31.7.06

ORAGE

Jeudi dernier, un gros orage a eu raison de mon modem. Je n'ai pu m'en procurer un neuf que cet après-midi.

Pas de message, donc, pour la semaine dernière, mais une grosse livraison vendredi prochain. A bientôt !

21.7.06


TROISIEME TRIOMPHE

Pour la troisième fois de sa longue carrière, Keith Keppel a été honoré cette année d’une nouvelle Médaille de Dykes, attribuée à SEA POWER (99). Pendant très longtemps, cet incomparable obtenteur a couru après le succès, ses variétés étant supplantées le plus souvent par celles de la firme Schreiner qui, au cours des deux dernières décennies, a trusté les récompenses. Les iris Schreiner, sélectionnés par l’ancêtre Robert Schreiner, représentaient aux yeux des juges américains ce qui pouvait se faire de mieux. Et les récompenses obtenues étaient méritées car à tous points de vue les variétés honorées présentaient des caractéristiques exceptionnelles. Mais depuis la disparition de Bob, Schreiner ne se renouvelle plus guère, et si ses iris restent beaux et solides, ils manquent un peu d’originalité et ont du mal à lutter contre les produits d’autres obtenteurs, plus imaginatifs. Keith Keppel n’a pas recherché le succès à tout prix. Il a continué imperturbablement un travail méticuleux, rigoureux et difficile. Il a excellé dans les plicatas, qu’il a porté à un sommet, mais ce modèle est très prisé et peut-être rencontré un peu trop souvent. Il a poursuivi la quête de l’iris sombre à barbes rouges et est parvenu à des résultats remarquables, puis il s’est attaqué aux amoenas inversés, avec un indéniable succès. Depuis bien longtemps tous, ou presque, ses iris reçoivent au moins un AM, et depuis le tournant du siècle, ils tutoient la récompense suprême. En 2002 puis en 2003 FANCY WOMAN (95) a été à deux doigts de triompher, en 2004 CROWNED HEADS (97) a été couronné et c’est aujourd’hui le tour de SEA POWER. Depuis 2001, FANCY WOMAN, LOCAL COLOR (96), CROWNED HEADS et SEA POWER ont été déclarés meilleure variété de grand iris de l’année (Wister Medal), compétition dans laquelle SPIRIT WORLD (94), FOGBOUND (98) et HAPPENSTANCE (2000) se sont également bien placé. De plus MIDNIGHT OIL (98) et HAPPENSTANCE ont été déclarés « meilleur espoir » (Walther Cup). Le sommet atteint cette année par SEA POWER (voir photo) récompense une variété exceptionnelle, un iris bleu vif, uni (la couleur favorite des amateurs d’iris), bien frisé et présentant des ondulations profondes et régulières. C’est une plante de haute taille et une fleur délicieusement parfumée. Que demander de plus ? SEA POWER a tout pour lui.

A la suite de BABBLING BROOK (69 – DM 72), sa première Médaille de Dykes, Keppel sélectionnait surtout des iris avec des fleurs gracieuses mais plutôt petites ; maintenant il retient des fleurs amples, très ondulées, d’un charme fou. Il place à côté de coloris traditionnels, des associations originales, voire franchement nouvelles, des modèles encore inconnus. Dans la première catégorie se placent OPEN SEA (2002), immense bleu pur, DAY GLOW (97), abricot à barbes rouges, IN LOVE AGAIN (2004), entièrement rose, VENETIAN GLASS (2003), blanc à peine rosé ou SUNBLAZE (2004), d’un jaune très riche. FOREIGN LEGION (2001), TRADE SECRET (2003), MYSTERIOUS WAYS, SECRET RITES ou BAMBOO SHADOW (2005), associant le jaune ambré, le mauve et le gris, voire un peu de vert absinthe, entrent dans la définition des mélanges extrêmes, dans la lignée de THORNBIRD (Byers 89 – DM 97). RIO (2001), abricot et bruyère, constitue une autre association nouvelle. Quant à QUANDARY (2001), il amorce un nouveau modèle, présentant sur les sépales des griffures mauves particulières. C’est un modèle préparé en collaboration avec Joë Ghio, que ce dernier semble bien décidé à encore améliorer.

