19.10.07







LES « NOIRS » A LA FRANÇAISE

Dans la recherche impérative de nouveauté, les hybrideurs du monde entier se sont efforcés d’augmenter la saturation des iris sombres dans le but de se rapprocher autant que faire se peut du noir absolu. Bien sûr ils n’y sont pas encore parvenus, mais leurs efforts leur ont permis de s’approcher grandement de leur but ultime. Il est intéressant de rechercher quelle part les hybrideurs français ont pris dans cette quête de l’iris noir.

Il faut bien reconnaître que cette part n’est pas très importante. Seule la famille Anfosso, dans les années 80/90 s’est intéressée à la question. Avec une belle constance et des résultats satisfaisants.

La série a commencé avec ‘Calamité’ (82), un iris qui doit son nom, non pas à sa couleur, mais aux circonstances qui ont entouré sa sélection. Une inondation de la plantation a emporté un grand nombre de semis, un seul a résisté, bien ancré sur ses fortes racines. En souvenir de cet événement, il s’est appelé ‘Calamité’. Est-ce un iris noir ? Pas vraiment. Disons que c’est un violet très foncé. Il est le fruit du croisement ‘Basic Black’ X ‘Dusky Dancer’ (1). Deux bons violet vif. En l’occurrence, Pierre Anfosso a utilisé la bonne vieille recette de l’inbreeding. Il a obtenu un bon iris sombre, presque noir, avec une barbe moutarde qui assombri l’ensemble.

Continuant avec la même technique, P. Anfosso a uni ‘Calamité’ à un autre iris dit noir, ‘Superstition’ (Schreiner 77), considéré comme l’un des plus foncés de sa génération. Il en est résulté ‘Bar de Nuit’ (87), un iris violet très sombre à reflets noirs (voir photo). D’aspect satiné, joliment ondulé, c’est une très jolie fleur.

L’année suivante Laure Anfosso a proposé un autre « noir », ‘Draco’. Il s’agit d’un autre enfant de ‘Calamité’, uni cette fois à ‘Storm Center’ (Schreiner 79). Même recette, même résultat : une amélioration des qualités de ses antécédents, mais pas vraiment un iris noir.

Il faut attendre 93/94 pour voir mis sur le marché deux nouveaux iris « noirs », deux frères de semis issus du croisement ‘Bar de Nuit’ X ‘Black Flag’ (2). ‘Nuit de Chine’, tout d’abord, puis ‘Nuit Fauve’. Tous les deux atteignent un niveau approfondi dans le noir. Très voisins de couleur, le premier est un peu plus roux que le second, qui, en revanche, a des pétales un peu plus clairs que les sépales avec un liseré violet.

Il est dommage que les Anfosso aient cessé brusquement leur travail d’hybridation des iris. Ils avaient entre les mains les matériaux pour atteindre un noir profond, peut-être même le vrai noir, façon ‘Hello Darkness’ (Schreiner 92 – DM 99). Mais il ne sert à rien de se lamenter : les iris noirs français se sont arrêtés là…

En dehors de cela, les autres obtenteurs français se sont montré très peu portés sur le noir. Il faut néanmoins parler des faux noirs de Jean Ségui, qui se nomment ‘Monsieur-Monsieur’ (94) et ‘Oulo’ (non enregistré). Ce dernier n’est pas un « noir », mais un grenat sombre, tardif, entre amarante et aubergine, de forme traditionnelle. ‘Monsieur-Monsieur’ (voir photo) est plus sombre, toujours dans les tons de grenat, mais intéressant pour sa forme ondulée, rare chez les iris foncés. Cette année est apparue une variété donc je ne connais que le nom, ‘Ombre’, et qui est une obtention de Luc Bourdillon, commercialisée par son frère. Il s’agit d’un iris décrit comme en deux tons de grenat, mais je ne l’ai vu ni en photo ni dans la réalité de sorte que je ne puis que l’imaginer : il devrait ressembler aux précédents !

Richard Cayeux ne donne pas non plus dans le noir. Mais il a choisi une voie parallèle, celle des amoenas ou neglectas avec sépales très foncés, quasiment noirs. C’est le cas de ‘Mystérieux’ (2003) qui allie des pétales violets et des sépales noirs : un ensemble qui attire l’œil dans le jardin. En tout cas il a beaucoup de succès à La Source où il est exposé depuis deux ans et où il remporte tous les suffrages au Critérium de l’Iris. C’est aussi le cas de ‘Noctambule’ (2005) (voir photo), mais cette fois on est en présence de pétales blancs et de sépales violets très sombres, griffé de blanc sous les barbes. Un très plaisant contraste qu’un nouveau semis, admiré chez son obtenteur le printemps dernier, devrait bientôt supplanter.

L’iris noir, c’est un peu comme pour la tulipe de la même couleur, on s’en approche de plus en plus, en France comme ailleurs, mais l’obtiendra-t-on jamais ?


(1) ‘Basic Black’ (Hager 71)
‘Dusky Dancer’ (Luihn 67)
(2) ‘Black Flag’ (Stahly 84)

Aucun commentaire: