7.3.08







PIÚ VIVO

L’apport de I. aphylla aux iris modernes

On me demande souvent pourquoi beaucoup de nos grands iris de jardin perdent presque complètement leur feuillage à l’entrée de l’hiver, ne laissant apparaître qu’un moignon vert émergeant à peine du sol, alors que d’autres variétés conservent un panache de feuille qui attendra le printemps pour laisser la place aux feuilles nouvelles. L’explication s’appelle I. aphylla. Cette espèce d’iris, de petite taille, originaire d’Europe de l’Est, a contribué de plusieurs façons au développement des iris jusqu’à ceux que l’on connaît aujourd’hui.

Il est connu depuis fort longtemps puisqu’il a été d’abord décrit en 1753 par Linné. Simonnet en 1934, puis Randolph en 1947 ont complété sa description. C’est un petit iris tétraploïde, d’une trentaine de centimètres, ce qui le classe parmi les iris intermédiaires, voire les MTB. Il a de nombreuses tiges portant par conséquent de nombreuses fleurs de couleur violet foncé avec barbes blanchâtres (photo).

Comme son nom le laisse entendre à ceux qui ont quelques notion de grec, I. aphylla possède une caractéristique bien particulière : il perd ses feuilles l’hiver. Mais ce n’est pas tout. En raison de ses origines est-européennes, il résiste bien au froid et à l’humidité. Cette rusticité s’allie à un port touffu et une forte croissance pour offrir aux hybrideurs un intérêt évident dont ils ont usé dès les années 30. Ce fut d’abord pour améliorer les caractéristiques des iris nains standards (SDB), mais certains obtenteurs de grands iris se sont dit que sa couleur violette, bien saturée, pouvait enrichir leurs recherches vers l’iris noir. Ce fut le cas de Paul Cook, hybrideur visionnaire, et de la famille Schreiner.

Paul Cook a utilisé pour point de départ une variété dénommée ‘Blue Boy’, issue d’ I.aphylla. Il l’a croisée avec un iris blanc, diploïde, puis recroisé avec des iris rouge pourpré en provenance de ‘Cinnabar’ et de ‘Seminole’. Un grand nombre de générations plus tard il a obtenu ‘Sable’, apparu sur le marché en 1938 et considéré à l’époque comme le roi des noirs, bien qu’il ne soit que violet foncé.

Les Schreiner, quant à eux, ont profité du travail vers le noir des frères Sass et utilisé leur ‘The Black Douglas’ (34), croisé avec un semis grenat foncé, pour obtenir ‘Ethiop Queen’. Cette variété, d’un violet pourpré profond, fut à son tour croisée avec ‘Dymia’, lui-même descendant à la troisième génération de I. aphylla. Le résultat se nomme ‘Black Forest’ (45). De là proviennent pratiquement tous les iris noirs actuels, qu’il s’agisse de ‘Before the Storm’ ou de ‘Hello Darkness’.

Les Schreiner ont cherché les raisons de leur avancée vers le noir et ont déterminé que cela provenait d’une aptitude de I. aphylla, qui aurait le pouvoir d’intensifier la couleur des semis qui en descendent. Ce pouvoir, évident pour les iris tendant vers le noir, s’est révélé également vrai pour toutes les autres couleurs, de sorte que la plupart des hybrideurs ont introduit un rejeton de I. aphylla dans leur panel et accru la richesse du coloris des variétés qui ont découlé de cette introduction.

Mais l’utilisation de I. aphylla n’a pas eu que cette conséquence. Il ne faut pas oublier que cette espèce est à feuillage caduc ! Les iris qui contiennent les gènes de I. aphylla ont donc tendance à perdre leurs feuilles. C’est particulièrement évident chez les iris sombres, comme ‘Edenite’ (Plough 58) (photo), ‘Black Swan’ (Fay 60) ou ‘Study in Black’ (Plough 68) et leurs très nombreux descendants, mais cela concerne également des variétés claires, au gré des brassages survenus dans leur arbre généalogique. Prenez, par exemple ‘Sierra Grande’ (Schreiner 92), qui est un amoena ou ‘Papapubren’ (Dudek J. 2000) (photo) d’un blanc nacré.

I. aphylla a été un élément essentiel de l’évolution des iris hybrides. Cette espèce et quelques autres comme I. reichenbachii, ajoutées au cocktail que constituent les iris modernes, ont largement contribué à leur beauté.

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