Que SEA POWER ait apporté une troisième Médaille de Dykes chez Keith Keppel n’est pas une surprise, c’est enfin la reconnaissance universelle d’un talent que tout le monde reconnaît à celui qui a été surnommé Mr. Plicata, mais qui se signale aussi dans tous les autres domaines.
D’AUTRES LAURÉATS

Sans autres commentaires, voici la liste des autres principales récompenses attribuées la l’AIS en 2006.

Knowlton Medal (BB): Anaconda Love (Kasperek) (1)

Sass Medal (IB): Midsummer Night's Dream (Baumunk)

Williamson-White Medal (MTB): Baubles and Beads (Miller)

Cook-Douglas Medal (SDB): Ruby Eruption (Chapman)

Caparne-Welch Medal (MDB): African Wine (Kasperek)

White Medal (AR & AB): Omar's Stitchery (Boswell)

Mohr Medal (AB): Walker Ross (Ross)

Founders of SIGNA Medal (Spec): John Wood (Wood)

Mitchell Medal (CA): Cozumel (Ghio)

DeBaillon Medal (LA): Peaches in Wine (Prior)

Morgan-Wood Medal (SIB): Riverdance (Schafer/Sacks)

Nies Medal (SPU): Adriatic Blue (Niswonger)

(1) Je consacrerai une prochaine chronique à la Knowlton Medal, ANACONDA LOVE.

14.7.06


DE LA SUITE DANS LES IDÉES

Tous ceux qui savent de quoi ils parlent disent que, à propos du travail de l’hybrideur, qu’il faut avoir des la suite dans les idées. C’est à dire choisir un domaine de recherche, et s’y tenir. Ce domaine peut-être général (les iris à éperons, les variegata-plicatas, les « broken-colors »…) ou ponctuel (les barbes noires, les iris bruns…) mais l’important c’est de se disperser le moins possible. Tous les grands hybrideurs ont procédé de cette façon et ils continuent d’appliquer ce principe. Je prendrai pour exemple trois de nos contemporains qui font preuve d’une évidente et payante obstination.

Commençons par Richard Ernst. Cela fait vingt ans environ qu’il travaille sur un croisement mythique, Edna’s Wish X Wild Jasmine, à partir duquel il a créé, aussi bien par endogamie que par exogamie, une vaste famille qui, aujourd’hui, comporte six variantes et, au moins, 26 variétés enregistrées. Il en est arrivé à utiliser maintenant les enfants et même les petits enfants de son géniteur de base, mais il continue toujours dans un domaine qui lui a donné des iris à la fois variés et extraordinaires, avec, tout particulièrement, deux modèles nouveaux qui ont pour modèle de base RING AROUND ROSIE (2000), pour le premier, et TIME WILL TELL (99) pour le second. Cette lignée a fait l’objet, ici, dans Irisenligne, d’une chronique parue il y a un an. A l’heure actuelle la série du modèle RING AROUND ROSIE comprend au moins quatre variétés très originales, Le modèle de base a des pétales blancs finement ourlés de jaune primevère, et des sépales à fond blanc, légèrement poudré de grenat, bordés de jaune primevère ; barbes jaune vif. WHISPERING SPIRIT (2001), en est la version la plus colorée, CARNIVAL RIDE (2002), la plus réussie (voir photo), et LOOKY LOO (2005), une déclinaison un peu différente. La série du modèle TIME WILL TELL est tout autre mais tout aussi intéressante. Les pétales, tourmentés, sont indigo vif, tout ourlés de pourpre ; c’est ce pourpre qu’on retrouve sur les sépales, mais il s’émiette en se rapprochant du cœur de la fleur, laissant apparaître le fond blanc luminata aux alentours des barbes, jaunes. SCHIZO est visiblement le cousin de TIME WILL TELL : même indigo pour les pétales, même pourpre pour les sépales, même dessin luminata sous les barbes du même jaune, la différence n’est pas en sa faveur puisqu’il perd presque totalement le liseré pourpre des pétales qui fait l’attrait du précédent. Manifestement Richard Ernst a été séduit par la formule de TIME WILL TELL à tel point qu’il a cherché à la reproduire en y apportant quelques retouches mineures. Cela a donné CHILD OF ROYALTY (2001), SMOKIN (2001) puis BALL OF CONFUSION (2004). Le premier est la déclinaison claire de la formule, le second en est la version sombre, le troisième une version allégée, plus blanche.

Si quelqu’un peut être qualifié d’obstiné, c’est bien Keith Keppel. Au cours de sa carrière déjà longue il a exploré plusieurs domaines, mais il a tiré de chacun tout ce qu’il était possible d’en tirer. Son travail sur les iris plicatas est exemplaire et exhaustif. Il se passionne maintenant pour les « dark tops » et a fait faire à ce modèle un véritable bond en avant. Les premiers essais ont commencé au début des années 90 et deux variétés déjà bien typées sont apparues en 94 (SPRING SHOWER) puis en 96 (WISHFUL THINKING). Mais le premier coup de maître est arrivé en 97. Il s’agit de CROWNED HEADS, qui a aussitôt commencé une course aux honneurs qui lui a valu la Médaille de Dykes en 2004. Il faut dire que Keppel, pour obtenir CROWNED HEADS a utilisé IN REVERSE (Gatty 93), une étape majeure dans la recherche des amoenas inversés ; une partie du chemin était déjà faite. L’étape suivante a été FOGBOUND (98), un peu différent car doté d’une barbe rose issue de la lignée de George Shoop. CROWNED HEADS et FOGBOUND ont amorcé la série des « dark tops » encore en cours de développement. Unis l’un à l’autre ils ont donné naissance à ALPENVIEW (2002). CROWNED HEADS associé à un frère de semis de FOGBOUND, SUSPICION (99) aux couleurs spectrales, a engendré WINTRY SKY (2002), peut-être le « dark top » le plus contrasté d’aujourd’hui. La même année est apparu un premier descendant de FOGBOUND, CRYSTAL GAZER, qui est une pure merveille de grâce et d’originalité. FRIENDLY FIRE a été enregistré en 2003 : il descend de FOGBOUND et de SPRING SHOWER ; il tient de son père une teinte un peu rosée et des barbes vivement colorées, mais il est moins contrasté. De 2003 également date RIPPLE EFFECT, qui ne descend pas de FOGBOUND mais de son frère SUSPICION et tient de ce dernier des barbes jaunes. Il faut attendre ensuite 2005 pour voir la série se poursuivre avec ROYAL STERLING, produit de VIENNA WALTZ et de FOGBOUND, dans des tons plus mauves, puis de DANCE RECITAL, enfant que l’on pourrait qualifier d’incestueux, issu de la fécondation de SUSPICION par son « frère » FOGBOUND, mais qui est une incontestable réussite, tant par le bleu de ses pétales que par le blanc des sépales et le jaune orangé des barbes. Il est probable que Keith Keppel n’en restera pas là et qu’il a encore parmi ses semis quelques éléments qui sauront nous charmer ou nous surprendre : il a de la suite dans les idées et du talent à revendre !

Quant à Richard Cayeux, il s’est polarisé sur les iris dits tricolores (pétales blancs, sépales bleus, barbes rouges). Commencée en 91 avec VIVE LA FRANCE et BAL MASQUÉ, sa série se poursuit encore en 2006 avec REUSSITE. Cependant, contrairement à la démarche des obtenteurs précédents, Richard Cayeux s’est plus attaché au résultat qu’à la manière d’y parvenir. Sa série bleu-blanc-rouge comprend à l’heure actuelle huit variétés issues de cinq croisements différents, mais où se rencontrent cependant des éléments communs, ce qui permet de dire qu’à défaut d’être frères, ces iris sont au moins cousins. Le croisement le plus prolifique est (Condottiere x Delphi) X (Alizés x (Condottiere x Lunar Rainbow sib). Il a donné naissance à quatre frères : VIVE LA FRANCE (91), BAL MASQUÉ (91), REBECCA PERRET (92) et MARBRE BLEU (93). Le premier présente des pétales blancs, des sépales blancs bordés d’un dégradé de bleu un peu ardoisé avec de fortes veines brunes aux épaules, et des barbes importantes de couleur vermillon. Le second a aussi des pétales blancs, mais les sépales sont indigos, centrés de blanc, et les barbes restent mandarine. REBECCA PERRET est le plus clair de la série, c’est aussi celui qui ressemble le plus à ALIZÉS. Les pétales de MARBRE BLEU sont un peu bleutés, les sépales sont indigos et comportent des veines et marbrures blancs, plus intenses sous les barbes orange vif. En 1994 est apparu PARISIEN qui, à mon avis, répond le mieux à la définition d’iris tricolore : pétales blancs, sépales bleus à peine plus clairs sous les barbes, volumineuses et franchement vermillon. Il est un descendant de REBECCA PERRET. RUBAN BLEU est enregistré en 97. C’est un cousin très proche des quatre frères déjà cités. C’est aussi le plus richement contrasté de la famille, notamment à cause des fortes veines brunes qui envahissent les épaules et lui donnent du caractère. La production marque ensuite une pause, et les observateurs ont pensé que l’obtenteur était passé à autre chose. Mais cette année deux nouveautés viennent s’inscrire dans la liste. REUSSITE, dont le nom signifie peut-être que Richard Cayeux estime avoir atteint l’accomplissement de son travail, descend de REBECCA PERRET par le blanc LA MEIJE ; il serait tout blanc lui aussi sans le très net bord bleu vif des sépales. Quant aux barbes, elles peuvent être considérées comme rouges. Enfin CERCLE BLEU, qui, du panel de géniteurs des précédents n’a retenu qu’ALIZÉS, présente des sépales largement bordés de bleu sombre et ornées de superbes barbes rouges. Va-t-on s’arrêter là ? C’est probable, mais pas garanti. Quand on a de la suite dans les idées et le désir de la perfection, on n’est jamais complètement satisfait…

La liste des obtenteurs contemporains qui ont entrepris et mené à bien une longue série de variétés d’une même lignée ou d’un même modèle, pourrait s’allonger (Niswonger, Zurbrigg, Kasperek ou Ensminger…) mais les trois exemples donnés sont emblématiques de ce comportement studieux et rigoureux.
RÉCOMPENSES 2006

Je reçois à l'instant la liste des attributions de médailles américaines pour 2006 :

DYKES MEDAL = SEA POWER (Keppel 99)
WISTER MEDAL = QUEEN'S CIRCLE (Kerr 99)
WALTHER CUP = DECADENCE (Blyth 2004)

La semaine prochaine de plus amples informations sur ce sujet se trouveront ici même.
TRACASSERIES

J’ai appris hier, de Bruce Filardi, Rédacteur du Bulletin de l’AIS et obtenteur d’iris, que l’Union Européenne s’opposerait à l’introduction sur le territoire de l’Union de tous végétaux en provenance des Etats Unis. Panique chez les producteurs américains, pour qui l’Europe est le deuxième marché, et qui s’apprêtent à faire leurs envois ! Si quelqu’un des lecteurs de ce blog a des informations sur ce sujet, qu’il veuille bien me les donner.

Il est probable que l’Administration américaine va prendre des mesures de rétorsion et interdire l’importation de végétaux européens !

7.7.06


L’IRIS QUI A PERDU SON NOM

Dans le n° 341 du Bulletin de la Société Américaine des Iris (AIS), son ancien président, Clarence Mahan, qui vient d’écrire un livre intitulé « Les Iris et ceux qui les ont créés », s’intéresse à une anecdote qui retiendra l’attention de tous ceux qui s’intéressent à l’histoire des iris. J’en ai établi la traduction.

La pépinière Louis Van Houtte a introduit SANS SOUCI en Belgique en 1854. Peu après qu’il ait été importé aux Etats-Unis, SANS SOUCI a été confondu avec un autre iris, baptisé HONORABILE, qui avait été introduit à Paris en 1840 par Jean-Nicolas Lémon. SANS SOUCI est encore cultivé partout en Amérique du Nord et même il remporte des récompenses dans les concours d’iris, mais il est le plus souvent identifié comme HONORABILE.

