26.1.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS


Cette semaine, photo de ‘Aztec Treasure’ par Margie Valenzuela. Cette fan d’iris, obtentrice elle-même, qui habite l’Arizona, est aussi une grande spécialiste de la photo d’iris. Ses clichés se caractérisent par leur grande netteté, qui met bien en valeur toutes les particularités de la fleur. Ce côté un peu chirurgical nous vaut des images extrêmement fidèles de leur sujet, comme cet iris mordoré, de forme très traditionnelle.
ECHOS DU MONDE DES IRIS

Catalogue Schreiner 2008

Je terminais mon article sur le catalogue Schreiner 2007 par ces mots : « Personnellement, les sélections de Schreiner me déçoivent depuis plusieurs années. Alors que celles de Keith Keppel, Richard Ernst, Paul Black et Rick Tasco, sans parler des jeunes hybrideurs comme Christopherson, regorgent de fleurs excitantes, les plantes de Schreiner restent dans le traditionnel et sombrent même dans le routinier. » Je n’ai rien d’autre à dire à propos du catalogue 08.

Quinze nouveautés, mais rien d’intéressant. La seule fantaisie consiste dans l’apparition d’une sorte de « flappy », c’est à dire un iris aux pétales aplatis, comme sur une fleur d’iris du Japon. On aurait pu espérer quelque chose de plus excitant, d’autant que la fleur en question, en blanc bleuté, est particulièrement terne. Comparez avec les offres nouvelles de la paire Paul Black & Tom Johnson ( www.mid-americagarden.com ) ; vous comprendrez pourquoi la vénérable institution Schreiner est en perte de vitesse.






L’IRIS DU QUÉBEC

Iris d’Angleterre, iris d’Espagne, iris de Hollande, des iris, on en trouve dans toutes les parties du monde et on a donné à certains le nom du pays dont il semble qu’ils soient originaires, même si cette identification est souvent inexacte. La dernière appropriation est sans doute celle du Québec, au Canada, qui s’est adjugé la paternité de I. versicolor au point d’en avoir fait sa fleur nationale on ne peut plus légalement, en 1999. Il paraît, selon Réjean D. Millette, que « la variété et l’harmonie des couleurs de sa fleur illustrent parfaitement la diversité culturelle du Québec. De plus il souligne l’importance de l’eau et des milieux humides pour l’équilibre de la nature. » Pourquoi pas ? En tout cas I. versicolor est une plante si charmante qu’elle mérite bien un coup de chapeau dans ce magazine de l’iris.

Iris versicolor est le cousin américain de nos I. pseudacorus, ce grand et puissant iris qui pousse dans les fossés et se couvre de fleurs jaunes. I. versicolor lui ressemble beaucoup, il a comme lui de longues feuilles étroites et plutôt raides, mais s’inclinant vers le sol à leur extrémité. Ses fleurs, assez grandes mais étroites, ont des sépales qui s’évasent à la pointe, ce qui fait tout leur charme. De couleur bleue ou violacée, elles s’ornent d’un signal blanc et se teintent de jaune d’or au cœur. C’est cette couleur bleue qui les fait appeler communément aux Etats-Unis « blue flag », drapeau bleu. Cependant il existe des variantes : l’une pourpre (var.kermisina), une autre rose lilas (var. rosea) rarement blanche, Elles s’épanouissent à la fin du printemps et jusqu’en juillet quand on se dirige du sud vers le nord. Tout comme I. pseudacorus, I. versicolor vit de préférence en milieu humide, voire inondé, mais il peut également pousser en terrain plus sec à la condition de l’arroser copieusement. Il lui faut néanmoins un sol acide, riche en nutriments.

Dans la classification de Rodionenko, il se situe dans le sous-genre LIMNIRIS, section Limniris, sous-section Apogon (iris sans barbes), série Laevigatae, où il voisine avec son cousin européen I. pseudacorus, son autre cousin, chinois, I. laevigata, son parent japonais I. ensata (alias kaempferi), et un autre iris américain, I. virginica. D’ailleurs le botaniste Edgar Anderson a déterminé, en 1936, que I. versicolor était un hybride stabilisé depuis des millénaires, de I. virginica et de I. setosa. C’est cette origine qui fait l’exception, dans le genre IRIS, de I. versicolor, puisque celui-ci dispose du plus grand nombre de chromosomes (2n = 108), résultat de l’addition des chromosomes de I. virginica (2n = 70) et de ceux de I. setosa (2n = 38). C’est sûrement à son lointain ancêtre I. setosa qu’I. versicolor doit sa grande résistance au froid (c‘est une des raisons pour lesquelles il pousse si abondamment au Québec), car setosa est une espèce qu’on trouve même au-delà du cercle polaire. C’est cette aptitude qui lui a permis d’émigrer d’Asie extrême orientale, jusqu’en Amérique du nord, par le Kamchatka et le détroit de Behring.

Les hybrideurs curieux de mélanges interspécifiques ont croisé I. versicolor avec tous ses cousins de la série Laevigatae. Ces croisements se réalisent sans difficultés, mais les hybrides qui en résultent ne sont pas toujours très intéressants car en plus de rester proches dans leur aspect de l’espèce d’origine, ils se révèlent stériles. Il faut faire quelques exceptions : pour le croisement I. versicolor x I. virginica et notamment la variété ‘Gerald Derby’, plus grande et plue bleue que I. Versicolor de base, et I. versicolor X I. laevigata qui donne naissance à des hybrides baptisés Versi-Laev. Notamment ‘Berlin Versilaev’ (Tamberg 88) aux fleurs rouge pourpré, ou ‘Fourfold Blue’ (Tamberg 97), bleu drapeau. D’une façon générale, il faut admirer le travail de Tomas Tamberg sur ces croisements interspécifiques.

Que ce soit dans sa forme originelle, ou dans ses hybrides, il est évident que nos parents québécois ont fait un bon choix en s’appropriant I. versicolor. C’est une plante très intéressante qui s’adapte fort bien en France, au bord des mares ou, de façon plus civilisée, dans les bassins artificiels qui agrémentent nombre de jardins.

19.1.08


LES PLUS BELLES PHOTOS D’IRIS

A partir de cette semaine, on trouvera ici quelques splendides photos d’iris. Pour le plaisir, et pour attirer l’attention sur une caractéristique particulière de la fleur photographiée. Les auteurs des photos sont des amateurs, aussi doués pour la photo que raffinés dans leurs choix.

Cette semaine, le héros sera ‘American Classic’ (Schreiner 96), un plicata dans plus pure tradition Schreiner, depuis ‘Rococo’ – qui fait d’ailleurs partie des ancêtres de ‘American Classic’.

Le photographe se fait connaître sous le pseudonyme de « greenorchid ». Habitant de l’Oregon, il est bien placé pour photographier des iris. Admirez la qualité et la netteté du sujet, et le chic de l’arrière plan dans les tons du sujet mais le mettant joliment en valeur.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Une nouvelle catégorie d’iris ?

Paul Black, hybrideur américain bien connu, met désormais sur le marché des iris différents de ceux que l’on connaît. Par la taille, ce sont de grands iris (TB), mais les fleurs sont petites et très nombreuses grâce à la multiplicité des tiges florales. Issus de grands iris classiques, d’iris de table (MTB) et de l’espèce I. aphylla, ils allient les traits particuliers de chacun de ces géniteurs pour donner quelque chose de nouveau qui présente des qualités intéressantes pour le jardin. La première variété de cette nouvelle catégorie se nomme ‘Dolce’ (2002), . En 2008, Paul Black ajoute de nouvelles fleurs, comme ‘Guess who I am’ un iris rose qui a bien des traits communs avec son ancêtre ‘Abridge Version’ (MTB – Hager 83) et ‘May Debut’, en jaune paille. L’expérience est à suivre. Les clients vont-ils apprécier ?



AMAS, RICARDI ET COMPAGNIE

Nos grands iris actuels ne se sont pas faits en un jour. Même si de grands iris existent dans les jardins depuis la nuit des temps, ceux que nous admirons aujourd’hui ne sont que les derniers aspects d’une évolution qui a commencé il y a environ 150 ans.

