27.10.07







LA PANOPLIE DU PARFAIT AMATEUR D’IRIS

L’offre 2007 de Barry Blyth

Le site Internet de la pépinière Tempo Two, qui fut celle de Barry Blyth avant qu’il ne la rétrocède à ses enfants, est assez spartiate. Il se contente de présenter les dernières obtentions de son fondateur. Les photos sont belles, aguichantes, et il y en a pour tous les goûts.

Au premier coup d’œil on est séduit par la fraîcheur des coloris, l’aspect très moderne des fleurs. C’est d’ailleurs la seule chose que l’on soit en mesure d’apprécier lorsqu’on est en face de photos d’iris. On est aussi impressionné par le grand nombre de nouveautés : quarante et un iris à admirer !

Et puis on se dit que quarante et un iris d’un coup, c’est peut-être beaucoup. L’hybrideur s’est-il montré assez rigoureux dans sa sélection ? Quand une entreprise aussi puissante que la Firme Schreiner se contente d’offrir une douzaine de plantes, comment une affaire beaucoup plus modeste peut-elle avancer un tel choix ? La meilleure façon de s’en assurer est de regarder attentivement ce qui nous est proposé.

J’ai donc rassemblé les quarante et une photos dans un fichier et, à coup de copier-coller, je les ai classé de telle sorte que les coloris voisins se trouvent les uns à côté des autres et que l’on passe harmonieusement de l’un à l’autre dans un genre d’enchaîné-fondu qui rappelle les soirées diapos de ma jeunesse. En plein écran, cela fait beaucoup d’effet. Ensuite j’ai examiné chaque nouvelle fleur dans la suite ainsi réalisée pour la placer dans le contexte des iris d’aujourd’hui.

J’ai débuté cet examen par les variegatas. Ils sont deux, les purs, ceux qui allient le jaune de leurs pétales à un rouge bordeaux des sépales : ‘Dad’s a Pirate’ et ‘Stop the Traffic’. Le premier est d’un classicisme absolu, son seul signe distinctif est une griffure de blanc sous les barbes moutarde. Le second, avec son large liseré jaune sur les sépales, rappelle ‘Flamenco Whirl’ (Hamner 88). A côté de ces deux classiques figure un dénommé ‘Rogue Trader’. Pétales champagne infus de blanc, sépales où la partie centrale, du brun-rouge de l’ancien ‘Repartee’ (Smith C. 68) s’entoure d’une large auréole de la couleur des pétales, tandis qu’autour des barbes le fond blanc réapparaît entre les veines sombres. Quelque chose qui fait penser à la série de Rick Ernst entamée avec ‘Ring Around Rosie’ et déclinée, depuis, en un grand nombre de cultivars. Avec ‘Temple Spirit’ celui qui a quelques souvenirs des iris présents sur le marché, se dit : « Tiens, un nouveau ‘Tracy Tyrene’ ! » En moins contrasté.

A partir de ‘Just Crazy’, on aborde une série de trois variétés tirant sur le brun clair ou café au lait. D’ailleurs l’une s’appelle ‘Coffee Shop’, et l’autre, plus marquée de mauve, ‘Magic by Gosh’ (peut-on traduire ce nom par « Bon sang, mais c’est magique ! », c’est à peu près ça). ‘Just Crazy’ rappelle tout à fait un autre iris de Blyth, ‘Mind’s Eye’, qui figurait en couverture du catalogue de 94/95.

Les deux offres suivantes m’ont immédiatement fait penser à une obtention de Keith Keppel, ‘Mysterious Ways’ (2004), à moins que ce ne soit ‘Secret Rites’ (2005), tous les deux dans les tons de jaune clair avec le cœur de pétales infus de mauve. Les deux nouveautés se nomment ‘Broome Sunset’ et ‘Tempesto’ (photo). On passe ensuite à un coloris pèche plus ou moins marqué de mauve ou de rose indien. Ce sont : ‘Pleasure State’, le plus vif de ton, ‘Pretty Swish’, un ‘Waiting for George’ (Blyth 97) en moins contrasté, et ‘Champagne and Srawberries’ dont le nom est aussi la description.