Si l’iris que vous cultivez comme étant HONORABILE a des pétales jaunes et des « sépales élégamment veinés de brun-rouge » il est probable que vous fassiez pousser, en fait, SANS SOUCI. Le vrai HONORABILE a des sépales entièrement rouge violacé qui paraissent « d’un riche brun acajou ». Comment sais-je cela ? Laissez-moi vous raconter.

D’abord, l’édition de 1916 du « Manuel de l’Iris » du Révérend C. S. Harrison, comporte une liste de noms et de descriptions de cultivars préparée par l’un des premiers producteurs et marchands d’iris d’Amérique, Mrs Jennet Dean, de Moneta, Californie. Cette liste contient à la fois HONORABILE et SANS SOUCI. HONORABILE, identifié sous son synonyme « Honorabilis » dans la liste de Mrs Dean, est décrit comme un iris avec des pétales jaunes et des sépales « d’un riche brun acajou ». La description que Mrs. Dean donne de SANS SOUCI est celle d’un iris aux pétales jaunes et aux sépales « élégamment veinés de brun-rouge ». Après la description de SANS SOUCI, Mrs. Dean note : « Le vrai SANS SOUCI, pas HONORABILIS. »

Ensuite, il y a une évidence fournie par Séraphin Mottet. Séraphin Mottet n’était pas un simple pépiniériste, amateur d’iris. Il était considéré l’une des deux ou trois autorités les plus compétentes en matière d’iris dans le monde. Il cultivait à la fois HONORABILE et SANS SOUCI pour la Maison Vilmorin-Andrieux et Cie. Dans l’article titré « Classification des Variétés d’Iris de Jardins » dans « Les Iris Cultivés », publié en 1923, Mottet a proposé un nouveau système de classification des iris de jardin basé sur la couleur.

Le système de Mottet a huit classes de couleur avec des sous-classes. La classe VII s’adresse aux iris variegatas. Les deux premières sous-classes de la classe VII sont pour les iris à pétales jaune pâle. L’une des deux concerne les iris à pétales jaune pâle et sépales nettement veinés, et en exemple, Mottet parle de GRACCHUS. L’autre sous-classe décrit les iris à pétales jaune pâle et sépales entièrement colorés. Mottet cite LORELEI comme appartenant à cette sous-classe.

La troisième sous-classe de la classe VII de Mottet est destinée aux iris à pétales jaune foncé et à sépales nettement veinés. Mottet attribue SANS SOUCI à cette sous-classe. Il place HONORABILE dans la quatrième sous-classe, qui est pour les iris à pétales jaune foncé et sépales totalement colorés. Donc, selon Mottet, ce qui distingue SANS SOUCI de HONORABILE ce sont les veines sur les sépales du premier et la coloration complète des sépales du second. Si les sépales sont veinés, il s’agit de SANS SOUCI.

Confucius a enseigné que chaque chose devait avoir un nom, et devait toujours être appelée par ce nom. Si nous ne faisons pas référence à une chose sous son véritable nom, la confusion s’installe, le mauvais prend la place du bon et la connaissance nous échappe. Aussi, par pitié, si vous avez SANS SOUCI dans votre jardin et que vous l’appelez HONORABILE, allez tout de suite changer l’étiquette. Nous sommes tous attachés à connaître la vérité, mais nous n’avons certainement aucun besoin du désordre.
HASARD ET NÉCÉSSITÉ

Celui qui entreprend d’effectuer une hybridation est, en quelque sorte, un apprenti sorcier. Quand il aura transféré le pollen sur les stigmates de la fleur mère, il aura enclenché un phénomène dont il ne maîtrisera plus rien. La nature entamera un processus rigoureux et inexorable dont l’hybrideur n’aura plus qu’à attendre le résultat. Il est un peu dans la situation du tireur qui, un fois qu’il a appuyé sur la détente, ne sait pas exactement si la cible sera atteinte, à quel endroit elle le sera et quelle sera la conséquence de son tir. L’hybrideur comme le tireur ont, bien entendu, un projet, une intention. Mais il y a loin entre ce projet et sa réalisation.

Il y a dans tout cela une part de hasard qui affecte à peu près tous les stades de l’opération.

