27.5.06


PER LA FLOR DEL LLIRI BLAU

Le compositeur espagnol Joaquin Rodrigo est plus connu pour son « concierto d’Aranjuez » que pour son poème symphonique « Per la flor del lliri blau », qui se traduit du catalan au français par « Pour la fleur du lis bleu », c’est pourtant de celui-ci qu’il va être question aujourd’hui. Il est basé sur une sombre légende médiévale de la région de Valence, qui raconte comment les trois fils d’un roi mourant partent à la recherche du lis bleu dont les pouvoirs magiques pourraient sauver leur père. C’est le plus jeune des trois qui découvre la fameuse fleur, mais il est tué par ses frères qui veulent garder pour eux la gloire d’avoir rapporté le miraculeux remède. Je ne crois pas qu’il existe de lis bleu. Mais sans doute la légende fait-elle la même confusion que celle qui, en France, assimile lis et iris. Le légendaire lis bleu devait donc être un iris.

Mais de quel iris peut-il s’agir ? J’ai relevé six espèces d’iris bleus poussant spontanément en Espagne. Cette chronique va donc être l’occasion de faire un peu connaissance avec ces six espèces.

Commençons par parler de l’iris d’Algérie, I. unguicularis Poiret 1785. C’est sans doute l’espèce la plus connue, parce que la plus commune. Elle se rencontre spontanément en Espagne où elle trouve la douceur climatique qui lui convient et lui permet de développer ses fleurs bleues, parfumées, qui égaient nos jardins l’hiver. Mais est-ce l’espèce que les trois frères de la légende sont partis chercher ? Sans doute pas, car ce n’est pas une espèce rare. Elle n’est donc pas entourée du mystère que confère la rareté.

Serais-ce le cas de I. lutescens Lambert 1789 ? Voilà une espèce de la famille des pumilas, ces iris nains qui sont à la base de nos SDB hybrides, qui produit des fleurs aux pétales largement développés au-dessus de sépales petits et recourbés. Elle existe en plusieurs couleurs, dont le bleu, mais cela n’est pas sa couleur principale puisque quand on parle de I. lutescens on voit plutôt des fleurs jaunes. Certes cette espèce est présente en Espagne, mais ce n’est pas sur elle que je parie.

Pourquoi pas, alors, I. iberica var. elegantissima Fedorov/Takhtadjian 1915 ? Voici une espèce fort bien nommée pour une plante espagnole, mais, même si c’est une plante superbe, avec la classe indéniable propre aux iris oncocyclus et l’étrangeté qui peut porter à la légende, je ne crois pas que cela soit celle-là que les trois frères aient recherchée. En effet cette toute petite plante, dotée de fleurs plutôt grandes et toujours vivement colorées, n’est que très rarement dans les tons de bleu : elle affectionne en revanche les tons de blanc et de brun, avec des styles curieusement couchés sur les sépales, noirs, et qui lui donnent un vague air de museau de babouin.

Si ce n’est ce dernier, peut-on alors imaginer qu’il s’agisse de Xiphium vulgare Linné 1753, la base de la famille des Xiphium, connue vulgairement sous le nom d’iris d’Espagne ? Voilà une plante de bonne taille (60 cm) qui pousse dans les sols secs qu’on rencontre entre autre autour de Valence et qui se distingue par des fleurs souvent bleues et marquées d’un signal jaune. As-t-on trouvé le «lliri blau » qui a inspiré Joaquin Rodrigo ? C’est peu probable. Il ne s’agit pas d’une plante rare, elle est assez voyante, compte tenu de sa taille, et elle n’est pas forcément bleue… Le bleu, c’est plus précisément la couleur d’un autre Xiphium, le célèbre X. latifolium P. Miller 1768, l’iris bulbeux des Pyrénées, qui a été transporté en Grande Bretagne et s’y est si bien développé qu’on l’appelle communément l’Iris d’Angleterre. Mais cet iris-là aime les prairies de montagne humides et acides. Il est donc fort peu probable qu’il ait été un jour présent dans la région de Valence…

La légende valencienne ne serait-elle donc que légende ? N’y a-t-il pas d’iris bleu à proximité de la Méditerranée, dans le Sud de l’Espagne ? Ce serait oublier Juno planifolia Ascherson/Graeber 1906 (voir photo)(1). C’est une toute petite plante (pas plus d’une dizaine de centimètres) dont les fleurs s’épanouissent dès la fin de l’hiver, on l’appelle d’ailleurs en Espagne l’iris de Noël. Elles sont d’un bleu doux, lilacé, marquées de bleu plus vif sur les sépales et finement veinées de jaune. Elles se dissimulent sous le feuillage et se signalent alors surtout par leur délicat parfum. De là à penser qu’il se pourrait bien qu’elles soient ces lis bleus dont parle la légende, il n’y a pas loin, et, personnellement, je franchis le pas ! Les trois frères qui voulaient sauver leur père ont du découvrir, quelque part au-dessus de Valence, cette petite merveille à l’exceptionnel parfum. Mais l’amour filial n’a pas été la motivation principale des deux aînés. Ils ont commis l’irréparable pour tirer un égoïste et dérisoire profit de la découverte de leur cadet.

Aujourd’hui, quand on aime à la fois les iris et la musique, on a le bonheur de profiter à la fois de Juno planifolia et de « Per la flor del lliri blau ».

(1) Le photographe, Robert F. Hamilton, est un spécialiste des iris botaniques, domicilié en Tasmanie.
L’IRIS ROUGE
(décryptage)

On ne peut pas toujours parler doctement de choses qui sont passionnantes, mais qui peuvent paraître austères.

L’idée du « Coup de génie du professeur Van Hook » m’est venue à la lecture du commentaire de John Vanhook (le vrai) sur la photo truquée qu’il a diffusée sur le réseau « Iris-Photo » de Yahoo. J’ai donc inventé une histoire, façon scoop, mettant en scène un iris rouge carmin. La supercherie, ou plutôt le canular, digne d’un premier avril, comme certains l’ont dit, devait être déjouée rien qu’à la lecture des noms donnés aux personnages : April Fish, la journaliste enthousiasmée, qui cace mal son nom de poisson, Suvy Radulian, le soi-disant expert, anagramme de mon propre nom, le professeur Kanularenko, transposition limpide du professeur Rodionenko, et Ben Kraziensky, derrière lequel il y a le mot « crazy ». Celui-ci ajoutait une allusion aux expériences tentées sous la direction de Richard Ernst, à l’Université de l’Oregon. Quant au procédé de « photoshoping », il ne dissimule guère le logiciel « Photoshop » dont s’est servi, avec une remarquable maîtrise, l’auteur de la photo truquée.

Il y a actuellement trois voies de recherches de l’iris rouge, j’en ai parlé ici même. Aucune n’a encore abouti.

Mais si mes lecteurs se sont amusés, j’aurai, quant à moi, réussi mon affaire !
RÉCRÉATION
Réponse à la question de la dernière parution :
La variété obtenue par Keith Keppel est VIENNA WALTZ.

26.5.06

RÉCRÉATION
(Réponse au jeu de la dernière parution)

La variété récente de Keith Keppel est VIENNA WALTZ.
RÉCRÉATION

Réponse au jeu de la dernière parution :

La variété récente de Keith Keppel est VIENNA WALTZ.
JEU
Réponse au jeu de la dernière parution:

La variété récente de Keith Keppel est :
VIENNA WALTZ.

13.5.06

ATTENTION

Pas d'Irisenligne la semaine prochaine, pour cause de vacances. Rendez-vous le 26 mai !

LE COUP DE GÉNIE DU PROFESSEUR VAN HOOK

(à la manière de la presse magazine)

Assiste-t-on à une révolution ? « Le travail de John VanHook a été formidable » s’extasie April Fish, responsable de la section ‘végétaux’ du Laboratoire de Biologie de l’Arkansas, « il a réussi là où tout le monde a échoué jusqu’à aujourd’hui ». L’admiration de cette chercheuse n’a d’égale que celle de Suvy Radulian, son collègue du SCIBT (South California Institute for Bio Diversity), à Beaumont, qui, lui, parle de « coup de génie ».

De quoi s’agit-il, qui déclenche ainsi les dithyrambes de la grande famille des chercheurs ? Tout simplement de la création d’un iris rouge ! Et pas seulement un iris vaguement bordeaux ou brique, comme il en existe tant de nos jours, mais d’une fleur absolument rouge, et qui porte donc bien le nom que lui a donné son créateur : « FIRE ENGINE ».

« Quand il a fleuri pour la première fois, j’ai ressenti la plus grande excitation de ma vie » déclare John Vanhook, le père de la merveille. « Dès que j’ai vu que la couleur rouge était réellement présente à l’extrémité des tépales qui émergeaient du bouton, je me suis dit que cela y était, que j’avais enfin l’iris rouge ! » John Vanhook frissonne encore quand il évoque la nuit qu’il a passée devant sa fleur, à guetter la lente extraction de la fleur d’entre les plis parcheminés des spathes. D’heure en heure il a vu son iris rouge s’élever peu à peu , puis les sépales s’écarter brusquement, dégageant les pétales, d’un rouge éclatant, qui se déployaient gracieusement au dessus des sépales du même rouge poudré de rubis.

Cependant tout le monde ne partage pas l’enthousiasme d’April Fish ou de Suvy Radulian. C’est le cas de Rodion Kanularenko, le fameux iridologue biélorusse, qui se demande « si derrière tout ça il n’y a pas une formidable supercherie ». Il ajoute : « La pélargonidine n’est pas présente dans les iris. Comment M. Vanhook a-t-il pu obtenir un rouge aussi pur et saturé (voir photo) ? » C’est aussi l’interrogation de Ben Kraziensky, l’un des physiciens de l’Université de l’Etat d’Oregon, qui a travaillé plusieurs années sur un projet similaire : « La découverte de cet inconnu est trop belle pour être honnête » accuse-t-il sans ambages. Autrement dit, l’iris rouge de John Vanhook relèverait de l’imposture. Querelle de jaloux ? Doutes sincères de scientifiques perplexes ? Allez savoir !

Qui, en dehors de son créateur, a réellement vu, de ses yeux vu, l’iris rouge FIRE ENGINE ? Suvy Radulian affirme qu’il a pu l’approcher, mais il est le seul à être aussi affirmatif. « Je n’ai eu en main qu’une vidéo » avoue April Fish. L’obtenteur, John Vanhook, lui, refuse de montrer son iris au public, « pas avant que tous les problèmes de propriété commerciale aient été résolus » dit-il, pour expliquer le maintien au secret de la plante miracle. Mais il n’est pas chiche d’explications sur sa démarche et le processus mis en application.

« J’ai remarqué, a-t-il déclaré lors de sa dernière conférence de presse, que l’espèce I. versicolor kermisina avait des fleurs d’un rouge pourpre chaud, qui pouvait contenir le pigment rouge nécessaire à l’obtention d’une fleur de cette couleur. J’ai extrait ce pigment par pompage, puis je l’ai introduit, selon un procédé que je dois garder secret pour l’instant, dans un iris glaciata absolument blanc. » Il ne s’étend pas davantage sur les phases intermédiaires entre l’application du pigment et l’éclosion de la fleur rouge. Il se contente de baptiser ce processus le « photoshoping », ce qui laisse incrédule beaucoup de scientifiques et d’iridologues avertis.

