24.8.07




LES HAUTS LIEUX

A tous les moments de l’histoire des iris, il y a des lieux qui connaissent ou ont connu la célébrité, soit en raison de la renommée d’un homme ou d’une entreprise, soit à cause de l’adéquation parfaite entre la plante et les conditions climatiques ou pédologiques de la région. En deux tableaux nous allons faire la connaissance des principaux hauts lieux du monde des iris. Ceux qui ont eu leur heure de gloire à un moment de l’histoire, et ceux qui sont aujourd’hui célèbres.

Les lieux historiques

Il est évident que le monde des iris s'est créé à Paris et dans sa périphérie. La pépinière de Monsieur Lémon se trouvait à Belleville, qui était encore un faubourg parisien, au milieu du XIXeme siècle. C’est là qu’il a sélectionné les premiers iris hybrides qui ont fait sa renommée et lancé l’engouement pour cette fleur, déjà très appréciée, mais encore presque exclusivement botanique quand il a eu l’idée de commercialiser des variétés résultant des croisements naturels.

La région parisienne est restée l’épicentre du monde des iris pendant une centaine d’année, jusqu’à la guerre de 39/45 en fait, qui l’a fait se déplacer vers les Etats-Unis. Cette prééminence parisienne fut le fait de deux personnages incontournables, Philippe de Vilmorin et Ferdinand Cayeux.

Le premier a fait connaître au monde entier le nom de Verrières le Buisson, modeste village de la banlieue sud, où sont nés des iris aussi fameux que ‘Monsignor’ (1903) (photo), ‘Alcazar’ (1910) ou ‘Ambassadeur’ (1920).

Le second, véritable « major » de l’hybridation au cours de la première moitié du XXeme siècle, était installé au Petit Vitry, commune de Vitry sur Seine, aux portes de Paris, si près même que l’emplacement fut annexé à la capitale en 1960, chassant l’affaire Cayeux vers les rugueuses terres de la région de Gien, en Orléanais. C’est au Petit Vitry que sont nés les iris qui ont fait le tour du monde, surtout au cours des années 20 et 30, comme ‘Mme Henri Cayeux’ (1924), Thaïs (1926), ‘Jean Cayeux’ (1931), ‘Alice Harding’ (1932) ou ‘Béotie’ (1932), pour ne citer qu’un choix minimal parmi les centaines de variétés enregistrées qui faisaient l’admiration de tous les amateurs.

Il ne faut pas cependant oublier d’autres lieux parisiens où l’iris a été cultivé avec succès. Pensons notamment à Bourg La Reine, siège de l’entreprise d’Armand Millet à qui l’on doit ‘Souvenir de Mme Gaudichau’ (1914), une variété dont le nom évoque savoureusement la Belle Epoque. Cet iris, en deux tons de violet, a été une star des jardins pendant près d’un demi-siècle.

A peu près dans les mêmes moments, des irisariens de tout premier plan, existaient en Grande Bretagne. Pour faire court nous ne parlerons que de deux de ces intéressants personnages, Arthur J. Bliss, le père de ‘Dominion’, et William R. Dykes, sans qui l’iridophilie ne serait pas ce qu’elle est. Néanmoins, si l’on veut s’en tenir au sujet d’aujourd’hui, il n’y a ni une localité, ni même une région de Grande Bretagne qui se soit mise en valeur comme l’a fait en France Paris et sa région.

Toujours à la même époque, une bourgade allemande, dans la banlieue de Wiesbaden, Niederwalluf am Rhein, figurait à l’inventaire des hauts lieux des iris, grâce à la présence de la firme Goos und Koenemann. Cette affaire, mondialement connue à cette époque, c’était fait une spécialité des iris variegata, et sa variété ‘Lorelei’ (1909) est toujours présente chez les collectionneurs, de même que ses cousines du même acabit.

Aux USA, les iris hybrides étaient dès cette époque une plante appréciée et largement cultivée. Mais les choses ne se présentaient pas comme aujourd’hui, avec quelques régions bien précises, consacrées en grande partie aux iris. Elles étaient plus dispersées. Néanmoins on peut distinguer trois secteurs plus nettement marqués « iris » : la Nouvelle Angleterre, le Middle West et, déjà, la Californie. La Nouvelle Angleterre, c’est le pays de l’inoubliable Grace Sturtevant qui était originaire du Massachusetts. C’est aussi celui d’Agnes Whiting et d’Edward Watkins qui, lui, habitait le New Hampshire. L’Indiana et le Nebraska étaient les états où les plus notables hybrideurs étaient installés. Quand on parle du Middle West, cela concerne essentiellement l’Indiana, l’Illinois, le Nebraska et le Minnesota. L’Indiana, c’est d’abord E.B. Williamson et ses fameux ‘Lent A. Williamson’ (1919) et ‘Dolly Madison’ (1926). C’était un stakhanoviste de l’iris puisqu’il a été jusqu’à cultiver en même temps plus de 70000 plantes, en 1932 ! L’Indiana c’est aussi Paul Cook, qui d’ailleurs fut associé à E.B. Williamson. Paul Cook est sans doute le plus fameux hybrideurs américain des années d’avant la 2eme guerre mondiale. L’Illinois, c’est d’abord John Kennicott ; c’est ensuite David Hall, le génial inventeur des iris roses, ainsi que des inoubliables ‘Chantilly’ (1940) ou ‘Happy Birthday’ (1952).

Le Nebraska, c’est le rude pays où les frères Sass, venus d’Allemagne, s’étaient installés dès 1903. Leur nom est indissociable de l’histoire des iris, et il n’est aucun type de fleur et aucune catégorie qui n’ait pas un lien avec eux. Leur célébrité a commencé avec ‘Rameses’ (1930) (photo) et s’est poursuivie pendant les vingt années suivantes. Les terres du Nebraska sont ingrates avec les iris et seules des plantes robustes pouvaient survivre dans ces hautes plaines aux hivers si terribles que, à plusieurs reprises, les intempéries ont détruit presque complètement le travail des frères Sass.. Il n’est pas étonnant que leurs produits soient des plantes d’une résistance au-dessus de tout éloge. Leurs grands iris sont encore souvent présents dans nos jardins. Leurs intermédiaires ont eu sans doute moins de succès, mais ils restent les inventeurs de cette catégorie et il est évident qu’on se devait de donner leur nom à la médaille qui récompense chaque année le meilleur de ces iris.

Willis Fryer était un enfant du Minnesota, ses fameux ‘Mrs. Andrist’ (1919) et ‘Madison Cooper’ (1920). Enfin il ne faut pas oublier que le berceau de la firme Schreiner fut à St Paul, dans le Minnesota.

La Californie a été très tôt une terre fort accueillante pour les iris. Pour ne parler que des plus importants hybrideurs installés là-bas, il faut citer William Mohr, Sydney B. Mitchell et Clara Rees. Le premier est à l’origine des plicatas tétraploïdes, le second, qui fut le successeur du précédent, est considéré comme un des fondateurs de l’hybridation moderne. Quant à Mme Rees, son ‘Snow Flurry’ (1939) figure dans le pedigree de presque tous les iris actuels.

Aujourd’hui les hauts lieux des iris se sont-ils déplacés ? L’Europe a beaucoup perdu de son importance à partir des années 40 et des conséquences du 2eme conflit mondial. Nous verrons cette évolution dans une autre chronique.

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