28.3.08







LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Trois nouveaux clichés signés « Greenorchid ». Des fleurs pourpres, un fond vert. C’est encore plus beau que la réalité !
ECHOS DU MONDE DES IRIS

Opération IRISADE

Extraits du site de l’association « Irisade » :

« L’Iris est l’un des supports d’une initiative qui associe éducation au développement durable et solidarité entre les générations et les territoires. (…) Cette initiative se nomme « IRISADE », elle a pour objectif principal de mettre en œuvre des projets pédagogiques intéressant la lutte contre le gaspillage de l’eau. L’iris est considéré comme un symbole multiculturel et scientifique associé avec l’homme et l'eau depuis la nuit des temps. Des références (entre tant d’autres !) à la fois à la messagère de la mythologie grecque, qui réunit l’eau et l’air dans l’arc en ciel, aux iris sacrés de la haute Égypte, aux iris superbes multicolores des jardins, à Iris nigricans dit ‘l’économiseur’ de l’eau, iris noir du désert et élégante fleur nationale de la Jordanie, et à l'iris jaune des marais, dit l’ « Iris de Clovis », qui aujourd'hui, en compagnie d'autres plantes aquatiques, épure les eaux usées et les boues des communes et autoroutes. »

Il est exact que l’iris n’est pas grand consommateur d’eau, du moins pour certaines espèces, notamment européennes et moyen-orientales. Mais ce n’est point vrai des iris d’Asie et d’Amérique !

Saluons quand même l’initiative de cette association dont on ne peut que louer le but.






BONS BAISERS DE BRATISLAVA
Regard sur les iris de Slovaquie


Bratislava, capitale de la Slovaquie, est une ville qui a un passé compliqué. Située au centre de l’ancien empire austro-hongrois, elle a porté trois noms différents au cours de l’époque moderne. Pour l’Autriche, elle s’appelle Presburg, et un traité fameux y fut signé au XVeme siècle, mais pour la Hongrie, dont elle a fait partie jusqu’en 1918, c’est Poszony, alors que son nom actuel est celui que lui donnent les Slovaques. Cette triple appartenance en fait une des villes au destin les plus complexes d’Europe et on peut peut-être retrouver ces multiples influences dans les nombreux iris qu’on y cultive et hybride aujourd’hui.

Pour pratiquer l’hybridation d’iris de l’autre côté du Rideau de Fer, entre 1960 et 1990, il fallait beaucoup d’humilité et beaucoup d’enthousiasme. Il n’était pas facile de se procurer les variétés américaines de l’époque. Aussi travaillait-on à partir de variétés anciennes, acquises par la débrouille et le commerce parallèle. La démarche était par ailleurs intuitive et sentimentale : pas de programme précis, pas d’autre but que celui d’obtenir de nouveaux iris, les plus beaux possibles, tout simplement. A cette époque, nombreux étaient ceux qui s’intéressaient aux iris hybrides dans ce qui constituait la Tchécoslovaquie. Entre tous ces amateurs régnait une vive amitié : aucun objectif commercial ne dressait entre eux les barrières de la concurrence, et s’il y avait compétition, elle s’entendait dans le sens de l’émulation et pas dans celui de l’antagonisme.

A Bratislava, Ladislaw Muska, au début des années 60 s’est lancé dans l’hybridation des iris. A la même époque, dans la Bohême voisine, il y avait beaucoup d’autres personnes qui s’intéressaient aux iris. Pour ne citer que les principaux, parlons de Jiri Adamovic, Milan Blazek, Leonard Rysnar ou Vojtech Smid. En Slovaquie, Muska n’était pas seul puisque ses compatriotes Kovarik et Stilhammer avaient eux aussi entrepris de produire de nouvelles variétés. C’est à croire que l’enthousiasme remplaçait les iris puisque le potentiel génétique à la disposition de tous ces amateurs était des plus réduit. D’ailleurs, avec presque rien, ils obtenaient des variétés nouvelles intéressantes. ‘Libon’ (Smid 80) issu de ‘Crinkled Gem’ X ‘Amigo’s Guitar’ est venu, en 1985, tailler des croupières aux variétés américaines et remporter le Florin d’Or du Concours de Florence !

