15.7.10

D’ALLEMAGNE III

Troisième partie : les temps modernes

Jusqu’au déclenchement des hostilités de la deuxième guerre mondiale, les iris, en Allemagne, étaient essentiellement le fait de Max Goos et de l’entreprise Goos et Koenemann. En Europe, ils rivalisaient avec les Vilmorin et les Cayeux. Les iris n’ont pas retrouvé leur place dans l’immédiat après-guerre. Seuls quelques amateurs s’y intéressaient et leur commerce n’était pratiqué que par une ou deux petites entreprises. Mais deux personnes atypiques ont fait leur apparition dans les seventies : Harald Mathes, spécialisé dans les Arils, et Tomas Tamberg, plus éclectique, mais surtout intéressé par les croisements interspécifiques d’iris apogons. On retrouve ce dernier dans l’époque contemporaine, mais autour de lui un nombre croissant d’hybrideurs se sont fait connaître. En cela l’Allemagne suit la même évolution que le reste du monde.

Pour parler de ces obtenteurs, l’ordre chronologique de leur naissance servira de guide.

Le plus ancien est Eberhard Fischer, né en 1927, qui, après des études de biologie, a fait une carrière de généticien des plantes, s’occupant notamment de l’amélioration des betteraves à sucre. Ce n’est que tardivement qu’il s’est dirigé vers les iris et leur hybridation, à titre de pur loisir pour retraité. Vivant dans la région de Magdeburg, en ex-RDA, ses premiers enregistrements datent seulement de 1993, postérieurement donc à la réunification de l’Allemagne. Sa production est celle d’un amateur éclairé et le nombre de ses enregistrements reste confidentiel.

C’est encore plus tardivement que Günter Diedrich, né en 1936, s’est lancé dans l’hybridation. Il a d’abord fait une carrière dans l’horticulture. C’est d’ailleurs à l’occasion d’une exposition horticole en Tchécoslovaquie qu’il a été saisi par l’amour des iris. Il s’est peu à peu constitué une impressionnante collection, mais a attendu d’être à la retraite pour hybrider et enregistrer ses obtentions dont certaines ont été remarquées dans les compétitions où il les a fait concourir. C’est le cas de ‘Mondscheinserenade’ (2003) représenté ci-dessus.

Manfred Beer est né en 1939. Ce monteur de lignes électriques à haute tension s’est intéressé aux iris à partir de 1979 et il a fait enregistrer ses premières variétés dès 1982, en RDA ; il demeure toujours, dans la région de Leipzig. Dès que cela a été possible il a fait réenregistrer ses obtentions auprès de l’AIS, et n’a jamais cessé de proposer de nouvelles variétés. Son catalogue personnel est de loin le plus important de son pays et concerne des grands iris de tous les modèles. Il a été remarqué très vite dans les compétitions internationales et, notamment en Allemagne, a obtenu plusieurs récompenses. Il est maintenant connu de tous, à tel point que lorsqu’on parle d’iris allemands, on pense d’abord aux iris de Beer. De ses premiers efforts on connaît bien ‘Gitta’ (1992), ‘Mandy G’ (1992) ou ‘Nanni F.’ (1991) ; de sa période intermédiaire il faut parler de ‘Hannibi’ (1997), ‘Elena Lang’ (1997) ou ‘Triny’ (1998). Ses plus récentes obtentions se nomment, par exemple, ‘Barbara Müller’ (2006), ‘Irina’ (2005) ou ‘Lydia Schimpf’ (2006). Maintenant il se consacre uniquement aux iris et commercialise lui-même ses obtentions.

On pourrait donner à Siegmar Görbitz le surnom d’ « homme aux iris bleus » puisque c’est dans cette couleur que se situe la plus grande partie de ses obtentions. Dans sa bonne ville de Detmold, il effectue ses croisements en suivant avec obstination sa ligne de recherche sur les iris bleus. En vingt-cinq ans il n’a enregistré qu’une vingtaine de variétés, ce qui le cantonne dans la catégorie des grands amateurs.

Jena est la ville de l’optique et de la mécanique de précision. C’est dans cette branche qu’a évolué Berhard Lesche, un autre amateur éclairé originaire de l’Allemagne de l’Est. Tout près de sa ville natale, Heinz Müller avait ouvert une pépinière d’iris, peu avant la disparition de la RDA, et c’est avec celui-ci que B. Lesche a fait connaissance avec les iris et s‘est aventuré dans l’hybridation. Exclusivement consacrée aux grands iris, sa production, réduite, est pourtant de grande qualité. ‘Maria L.’, (2006) est un bel exemple de ce qu’il sait faire.

Dans le classement des hybrideurs allemands, Harald Moos occupe sûrement la deuxième place. Ses iris se distinguent par leur « classe » et leur élégance. D’ailleurs plusieurs ont été remarqués dans les concours internationaux et particulièrement à Florence où ‘Leibniz’ (1989) a atteint la seconde place en 91, et ‘Grosser Garten’ la troisième en 94, sans compter les prix spéciaux obtenus par ‘Buchholzer Traumerei’ (1990) et ‘Niedersachsenross’ (1988). Cependant c’est une variété non enregistrée, ‘Krähenwinkel Gold’, du début des années 90, qui a ma préférence. Avec une quarantaine d’enregistrements en 25 ans, sa production se situe dans la moyenne. Malheureusement il est fort difficile de se procurer ces jolis iris qui ne se trouvent chez aucun producteur.

Technicien de transports dans les chemins de fer, Wolfgang Landgraf ne s’est véritablement lancé dans les iris qu’au début du XXIeme siècle. C’est lui aussi un homme de l’Est, de Thuringe précisément. Il pratique principalement l’hybridation des grands iris, mais il ne dédaigne pas les iris nains. Il est bien décidé à se faire connaître et participe à tous les concours internationaux avec des variétés tout à fait convenables, qui n’ont rien à envier aux obtentions des ténors. ‘Silbernacht’ (2001) en est un sombre et parfait exemple.

Pour terminer ce tour d’horizon, il est normal de parler de Frank Kathe. C’est le plus jeune de l’équipe puisqu’il est né en 1951. Dans la grande ville de Dresden, en Saxe, il s’occupe de transport de meubles, mais il s’intéresse beaucoup aux iris, aux iris nains, ce qui fait son originalité. Il s’est également investi dans le groupe « iris » de la GDS. Son but est d’obtenir des SDB qui soient d’excellentes plantes de jardin. Au niveau de cette chronique on ne peut pas juger d’autre chose que de la fleur, comme celle de ‘Schwanenliebe’ (1998), mais tous ceux qui connaissent ses iris sont d’accord pour reconnaître qu’il atteint son but.

Chaque année de nouveaux obtenteurs font leur apparition et enregistrent de nouvelles variétés. Parmi les tout derniers se trouvent Volker Klehm, et Ann Ruth Brehm. Et celle-ci fait entrer les femmes dans un aréopage resté jusqu’à présent bien masculin.

Pour conclure ce panorama, il faut remarquer que la situation de part de d’autre du Rhin est profondément différente, mais qu’elle tend à s’uniformiser avec la multiplication des enregistrements d’amateurs. Les professionnels restent bien présents en France alors qu’ils sont très discrets en Allemagne. Et ce qui pèche le plus dans ce pays c’est le réseau commercial puisque les pépinières spécialisées sont peu nombreuses et qu’elles diffusent que fort rarement les produits nationaux. Néanmoins, à l’heure actuelle, l’Allemagne est très certainement la deuxième nation iridistique d’Europe, après la France.

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