Où placer ‘Air of Mystery’, avec ses pétales chamois clair fortement imprégnés de violet, et ses sépales vivement colorés d’indigo ou bleu outremer ? C’est un bicolore agréable à voir, surtout à cause des barbes rouge minium : un bleu-blanc-rouge à l’australienne ? Deux autres bicolores viennent s’ajouter : ‘Glamazon’, abricot/magenta, et ‘Pretty Witch’, le même en plus foncé. ‘Copper Clouds’ est d’une autre sorte de bicolore : les deux couleurs se succèdent sur les pièces florales abricot vers les bords et améthyste vers le centre, dans une fleur fortement ondulée. ‘Thundery’ est la version sombre du précédent, en prime, une ressemblance évidente avec les derniers Ghio dans ce coloris, comme ‘Star Quality’ (97). ‘Rare than Rubies’, en deux tons de rouge amarante, avec barbes jaunes, est aussi dans les lignes des rouges de Ghio.

‘Eye for Style’ est un joli iris bruyère, aux barbes rouges, avec des pétales dressés et un peu ouverts comme les aime Barry Blyth. ‘Chocolate and Silk’ (photo) et ‘Painted Flutes’ ont un aspect très différent, avec des pétales en tulipe et des sépales très larges à la base, pour une tenue presque horizontale. Le premier est indigo avec des barbes aubergine, le second est marbré façon ‘Honky Tonk Blues’, mais en violet sur fond pourpre. Avec ‘Glad Over All’ on revient à l’apparence de ‘Eye for Style’, typiquement Blyth, pour un neglecta bleu-violet, aux sépales liserés de clair. Avec ses veines et sa flamme gris isabelle, qui est la couleur des pétales, ‘Oxford Countess’ est une variété pourprée et largement ondulée, l’une des plus originales de la collection. Quant à ‘Ballerina Queen’, elle aussi typiquement Blyth, c’est un bicolore rose/ bleu très classique.

‘Mandarin Music’ est sans doute à ranger dans le type variegata. Les pétales sont jaune champagne, les sépales mêlent le bordeaux et le violet, autour d’une flamme claire. ‘Sweet Seduction’ aborde la série des amoenas, importante dans cette livraison. Pétales blancs imprégnées de rose, sépales amarante largement bordés de blanc rosé. ‘Truly Wicked’ arbore à peu près les mêmes couleurs, mais en luminata, c’est à dire avec des mèches blanches (d’où le nom) dans le grenat des sépales. ‘I’m Dreaming’ revient sur un coloris cher à Blyth, blanc/orchidée, avec une vive barbe minium. Même principe pour ‘Tango Amigo’ qui rappelle franchement le ‘Crazy for You’ de 98 et quelques autres du même tonneau. Les sépales beiges, veinés de brun, se marient aux pétales blancs. Autre déclinaison de l’alliance du blanc et d’un beige ou café au lait, ‘Ginger Ice’, est plus orangé, donc plus contrasté, ce qui lui donne son caractère. On continue avec ‘Cyber Girl’ qui revient sur le modèle de ‘Yes’ (96).

Le blanc de service est ‘Sugar Bomb’. Il a la particularité d’être un blanc crémeux aux revers et au cœur franchement teintés de jaune tilleul.