La disparition des obstacles consécutive à l’ouverture vers l’Ouest des pays d’Europe Centrale a offert à tous ces fanatiques des perspectives nouvelles dont ils ont immédiatement usé en se procurant des centaines de nouvelles variétés américaines, australiennes et françaises. La seule barrière que les hybrideurs pouvaient rencontrer étaient celle de l’argent (il faut payer en dollar les variétés importées), mais pour des gens habitués au système D, elle pouvait être surmontée. Ce fut dès lors un plaisir que de travailler avec de grands iris comme ‘Bodacious’, Dusky Challenger’, Edith Wolford’, Everything Plus’, Jesse’s Song’, ‘Silverado’ ou ‘Titan’s Glory’. Et les résultats sont venus, tout naturellement car les utilisateurs avaient acquis un professionnalisme qui leur permettait d’effectuer des croisements dont ils anticipaient fort bien les réussites.

Mais au moment où les moyens matériels arrivaient enfin, le nombre des hybrideurs slovaques s’est mis à diminuer : l’âge et la lassitude, peut-être… Aujourd’hui ils ne sont plus que deux. Ladislaw Muska, déjà cité, et Anton Mego.

Muska a connu toutes les étapes de l’évolution de l’hybridation dans son pays, depuis sa période ‘Babbling Brook’, jusqu’à son présent constitué d’une profusion d’iris plicatas ou « space age ». C’est essentiellement de ce côté qu’il penche désormais et ses dernières obtentions dans ce domaine sont tout à fait intéressantes. ‘Bonvivan’ (2008) ou ‘Push out Horns’ (2008) sont des exemples de ce qu’il propose aujourd’hui.

Anton Mego est un homme de la génération suivante. Il n’a pas travaillé dans les conditions héroïques des années 80. Mais il a très vite, peut-être même instinctivement, acquis cette autorité qui lui fait tout de suite distinguer les bons parents, réaliser les bons croisements et sélectionner les bons semis. Chacune des réalisations qu’il propose est une réussite. Et cet artiste a tout de suite été repéré par les grands producteurs américains qui mettent à leur catalogue les nouveautés « made in Bratislava ». ‘Slovak Sapphire’ (2004) a obtenu le deuxième prix à Florence en 2003. ‘Slovak Prince’ (2002) s’est même payé le luxe de s’imposer dans le très rigoureux cercle des iris décorés aux USA d’un Award of Merit (2007).

La Slovaquie, tout petit état d’Europe Centrale, se trouve parmi les grandes nations de l’iridophilie. Il suffit de peu de chose, et surtout d’un peu de génie, pour se hisser au niveau des plus grands.

22.3.08







LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Cette fois trois photos magnifiques signées « Greenorchid », une des meilleures photographes actuelles.
LETTRES D'IRIS (pastiches littéraires)

A la manière de Muriel Barbery(1)

- Extrait du journal intime de Paloma Josse -

Aujourd’hui il m’est arrivé quelque chose d’étonnant : je me suis fait un nouvel ami. J’ai eu beau protester et expliquer à Maman que je ne m’intéressais pas aux plantes (ce qui est faux, bien entendu, mais qui était l’excuse minable que j’avais trouvée pour justifier mon souhait de ne pas l’accompagner à la fête de plantes où elle avait décidé de me traîner, sous le prétexte de me faire prendre l’air), elle a pris une mine de chien battu pour me dire : « Ma pauvre chérie tu as tout l’air d’une endive, tu ne sors pas assez, ce n’est pas bon pour ta santé ! » Elle me regarde toujours comme si ma vie était en danger parce que je me sens mieux dans ma chambre que dans les manifestations mondaines. Consciente de l’inanité de mon argumentation, et prise d’une clémence à son égard qui m’est bien peu coutumière, j’ai fini par céder aux arguments de ma mère, et enfiler ma parka pour l’accompagner à Herson.