Hasard il y a dans la décision de l’hybrideur de choisir tel ou tel thème de recherche : il avait tous les choix possibles, il en a retenu un, pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ? Certains diront peut-être que le choix résulte d’une profonde réflexion et que, dans ce cas, parler de hasard est un peu excessif, néanmoins, parce qu’on appelle hasard ce qui comprend tellement de paramètres qu’on est incapable de les dénombrer et de les maîtriser, et que dans la décision d’une personne il y a une infinité de raisons que la personne elle-même ne maîtrise pas totalement.

Hasard il y a dans le choix des parents. Cela peut paraître discutable car l’hybrideur choisit ses géniteurs avec beaucoup de minutie, mais le hasard intervient néanmoins : telle plante à laquelle il avait pensé n’a pas bien poussé, ou n’est pas fleurie au bon moment. Il va donc modifier son projet, choisir une autre variété que celle envisagée en premier lieu, ou bien il va différer son hybridation, mais dans ce cas il va ajouter un nouvel hasard au précédent : par exemple les conditions météorologiques ne seront plus tout à fait les mêmes au moment où il réalisera son croisement et la réussite de celui-ci sera peut-être remise en cause…

Hasard il y a dans les conditions de la végétation du semis. Les capsules arriveront-elles à maturité ? Les graines seront-elles saines, germeront-elles ? Toutes les graines ne germeront pas, c’est certain, les plantules issues des graines ne donneront pas toutes un iris adulte et c’est bien le hasard qui fera que telle ou telle plante parviendra à la première floraison.

Un hasard encore plus insondable agira dans le mélange des gènes des deux iris parents. Le choix des parents influe, bien entendu, sur les résultats, mais l’hybrideur ne maîtrise pas tout ce qui entre dans les associations de gènes. Depuis qu’on pratique sérieusement l’hybridation, il y a plus d’une vingtaine de générations qui se sont succédées et bien malin serait celui qui pourrait dire le nom de toutes les variétés qui ont été mêlées. Sans parler des espèces initiales qui ont été brassées, croisées et recroisées d’une façon aujourd’hui inextricable.

Le hasard interviendra encore au stade suivant, quand l’hybrideur devra faire un choix parmi ses jeunes semis pour ne conserver que ceux qu’il considérera comme le ou les meilleurs.

En fait, la nécessité ne va être présente que dans le processus qui va conduire les grains de pollen vers l’ovaire de la fleur, puis dans l’union des cellules, leur multiplication, leur différentiation, jusqu’à l’apparition de la nouvelle plante. Mais même dans ce processus où la nécessité est prépondérante, le hasard se réserve une part : quel grain de pollen, par exemple, parmi tous ceux que l’hybrideur aura déposé sur le stigmate, parviendra à féconder la plante réceptrice ?

L’apprenti sorcier ne sait pas comment faire cesser le sortilège qu’il a déclenché. L’hybrideur, lui, n’entend pas faire cesser le phénomène qu’il a mis en œuvre, mais pas plus que le maladroit, il n’aura dans la main les conséquences de son geste.

Et pourtant !

Pourtant, cette accumulation de hasards aboutira a quelque chose qui aura été voulu et qui correspondra en tout ou partie au projet initial. L’hybrideur aura obtenu quelque chose qui ne sera pas forcément l’exact reflet de ce à quoi il avait rêvé, mais qui correspondra grosso modo à ce qu’il espérait. En cela on peut dire que le hasard fait bien les choses !
DANS LA MOUSSELINE

Mousseline de soie se dit en anglais « chiffon ». C’est la seule qui trouve grâce aux yeux des hybrideurs. « Muslin », qui désigne la mousseline de coton, n’est pas assez noble pour les intéresser !

Connaissez-vous :
ANGEL CHIFFON ( Rudolph 75)
BLUE CHIFFON (Schreiner 66)
CHIFFON RUFFLES (Ernst 91)
FLORAL CHIFFON (Gatty 90)
HONEY CHIFFON (Schreiner 71)
ORANGE CHIFFON (Smith E. 69)
PEARL CHIFFON (Varner 72)
YELLOW CHIFFON (Rudolph 65)

Il y en a pour tous les goûts.
Mais la mousseline semble un peu démodée aujourd’hui, du moins chez les obtenteurs d’iris.