On attaque ensuite la série des amoenas bleus. Commençons par ‘Mist Arising’, qui présente des pétales bleutés, ourlés de jaune et infus du bleu glycine des sépales, lesquels sont fortement teintés de jaune aux épaules. ‘Stars Turn Out’ revient aux pétales turbinés, très dressés. Ceux-ci sont blancs, teintés de violine sur les côtes, ce qui est la couleur des sépales qui, en outre, portent un fin liseré blanc. ‘Love Match’ est les plus tendre du paquet : pétales bien blancs, barbes blanches, sépales bleu ciel très clair. ‘Ice Confection’ est le premier des quatre amoenas inversés proposés cette année : pétales bleutés, plus sombres au cœur, sépales bien blancs. ‘Gorgeous Is’ accentue l’effet ‘Fogbound’ puisque les barbes sont orange vif, dans une fleur ouverte, où le blanc n’est pas franc, mais nettement teinté de bleu. ‘Lunch in Madrid’ est une version australienne de ‘Fogbound’ (Keppel 98), un peu plus accentué dans ses teintes, notamment le violet améthyste des pétales. ‘Never Been Kissed’, en revanche, reprend les couleurs de ‘Crowned Heads’ (Keppel 97 – DM 2004). Pour terminer, ‘Crystal Rhapsody’ (photo) est un délicieux bleu ciel, un peu turquoise, plus sombre au cœur, et orné de belles barbes mandarine : une réussite dans les tons pastels.

Cette énumération plutôt longue décrit une nouvelle offre qui, à elle seule, peut constituer l’amorce d’une collection d’iris, tant elle est variée. Mais en revanche, les réelles originalités sont absentes : Blyth se répète, fort bien, mais il n’improvise pas, cette année. On peut le regretter et se demander si parmi tant de nouveautés il n’y en a pas qui font doublon.
ECHOS DU MONDE DES IRIS

Concours FRANCIRIS ® 2011

La SFIB recherche des personnes de bonnes volonté pour participer à l’organisation de ce concours qui commencera dès le printemps 2008 par la réception des plantes en provenance de l’hémisphère sud. Que ceux qui veulent répondre à cet appel s’inscrivent ici, en mettant un commentaire ci-dessous.

19.10.07







LES « NOIRS » A LA FRANÇAISE

Dans la recherche impérative de nouveauté, les hybrideurs du monde entier se sont efforcés d’augmenter la saturation des iris sombres dans le but de se rapprocher autant que faire se peut du noir absolu. Bien sûr ils n’y sont pas encore parvenus, mais leurs efforts leur ont permis de s’approcher grandement de leur but ultime. Il est intéressant de rechercher quelle part les hybrideurs français ont pris dans cette quête de l’iris noir.

Il faut bien reconnaître que cette part n’est pas très importante. Seule la famille Anfosso, dans les années 80/90 s’est intéressée à la question. Avec une belle constance et des résultats satisfaisants.

La série a commencé avec ‘Calamité’ (82), un iris qui doit son nom, non pas à sa couleur, mais aux circonstances qui ont entouré sa sélection. Une inondation de la plantation a emporté un grand nombre de semis, un seul a résisté, bien ancré sur ses fortes racines. En souvenir de cet événement, il s’est appelé ‘Calamité’. Est-ce un iris noir ? Pas vraiment. Disons que c’est un violet très foncé. Il est le fruit du croisement ‘Basic Black’ X ‘Dusky Dancer’ (1). Deux bons violet vif. En l’occurrence, Pierre Anfosso a utilisé la bonne vieille recette de l’inbreeding. Il a obtenu un bon iris sombre, presque noir, avec une barbe moutarde qui assombri l’ensemble.

Continuant avec la même technique, P. Anfosso a uni ‘Calamité’ à un autre iris dit noir, ‘Superstition’ (Schreiner 77), considéré comme l’un des plus foncés de sa génération. Il en est résulté ‘Bar de Nuit’ (87), un iris violet très sombre à reflets noirs (voir photo). D’aspect satiné, joliment ondulé, c’est une très jolie fleur.

L’année suivante Laure Anfosso a proposé un autre « noir », ‘Draco’. Il s’agit d’un autre enfant de ‘Calamité’, uni cette fois à ‘Storm Center’ (Schreiner 79). Même recette, même résultat : une amélioration des qualités de ses antécédents, mais pas vraiment un iris noir.

Il faut attendre 93/94 pour voir mis sur le marché deux nouveaux iris « noirs », deux frères de semis issus du croisement ‘Bar de Nuit’ X ‘Black Flag’ (2). ‘Nuit de Chine’, tout d’abord, puis ‘Nuit Fauve’. Tous les deux atteignent un niveau approfondi dans le noir. Très voisins de couleur, le premier est un peu plus roux que le second, qui, en revanche, a des pétales un peu plus clairs que les sépales avec un liseré violet.

Il est dommage que les Anfosso aient cessé brusquement leur travail d’hybridation des iris. Ils avaient entre les mains les matériaux pour atteindre un noir profond, peut-être même le vrai noir, façon ‘Hello Darkness’ (Schreiner 92 – DM 99). Mais il ne sert à rien de se lamenter : les iris noirs français se sont arrêtés là…

En dehors de cela, les autres obtenteurs français se sont montré très peu portés sur le noir. Il faut néanmoins parler des faux noirs de Jean Ségui, qui se nomment ‘Monsieur-Monsieur’ (94) et ‘Oulo’ (non enregistré). Ce dernier n’est pas un « noir », mais un grenat sombre, tardif, entre amarante et aubergine, de forme traditionnelle. ‘Monsieur-Monsieur’ (voir photo) est plus sombre, toujours dans les tons de grenat, mais intéressant pour sa forme ondulée, rare chez les iris foncés. Cette année est apparue une variété donc je ne connais que le nom, ‘Ombre’, et qui est une obtention de Luc Bourdillon, commercialisée par son frère. Il s’agit d’un iris décrit comme en deux tons de grenat, mais je ne l’ai vu ni en photo ni dans la réalité de sorte que je ne puis que l’imaginer : il devrait ressembler aux précédents !

Richard Cayeux ne donne pas non plus dans le noir. Mais il a choisi une voie parallèle, celle des amoenas ou neglectas avec sépales très foncés, quasiment noirs. C’est le cas de ‘Mystérieux’ (2003) qui allie des pétales violets et des sépales noirs : un ensemble qui attire l’œil dans le jardin. En tout cas il a beaucoup de succès à La Source où il est exposé depuis deux ans et où il remporte tous les suffrages au Critérium de l’Iris. C’est aussi le cas de ‘Noctambule’ (2005) (voir photo), mais cette fois on est en présence de pétales blancs et de sépales violets très sombres, griffé de blanc sous les barbes. Un très plaisant contraste qu’un nouveau semis, admiré chez son obtenteur le printemps dernier, devrait bientôt supplanter.

L’iris noir, c’est un peu comme pour la tulipe de la même couleur, on s’en approche de plus en plus, en France comme ailleurs, mais l’obtiendra-t-on jamais ?


(1) ‘Basic Black’ (Hager 71)
‘Dusky Dancer’ (Luihn 67)
(2) ‘Black Flag’ (Stahly 84)

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Encore des concours

En Pologne

Les compétitions de la MEIS (Société des Iris d’Europe Centrale) se sont déroulées cette année en Pologne. En voici les résultats :

Compétition réservées aux obtenteurs d’Europe Centrale :
1) GF-J-99-1 - Jerzy Wozniak (Pologne)
2) 97-CRCE1 - Josef Dudek (Rep. Tchèque)
3) ZK-03-46A - Zbigniew Kilimnik (Pologne)

Compétition internationale :

1. BEYOND PARADISE – A.D.Cadd US 2004 (photo)
2. SONET SHEKSPIRA – I.Horosh PL 2007
3. INNOCENT DEVIL – A.D.Cadd US 2003

Critérium de l’iris – Orléans La Source

1) POESIE - R. CAYEUX 2002
2) RARE QUALITY - SCHREINER 99
3) MYSTERIEUX - R. CAYEUX 2003
4) FANFRELUCHE - R. CAYEUX 2003

A noter que le classement de 2006 (les variétés sont en compétition pendant trois ans) était 1 – MYSTERIEUX, 2 – RARE QUALITY, 3 – POESIE !

12.10.07







DU NEUF AVEC DU VIEUX

Il y a quelques mois, peu après le concours FRANCIRIS © 2007, à propos des hybrideurs amateurs, j’écrivais ceci : « Ils doivent surtout éviter de chercher à faire du neuf avec du vieux. Croiser des variétés anciennes ne leur donnera pas des rejetons modernes. » Certains m’ont fait remarquer que j’étais peut-être trop affirmatif et que de très intéressantes variétés récentes étaient le produit de croisements entre variétés plutôt anciennes. C’est exact et en voici quelques preuves.

Prenons pour exemple ‘Ikar’ et ‘Simfoniya’, deux obtentions de l’ouzbek Adolf Volfovitch-Moler enregistrées en 92 et qui ont toutes les deux retenu l’attention des juges de Florence en 95, attribuant le Florin d’Or au premier et qualifiant le second de « meilleure variété tardive ». Ces deux iris intéressants résultent d’un croisement de deux variétés des années 60 : ‘Rippling Waters’ (Fay 61) et ‘Pipes of Pan’ (O. Brown 63). Trente années se sont écoulées entre l’enregistrement des parents et celui des enfants. Volfovitch-Moler, en l’occurrence a bien fait du neuf avec du vieux et le neuf est réussi.

Un autre exemple est celui de cet hybride obtenu par Michelle Bersillon et repéré sous le numéro de semis 9920R (voir photo) qui est une jolie fleur mais qui est aussi le croisement de deux variétés dites historiques : Sapphire Hills x Surf Rider. ‘Sapphire Hills’ a été enregistré par Schreiner en 1971 et ‘Surf Rider’ est un amoena inversé qui date de 1970.

Cela démontre que, sans doute, j’ai un peu noirci le tableau. Mais des obtenteurs aussi indiscutables que Keith Keppel affirment aussi que le 100% ancien n’est pas une bonne idée. Les exceptions ne sont là que pour confirmer les règles.

Mais que dire des croisements « ancien X moderne » ?

Des obtenteurs contemporains comme Donald Spoon ou Jim Hedgecock, aux USA, travaillent sur l’idée qu’il faut renforcer les variétés modernes en leur injectant les gènes de variétés plus anciennes et considérées comme plus robustes. Ils ont parfaitement raison. En effet le progrès de nos chers iris ne consiste pas à multiplier indéfiniment les nouvelles variétés, mais à créer de nouveaux iris qui apportent quelque chose, soit par un caractère nouveau, soit par l ‘amélioration d’un caractère existant. Il est reconnu que beaucoup de variétés parmi les plus récentes présentent des défauts, notamment quant à la robustesse et à la résistance aux maladies. Certains sont même allés jusqu’à mettre en cause la conscience professionnelle des juges pour expliquer les difficultés rencontrées avec les variétés modernes : il ne faudrait pas noter favorablement une variété qui n’offre pas toutes les qualités végétatives qu’on peut attendre, et les juges se laisseraient séduire par le succès commercial de tel ou tel iris plutôt que par ses réelles qualités. Lesdits iris seraient beaux, originaux, séduisants, mais pousseraient mal ou seraient trop fragiles. Ceci est hélas trop souvent exact, mais il ne faut pas en rendre les juges responsables : ils jugent ce qu’on leur présente et attribuent les récompenses qu’ils ont à distribuer. C’est donc aux hybrideurs à redresser la barre. L’apport de qualités reconnues de certaines variétés anciennes est donc une piste intéressante. Mais il ne faut pas que cet apport se solde par un appauvrissement des autres caractères. Or c’est le risque, car il est notoirement connu que lors d’un croisement, ce sont les défauts des parents qui se représentent le plus souvent et semblent s’additionner, plutôt que leurs qualités ! Le travail de sélection, lorsqu’on croise une variété ancienne et une variété récente, sera beaucoup plus ardu et il y aura sûrement un accroissement des « déchets ». J’estime avoir eu beaucoup de chance avec le croisement ‘Beghina’ X ‘Sky Hooks’ qui allie un vieil iris gris des années 60 et le fameux ‘Sky Hooks’ de 1980. C’est un croisement a priori risqué, dont j’ai obtenu ‘Kir’ auquel je trouve beaucoup de qualités, et un charmant BB auquel j’avais destiné le nom de ‘Prétexte’, mais qui est mort en bas âge (bloom-out). C’était un iris blanc, à barbes blanches et éperons bleus, avec des bords extrêmement laciniés d’un très joli effet. Mais par ailleurs ce croisement a donné naissance à des plantes aux caractéristiques franchement démodées, des « nanards » bons pour le compost.

