bas ; à l’arrière plan, la colline de Fiesole semble encore endormie dans la brume légère. Vers le Sud, s’élève la colline de San Miniato avec son église revêtue de marbre blanc et vert, comme toutes les églises de Florence, et son paisible cimetière où se trouve la tombe de Collodi, le père bien connu de Pinocchio.

Mais le promeneur n’est pas venu jusque là par vénération pour les marionnettes. Son but ce sont d’abord les iris ; ces iris qui fleurissent en masse sous les oliviers du grand jardin qu’il domine, appuyé à la balustrade.

Juste à ses pieds, sur une première restanque, les jardiniers de la Société Italienne des Iris ont installé il y a peu la collection des médaillés du célèbre concours. Ils sont tous là, depuis l’origine en 1957. C’est une de leur premières floraisons depuis leur transplantation et les fleurs sont encore peu nombreuses, certains même font de la résistance et végètent mollement, mais la plupart ont eu un bon développement dans cette terre légère et bien drainée. Depuis l’esplanade le spectacle est déjà ravissant, mais pour bien apprécier ces fleurs de premier plan, il est préférable de pénétrer dans le jardin et de s’approcher.

Les plantes ont été disposées en rangées rectilignes de quelques dizaines de mètres, en suivant une légère pente : une disposition idéale pour un développement parfait des touffes et pour un examen attentif des fleurs. Tous ces valeureux iris méritaient bien ce traitement. Faisons donc une promenade parmi les champions. En s’attardant un peu sur ceux qui n’ont pas eu la chance d’être largement diffusés et qu’on ne peut guère voir qu’à cet endroit.

Puisqu’ils ont été plantés dans l’ordre de leur participation au concours, le premier à voir est ‘Rehobeth’ (F. DeForest, 1953), un iris bleu uni, qu’on ne trouve plus guère, mais qui continue de montrer ses qualités. Issu de Snow Flurry X Lake Shannon, c’est un bleu provenant d’un blanc et d’un autre bleu. Le fameux ‘Snow Flurry’ n’est plus à présenter, mais ‘Lake Shannon’ (DeForest, 1944) est peu connu. Il a pourtant la particularité, pour nous Français, d’être le fruit d’un croisement bien de chez nous : (Souvenir de Laetitia Michaud x Jean Cayeux) X Great Lakes.

‘Il Cigno’ est un enfant du pays. Il a remporté le second prix en 1963 et a été obtenu peu auparavant par Nita Radicati-Stross, une dame très connue en Italie pour son dévouement à la cause des iris, et les nombreuses obtentions qu’elle a cultivées. C’est un bel iris blanc, à la texture un peu fragile, mais extrêmement gracieux. Madame Stross pratiquait l’hybridation sans autre souci que de se faire plaisir, et l’on ne dispose pas du pedigree de son iris.

Le vainqueur de 1964 s’appelle ‘Midnight Waltz’ (L. Burbridge, 1959). C’est un iris d’amateur, commercialisé par une petite pépinière de Californie et qui n’a pas eu la diffusion qu’il aurait méritée. Son pedigree est Black Hills X Sable Night. C’est donc un « noir de noir » qui paraît bien banal aujourd’hui, mais qui a retenu l’attention des juges il y a 46 ans sans doute autant pour ses qualités horticoles que pour ses sombres couleurs.

La particularité du concours de Florence, c’est qu’il met en compétition des plantes du monde entier, et l’on s’aperçoit que des iris non américains peuvent l’emporter sur de vrais yankees. Ainsi ce ‘Libon’ tchèque, en 1985, de Vojtek Smid, qui a fini second. S’il n’est pas américain, cet iris est tout de même issu d’un croisement de plantes américaines : Crinkled Gem X Amigo's Guitar. Cela a donné un variegata dans des tons pastel, qui se plait bien en Italie.

Après l’ex-Tchécoslovaquie, la Grande-Bretagne. ‘Morwenna’ (Nichol, 1983) est arrivé en troisième position en 84. Les iris anglais ont ce charme un peu désuet qui évoque les origines des grands iris de jardin, avec, néanmoins, des formes bien modernes. ‘Morwenna’ est un iris typique.

Il y a un mystère ‘Missy Yorktowne’. Avec le Florin d’Or en 87, on pouvait penser que cette variété ferait une belle carrière car gagner à Florence signifie qu’on a affaire à un iris parfait. Celui-ci, qui plus est, se présente avec des fleurs blanches impeccables. Alors pourquoi n’en a-t-on plus entendu parler ?

Parmi les triomphateurs du Concorso Firenze qui ont aussitôt disparu, il y a ‘Evening Canticle’ (F. Carr, 1989) auquel le plateau d’argent n’a pas épargné la retraite prématurée. Pourtant c’est un blanc glacier, plus sombre au cœur, qui en vaut bien un autre !

L’orange n’est pas un coloris facile. Souvent on appelle orange une fleur où, à bien y regarder, on voit qu’elle est constituée d’un amalgame de jaune et de brun. Mais ‘Leibniz’, deuxième en 91, n’est pas de cet orange-là. Bien uni, avec des fleurs parfaitement formées, il n’a pas volé sa deuxième place en 91. Bravo à son obtenteur, Harald Moos, de Hanovre.

Ce qui vient d’être dit à propos de ‘Evening Canticle’ s’applique aussi à ‘Steadfast Love’ (F. Carr, 1994), Florin d’Or en 94. Le premier tenait son coloris du célèbre ‘Song of Norway’, celui-ci, très voisin, mais un peu plus coloré, a pour pedigree Edge of Winter X Chico Maid. Alors ? Même obtenteur, même commercialisation insuffisante ? Sans doute, mais c’est bien dommage.

Pour terminer ce petit tour d’horizon des champions de Florence un peu particuliers, arrêtons-nous sur ‘H.C. Stetson’ (Stetson, 2001) F.O. en 2001. La plante est de bonne vigueur, la fleur est bien faite, la couleur est délicieuse. Il y avait tout pour en faire un « must ». Il a cependant fait seulement une carrière en demi-teinte, adoré par ceux qui le connaissent, ignoré par les autres…

Les champions de Florence sont souvent atypiques. Souvent surprenants. Mais les plus grands champions, pour peu qu’ils aient concouru, ont aussi été remarqués. Souvenons-nous de ‘Whole Cloth’(F.O. 61), de ‘Beverly Sills’ (F.O. 81), de ‘Titan’s Glory’ (F.O. 84), de ‘Dusky Challenger’ (F.O. 89) ou de ‘Conjuration (F.O. 93).

Quand la matinée s’avance et que le soleil est passé au-dessus des grands arbres qui bordent le Viale Michelangelo, la grande artère qui monte à San Miniato, les iris vont prendre leur dose quotidienne de lumière. Pour l’amateur, ravi de sa visite, il est temps de reprendre le chemin de la ville, à travers les jardins, pour rejoindre le bord de l’Arno.

Aucun commentaire: