20.2.09











MI-GRANDS, MI-NAINS

Le triomphe de ‘Starwoman’ à la dernière Dykes Medal a mis le projecteur sur les iris intermédiaires puisque c’était la première fois qu’un iris de cette catégorie emportait la médaille. Longtemps les iris intermédiaires ont été plutôt mal appréciés des amateurs. Alors que les nains (SDB) ont toujours eu du succès, les intermédiaires ont connu des moments difficiles. La raison en était dans leur stérilité. Mais les choses ont évolué et, un peu comme ce fut le cas pour les grands iris, un jour, les intermédiaires sont devenus fertiles et, du coup, ont attiré l’attention. Ce moment magique n’est pas ancien : à peine une vingtaine d’années.

Dans un article sous-titré « Un mythe anéanti », publié en 1998 dans la revue «The Medianite» dédiée, comme l'indique son nom, aux iris moyens, l’obtentrice américaine Marky Smith, celle qui aura la chance de proposer le désormais fameux ‘Starwoman’, a fait une synthèse de ses travaux sur les iris intermédiaires. Elle a effectué de nombreux croisements entre des intermédiaires utilisés comme parent femelle et, soit des nains standards, soit des grands iris. Au début de 98 elle a choisi trente-trois IB (intermédiaires) qu'elle a d'abord fécondé avec du pollen prélevé sur des SDB (iris nains), alors en fin de floraison, puis, un peu plus tard, avec du pollen de TB (grands iris). Cette expérience a été tentée avec des variétés dont elle pouvait espérer obtenir des semis intéressants et dont la fertilité pollinique était reconnue. Une démarche identique a été suivie par l’amateur franco-néerlandais Loïc Tasquier, qui en a rendu compte dans le n° 158 de Iris & Bulbeuses (2008) et par l’obtenteur russe Sergeï Loktev.
Certains des iris fécondés n'ont rien donné, mais les plus nombreux ont produit, au moins dans l'un ou l'autre des croisements, quelques voire de nombreuses graines. En dépit d'un taux assez faible de germination des graines provenant des ces croisements, cette expérience a été un véritable succès. A tel point qu’aujourd’hui, on peut dire que les IB sont des iris fertiles à peu près comme les autres. Et cette caractéristique se généralisera vraisemblablement avec l’utilisation en hybridation des dernières variétés, reconnues comme fertiles.
Cela dit, il serait peut-être temps de dire ce que l’on entend exactement par « iris intermédiaires ».

Pour définir le mot « intermédiaire », le dictionnaire Robert écrit : « Qui, étant entre deux termes, se trouve placé dans une situation moyenne, forme une transition ou assure une communication ». Point de communication, ni, à proprement parler, de transition, en ce qui concerne nos iris. Mais effectivement une situation moyenne qui résulte de leur origine : un croisement entre iris nains et grands iris. Cependant, comme ce type de croisement n’est pas homogène, la classification des iris préfère s’en tenir à une notion de taille : les iris intermédiaires sont ceux dont la hampe florale mesure entre 40 et 69 cm et qui sont en fleur entre les SDB et les TB. En rester là ne serait pas satisfaisant : il faut entrer dans la « fabrication » de ces iris pour bien comprendre l’origine de leur taille et les particularités qui les caractérisent.

Un peu d’histoire. Certains iris diploïdes des débuts de l’hybridation n’atteignaient pas 70 cm, c’était donc des intermédiaires si l’on s’en tient à la hauteur de la tige. C’est le cas, par exemple, de ‘Loute’ (Vilmorin 1910) ou de ‘Fra Angelico’ (Vilmorin 1920). Mais au plan génétique ce sont des grands iris. De véritables intermédiaires sont apparus au début du XXeme siècle par l’entremise de certains hybrideurs, et tout particulièrement de l’anglais William John Carpane qui en introduisit près de deux cent variétés, dont très peu sont parvenues jusqu’à nous pour la raison essentielle qu’étant des hybrides stériles, elles ne devaient leur survie qu’à une multiplication végétative souvent difficile à obtenir. Carpane n’a jamais précisé quelles étaient les origines de ses intermédiaires. C’est Marc Simonet qui a expliqué que ces iris provenaient de l’alliance entre de grands iris tétraploïdes et des iris nains diploïdes, d’où l’imparité chromosomique et la stérilité.

Les Européens se sont très peu intéressés aux iris intermédiaires, qu’ils ont négligé jusque dans les années 80 ; ils ont laissé aux Américains le monopole de leur développement. Ces derniers ont créé pour eux une récompense spécifique, la Hans and Jacob Sass Medal qui a incité certains obtenteurs à poursuivre l’amélioration de la catégorie.

Si, au début, les iris intermédiaires vrais étaient issus de croisements TB X SDB ou vice-versa, dans la proportion 50/50, au fil du temps on a essayé des croisements plus complexes qui ont abouti à des produits classés IB en raison de leur taille mais résultant de croisements 75% TB X 25% SDB comme ‘Vamp’ (Gatty 71) ou ’Oklahoma Bandit’ (Nichols 79), 75% BB X 25% SDB, voire 50% TB X 50% IB comme ‘Voilà’ (Gatty 72) ou ‘In a Flash’ (P. Black 2000). Ce sont ces variétés mixtes qui ont réussi à donner naissance à des IB fertiles. A cette constatation il faut ajouter que certains croisements classiques se montrent également fertiles. C’est le cas de ‘Starwoman’ (M. Smith 97), qui est issu d’un SDB, ‘Chubby Cheeks’ (P. Black 84) et d’un grand iris, en l’occurrence un semis non dénommé réunissant ‘Snowbrook’ (Keppel 86) et un de ses frères de semis. L’origine des IB devient de plus en plus complexe ! Désormais les IB ont acquis tous les traits des grands iris, comme les éperons - voir ‘Devilish Nature’ (Boswell 98) - ou les couleurs brisées, et ils peuvent posséder ceux des iris nains, notamment le typique signal sombre sous les barbes.

Devant cet état de fait, l’amateur, qui n’est pas nécessairement un adepte de la génétique, se contentera de se réjouir de ce qu’il peut désormais trouver des iris remarquables qui font que la saison se poursuit sans interruption depuis la floraison des tout petits MDB jusqu’à celle de grands TB. Les iris intermédiaires, désormais fertiles, ont comblé le vide qui apparaissait après la floraison des SDB. Ils offrent en plus la possibilité de croisements surprenants et tous plus intéressants les uns que les autres.

1 commentaire:

loic a dit…

Merci Sylvain d'avoir frappé le clou , j'espère que, grace à ton article les 'Intermédiaires' vont enfin déclencher un peu plus de vocations!Montaigne ne préchait-il pas pour le juste milieu?
Voici un lien où vous pouvez voir mes semis intermediaires, histoire de vous donner des idées!http://www.flickr.com/photos/loic_tasquier/collections/72157612238682162/

Loïc