Les photos ci-dessus de ‘Louvois’ (Cayeux 36) et du croisement ‘Louvois X Romantic Evening’ réalisé par notre compatriote Loïc Tasquier, qui vit aux Pays-Bas, montrent les limites de l’exercice. C’est un essai, intéressant mais qui allie des variétés extrêmes, et toutes les qualités de ‘Romantic Evening’ n’ont pas surmonté la difficulté du mariage. D’autres ont été plus modérés dans le choix du parent ancien et sont parvenus à des résultats valables.

C’est notamment le cas de Jim Hedgecock. Dans un choix de croisements du même genre, j’en ai relevé trois qui ont été à l’origine de plusieurs belles nouveautés bien que les parents aient déjà un âge respectable. Ainsi (‘Space Wagon’ x ‘Tuxedo’) X ‘Sophistication’, qui réunit des variétés de 1973, 1965 et 1984, a donné naissance à des iris aussi variés que ‘Aztec Lace’ (2002), ‘Chiricahua Canyon’ (97), ‘Dark Dancer’ (2002), ‘Jungle Dancer’ (2002) et ‘Whispering Waters’ (99). Un croisement encore plus « dans le style ancien » : ‘Sun Fire’ X ‘Mandolin’, respectivement de 76 et de 77, a abouti à ‘Apache Ruffles’ (97), ‘Dreamsicle Soda’ (92), ‘Orange Ensemble’ (93) et ‘Pumpkin Fest’ (97). Enfin ‘Superstition’ X ‘Soul Music’, tous deux de 77, a fourni les « noirs » bien connus que sont ‘Dracula’s Shadow’ (89), ‘Navajo Night’ (97) et ‘Son of Dracula’ (91). Dans ces deux cas on est dans la configuration de type ‘Ikar’ dont il a été question plus haut. Le catalogue Hedgecock est rempli de cultivars de la même eau. On peut donc dire qu’en l’occurrence on est devant un choix délibéré dont l’obtenteur n’a qu’à se louer. C’est une voie de renouvellement dont les obtenteurs européens, et en particuliers les amateurs, peuvent s’inspirer avec profit mais dont ils ne doivent pas sous-estimer les risques.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Encore des concours

En Pologne

Les compétitions de la MEIS (Société des Iris d’Europe Centrale) se sont déroulées cette année en Pologne. En voici les résultats :

Compétition réservées aux obtenteurs d’Europe Centrale :
1) GF-J-99-1 - Jerzy Wozniak (Pologne)
2) 97-CRCE1 - Josef Dudek (Rep. Tchèque)
3) ZK-03-46A - Zbigniew Kilimnik (Pologne)

Compétition internationale :

1. BEYOND PARADISE – A.D.Cadd US 2004 (photo)
2. SONET SHEKSPIRA – I.Horosh PL 2007
3. INNOCENT DEVIL – A.D.Cadd US 2003

Critérium de l’iris – Orléans La Source

1) POESIE - R. CAYEUX 2002
2) RARE QUALITY - SCHREINER 99
3) MYSTERIEUX - R. CAYEUX 2003
4) FANFRELUCHE - R. CAYEUX 2003

A noter que le classement de 2006 (les variétés sont en compétition pendant trois ans) était 1 – MYSTERIEUX, 2 – RARE QUALITY, 3 – POESIE !

4.10.07

UN PEU D'AVANCE

Un peu d'avance cette semaine, pour cause de déplacement vers Boinvilliers (78200), en vue de l'Assemblée Générale de la SFIB, ce week-end.






