26.7.08











ECLABOUSSURES ET BARBOUILLAGES
Ou comment tirer partie d’une anomalie


Quand on regarde un de ces iris que l’on appelle « broken color », on a l’impression qu’un peintre maladroit a laissé son pinceau dégouliner au-dessus des fleurs. Pendant longtemps les obtenteurs n’ont pas osé accordé de l’intérêt à ces fleurs bizarres qui apparaissaient pourtant régulièrement parmi leurs semis et il a fallu effectivement attendre les années 70 pour que, timidement, certains hybrideurs avides d’originalité, se décident à préserver ces iris dont on dirait qu’ils ont reçu par mégarde d’étonnantes éclaboussures. Celui qui, en la matière, fut un initiateur s’appelle Allan Ensminger. C’est en 1967 qu’il a découvert son premier iris barbouillé et le premier « broken color » réellement intéressant qui ait été enregistré se nomme ‘Doodle Strudel’ (Ensminger 77), un iris bleu ciel, taché de bleu marine, descendant perturbé de ‘Stepping Out’. L’année suivante, il a recommencé avec ‘Inty Greyshun’ (78), qui est mauve améthyste et barbouillé de blanc. ‘Batik’, le plus célèbre, au point d’en être devenu la variété-repère, est apparu en 81. Par la suite vinrent ‘Painted Plic’ (83), ‘Maria Tormena’ (87), ‘Isn’t it Something’ (93) puis ‘Brindled Beauty’ (94) et ‘Autumn Years’ (95). Depuis on a fait bien plus étrange, voire extravagant, mais il n’empêche que la paternité du modèle doit être attribuée à Ensminger, un homme qui, aujourd’hui a dépassé les 80 ans.

Vient ensuite le règne de Kasperek.

Kasperek n’est pas parti du néant. Il a tout simplement utilisé les variétés d’Ensminger, notamment ‘Maria Tormena’ et ‘Painted Plic’, pour commencer sa nouvelle lignée de « broken color ». Dès le début, ses iris ont été remarqués, non seulement pour leurs noms qui, chez nous, passeraient pour franchement ridicules, mais surtout pour leurs qualités et l’originalité de leurs coloris. La plupart de ces cultivars ont été honorés d’une récompense officielle, comme c’est le cas pour ‘Gnu’ (94), ‘Tiger Honey’ (94), ‘Bewilderbeast’ (95) ou ‘Millenium Falcon’ (98) qui ont atteint le stade de l’Award of Merit. C’est dire si ces iris ne passent pas inaperçus !

Devant ce succès, d’autres obtenteurs ont tenté leur chance. Dès 83 Joyce Meek avait enregistré ‘Wild Card’, qui est presque un « broken color » en ce sens qu’il n’y a pas deux fleurs marquées de la même façon, mais qui reste néanmoins plus proche de la catégorie plicata, un peu comme était ‘Hey Looky’ (W. Brown 70), instabilité qu’on trouve également chez ‘Barletta’ (Peterson 74). En 95, Maryott a proposé ‘Out of Control’, violet pourpré balafré de blanc, puis Keith Keppel lui-même a trouvé dans ses semis de plicatas un iris irrégulièrement coloré, joliment baptisé ‘Broken Dreams’ (98), rose aspergé de blanc aux sépales. Cet iris « broken color » conserve néanmoins un air distingué qui tranche sur le côté un peu canaille des productions Kasperek. Il faut dire que dès le début de sa carrière d’obtenteur, Keppel avait créé ‘Humoresque’ (61), un iris parme, avec des dessins aléatoires bleus. Il n’est donc pas vraiment débutant dans le modèle.

Maintenant la pompe est amorcée. Chacun sait comment faire pour obtenir des iris barbouillés. C’est d’autant plus intéressant pour un obtenteur qui débute, que le modèle n’est pas encore saturé, et qu’il y a de la place pour de nouveaux venus. De plus, les nouveaux peuvent à juste titre avoir l’ambition de créer des fleurs réellement jolies, élégantes, voire raffinées, en prenant exemple sur ce qu’a fait Keith Keppel. C’est un peu ce qui est arrivé à Rose-Linda Vasquez-Poupin, une amatrice du Vaucluse, qui nous a offert en 2007 ‘Rose-Linda Vasquez’, une variété aux pétales blanc bleuté et aux sépales blancs parcourus de dessins aléatoires bleu lavande. La fleur est bien formée et joliment ondulée. Charme supplémentaire, cet iris porte des éperons blancs à la pointe de ses barbes.

Cependant le défi est difficile car, dans les semis de « broken color » il y a beaucoup de déchet : plantes malingres, rabougries, fragiles… C’est d’ailleurs pourquoi il y a beaucoup d’iris de petite taille (BB) dans la catégorie : une façon de commercialiser malgré tout des plantes qui n’atteignent pas la hauteur réglementaire pour les grands iris. C’est aussi pourquoi il faut être particulièrement rigoureux quand on sélectionne un « broken color » car la tentation peut être forte de mettre sur le marché quelque chose d’imparfait, ou simplement d’esthétiquement discutable.

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