Herson, c’est un bled dans la banlieue sud-ouest, loin, un bled qui n’a pas d’autre intérêt que son château, son parc, et la fête des plantes qui s’y déroule deux fois l’an. On y arrive après une heure de voiture, dans les conditions éprouvantes que Maman inflige à ses passagers, car elle conduit comme si elle était entourée de requins bien décidés à lui faire la peau. D’ordinaire, elle parle du bout des lèvres, dans une langue châtiée propre aux personnes éduquées dans les meilleures institutions religieuses, au volant, elle emploie les termes les plus vulgaires qui soit, injuriant les autres automobilistes qui ont l’audace de se trouver sur sa trajectoire. Cela nous vaut des coups de frein brusques, des virages à faire crisser les pneus, ou des accélérations qui nous plaquent contre le dossier de notre siège.

Il a plu hier toute la journée et le sol est encore gorgé d’eau. De sorte que dans le parc de Herson, on patauge allègrement. J’ai regretté de n’avoir pas enfilé mes après-ski. On a commencé à se traîner devant les stands des gens qui sont là pour vendre aux parisiens les plantes qu’ils vont transporter précieusement vers leurs résidences secondaires de Normandie ou de Bourgogne, et qui périront de soif entre deux week-ends.

Maman, dans un très seyant manteau de drap bleu roi, un peu voyant peut-être, mais il ne faut surtout pas passer inaperçu dans ces rendez-vous de la bonne société, marche lentement, plus attentive au regard des autres qu’aux végétaux qu’elle est sensée être venue voir. J’ai très vite regretté mon moment de faiblesse de l’après déjeuner. J’avais mis à mon programme de ce dimanche les nouvelles de Philippe Jaworski, un jeune écrivain de fantasy que m’a recommandé mon amie Jeanne-Marie. Au long des allées boueuses où nous déambulions mollement, je m’apitoyais sur les délices de lecture dont je m’étais privée. Mais, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis mise à examiner dans le détail le comportement des gens qui nous entouraient. Les habitants des beaux quartiers parisiens étaient tous là, caricatures de leur milieu et de l’image qu’ils veulent donner d’eux-mêmes. J’imaginais le métier de chacun : celui-ci était forcément un médecin hospitalier, je le voyais très bien en blouse blanche, circulant de chambre en chambre ; celle-là devait avoir choisi la noble destinée de femme au foyer, à la voir, encombrée de trois lardons entre deux et huit ans, elle avait pris son rôle au sérieux et décidé de repeupler le XVIIeme, avec la bénédiction de son curé ; quant à ces deux-là, amoureusement serrés l’un contre l’autre, pour oublier un peu l’ennui de leur travail à La Défense, ils ont sûrement l’intention d’acheter un pavillon du côté de Cergy-Pontoise, dans un quartier neuf et encore préservé.