Quoi qu’il en soit, les images qui nous ont été présentées ne laissent personne indifférent, et dans la salle de conférence où a eu lieu la projection, les exclamations d’étonnement et d’admiration ont couvert un long moment les paroles de John Vanhook. Les lecteurs de notre journal pourront apprécier à leur tour grâce à la photographie que nous publions.
EH BIEN ! VALSEZ MAINTENANT

Tous ceux qui s'intéressent un peu aux nouveaux grands iris sauront sans doute répondre au questionnaire d'aujourd'hui :
Touver parmi les cinq propositions, celle qui correspond à une obtention récente de Keith Keppel :

BANDEIRA WALTZ
BLUE SKIRT WALTZ
CHAMPAGNE WALTZ
GRAND WALTZ
VIENNA WALTZ
PASSEPORT 5 (réponses)

Vous avez trouvé les réponses aux questions de la semaine dernière ? Oui ? Non ?
Quoi qu’il en soit, vous pouvez contrôler ici l’exactitude de vos réponses.

QUESTION 41
I. kaempferi est l’ancienne dénomination de I. ensata (qu’on appelle communément « iris du Japon ».

QUESTION 42
Il s’agit d’un croisement entre iris Aril et Pogoniris. Ces hybrides ont aujourd’hui ¾ de sang Aril et ¼ de sang Pogoniris.

QUESTION 43
Le phénomène décrit dans la question est appelé « blooming out ».

QUESTION 44
La maladie des taches du feuillage des iris est l’hétérosporiose.

QUESTION 45
Un « variegata-plicata » est un iris qui a des pétales jaunes (ou d’un ton tirant vers le jaune) et des sépales qui, sur fond blanc ou jaune, portent les dessins caractéristiques des plicatas (pointillés de couleur violette, brun ou grenat).

QUESTION 46
La variété photographie sur la jaquette du livre est CREME GLACÉE (Cayeux 94).

QUESTION 47
Deux variétés Keppel ont obtenu la D.M. : BABBLING BROOK et CROWNED HEADS.

QUESTION 48
Les obtentions de Jean Peyrard sont commercialisées par Iris au Trescols.

QUESTION 49
IKAR est une obtention de Adolf Volfovitch-Moler, de nationalité ouzbek.

QUESTION 50
La variété en question s’appelle STARWOMAN (M. Smith).

ICI S’ACHÈVENT LES ÉPREUVES DU PASSEPORT POUR LES IRIS.

5.5.06


A LA RECHERCHE DE L’IRIS GRIS

On ne peut pas dire qu’en matière de couleur d’iris le gris soit particulièrement vendeur ! Cette couleur n’est pas celle qui va déchaîner les passions comme le fait la recherche de l’iris rouge. C’est donc le plus souvent fortuitement qu’un iris gris est sélectionné par un obtenteur car je ne crois pas qu’il y en ait qui se soit lancé dans un véritable programme de sélection dans ce coloris. C’est un peu pour ça que je m’intéresse à un tel projet, parce que je n’ai aucune préoccupation commerciale et que je n’agis que par curiosité. Mais mon activité d’hybrideur est tellement infime que je n’ai guère d’illusion quant à l’aboutissement de cette recherche !

On pourrait commencer par définir ce que l’on entend par iris gris. Le gris, théoriquement, est un mélange de noir et de blanc, qui va du blanc cassé au gris anthracite. Mais on appelle également gris le mélange précédent lorsqu’il contient une part de bleu ou de mauve, voire de brun et même de rose. Autant dire que les gris sont multiples ! En plus il faudrait ajouter à ce panel les couleurs qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas nettes ou franches. Le cas n’est pas rare chez les iris, où bien souvent des semis présentent une couleur sale, boueuse, qui n’a en principe rien d’élégant. Ces plantes sont en général rejetées, mais certains hybrideurs, pour différentes raisons, en retiennent quand même. Quelque fois cela donne un effet fumé, d’autres, une teinte brumeuse qui confère de l’étrangeté à la fleur…

