28.5.10




POUR SES FEUILLES

Ce qu’il y a de moins intéressant chez les iris, ce sont les feuilles. Qui ne s’est pas désolé de voir son jardin d’iris, en juillet, constitué de plantes jaunies, en partie desséchées, en hiver, réduit à des moignons pâles à peine émergeants du sol gelé ? On compare souvent iris et poireaux dès que la floraison est achevée. On sait que la cause majeure de cet état est la présence dans nos iris modernes des gènes de I. aphylla qui ont pour avantage d’aviver les couleurs, mais pour conséquence de produire un feuillage triste qui ne se rencontre pas – ou moins – sur les anciennes variétés essentiellement à base de I. x germanica et de I. pallida. Ces derniers ont même la chance de disposer quelquefois de feuillages plutôt agréables à regarder. D’ailleurs les catalogues de la plupart des producteurs proposent maintenant des variétés améliorées de I. pallida, désignées sous le nom « aurea » ou « argentea » suivant la couleur que prennent les rayures qui ornent leurs feuilles. Celles-ci peuvent donc être rayées de jaune – pour aurea – ou de blanc – pour argentea - .

Mais Richard Cayeux propose cette fois, non pas l’espèce I. pallida, mais une variété particulière de grand iris des jardins, ‘Canadian Streaker’ (Chapman, 1997) qui se présente avec des feuilles rayées de jaune crémeux et de blanc sur un fond vert vif avec, à la base, une teinte très nette d’un intéressant rouge pourpré. A la différence des pallidas classiques, dont le défaut majeur est d’offrir des tiges florales trop molles et flexueuses, traînant souvent au sol, et des fleurs étroites, bleu pâle, que certains trouvent insignifiantes, les tiges de ‘Canadian Streaker’ se dressent solidement, et ses fleurs sont d’une jolie couleur bleu lavande clair. On peut donc maintenant considérer que le feuillage des grands iris n’est plus obligatoirement pauvre et triste aussitôt finie la saison des fleurs.

Auparavant d’autres producteurs, qui sont aussi obtenteurs, ont été tentés d’exploiter la coloration pourprée de la base des feuilles de certaines variétés pour en faire un argument commercial. Le Bulletin de l’AIS de janvier 2000 y a même consacré un long article constitué des témoignages des plusieurs hybrideurs, Ginny et Donald Spoon, Roger Duncan et Richard Tasco, Brad Kasperek, John Weiler, Terry Aitken…

Kasperek est plus intéressé par la production d’iris au feuillage rayé. Il a d’ailleurs enregistré et introduit plusieurs variétés ayant cette caractéristique de façon fiable et constante : ‘Zebra Blush’ (1995), ‘Zebra Halo’ (1997), ‘Zebra Night’ (1998) et ‘Tricerabottomz’ (oh ! le nom !!) (1999) qui se présente avec des feuilles tricolores, vert, jaune, blanc.

Weiler signale qu’il lui-même enregistré des variétés au feuillage veiné, mais que ce caractère n’est pas celui pour lequel ces variétés ont été sélectionnées (‘Striped Jade’ (1983) et ‘Bold Stripes’ (1992). Il déplore le manque de stabilité des feuillages colorés et se demande si ces variations de couleur n’ont pas pour origine l’utilisation d’herbicides…

C’est aussi l’opinion de Terry Aitken qui accuse le « roundup » et ses équivalents.

Duncan et Tasco s’interrogent sur la stabilité de la coloration. Il leur semble qu’elle apparaisse sur les poussent de certaines variétés, mais pas toutes celles d’une même touffe. Ils notent au passage la présence sur certains de leurs semis, de feuilles rayées blanc ou crème, comme celles du désormais célèbre ‘Canadian Streaker’.

Les Spoon se relaient, Ginny commence par dresser l’inventaire des variétés à base pourprée, elle l’évalue à 6 %, Donald lui emboîte le pas pour en rechercher les origines, qu’il situe, essentiellement, chez I. variegata et, accessoirement, chez I. pallida. Il en profite pour faire une savante analyse de la nature chimique de cette coloration et la façon dont elle s’est répandue parmi les iris hybrides.

Attribuer l’apparition des rayures sur les feuilles à l’utilisation de désherbants ne me paraît pas vraiment sérieux. Oui, les désherbants ont des conséquences sur les plantes touchées, mais cela ne modifie pas durablement la coloration : si ces plantes ne meurent pas, la pousse suivante sera exempte d’anomalies. Or les variations de feuillage du type de celles qui affectent ‘Canadian Streaker’ continuent d’apparaître d’année en année, comme chez les pallidas diploïdes. La proposition de Donald Spoon est certainement beaucoup plus sérieuse. En tout cas elle concerne sans erreur la coloration de la base des feuilles qui a évidemment une origine génétique. Il semble bien que l’origine soit la même pour les rayures claires. C’est ce qui permet à ‘Canadian Streaker’, plus que la couleur de ses fleurs, de figurer dans les catalogues. Mais achète-t-on un iris pour cette raison ?

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