Soudain, Maman s’arrête. Elle vient de voir, derrière le comptoir du stand d’une association d’amis de végétaux, sa vieille amie de lycée Marie-Martine Rougé-Lefront. Elles s’embrassent comme si elles étaient contentes de se retrouver et entament aussitôt un papotage volubile auquel j’assiste dans la plus grande indifférence. C’est fou ce que deux copines de trente ans ont à se raconter après toutes ces années sans avoir eu besoin de se rencontrer. Tout y passe : les banalités sur la famille, les enfants, les maris, les souvenirs d’aventures infimes, les perfidies sur les condisciples et les considérations sur les difficultés de la vie moderne. Cela a l’air des plus amusant, mais je m’ennuie de plus en plus ferme. C’est alors que je découvre, sur le stand d’à côté, des petites fleurs en pot, dont j’ignore tout, mais qui me paraissent d’un naturel et d’une fraîcheur réjouissants. Laissant là les deux commères, je m’approche du fleuriste voisin. Voici une petite plante à pétales violet foncé, élancée, délicate. Je me penche vers l’étiquette : « iris chrysographes ». Un iris, ça ? Un autre pot exhibe une autre plante assez semblable, avec des feuilles fines et souples qui retombent gracieusement : « Iris versicolor ». Un iris, encore ? Juste à côté un autre pot contient une autre espèce, qui doit être aussi un iris car elle ressemble à la précédente sinon qu’au lieu d’un beau bleu tendre, elle porte des fleurs aux longs pétales étroits de couleur carmin : « Iris versicolor var. kermisina ». Je n’imaginais pas les iris comme cela. Pour moi ce sont les grosses fleurs que j’ai vues l’année dernière à l’abbaye de St Michel de Cuxa et qui se trouvent aussi sur ce stand, avec plein d’autres. Un homme d’un certain âge, l’air à la fois rustique et distingué, s’approche de moi. Il me parle. C’est surprenant : il ne me parle pas comme à une petite fille de douze ans mais comme à quelqu’un à qui l’on peut expliquer les choses sans bêtifier. Il remarque mon étonnement et m’explique qu’il y a beaucoup de sortes d’iris et que j’ai sous les yeux quelques exemples de cette diversité. Il me raconte que l’iris versicolor a été adopté comme plante nationale par le Québec, il fait la différence entre le type lui-même et la variété kermisina aux fleurs grenat. J’écoute, ravie. Ce monsieur est un grand pédagogue, il réussit à m’intéresser à quelque chose à quoi jamais je n’aurais imaginé porter quelque attention. Plus il m’en dit de sa voix calme et harmonieuse, plus j’ai envie d’en savoir plus.

Quand Maman m’a rejointe, elle a été à la fois fâchée parce que je ne suis pas restée avec elle pendant qu’elle faisait la causette avec son ancienne camarade de l’Institution Ste Agnès, et satisfaite de me voir m’intéresser à quelque chose de concret comme l’est une fleur. Elle a échangé quelques propos mondains avec le monsieur aux iris et c’est comme cela que j’ai appris qu’il se rendrait samedi et dimanche prochain à St Jouin des Bournais pour une autre foire aux plantes. En revenant vers Paris, toujours aussi nerveuse au volant, Maman a quand même réussi a me dire combien elle était satisfaite de m’avoir amenée à Herson, et elle m’a même proposé de me conduire dimanche prochain à St Jouin des Bournais. J’ai failli dire oui tout de suite, mais je me suis ravisée à temps. Certes je désire vivement aller à St Jouin, mais je demanderai plutôt à ma tante Hélène de m’y emmener. Elle, au moins, elle me laissera écouter mon nouvel ami.

(1)Muriel Barbery est notamment l’auteur de « L’élégance du hérisson » qui a servi de base à cette parodie.

14.3.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Puisque c’est la semaine de l’orange, voici une magnifique photo de ‘Brilliance’, par une personne qui se fait appeler Greenorchid, et qui m’a autorisé à publier ici ses photos, toujours très réussies.






A LA RECHERCHE DE L’ORANGE

Quel que soit la source d’information, on ne trouve pas grand’ chose sur l’histoire des iris oranges dans les textes des spécialistes. La Bible que constitue « The World of Irises » tout comme « Iris, une fleur royale » de Richard Cayeux, présentent les iris oranges, mais ne s’attardent pas sur les origines de cette couleur. En fait elle remonte à la révolution rose des années 30. Mais l’orange n’a pas été une couleur recherchée. Au contraire ! Pour obtenir du rose aussi pur que possible, il faut éliminer tout ce qui peut en brouiller l’éclat, et notamment la couleur jaune, sous-jacente. Les hybrideurs ont donc concentré leurs efforts sur cette élimination et ne sont revenus vers les tons de pêche, d’abricot et d’orange que lorsqu’ils sont parvenus par ailleurs à un rose parfait. Ce n’est que dans les années 50 que l’on a obtenu des iris abricot valables, et il a fallu attendre les années 60 pour voir des oranges dignes des récompenses annuelles de l’AIS.

Il n’est donc pas étonnant que le grand spécialiste des iris roses que fut David Hall soit aussi le fondateur de la lignée des iris abricot. Trois de ses obtentions dans cette couleur ont obtenu l’AM : ‘Melody Lane’ (47), ‘Temple Bells’ (52) et ‘Top Flight’ (53) ; associées à un autre iris abricot, ‘Apricot Glory’ (Muhlestein 48), ces variétés sont à la base des iris abricot que nous connaissons aujourd’hui. C’est ainsi que l’obtenteur allemand Viktor von Martin a enregistré en 1958 ‘Aprikosen-Prinzess’, descendant direct de ‘Top Flight’ (voir photo).

Pour les iris franchement oranges, l’évolution a été exactement parallèle puisque les sources ont été les mêmes. Mais ce n’est qu’au début des années 60 que cette couleur a pris son essor. L’un des tout premiers a être apprécié a été ‘Celestial Glory’ (Reckamp 61), plus chamois, d’ailleurs, qu’orange. Puis vinrent les pionniers qui se nomment ‘Orange Parade’ (Hamblen 59), ‘Chinese Coral’ (Fay 62) ‘Mission Sunset’ (Reckamp 62) ou ‘Son of Star’ (Plough 69). Ce dernier peut être considéré comme le premier iris vraiment orange, les autres n’ayant fait que montrer le chemin.

L’une des caractéristiques des iris abricot ou orange, qui ne leur fait pas que des amis, est leur faible développement, tant en hauteur qu’en prolificité. Chacun a pu constater dans son jardin que les iris oranges sont en général d’une taille plus basse que leurs voisins et qu’ils poussent souvent moins vite. Si l’on ajoute qu’ils sont difficiles à acclimater dans les régions les plus fraîches, on aura une idée de ce qui attend ceux qui veulent en faire leur cheval de bataille. Il y a encore des progrès à faire dans cette couleur, même si des variétés récentes présentent des qualités remarquables.

Parmi les meilleures, Richard Cayeux cite son ‘Feu du Ciel’ (Cayeux 93), ainsi que ‘Avalon Sunset’ (Schreiner 94). Mais, depuis, d’autres oranges excellents sont apparus, comme ‘Cracklin’ Caldera’ (Aitken 2003) (photo), remarqué au concours FRANCIRIS ® 2005, ‘Coup de Soleil’ (Cayeux 2006), très vif, ou ‘Sunset Point’ (Sutton G. 2001), qui ajoute des éperons à un riche coloris.

Dans les tons plus clairs, ‘Day Glow’ (Keppel 97) (photo) ou le joli ‘Fiesta Orange’ (Black P. 2006) montrent tous les progrès obtenus dans ce coloris.

Pour ceux qui, dans leur loisir ou leur travail d’hybrideurs sont à la recherche d’un domaine où ils peuvent apporter quelque chose de neuf, le secteur des iris oranges leur offre un champ d’expérience encore assez peu exploré.

7.3.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

Le plus souvent, les clichés pris par Ladislav Muska dans sa pépinière de Bratislava sont d’une médiocrité qu’il reconnaît lui-même. Cette fois, pour ce ‘Dornspiel’, il a réussi une image qui met bien en évidence la particularité de cette fleur, à savoir les bords laciniés de ses pétales et de ses sépales.






PIÚ VIVO

L’apport de I. aphylla aux iris modernes

On me demande souvent pourquoi beaucoup de nos grands iris de jardin perdent presque complètement leur feuillage à l’entrée de l’hiver, ne laissant apparaître qu’un moignon vert émergeant à peine du sol, alors que d’autres variétés conservent un panache de feuille qui attendra le printemps pour laisser la place aux feuilles nouvelles. L’explication s’appelle I. aphylla. Cette espèce d’iris, de petite taille, originaire d’Europe de l’Est, a contribué de plusieurs façons au développement des iris jusqu’à ceux que l’on connaît aujourd’hui.