Mais l’iris gris vraiment gris est rare, il en existe néanmoins un certain nombre qui méritent que l’on parle d’eux. Cette chronique leur sera donc consacrée. L’un des tout premiers se nomme HOLY SMOKE (E. Smith 57). Génétiquement, c’est un mélange de bleu et de brun. Cela donne une fleur gris-mauve, marquée de brun aux épaules, avec une barbe orange brûlé. Gris aussi, mais plus clair et avec une fleur mieux formée, est RAIN FOREST (Plough 66) ; l’effet gris est obtenu par superposition du jaune pâle un peu vert du fond, et du mauve qui est plus nettement visible au cœur. Cependant l’iris de cette époque que je trouve absolument gris, c’est une variété italienne, obtenue dans les années 60 par une amatrice, Gina Sgaravitti, qui ne l’a jamais enregistré. Il s’appelle BEGHINA, et, malheureusement, je ne connais pas son pedigree. Je l’ai trouvé dans les trésors d’un vieux collectionneur, Noël Guillou, un jour que j’allais visiter son adorable jardin, au pied des Causses. J’ai été enthousiasmé par cette couleur si peu ordinaire, et dès l’automne suivant je l’ai planté chez moi. Il y est toujours et, malgré ses fleurs qui avouent leur âge, je l’aime toujours autant (voir photo).

Après celui-ci, vint FOGGY DEW (Keppel 69), qui a les pétales blanc grisé et les sépales avec dessins plicatas mauves, mais ce n’est pas un pur gris. Plus représentatif est GHOST STORY (Ghio 75). C’est une fleur vraiment grise, fortement marquée de chartreuse aux épaules et sur les côtes des pétales. Les barbes sont jaune moutarde. Joë Ghio a souvent retenu des iris aux coloris peu courants, comme ses verts PISTACHIO (74) ou AL FRESCO (81), ou ses bruns comme COFFEE HOUSE (77) et FLARE UP (78).

Dans les années 80 j’ai remarqué deux variétés grises : FORBIDDEN (R. Dunn 80) et LAMIA (Hager) 81. Le premier est une version rajeunie de GHOST STORY, avec les mêmes infusions chartreuse ; le second et plus colorés, dans les tons de mauve grisé, avec, également, des épaules chartreuse et, en plus, des éperons mauves de belle taille. BATEAU IVRE (Anfosso 82) est de la même veine : il n’a pas d’éperons, mais une brillante flamme bleue sous les barbes.

Le domaine des iris gris s’est enrichi au cours des années 90. Le plus remarquable, peut-être, est TRAITOR (Jameson 93), orné d’une superbe barbe bleu vif. Jack Durrance, avec PEWTER TREASURE (94) a obtenu un iris du gris de l ‘étain (comme son nom le laisse à penser), influencé de vert, mais l’iridophile curieux ne saura jamais quels étaient ses parents puisque son pedigree a été perdu. La même année, Adolf Volfovitch-Moler, du fond de l’Ouzbékistan nous a envoyé VECHERNIAYA SKAZKA (97) qui est un gris-mauve avec barbe orange, bien représentatif du travail de son obtenteur. Trois autres iris bien gris nous viennent des USA : OFF COLOR JOKE (P. Black 97), LET IT RIDE (Schick 98) et GHOST (Dyer 99). Très proches les uns des autres, ils font partie de la famille dans laquelle on a déjà trouvé FORBIDDEN et GHOST STORY, c’est à dire celle des gris additionnés de jaune ou de brun aux épaules et sur les côtes. Il ne s’agit cependant pas d’une famille à proprement parler car leurs liens parentaux sont ténus, voire inexistants, ce qui tend à démontrer qu’un iris gris est plus le fait du hasard que de la recherche génétique.
Tom Burseen, réputé pour l’originalité des couleurs de ses iris (autant que pour les jeux de mots vaseux qu’il utilise souvent pour les nommer), a produit OZONE ALERT (97), proche des précédents, dans une teinte gris clair à peine bleuté, un coloris un peu inquiétant, comme le phénomène auquel son nom fait allusion. De son côté, Clarence Mahan a enregistré en 2003 ce qui me paraît être une proche réplique de mon cher BEGHINA. Celui-là, qui n’a pas basculé du côté obscur de la Force, s’appelle OBI-WAN KENOBI. Comme BEGHINA il a cette base gris perle, surtout présente sur les pétales car les sépales sont imprégnés de gris-bleu, et ces barbes franchement jaunes. Dans le pedigree d’OZONE ALERT, comme dans celui de OBI-WAN KENOBI, on trouve une alliance de bleu et de jaune, avec du pourpre chez le premier, et du gris –déjà – chez le second, en la personne de JOAN’S PLEASURE (Zurbrigg 92).