Celle-ci a commencé quand des pépiniéristes fondus d’iris ont eu l’idée de sélectionner parmi les semis qu’ils effectuaient de graines issues de fécondations réalisées par les insectes, les plantes les plus belles et les plus originales. Peu à peu sont apparues des plantes aux couleurs plus variées, au développement plus grand et plus solide. Toutes ces fleurs provenaient des espèces couramment cultivées qui se nomment I. x germanica, I. pallida, I. variegata, I. plicata et quelques autres.

A la fin du XIXeme siècle, il est apparu que le tour des possibilités fournies par ces espèces et leurs croisements étaient atteintes, ou presque. Les obtenteurs, qui avaient alors délaissé la fécondation naturelle pour la fécondation provoquée, se sont tournés vers de nouvelles espèces pour enrichir leur panoplie. Il se trouve qu’à l’époque des explorateurs et botanistes venaient de découvrir, au Proche Orient, des iris qui, pour ressembler à ceux connus et utilisés en Occident, n’en étaient pas moins plus forts, plus somptueux, avec des fleurs plus grosses à l’aspect admirablement satiné. Ces iris présentaient néanmoins plusieurs inconvénients : ils n’étaient pas rustiques, et ils n’offraient pas beaucoup de diversité dans les coloris. L’idée est donc venue tout naturellement d’essayer de croiser ces gros iris avec les iris déjà utilisés.

Ce sont des scientifiques anglais qui ont été les premiers a tenter de tirer parti des espèces nouvellement découvertes. Le premier fut Sir Michael Foster, professeur de physiologie à Cambridge, il donna le nom de ‘Amas’ à l’un de ces nouveaux iris, en souvenir d’Amasya, la ville de Turquie, à environ 200 km à l’Est d’Ankara, près de laquelle la plante avait été recueillie en 1885. ‘Amas’ (photo) se présente avec une fleur volumineuse, aux pétales violet clair et aux sépales d’un beau violet velouté. Foster qui pratiquait les croisements de manière scientifique obtint plusieurs iris réussis à partir de ce ‘Amas’, mais il ne prenait pas attachement des croisements qu’il effectuait, de sorte qu’on ne connaît qu’imparfaitement le pedigree de ses obtentions. C’est un autre obtenteur anglais, Robert Wallace, qui commercialisa les obtentions de Foster après la mort de ce dernier. Parmi ces variétés remarquables, il faut citer ‘Mrs George Darwin’, ‘Mrs Horace Darwin’ ou ‘Kashmir White’. Elles furent parmi les premières à être importées aux USA où elles ont été utilisées en partie pour donner naissance aux iris américains qui n’ont pas tardé à s’imposer. Un autre descendant de ‘Amas’ à connaître un destin prestigieux a été ‘Dominion’, obtenu en 1912 par un autre anglais, Arthur Bliss. ‘Dominion’ est considéré comme l’un des piliers de l’iridophilie moderne, et ses descendants sont innombrables. Il a été utilisé partout. Par exemple, en France, Ferdinand Cayeux en a obtenu ‘Député Nomblot’ (1929), aux USA, Connell en a tiré ‘Dauntless’ (1929) qui fut le vainqueur de la Dykes Medal l’année même de son introduction.

Une autre espèce nouvelle arriva du Moyen Orient dans les années 1880. Récolté en Palestine par le botaniste A. Ricard, l’iris ‘Ricardi’ a été ainsi dénommé par le Français Fernand Denis en l’honneur de son inventeur. C’est une forme de l’espèce I. mesopotamica, de couleur bleu lavande, qui ne tolère guère le froid, mais que F. Denis, installé à Balaruc, sur l’étang de Thau, a pu cultiver et croiser avec des variétés issues d’I. germanica. Les rejetons de ces croisements, que l’on peu qualifier de spectaculaires à côté des variétés antérieures, ont passionné les amateurs de l’époque. Les plus célèbres furent, sans doute, ‘Andrée Autissier’, ‘Mademoiselle Schwartz’ ‘Mme Chobaut’ et surtout ‘Blanc Bleuté’. Sous ce nom plutôt anodin se cache un iris d’une grande importance car il est à l’origine d’une autre pierre angulaire de l’iridophilie, le fameux ‘Missouri’ (Grinter 32 – DM 37) (Photo).