Il est connu depuis fort longtemps puisqu’il a été d’abord décrit en 1753 par Linné. Simonnet en 1934, puis Randolph en 1947 ont complété sa description. C’est un petit iris tétraploïde, d’une trentaine de centimètres, ce qui le classe parmi les iris intermédiaires, voire les MTB. Il a de nombreuses tiges portant par conséquent de nombreuses fleurs de couleur violet foncé avec barbes blanchâtres (photo).

Comme son nom le laisse entendre à ceux qui ont quelques notion de grec, I. aphylla possède une caractéristique bien particulière : il perd ses feuilles l’hiver. Mais ce n’est pas tout. En raison de ses origines est-européennes, il résiste bien au froid et à l’humidité. Cette rusticité s’allie à un port touffu et une forte croissance pour offrir aux hybrideurs un intérêt évident dont ils ont usé dès les années 30. Ce fut d’abord pour améliorer les caractéristiques des iris nains standards (SDB), mais certains obtenteurs de grands iris se sont dit que sa couleur violette, bien saturée, pouvait enrichir leurs recherches vers l’iris noir. Ce fut le cas de Paul Cook, hybrideur visionnaire, et de la famille Schreiner.

Paul Cook a utilisé pour point de départ une variété dénommée ‘Blue Boy’, issue d’ I.aphylla. Il l’a croisée avec un iris blanc, diploïde, puis recroisé avec des iris rouge pourpré en provenance de ‘Cinnabar’ et de ‘Seminole’. Un grand nombre de générations plus tard il a obtenu ‘Sable’, apparu sur le marché en 1938 et considéré à l’époque comme le roi des noirs, bien qu’il ne soit que violet foncé.

Les Schreiner, quant à eux, ont profité du travail vers le noir des frères Sass et utilisé leur ‘The Black Douglas’ (34), croisé avec un semis grenat foncé, pour obtenir ‘Ethiop Queen’. Cette variété, d’un violet pourpré profond, fut à son tour croisée avec ‘Dymia’, lui-même descendant à la troisième génération de I. aphylla. Le résultat se nomme ‘Black Forest’ (45). De là proviennent pratiquement tous les iris noirs actuels, qu’il s’agisse de ‘Before the Storm’ ou de ‘Hello Darkness’.

Les Schreiner ont cherché les raisons de leur avancée vers le noir et ont déterminé que cela provenait d’une aptitude de I. aphylla, qui aurait le pouvoir d’intensifier la couleur des semis qui en descendent. Ce pouvoir, évident pour les iris tendant vers le noir, s’est révélé également vrai pour toutes les autres couleurs, de sorte que la plupart des hybrideurs ont introduit un rejeton de I. aphylla dans leur panel et accru la richesse du coloris des variétés qui ont découlé de cette introduction.

Mais l’utilisation de I. aphylla n’a pas eu que cette conséquence. Il ne faut pas oublier que cette espèce est à feuillage caduc ! Les iris qui contiennent les gènes de I. aphylla ont donc tendance à perdre leurs feuilles. C’est particulièrement évident chez les iris sombres, comme ‘Edenite’ (Plough 58) (photo), ‘Black Swan’ (Fay 60) ou ‘Study in Black’ (Plough 68) et leurs très nombreux descendants, mais cela concerne également des variétés claires, au gré des brassages survenus dans leur arbre généalogique. Prenez, par exemple ‘Sierra Grande’ (Schreiner 92), qui est un amoena ou ‘Papapubren’ (Dudek J. 2000) (photo) d’un blanc nacré.

I. aphylla a été un élément essentiel de l’évolution des iris hybrides. Cette espèce et quelques autres comme I. reichenbachii, ajoutées au cocktail que constituent les iris modernes, ont largement contribué à leur beauté.