Beaucoup d’iris qualifiés de gris, tirent en fait soit vers le mauve, soit vers le vieux rose ou rose isabelle. C’est ce qui arrive quand on force la saturation des couleurs. Pour maintenir un véritable gris, il faut rester dans les teintes légères. C’est un équilibre difficile à tenir, et c’est ce qui rend la recherche intéressante. Y a-t-il de vrais hybrideurs pour tenter cette aventure ? L’un d’entre eux, au moins, semble s’y intéresser : il s’agit de Bruce Filardi, qui n’est pas encore professionnel mais qui a une grande expérience des iris, par le fait en particulier de son activité de rédacteur du Bulletin de l’AIS. Parmi ses tous premiers enregistrements figurent deux iris gris, PEWTER AND GOLD (04) et DUGLY UCKLING (05). Ces deux variétés sont arrivées l’été dernier dans mon jardin ; je vais pouvoir les apprécier dès ce printemps.
PASSEPORT (5)

Est-ce que vous méritez votre passeport pour le petit monde des iris ?

Si vous répondez aux questions suivantes, pas de doute. Sinon, pas de quoi s’affoler, pour atteindre le petit monde des iris, il suffit de lire IRISENLIGNE !

Voici la cinquième et dernière série de questions.

QUESTION 41

Qu’appelait-on autrefois Iris kaempferi ?

QUESTION 42

Qu’appelle-t-on Arilbred ?

QUESTION 43

Comment désigne-t-on communément le phénomène qui fait qu’un iris ne développe qu’un seul bouquet de feuilles, avec une seule tige florale, et qu’il dépérit aussitôt après la floraison ?

QUESTION 44

Quel est le nom de la maladie des taches du feuillage des iris ?

QUESTION 45

Quelle est la description d’un « variegata-plicata » ?

QUESTION 46

Quel est le nom de la variété qui illustre la jaquette du livre de Richard Cayeux « L’Iris, une Fleur Royale » ?

QUESTION 47

Combien de Médailles de Dykes ont été jusqu’à présent attribuées à des variétés obtenues par Keith Keppel ?

QUESTION 48

Quel est le producteur qui diffuse les variétés obtenues par l’amateur français Jean Peyrard ?

QUESTION 49

De quelle nationalité est l’obtenteur de IKAR, la variété qui a obtenu le Florin d’Or en 95 ?

QUESTION 50

Quel est le nom de l’iris intermédiaire qui a remporté la Hans and Jacob Sass Medal en 2005 ?
PASSEPORT 4 (réponses)

Vous avez trouvé les réponses aux questions de la semaine dernière ? Oui ? Non ?
Quoi qu’il en soit, vous pouvez contrôler ici l’exactitude de vos réponses.

QUESTION 31
I. sintenisii
appartient à la série des Graminae, de la section Xyridion.

QUESTION 32
I. japonica
, comme tous les Crossiris, autrefois appelés Evansia, développe une sorte de crête sur les sépales.

QUESTION 33
« Iris de Suse » a pour nom latin Iris suziana. C’est un Oncocyclus, de la section Hexapogon. C’est un très curieux iris avec, sur un fond blanc, de fines veinures brun pourpré, plus denses sur les sépales.

QUESTION 34
Iris de Grèce est une dénomination de fantaisie.

QUESTION 35
I. pallida
comporte 24 chromosomes (diploïde).

QUESTION 36
Lloyd Zurbrigg a consacré sa vie aux iris remontants, et notamment aux plicatas remontants.

QUESTION 37
La seconde distinction anglaise se nomme le Fothergill Trophy.

QUESTION 38
Il s’agit de LUCINOU (78), un iris violet pourpré obtenu par André Brun, de Malesherbes (Loiret).

QUESTION 39
On parle le plus souvent d’iris « broken color ». Je prêche personnellement pour le terme « maculosa ».

QUESTION 40
Il s’agit de STEPPING OUT (Schreiner 64 – DM 68).
LES LEÇONS D’IRIS DANS UN PARC

Un parcours initiatique dans des jardins imaginaires

Sixième leçon : les iris arilbreds

Les visiteurs arrivent aux Augustins en remontant l’étroit vallon creusé par un ruisseau qui se hâte de rejoindre la rivière. L’allée principale longe un épais bosquet qui a gardé un air sauvage, avant de déboucher devant la demeure, sur une large esplanade sablée. Un petit bassin ovale, animé par un jet d’eau, précède une vaste pelouse qui commence par faire un peu le gros dos avant de s’incliner doucement vers la falaise. Au-delà de la chute abrupte du plateau, la Vienne déploie sa courbe souple et grise, et sur l’autre rive, le coteau vert sombre barre l’horizon. Un peu sur la gauche, le regard est attiré par la pointe rocheuse en fer de lance que domine la formidable forteresse médiévale de Chinon.

Quand le docteur S., chimiste renommé, a pris sa retraite, il s’est installé à plein temps dans la gentilhommière où il ne venait jusque là que pour de courtes vacances. Il ne s’est pas contenté de contempler à longueur de journée l’extraordinaire panorama qui se déroulait sous ses yeux. Il a fait de son parc une délicate mosaïque fleurie, qu’il prend plaisir à faire visiter aux nombreux amateurs qui sonnent à sa grille. Quant aux serres, à l’abri de grands charmes et de chênes, elles hébergent plusieurs collections de plantes précieuses.