Bien d’autres obtenteurs du début du XXeme siècle ont utilisé les « grands » iris de Turquie ou de Palestine. Puis, peu à peu, au fur et à mesure de leurs désirs d’obtenir des améliorations dans un domaine ou un autre, ils ont ajouté à leur cocktail d’autres espèces : I. plicata, I. variegata. I. aphylla ou I. reichenbachii pour ne citer que les plus marquantes.

Néanmoins, pendant de longues années, les hybrideurs se sont demandé pourquoi les croisements qu’ils tentaient entre les iris traditionnels et le nouvelles espèces moyen-orientales étaient si peu souvent couronnés de succès et pourquoi les graines obtenues donnaient naissance à tant de variétés stériles. Car les iris dont les noms viennent d’être donnés sont des exceptions. La plupart du temps les efforts des hybrideurs étaient vains. Il a fallu attendre la fin des années 1920 et les travaux de Marc Simonet pour que le mystère soit élucidé : les anciens iris étaient diploïdes, les nouveaux, tétraploïdes. L’association des deux devait normalement donner naissance à des plantes triploïdes, donc en quelque sorte bancales, stériles et souvent malingres ou fragiles. Ce n’est qu’exceptionnellement, et à la suite d’un concours de circonstances mal compris, qu’apparaissaient des variétés tétraploïdes, puissantes, fertiles et belles. Mais celles-là ont été mises à profit pour obtenir des centaines puis des milliers de cultivars tétraploïdes, ceux que l’on continue d’obtenir partout dans le monde et qui monopolisent l’espace de nos jardins.

11.1.08

ECHOS DU MONDE DES IRIS

La tendance

Les nouvelles variétés de Joë Ghio viennent d’être publiée sur le site de son club d’iris : http//montereybayiris.org/gallery/ghio . La tendance chez ce grand hybrideur est aux iris de couleur acajou : pas moins de cinq nouvelles variétés très proches les unes des autres en trois ans. Il s’agit de ‘Red Skies’ , ‘Trial by Fire’, ‘Gilt Edge’, Accessible’, et ‘Pianoforte’. Toutes sont dans les tons d’acajou, avec des nuances allant du magenta à l’amarante et au bourgogne. Sans doute pourrons-nous les trouver dans les catalogues européens dans environ cinq ans…






CRÉATEURS D’ÉTERNITÉ

Dans une chronique publiée dans « Irisenligne » en 2004, je terminais par cette phrase : « Verra-t-on des « maculosas » français ? Sûrement ! Michèle Bersillon, par exemple en a déjà obtenu, dont elle m’a fait parvenir une photo qui laisse espérer de jolies choses. » Mais ce n’est pas cette obtentrice qui a été la première à enregistrer un « maculosa ». Elle a été devancée par Rose-Linda Vasquez-Poupin, une amatrice du Vaucluse, qui nous a offert en 2007 ‘Rose-Linda Vasquez’ (voir photo), une variété aux pétales blanc bleuté et aux sépales blancs parcourus de dessins aléatoires bleu lavande. La fleur est bien formée et joliment ondulée. Charme supplémentaire, cet iris porte des éperons blancs à la pointe de ses barbes.

Voilà donc une double nouveauté à propos de laquelle son obtentrice s’est demandée s’il s’agissait bien d’un « maculosa » (ou « broken color »). Elle n’en sera persuadée que lorsqu’elle constatera le phénomène « broken color » sur les descendants de cette plante, mais dès maintenant elle peut être à peu près sûre de son coup. Car si ‘Rose-Linda Vasquez’ n’a pas d’ancêtre directement BC, il a pour parent femelle ‘Hindu Magic’ qui est un plicata, descendant de plicatas, et les BC sont des rejetons perturbés d’iris plicatas. L’un des premiers « maculosas » réellement intéressant qui ait été enregistré se nomme ‘Doodle Strudel’ (Ensminger 77), un iris bleu ciel, taché de bleu marine, et c’est un enfant de ‘Stepping Out’, plicata on ne peut plus célèbre. ‘Rose-Linda Vasquez’, lui, provient d’un autre fameux plicata, ‘Going My Way’, qui se situe dans le pedigree de ‘Hindu Magic’.

Dès maintenant on peut dire à Mme Vasquez-Poupin quelle peut se déclarer créatrice d’un iris très nouveau. De ce fait elle entre dans le monde de l’hybridation des iris d’une façon qui devrait être très remarquée. Et de ce fait aussi elle devient créatrice d’éternité.

Tous les hybrideurs, comme l’héroïne de cette chronique, se rendent-ils compte qu’en lançant dans le monde un nouvel iris ils créent une nouvelle plante qui, si tout va bien, pourra rester présente pour toujours ?

Les nouveaux cultivars, une fois qu’ils ont commencé à pousser, ont vocation à exister éternellement. En effet le système végétatif qui est le leur, avec son renouvellement par extension du rhizome originel, ne peut pas dégénérer et se multipliera indéfiniment à l’identique. C’est la raison pour laquelle on peut toujours trouver dans nos jardins des antiquités comme ‘Celeste (Lemon 1858) (photo), ‘Ma Mie’ (Cayeux F. 1903) ou ‘Prosper Laugier’ (Verdier 1914) (photo), et des centaines d’autres, pieusement conservés par des passionnés comme les animateurs de la HIPS (Historic Iris Preservation Society).

C’est une lourde responsabilité, en fin de compte, que de se lancer dans l’hybridation. A une échelle infime, créer un nouvel iris c’est modifier un élément du monde végétal. C’est une responsabilité encore plus grande que celle de concevoir un enfant. Car celui-ci, s’il se reproduit, ne le fera pas à l’identique et ne sera lui-même que pour un temps sur notre Terre. A la différence de la nouvelle plante qui défiera les siècles, pour peu que la chance lui laisse la possibilité de croître et de disséminer sur toute la planète des clones d’elle-même, et sera encore présente quand son créateur aura depuis longtemps disparu.

Je suis sûr que bien peu d’hybrideurs réfléchissent à cet aspect de leur action. C’est dommage car avec, en tête, cette vison des choses, peut-être choisiraient-ils avec encore plus de scrupules les iris qu’ils décident de mettre sur le marché, et, par conséquent, au monde pour l’éternité. Pour peu que ‘Rose-Linda Vasquez’ soit remarqué par les grands du monde des iris, son destin pourra être celui d’une plante que l’on retrouvera dans quelques siècles au fond de quelque jardin botanique comme on y trouve de nos jours ceux que certains appellent de « vieux » iris, faute de pouvoir leur mettre un nom sur la corolle.

5.1.08




ECHOS DU MONDE DES IRIS

Plein de nouveautés


Je viens de prendre connaissance de la liste des nouvelles variétés enregistrées par des obtenteurs français en 2007. Jamais il n’y en avait eu autant puisque l’on en compte 54, de 9 hybrideurs différents dont 3 nouveaux ! La liste sera publiée dans le prochain numéro de « Iris & Bulbeuses », mais pour vous donner une idée des nouveautés proposées, en voici deux, parmi les plus jolies.



FLEUR DE SOIE

En me documentant pour la rédaction de la chronique sur Marc Simonet, publiée ici il y a quelques semaines, j’ai appris que cet infatigable chercheur avait pratiqué des croisements interspécifiques à partir de l’espèce I. setosa. Quand je découvre comme cela quelque chose que je ne connais pas, ou très mal, j’éprouve une irrésistible curiosité qui me conduit à entreprendre aussitôt des recherches pour pénétrer ce nouveau sujet. C’est ce qui est arrivé avec cet I. setosa, dont je ne connaissais guère que le nom ainsi que le rôle dans les origines d’une autre espèce, I. versicolor. Alors, en avant ! Tous les bouquins de ma bibliothèque qui parlent des iris botaniques sont mis sur la table, et me voilà parti à la recherche de I. setosa.