TOUT PETIT PETIT

Dans une belle envolée lyrique, Barbara Whitehouse, la rédactrice de l’article de « The World of Irises » sur les iris nains miniatures (MDB) commence ainsi son exposé : « Si la vue du premier crocus peut signifier pour beaucoup de gens le retour du printemps, c’est la vue du premier iris nain miniature qui évoque ce retour pour les amateurs d’iris. Premiers des iris barbus à fleurir, les nains miniatures annoncent la saison attendue avec tant d’impatience tout au long de l’hiver ; chaque amateur d’iris devrait en cultiver au moins une ou deux touffes pour cette seule raison. Cependant ils sont tellement mignons qu’une ou deux touffes peuvent devenir par la suite une plate bande ou un massif tout entier. »

Tout ce qui est petit est mignon : les iris ne font pas exception à cette règle, et le texte ci-dessus en est la démonstration. Car, tout petits, les MBD le sont : pas plus de 21cm de haut et le plus souvent bien moins. Leur caractère hâtif et l’abondance de leur multiplication ajoutent à leur attrait. Si l’on complète leur description en disant qu’ils sont extrêmement résistants au gel, on est sûr, avec eux, de posséder une plante délicieuse pour commencer l’année au jardin.

Ces gentilles petites choses, les amateurs les connaissent depuis le début de la culture intensive des iris, c’est à dire depuis les années 1840/1850. Ceux que nous rencontrons aujourd’hui sont le résultat de croisements interspécifiques entre I. chamaeiris, I. olbiensis, I. pumila et quelques autres comme I. lutescens, I.melitta ou I. reichenbachii. Cependant c’est à l’excellent I. pumila, et son aptitude à transférer la tétraploïdie des grands iris barbus dans les iris nains qui a joué le rôle le plus important dans la création des MDB. Ces derniers sont donc des iris tétraploïdes, ce qui leur confère d’immenses possibilités en matière de variété et de combinaisons de couleurs. Malgré cela, ils ne constituent qu’une infime partie des nouveaux iris enregistrés chaque année, et leur culture ne décolle pas : 9 MDB pour 525 TB en 2000, 7 pour 698 en 2006 ! Dans ces conditions leur évolution ne peut pas être bien rapide et ceux d’aujourd’hui conservent un petit air vieillot qui était celui des iris de la première moitié du XXeme siècle. Pourtant de nombreux obtenteurs de grands iris se sont essayés à l’hybridation des petits : Ben Hager, Keith Keppel, George Sutton, Terry Aitken, Brad Kasperek, pour n’en citer que quelques-uns. Mais aussi certains comme la famille Willott s’en sont faits une spécificité.

Ils sont défendus avec enthousiasme par la Dwarf Iris Society, fondée en 1950 par des amateurs passionnés par leur caractère hâtif, leur forme délicate, leurs couleurs fraîches et leur résistance aux intempéries et aux aléas du climat. Ils disposent, comme toutes les autres catégories d’iris, d’une médaille particulière, la Carpane-Welch Medal. A ce titre, ils participent au vote pour l’attribution de la Dykes Medal, mais il est peu probable qu’ils réussissent un jour à réunir suffisamment de votes pour espérer l’obtenir !

En France, les défenseurs des MDB sont peu nombreux. Les catalogues des principaux producteurs ne les commercialisent pas. Ce n’est donc pas facile de faire leur connaissance. Pour donner une idée de ce qu’ils sont, j’ai placé deux photos de récents vainqueurs de la Carpane-Welch Medal, publiées dans le bulletin de l’AIS, ‘Little Drummer Boy’ (A & D Willott 97 – CWM 2005) et ‘African Wine’ (Kasperek 98 – CWM 2006). Le premier est un petit iris de 10cm de haut, blanc avec un gros spot violet, issu directement de I. pumila ; le second dont le nom décrit la couleur, y ajoute une barbe orange brûlé pointée de lavande. Cependant les curieux peuvent se tourner vers le seul catalogue français où se trouvent ces iris, celui de Lawrence Ransom –Iris au Trescols - qui, avec son ami Jean Peyrard, obtient des MDB. ‘Voie Lactée’ (Peyrard 92), ‘Dekho’ (Ransom 93), ‘A Gogo’ (Ransom 93), ‘Passion Bleue’ (Peyrard 95), ‘Bisou’ (Ransom 94), ‘Punk’ (Ransom 98), ‘Zarbi’ (Ransom 2002) et ‘Guilli-Guilli’ (Ransom 2007) (photo) constituent toute la panoplie de leurs obtentions. C’est suffisamment étendu pour être signalé et mériter que l’on félicite ces deux audacieux pour leur éclectisme.
L’HYBRIDEUR ET LE MUSICIEN

Amateur de musique classique et « branché » hybridation, je ne puis m’empêcher de faire le parallèle entre le musicien, interprète, et l’hybrideur, tant amateur que professionnel.