LE DOCTEUR S. : « Suivez-moi ! Je vais vous emmener voir mes iris arilbreds. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Bien volontiers ! »
LE DOCTEUR S. : « Si vous voulez savoir pourquoi j’ai choisi de collectionner ces iris, je vous dirai que c’est par défi. On me disait qu’il s’agissait de plantes délicates, capricieuses, gourmandes… Tant mieux, me suis-je dit, il n’y a rien qui m’excite comme quelque chose de difficile. Vous savez, je suis juif, originaire d’Europe de l’Est, et des obstacles, j’ai du en franchir des centaines ! J’ai surmonté la plupart. Alors, un de plus… »
L’AMATEUR D’IRIS : « Et vous avez triomphé une fois de plus ! »
LE DOCTEUR S. : « On a raison de dire que la culture des arils n’est pas facile ! Ils proviennent du Moyen-Orient, et les conditions climatiques que nous leur imposons sont fort éloignées de celles pour lesquelles ils ont été conçus. Heureusement les arilbreds sont un peu plus arrangeants, grâce au sang de pogoniris qu’on leur a injecté. J’ai essayé de les cultiver en pleine terre, sur cette pente, pour qu’ils soient dans un sol particulièrement bien drainé. J’ai allégé la terre avec beaucoup de tourbe et d’humus. Mais je n’ai pas réussi. Malgré une bonne protection de fougères sèches, ils ont gelé dès le premier hiver… J’ai alors fait agrandir la serre et j’ai recommencé en les plantant dans de grands pots, que je sors l’été : ici les étés sont le plus souvent torrides et très secs, cela leur convient ! »
L’AMATEUR D’IRIS : « Il y a pourtant plus d’un siècle que les Anglais ont commencé à réaliser des arilbreds. »
LE DOCTEUR S. : « Oui, grâce à Michael Foster. Mais ces hybrides étaient stériles pour la plupart et ce n’est pas par simple multiplication végétative qu’on arrivera à répandre une nouvelle plante à travers le monde. Il faut pouvoir créer des nouveautés ! Il a fallu attendre les années 20 et l’apparition des iris de Mohr pour que les arilbreds reprennent leur progression. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Votre collection contient des variétés de cette époque ? »
LE DOCTEUR S. : « Oui ! J’ai LADY MOHR, ELMOHR (le seul aril à avoir jamais obtenu la médaille de Dykes) et aussi le fameux CAPITOLA (Reinelt 40) ! Je vais vous les montrer. »
L’AMATEUR D’IRIS : « J’ai l’impression que les arilbreds présentent davantage de traits d’arils que de traits de pogoniris. »
LE DOCTEUR S. : « C’est normal : les arilbreds de valeur sont ceux qui sont au trois-quarts arils. La plante est très proche des arils d’origine, mais la fleur ressemble beaucoup à celle d’un grand iris, avec cet œil brun, sous les barbes, qui fait toute la beauté de ces hybrides. »
L’AMATEUR D’IRIS : «Mais les plus nombreux sont tout de même des ‘demi-sang’. »
LE DOCTEUR S. : « Exact ! Parce que ce sont les plus fertiles et aussi les plus robustes. Ils résistent, notamment, mieux aux maladies et aux virus. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Ce qui m’intéresserait c’est que des plantes ayant les caractéristiques des grands iris présentent les associations de couleur et le signal sombre des arils. »
LE DOCTEUR S. : « Je crois que c’est en chemin, mais le travail n’est pas encore achevé. Ne désespérez pas ! Avec les grands iris, on est maintenant sur le point d’avoir des iris rouges ; pourquoi n’aurait-on pas bientôt des iris à signal noir ? »
L’AMATEUR D’IRIS : « J’en rêve ! »
LE DOCTEUR S. : « Ceux que je préfère sont les nouveaux hybrides blancs, ou amoenas. Comme le ZAZOU, de chez les Anfosso, ou celui que je trouve le plus novateur de ces dernières années, je veux parler de SHEBAH’S JEWEL, de Howard Shockey, tout blanc, avec un gros signal grenat, bien net. Le voilà ! … A côté, c’est un autre Shockey : DESERT FURY, comme du satin grenat… J’aime moins CONCERTO GROSSO, que voici. Mais c’est une variété allemande, et elle a été récompensée aux USA, ce n’est souvent qu’un tel événement ce produit ! Harald Mathes avait déjà manqué de peu la première place avec son ANACRUSIS, en 2003. Ce bleu, là, c’est MOHR PRETENDER ; il date de 78 et marque une avancée dans cette couleur. Et puis voici CHOCOLATE MINT, de Richard Tasco, le vainqueur de la Clarence G. White Medal, cette année : un amoena acide, qui me plait bien. »
L’AMATEUR D’IRIS : « Votre collection est superbe. Combien de variétés cultivez-vous ?
LE DOCTEUR S. : « Une vingtaine, je crois. Mais je n’irai pas beaucoup plus loin. Je vais plutôt m’orienter maintenant vers l’hybridation. Jusqu’à présent je me contentais des iris des autres, je vais essayer de fabriquer les miens !»

Le Docteur S. et son visiteur se sont encore attardés devant quelques autres variétés et en particuliers les anciens LADY MOHR (Salbach 43), mauve parme et jaune olive tout piqueté de brun, et ELMOHR (Loomis 42) aux grosses fleur rouge foncé. A regret, ils ont pris le chemin du retour, s’attardant un moment à admirer le panorama qui s’étendait à leurs pieds.