2.2.07


LES TROIS MOUSQUETAIRES

« Un pour tous, tous pour un », cette devise aurait très bien pu s’appliquer aux trois enfants de F.X. Schreiner, qui ont constitué la cellule de base de l’entreprise connue sous le nom de Schreiner’s Gardens.

Lorsque François Xavier Schreiner meurt, en 1931, la pépinière d’iris qu’il a créée en 1922 est déjà prospère. Ses trois enfants vont prendre la succession et, avec une complicité que rien ne pourra défaire, transformer l’affaire encore artisanale en une entreprise pratiquement industrielle. On est là en face d’une de ces réussites proprement exemplaires, due à la force, la ténacité et le courage qui ont fait les succès américains.

Les enfants de F.X. Schreiner sont trois : ROBERT, dit « Bob », CONSTANCE, dite « Connie » et BERNARD dit « Gus ». Lorsqu’ils reprennent l’affaire paternelle, ils se partagent le travail en fonction de leurs aptitudes personnelles. Gus sera l’homme de terrain, le jardinier. Connie se chargera de la comptabilité et des commandes, Bob prendra à son compte les relations publiques et, surtout, les hybridations, cœur de l’activité de l’entreprise. Travaillant chacun dans son domaine, ils se rassemblent pourtant au moment de la sélection des nouvelles variétés, laquelle restera une œuvre collective tant que durera la collaboration des trois enfants.

Les années d’expansion

La pépinière Schreiner est installée à St Paul (Minnesota) au centre-nord des Etats-Unis, dans une région au climat particulièrement rude. Les hivers terribles des années 38/40 causent des ravages dans les plantations et détruisent presque tous les semis. Les trois associés se rendent compte que leur affaire sera en danger tant qu’elle restera assujettie aux aléas de la météorologie. Ils cherchent un endroit plus propice à la culture des iris et envisagent un déménagement. En 1946, le terrain où s’implanter est trouvé, en Oregon, sur la côte ouest, tout près de Portland, dans la délicieuse vallée de la Willamette. C’est décidé, on s’en va ! En voiture pour Salem ! Déménager une pépinière de l’importance de celle des Schreiner n’est pas une petite affaire. Il faut mettre en pot toutes les plantes et faire parcourir à des milliers d’iris presque 2500 kilomètres !

Le choix de la douce vallée fraîche et humide, au sol volcanique fertile, est une décision parfaite, qui va permettre à l’entreprise familiale de se développer rapidement et vigoureusement. Depuis 1928, la maison édite chaque année un catalogue. Peu à peu celui-ci se développe et s’enrichit. Les nouvelles variétés proposées rencontrent un franc succès que renforce la qualité des plantes vendues. Mais il faudra tout de même douze ans avant que le travail acharné des Schreiner soit récompensé par une première Médaille de Dykes. Ce sera, en 1958, pour BLUE SAPPHIRE, cette fleur d’un bleu si tendre, portée par une plante si solide et prolifique. Sur la lancée, deux autres variétés remarquables seront couronnées : AMETHYST FLAME en 64, puis STEPPING OUT, en 68.

Les années difficiles

D’une activité artisanale, les Schreiner’s Gardens vont devenir, au fil des années, une prospère entreprise puissamment structurée et gérée comme une industrie. Bob, de ce fait, est obligé de se consacrer essentiellement à la vie de la firme. Il laisse de plus en plus à son frère Gus le travail d’hybridation. Malgré cette réussite, tout n’est pas rose pour les Schreiner. Les années 70 vont être décevantes et, surtout, marquées par le décès de Connie, en 1971. Heureusement pour la famille, Gus ne manque pas de descendance. Il a 8 enfants ! Quatre filles et quatre garçons, et c’est son fils Ray qui va entrer dans l’équipe dirigeante.

Malgré des obtentions superbes et chaque année plus nombreuses, il va s’écouler seize ans sans que la maison Schreiner ne parvienne au sommet du palmarès… La concurrence est rude et les choix des juges terriblement indécis. Au cours des années 70, les Schreiner vont mettre sur le marché plus de 150 variétés nouvelles dans toutes les catégories, mais essentiellement dans celle de grands iris barbus. Et aucune récompense majeure ! Ce n’est pourtant pas les choses intéressantes qui manquent ! Qu’on en juge : GRAND WALTZ en 70, qui a frôlé la DM en 76 et 77, POSTTIME en 71 (AM74), PEACH FROST en 72 (AM75), SPARTAN en 73 (AM76), GAY PARASOL en 74 (AM 77), NAVY STRUT en 74 également (AM77), GOLD TRIMMINGS en 75 (AM 78), mais aucune variété de 1976 ayant atteint l’AM, LACY SNOWFLAKE en 77 (AM82), GOLD GALORE en 78 (AM 82) ou PACIFIC MIST en 79 (AM84).

Ce n’est qu’en cette année 84 que le signe indien est vaincu, avec le triomphe de VICTORIA FALLS (77) (voir photo). Un triomphe annoncé dès 82 et confirmé en 83.

Mais dans les mêmes moments la trinité Schreiner est de nouveau amputée, avec la mort de Gus en 1982. Ce sont ses enfants Steve et Liz qui entrent au staff directeur.

Les années glorieuses

Bob est seul à profiter de la formidable série de grandes victoires qui va marquer les années 80 et 90. L’entreprise Schreiner est au faîte de sa gloire. Elle domine tous ses concurrents de la tête et des épaules. Son catalogue est attendu dans le monde entier comme l’événement de l’année iridistique.

Après 84, l’année de la résurrection, marquée non seulement par la DM de VICTORIA FALLS, mais aussi par le Fiorino d’Oro attribué à TITAN’S GLORY, viendra la période de suprématie. Elle commencera par un nouveau succès pour TITAN’S GLORY, DM en 1988. Elle continuera par une série de six Médailles de Dykes en neuf ans ! DUSKY CHALLENGER en 92, SILVERADO EN 94, HONKY TONK BLUES en 95, HELLO DARKNESS en 99, puis YAQUINA BLUE en 2001 et CELEBRATION SONG en 2003.

Le décès de Bob, l’ancêtre, en 2002 marque la fin d’une époque. Même si la maison Schreiner et la famille éponyme continuent sur leur lancée, avec l’entrée aux affaires familiales de Dave, un cousin des dirigeants de la troisième génération que sont Ray, Steve et Liz. Il y a toujours des pilotes dans l’avion et l’entreprise est toujours florissante. Elle fonctionne avec la régularité d’une horloge, avec chaque année un choix d’une quinzaine de nouveautés dans un panel immuable de coloris. Chez Schreiner, on fabrique maintenant les iris à la chaîne. Commercialement cela marche, les nouveaux iris sont irréprochables, avec des fleurs plantureuses et des plantes qui ne donnent pas de soucis, mais l’innovation est devenue rare. D’ailleurs d’autres hybrideurs s’installent aux premières places : Keppel est enfin reconnu à sa juste valeur, Lauer, Black, Tasco, Duncan ou Johnson trustent les récompenses. Schreiner est entré dans une phase plus modeste : on ne peut pas éternellement tenir le premier rang…

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