L’interprète doit à la musique qu’il joue une fidélité et une qualité d’interprétation maximales. Pour parvenir à ces deux exigences, il lui faut posséder parfaitement son instrument, grâce à une formation et une pratique approfondies. Il lui faut aussi cette rigueur et cette honnêteté qui lui permettront d’être le serviteur scrupuleux et reconnaissant du compositeur. Il lui faut enfin cette sensibilité et cette empathie qui feront de lui autre chose qu’une mécanique musicale, et lui feront communiquer l’enthousiasme qui l’habite et qui emportera celui de ses auditeurs.

En comparaison, celui qui entend créer de nouveaux iris (autrement, bien sûr qu’à titre d’amusement sans conséquence) doit-il être différent ? Sûrement pas ! Pour réussir dans l’hybridation il faut connaître aussi profondément que possible la génétique des iris, la biologie végétale, les mystères de l’hérédité… C’est quelque chose qui ne s’improvise pas et exige des heures de lecture, d ‘étude des auteurs qui ont écrit sur ces sujets. Il est non moins indispensable de faire preuve de rigueur lorsque viendra le moment de choisir les variétés qui pourront être conservées, enregistrées et, sans doute, commercialisées. Les iris imparfaits, même s’ils sont intéressants sur certains aspect, devront être rejetés, ou simplement mis de côté en vue de croisements ultérieurs destinés à améliorer, aux générations suivantes, les caractères qui pêchent. L’honnêteté se manifestera par le souci d’être précis et rigoureux dans la déclaration des origines des cultivars : ne pas « dorer la pilule » et tenter de faire croire à des origines prestigieuses quand on n’est pas certain du croisement d’où provient la variété. Cela fait partie du respect qui est dû à ceux qui ont réalisé les croisements précédents, ainsi qu’à ceux qui pourront utiliser, par la suite, la variété en question. Pour réussir, l’hybrideur devra également posséder ce génie qui lui fera choisir les bons parents pour le résultat qu’il vise, et ce bon goût qui lui feront retenir les plus beaux iris, ceux qui plairont aux amateurs à cause de leur beauté intrinsèque, de leur charme, de leur élégance ou de leur harmonie.

Ce qui fait le succès d’un musicien, ce n’est pas uniquement sa virtuosité, sa musicalité, c’est aussi sa capacité à capter et conserver l’attention et l’admiration de son public et à s’attirer sa reconnaissance en lui permettant de profiter pleinement de ce que le compositeur, un autre génie, a voulu donner. L’hybrideur d’iris (ou de toute autre plante d’ailleurs), dans son domaine, n’est nullement différent.

ECHOS DU MONDE DES IRIS

Encore des concours

En Allemagne
J’ai déjà signalé le succès de ‘Violet Ballerina’ (Cadd 2003) (voir photo) dans le concours international 2007 des la GDS (Société Allemande d’Horticulture), devant ‘Poésie’ (R. Cayeux 2002) et ‘Ujlak’ (Mego 2007). La compétition réservée aux variétés autochtones a récompensé ‘Alrun’ (Beer 2007), un bel iris jaune plus clair sous les barbes.

En Russie
Le concours russe réservé aux variétés obtenues dans le pays est revenu à ‘Stefan Zweig’ (Loktev 2002), un iris blanc bleuté ombré d’or aux épaules, devant son compatriote ‘Moi Snovidenyia’ (Koroliov 99), indigo, aux sépales plus clairs striés de violet aux épaules.