Pour commencer, j’ai essayé de savoir pour quelle raison cette espèce avait reçu son nom. Mon vieux dictionnaire Gaffiot, qui m’a longuement servi quand je séchais sur mes versions latines, m’a confirmé que « setosus » ou « plutôt « saetosus » en latin classique, signifiait « couvert de poils ». Diable, cette fleur serait-elle velue ? Pourtant aucune des descriptions dont je dispose ne parle de poils. Cet adjectif « setosus » ne serait-il pas pris, au contraire, dans un sens plus large, celui de « soyeux » ? Il y a gros à parier que cette acceptation est la bonne. Néanmoins Maurice Boussard me précise que W. R. Dykes a une autre explication : d’après lui ce qualificatif spécifique tiendrait au fait que le verticille de "pétales" peu ou pas présents (ces pétales sont rudimentaires), pourrait évoquer des "soies" d'animal (porc par ex.). Bref, on ne sait pas quelle est l’origine du nom latin. Il n’est pas rare que ces noms s’appuient sur des caractéristiques douteuses, voire erronées. Tenez, notre I. setosa ne fait-il pas partie de la série Tripetalae, qui, logiquement, devrait comprendre des plantes n’ayant que trois pétales ? Eh bien, la série Tripetalae ne contient en fait que des fleurs qui n’ont pas, ou très peu, de pétales ! Le nom qui lui aurait mieux convenu est « trisepalae » puisque les iris en question sont dans la situation de n’avoir que des sépales (et de toutes petites écailles qui sont des moignons de pétales), largement développés.

J’ai appris que la plante I. setosa se présente en touffes denses de feuilles étroites d’où émergent des tiges florales minces qui culminent en moyenne à environ 60 cm. Mais il y a de fortes différences de tailles d’une sous-espèce à une autre. Il faut dire que notre héros du jour, a l’instar de son hybride naturalisé I. versicolor, à eu l’occasion de s’offrir de nombreuses variations au cours d’une aventure plurimillénaire. Il semble que l’origine des cette plante se situe dans le nord du Japon et en Mandchourie. Mais au cours des ans, elle s’est progressivement répandue vers le Nord, gagnant la Sibérie orientale, le Kamchatka, puis a franchi le détroit de Bering avant de se répandre dans le Nord de l’Amérique. Au gré de ces déplacements elle s’est un peu modifiée pour s’adapter au nouvel habitat qu’elle colonisait, passant d’une plante haute d’un bon mètre à des sous-espèces beaucoup plus naines. De même pour le coloris des fleurs : de violet pourpré, il a évolué vers un bleu indigo de plus en plus clair. Il y a même des fleurs blanches ou plutôt blanchâtres. C’est ça, les nomades, ils s’adaptent.

En commençant cette chronique, j’ai parlé du travail d’hybridation de Marc Simonet. Depuis, d’autres ont continué les croisements interspécifiques et I. setosa se prête bien à ce genre de manipulations. Selon l’espèce avec laquelle il est croisé ont obtient des hybrides, plus ou moins fertiles, auxquels on a donné des nom bien peu commerciaux, comme « Sevigata » pour les croisements ‘setosa/laevigata’, « Versitosa » pour ‘versicolor/setosa’, « Chrytosa » pour ‘chrysographes/setosa’ ou « Sibtosa » pour ‘Sibirica/setosa’… Le spécialiste de ces mélanges, au demeurant souvent originaux et spectaculaires, est Tomas Tamberg, à Berlin.

La question que l’on se pose quand on aborde le sujet d’une plante non indigène, c’est : « Peut-on l’acclimater chez nous ? » Pour I. setosa, la réponse est Oui. Il fallait s’y attendre, de la part d’une plante qui a parcouru des milliers de lieues, d’un continent à l’autre. Cet iris est à l’aise partout où il va rencontrer des conditions qui se rapprochent de celles des contrées où il est endémique. Il ne craint pas le froid. C’est même peut-être l’espèce la mieux à même de supporter des températures largement négatives. Il aime l’humidité. Mais pas tout le temps : au moment de la floraison il lui faut du sec. Ce n’est pas une plante d’eau, mais simplement une amatrice de fraîcheur et d’humidité printanière. L’installer dans un sol acide, près d’un point d’eau, ne pose pas de problème. On dit que c’est une plante qui n’a pas une grande longévité, mais on dit aussi qu’elle se reproduit facilement par graines. Alors, si vous voulez que votre mare ou votre bassin prenne une apparence un peu singulière, donnez-lui pour voisins quelques iris « de soie », ajoutez aussi, dans l’eau, des iris versicolores, et vous serez fiers de montrer à vos visiteurs un jardin d’eau original.